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Tiré de cet Article Cartes Tirées ,de ce site Lors du déclenchement de l’insurrection en Algérie, plus de la moitié des effectifs de la Légion sont encore présents en Indochine, et le Dépôt commun des régiments étrangers doit panser les blessures de Diên Biên Phu avant même de prendre en compte les opérations dites de maintien de l’ordre. Le rapatriement d’Extrême-Orient des régiments achevé, un nouveau défi doit être relevé avec le regroupement des régiments implantés tant au Maroc qu’en Tunisie. Le commandement assure la transition aux moindres frais en raison des nombreux problèmes soulevés par le recrutement, l’instruction et l’emploi d’une troupe usée, fatiguée et qui doit être renouvelée au plus vite. En effet, les stigmates de l’Indochine ont creusé les rangs des régiments éprouvés par huit années de combats incessants et meurtriers. Les pertes — les plus élevées du corps expéditionnaire en Extrême-Orient — à elles seules expriment l’ampleur de l’épreuve : 37,2 % des effectifs engagés entre 1945 et 1954, soit 27 098 hommes sur 72 833. Toutefois, la tâche n’est pas de tout repos. Les séquelles de la guerre — notoirement les désertions en augmentation sensible, le renouvellement du recrutement — vont peser dans les premières mesures adoptées pour redresser la situation jugée préoccupante. Déjà, en septembre 1954, le colonel commandant le Groupement autonome de la Légion étrangère, le gale, au terme d’une dernière inspection en Indochine, s’était ouvert au général Ely, récemment nommé commandant en chef et commissaire général en Indochine. Il mettait en relief la nécessité de reprendre en main la troupe en fixant « l’objectif des chefs de corps (de Légion) de conserver au plus haut degré possible la cohésion, la discipline, l’instruction de leurs régiments, en prévoyant loin Le regroupement en terre africaineDans les premiers mois du conflit, le seul régiment implanté en Algérie, le premier régiment étranger d’infanterie (1er rei), est en mesure de lever un bataillon de marche aussitôt dirigé sur l’Ouarsenis pour la première mission de maintien de l’ordre. Les effectifs sont en partie réalisés par prélèvements dans les compagnies de passage de la « Maison Mère », les pelotons d’élèves gradés et les compagnies d’instruction de Saïda, de Mascara, du Kreider, Bedeau et Méchéria. Le repli et le regroupement des régiments encore implantés en Indochine et au Maroc s’effectuent en deux temps, compte tenu de l’évolution de la situation générale en Afrique du Nord. Les troubles en Tunisie comme au Maroc conduisent le commandement à opérer dans l’urgence des changements d’implantations des unités. La première phase touche les corps de Légion concernés par l’application des accords de Genève qui doivent évacuer le Tonkin d’abord, l’Annam ensuite, la Cochinchine enfin. La libération des prisonniers du camp retranché de Diên Biên Phu permet un premier regroupement des unités. C’est ainsi que, dès le 15 décembre 1954, un premier contingent, le 3e régiment étranger d’infanterie (3e rei), très éprouvé, diminué et affecté par une vague de désertions lors de la traversée de la mer Rouge et du canal de Suez, débarque à Alger. Les quatre bataillons sont aussitôt dirigés sur Djidjelli et Sétif avant d’être engagés dans la région d’Arris. C’est au tour du 2e régiment étranger d’infanterie (2e rei) de rejoindre Bizerte, le 23 février 1955, mais il est destiné à opérer au Maroc jusqu’à l’accession à l’indépendance du protectorat. Dès juin 1956, les légionnaires du 2 « pitonnent » en Petite Kabylie. Le 1er bataillon étranger parachutiste (1er bep) quant à lui débarque à Mers-el-Kébir le 25 mars 1955 : regroupé dans le Sud constantinois, après avoir reçu des renforts, il est transformé en régiment le 1er septembre suivant. Les retours se succèdent au cours de l’année. Le 2e bataillon étranger parachutiste (2e bep) — débarqué dans l’ouest algérien le 18 novembre — suit les traces du 1er bep quelques jours plus tard ; il est également transformé en corps régimentaire. La 13e demi-brigade de Légion étrangère (13e dble) rejoint l’Afrique du Nord entre juin et juillet 1955 avant d’être dépêchée dans le Constantinois pour participer au rétablissement de l’ordre après les massacres de Philippeville et d’El-Halia des 20 et 21 août. En novembre 1955, les légionnaires du 1er régiment étranger de cavalerie retrouvent leur ancienne garnison de Sousse abandonnée depuis 1939. Le retour du régiment du Tonkin, le 5e régiment étranger d’infanterie (5e