Gloire et Empire n° 77 Mars et Avril 2018
Le tournant d ela Bataille de la Moskowa
Dans la première partie de la campagne de Russie, celle qui mène Napoléon jusqu'à Moscou, une bataille a particulièrement retenu l'attention des historiens. Pour la première fois depuis le passage du Niémen, la Grande Armée parvient en effet à affronter l'armée russe qui s'était jusqu'alors systématiquement dérobée, entraînant les Français et leurs alliés toujours plus loin de leurs bases. C'est le 7 septembre, à proximité du village de Borodino et à deux pas de la rivière Moskova, que Napoléon retiendra pour le désigner, qu'a lieu cet affrontement qui a toutes les raisons d'être décisif.
Comme on pouvait s'y attendre, la bataille est spectaculaire, mettant en jeu des forces considérables, appuyées par une extraordinaire artillerie. Face à des Russes protégés par des fortifications sommairement bâties sur un terrain vallonné soigneusement choisi, les Français et leurs alliés, en nette supériorité numérique, obtiennent rapidement leurs premiers succès. Mais la défense russe est particulièrement acharnée et les attaquants mettent beaucoup de temps à faire la différence. Dans les deux camps, les victimes sont très nombreuses et il faut des actes de courage insensés pour qu'enfin tombent les dernières défenses. Au final, la victoire est incontestablement française mais elle est bien trop chèrement acquise et l'armée russe, qui déserte le champ de bataille et fait route vers Moscou à la fin de cette terrible journée, est loin d'être complètement anéantie. En dépit de pertes énormes, elle est encore largement capable d'inquiéter l'Empereur et le prouvera quelques semaines plus tard. Il n'empêche, pour les Français et leurs alliés, la route de Moscou est désormais largement ouverte... et ils font leur entrée dans l'ancienne capitale une semaine plus tard.
L'un des moments forts de cette lutte sans merci est évidemment la charge des cuirassiers menés par le général Auguste de Caulaincourt contre la fameuse Grande redoute, pièce centrale de la défense russe. La mort du jeune frère du duc de Vicence, grand écuyer de l'Empereur, a largement marqué les esprits et nombreuses sont les représentations et les évocations de cette mort héroïque. Mais que savons-nous en réalité sur les âpres combats qui se sont déroulés autour de cette redoute que les Russes désignent souvent sous le nom de "batterie Raïevski" ? Comme fréquemment dès qu'il s'agit de témoignages humains, les récits des participants sont tellement contradictoires qu'il est difficile de s'y retrouver, chacun d'entre eux ne connaissant logiquement qu'une vue fragmentaire de l'action. Même s'il ne sera jamais possible d'éliminer toutes les zones d'ombre, les historiens russes ont confronté à notre demande toutes les sources disponibles dans les deux camps, étudié le terrain où se déroulèrent les combats et ses transformations dans le temps, pour tenter de rétablir l'enchaînement des combats menés durant cette journée autour de la Grande redoute. Le résultat est fascinant par le luxe de détails qu'il fournit : il donne la formidable impression de pénétrer au c%u0153ur des combats.
C'est une nouvelle lecture de cet épisode extraordinaire de la terrible campagne de Russie que vous offre ce numéro de Gloire & Empire.