Prétorien N° 37 1e Trm 2016
Période trouble, trop souvent idéalisée, l'Antiquité est marquée par une incroyable succession de guerres fratricides. Ce fut particulièrement le cas dans les années qui suivirent la disparition d'Alexandre le Grand lorsque ses généraux se partagèrent son vaste empire. C'est dans ce contexte que Pyrrhos, soutenu par Ptolémée Ier, nouveau maître de l'Egypte, parvient à récupérer le royaume de son père, l'Epire, à l'ouest de la Grèce continentale.
Ambitieux, bon stratège, Pyrrhos Ier débarque dans le sud de l'Italie où, officiellement défenseur des cités grecques, il s'oppose aux Romains, alors en pleine expansion. Peut-être grâce à ses trente éléphants, une première pour les légions romaines, il remporte deux brillantes victoires à Héraclée et à Ausculum. Mais, très affaibli par ses pertes, Pyrrhos ne peut tirer profit de son avantage et doit se retirer. Cette "victoire à la Pyrrhus" est restée dans notre langage ; l'expression trouvera bien vite à s'employer dans des domaines très variés.
D'ailleurs, quatorze siècles plus tard, en prenant Antioche dans des conditions humainement inacceptables (voir Prétorien n° 36), les croisés ont bien failli connaître à leur tour une victoire à la Pyrrhus. Fortement affaiblis par les longs mois de siège, ils doivent à leur tour subir les assauts de l'armée turque de Kerbogha. Leur seul espoir réside dans une défaite honorable quand un moine fait état de visions qui révèlent que la sainte lance se trouve, à Antioche justement, dans la cathédrale Saint-Pierre. Galvanisés par la précieuse relique rapidement découverte, les croisés tentent une incroyable sortie qui surprend les Turcs par son ampleur. Malgré leurs pertes, ils ne faiblissent pas et mettent en péril les assiégeants. Accumulant les erreurs et poussée à la panique, l'armée de Kerbogha est contrainte de se replier.
Un siècle plus tard, c'est au tour de Richard Coeur de Lion de remporter une victoire à la Pyrrhus. En Normandie, le traité qu'il vient de signer au lendemain du siège de Gaillon lui garantit une pause dans sa guerre avec le roi de France. Craignant d'ouvrir la route de Rouen à son rival, il fait édifier en un temps record l'inexpugnable Château-Gaillard qui doit fermer la Normandie aux Français. Hélas, la pause est de courte durée et le roi d'Angleterre, mortellement blessé au siège du château de Châles-Chabrol, décède quelques jours plus tard, offrant involontairement un prétexte à la reprise des hostilités. Philippe-Auguste engage le siège de Château-Gaillard. Au terme de six mois de difficiles combats, la forteresse tombe aux mains des Français, leur ouvrant la route vers l'ouest. Trois mois plus tard, Rouen doit se rendre ; les Anglais sont rapidement évincés et la Normandie est rattachée au domaine royal.
Prétorien vous invite à redécouvrir plus en détail ces victoires à la Pyrrhus mais aussi, au travers de ses rubriques habituelles, bien d'autres aspects des luttes de l'Antiquité et du Moyen Age.