rei), s’échelonne de février à avril 1956, alors que la guerre s’est installée dans l’ensemble du territoire algérien, plus particulièrement dans l’est. 4La deuxième et ultime phase de regroupement des unités de la Légion étrangère qui retrouvent leur terre d’élection s’effectue entre octobre 1956 et mars 1957, avec le repli du 2e régiment étranger de cavalerie (2e rec) et du 4e régiment étranger d’infanterie (4e rei), le régiment du Maroc qui abandonne définitivement les garnisons réparties entre Agadir et Midelt au sud, et Meknès et Fès au nord pour le secteur de Tebessa. Désormais, la Légion peut aligner en Algérie une dizaine de régiments et trois compagnies sahariennes portées de légion (cspl) au Sahara, réparties entre Aïn-Sefra (1re cspl), Laghouat (2e cspl) et Sebha au Fezzan (3e cspl). Une transition délicate (1955-1957)
er novembre 1954 et le 27 janvier 1956, le nombre des déserteurs en fuite s’élève à 653, soit 35 par mois et 3 pour mille contre 2,2 pour mille dans les troupes nord-africaines. La situation est plus particulièrement préoccupante au 3e rei Dans une note datée du 28 mars 1956, le colonel Lennuyeux met en garde l’état-major sur l’emploi des légionnaires qu’il juge abusif. Il lance un avertissement en s’appuyant sur les renseignements recueillis par le service d’immatriculation de la Légion (sil) et le bureau des statistiques de la Légion étrangère (bsle) : « Nous ne devons pas nous leurrer sur les sentiments du légionnaire à notre égard. Qu’on le veuille ou non, le prestige de la France est ébranlé, et il est plus difficile qu’autrefois de faire sonner les grands mots d’honneur et de fidélité dans le cœur de soldats déçus qui ont tendance à se considérer comme des mercenaires véritablement exploités. La propagande rebelle ne se fait d’ailleurs pas faute de le souligner » [. Cependant, il y a lieu, pour évaluer avec plus de précision la crise qui affecte la Légion et mesurer l’impact réel de la désertion dans les unités, de distinguer les désertions avec ou sans emport d’armes et de munitions des désertions au cours de l’instruction, traditionnellement plus nombreuses. La riposte ne se fait pas attendre. Malgré les difficultés du recrutement depuis 1954, le commandement décide de renforcer le dispositif de filtrage et de procéder à la radiation des engagés volontaires fichés selon la « cotation du degré de nocivité », dite « ods ». Le fichage permet de prévenir certaines désertions par un contrôle renforcé des candidats à l’engagement dont le passé est jugé compromettant ou dangereux pour la Légion . Alors même que les attaques contre la Légion redoublent d’intensité en République fédérale d’Allemagne — les campagnes de presse se succèdent, relayées par les initiatives au Bundestag de certains parlementaires sociaux-démocrates et des pressions exercées au sein du gouvernement Adenauer, embarrassé depuis le rapprochement avec la France dans le cadre de la politique européenne et de la coopération scientifique dans le domaine nucléaire avec l’accord de Colomb-Bechar du 12 mars 1956 , la source de recrutement germanique, Allemands et Autrichiens, ne se tarit pas : plus de 40 % des candidats en 1957 dont la moyenne d’âge est inférieure à vingt et un ans Le redressement : 1958-1960La réorganisation accompagnée du resserrement ne donne cependant pas entière satisfaction à tous les jeunes cadres. La décision prise au printemps de 1958, en pleine bataille des frontières, par le général Salan et qui concerne le redéploiement des régiments les plus engagés dans les opérations, est lourde de conséquences pour la Légion et le moral des légionnaires. Tous les régiments ne sont pas logés à la même enseigne. Aussi, de la répartition des missions dévolues aux unités dépend leur nouvelle organisation à l’origine de tensions perceptibles lors du passage des cadres à la « Maison Mère ». Les deux unités régimentaires de création récente se détachent du lot. Les 1er et 2e REP, avec l’abandon du modèle bataillonnaire de type Blizzard, devenus unités « interarmées » avec un effectif théorique de 1 200 hommes, sont rattachés pour emploi à la 10e division parachutiste (10e dp) et à la 25e dp mises sur pied en juillet 1956. L’ordre très souple de l’état-major tactique — deux par régiment — constitué à partir de la compagnie de commandement (et des services), des quatre compagnies de combat, de la compagnie d’appui (mortiers et canons de 75 sans recul) et d’un escadron de reconnaissance, apporte une première réponse au problème posé par un adversaire mobile qui conserve l’initiative. Les paras légionnaires vont participer activement aux grandes opérations et ravir la vedette aux autres régiments moins bien traités par le haut commandement. De plus, exception dans la Légion pendant le conflit, le 1er rep fait l’expérience de la guerre urbaine au sein de la 10e dp lors de la bataille d’Alger de janvier à mars, et entre août et octobre 1957. La recherche du renseignement devient prioritaire pour ces soldats peu préparés aux missions de police. Le lieutenant-colonel Jeanpierre exige de ses subordonnés autant d’efficacité que dans le djebel. Le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, détaché depuis peu à l’état-major de la 10e dp comme chargé des relations publiques, qui côtoie ses camarades soumis aux pressions de la hiérarchie, témoigne des doutes et du malaise s’installant parmi ceux contraints à des pratiques que les lois de la guerre réprouvent D’autres missions attendent les deux rep. L’aln lance dans la « bataille des frontières » des katibas bien équipées et mieux encadrées pour forcer les deux barrages, entre décembre 1957 et mai 1958. Les légionnaires du 2e rep, familiarisés avec un terrain difficile qui constitue leur zone d’activité de l’Est algérien — la presqu’île de Collo, de la région de Philippeville et des Aurès où les combattants de l’aln gardent l’initiative —, aguerris par des opérations nombreuses avec leurs camarades de la 25e dp, sont bien préparés à affronter un adversaire plus pugnace et plus déterminé que jamais, ce malgré un encadrement insuffisant : un tiers de jeunes sous-officiers chefs de section dont la moyenne d’âge n’atteint pas trente ans Pendant six mois, de part et d’autre de la ligne Morice (frontière algéro-tunisienne) et de la ligne Pédron (frontière algéro-marocaine), outre les parachutistes, deux régiments de Légion, les 3e et 4e rei, en tant que forces de secteur, vont être engagés dans les opérations et tester leurs capacités d’adaptation à la nouvelle forme de guerre. Au plus fort de l’offensive entre avril et mai 1958, le 1er rep perd son chef, le lieutenant-colonel Jeanpierre, tué le 29 mai au cours de la manœuvre qu’il dirigeait à partir de son Alouette. Le bilan appelle un commentaire. Il témoigne de l’engagement des légionnaires, de la pugnacité de l’adversaire, mais aussi d’un style de commandement qui suscite des réserves parmi les officiers éprouvés par le rythme imposé par leur chef. À s’en tenir au seul ratio des pertes « amies/ennemies » et au rapport des forces sur le terrain, les pertes comptabilisées, le seul 1er rep perd au combat, au cours de l’année 1958, 116 tués et 260 blessés contre 1 297 combattants de l’aln, soit un ratio de 1/10, parfois de 3/10 lors des accrochages les plus violents Les efforts de l’Inspection technique de la Légion étrangère (itle) et de son chef, le général Gardy, dans le domaine de la sélection plus sévère des candidats à l’engagement et dans une instruction plus poussée, donnent des résultats attendus. Désormais, les engagés volontaires sont préparés au combat au cours de l’instruction par insertion dans les unités engagées dans les opérations des secteurs autour de Sidi-bel-Abbès. Le général Salan, gagné aux thèses de la « jeune armée », se résout enfin à une réorganisation des unités insuffisamment manœuvrières. Pour la Légion, le choix se porte, dans un premier temps, sur les 3e et 5e rei et la 13e dble, par l’abandon du modèle d’unité ted 107 (tableau d’effectifs et dotations) trop lourd. Restent sur la sellette les deux régiments d’infanterie portée, les 2e et 4e rei, transformés en groupements de compagnies portées pour répondre à la tactique retenue par Alger. Quant aux deux régiments de cavalerie, le 1er et le 2e rec, ils perçoivent un matériel moderne, les engins blindés de reconnaissance (ebr), plus adapté au théâtre d’opérations. Ces régiments de secteur et/ou affectés aux missions ingrates et peu glorieuses de la « herse » subissent des pertes relativement élevées eu égard à l’importance des engagements, et pâtissent du sort qui leur est fait au profit des unités des « réserves générales » mises sur pied en décembre 1958 par le nouveau commandant en chef, le général Challe, à son arrivée à Alger. L’esprit de corps de ces régiments souffre déjà du dédain parfois affiché par leurs camarades plus chanceux, oubliés dans une guerre défensive qui ne convient pas aux légionnaires dont l’orgueil souffre aussi d’une relative désaffection de l’inspection à leur égard La fin de la guerre : le tournant improbable (1961-1962)14Le début de l’année 1961 est marqué par un incident au 1er rep, qui doit être analysé en prenant en compte la situation particulière du régiment au sein même de la Légion étrangère. Déjà impliqués en 1957 dans la guerre urbaine et les sales besognes après une première expérience de contact avec la foule algéroise lors de la journée des tomates, le 6 février 1956, les cadres et les hommes du rang ont dû participer au maintien de l’ordre lors de la semaine des barricades à la fin janvier de 1960. Alors que les autres unités, engagées dans la seule action militaire, n’ont que peu de contacts avec la population européenne des villes, le 1er rep a approché à plusieurs reprises ce milieu qui les porte aux nues depuis la bataille d’Alger, les journées de mai 1958 et les événements de janvier 1960. Leur chef, le lieutenant-colonel Dufour, avait joué un grand rôle dans la sortie de crise, en janvier 1960, en permettant aux derniers insurgés du réduit des facultés d’Alger de se rendre avec les honneurs militaires et de s’engager — pour les plus déterminés à en découdre avec l’aln — dans le commando « Alcazar » rattaché pour emploi au régiment. Au contact d’une population hostile à la politique d’autodétermination annoncée par le chef de l’État lors de son discours du 16 septembre 1959, gagnés par l’activisme de ses représentants officiels — la majorité des élus — ou officieux — les leaders des organisations créées pour la circonstance —, les cadres du régiment sont peu à peu gagnés aux thèses des partisans de la solution « la plus française » de la question algérienne L’irréparable survient dans la nuit du 21 au 22 avril, lorsque le commandant de Saint-Marc prend la décision de lancer les hommes dont il assure le commandement par intérim, en l’absence de Guiraud, alors en permission 16Des défections aux 4e et 5e rei restent sans conséquences : le ralliement des unités est suspendu à l’évolution du mouvement. Les attentistes — ou légalistes — ont sans aucun doute réussi à éviter le pire : l’éclatement de la Légion. Pour les plus anciens, le souvenir de la « petite » guerre de Syrie entre juin et juillet 1941 est dans les mémoires : éviter l’affrontement entre frères d’armes, écarter la menace d’une politisation de la Légion. La tentation prétorienne rejetée par la majorité en dépit des solidarités et des sympathies reconnues pour la cause de l’Algérie française, la reprise en main de la troupe se fait dans la discrétion coutumière à la subdivision d’arme. La suite s’inscrit dans la logique de l’ordre militaire et des lois de la République. La dissolution du 1er rep ainsi que celle des trois autres unités en pointe du coup de force d’Alger, les 14e et 18e régiments de chasseurs parachutistes et le groupement des commandos de l’air, le 30 avril, jour anniversaire de Camerone, si elles suscitent une vive émotion parmi les cadres, ne donnent lieu à aucune manifestation particulière. L’heure est au recueillement. Les habitants de Zéralda, désemparés, à leur départ pour la dispersion dans différentes unités de la Légion, font une ultime haie d’honneur à ces étrangers engagés dans une aventure dont les enjeux les dépassent, pour une guerre qui n’est qu’indirectement la leur. Les cadres impliqués font l’objet de poursuites judiciaires ou de sanctions proportionnelles au degré de leur engagement. Cependant, quelques officiers, sous-officiers et légionnaires désertent et choisissent d’entrer dans la clandestinité au sein de l’organisation de l’armée secrète (oas). L’heure est grave pour l’institution menacée dans son existence même. L’ingérence politique de quelques-uns d’entre eux, 21 officiers directement impliqués, moins d’une cinquantaine au total sanctionnés sur plus de 620 officiers au tableau d’effectifs, soit une faible proportion, est manifeste mais aussitôt médiatisée. Les conséquences sont prévisibles, après la dissolution du 1er rep, malgré les attentes de certains milieux politiques et au sein même de l’armée. Certains veulent en finir avec les prétoriens et autres « mercenaires » incontrôlables constituant une menace pour le pays . Conclusion17Depuis la fin de 1961, les légionnaires s’attendent à vivre les heures douloureuses de l’abandon de leur ville, des quartiers qu’ils ont construits, de cette population qui les a — tardivement et difficilement — adoptés. C’est chose faite, au terme d’une présence ininterrompue pendant cent vingt-deux ans lorsque, le 25 octobre 1962, le dernier détachement du 1er rei quitte la ville après une dernière veillée aux flambeaux dans la cour du quartier Viénot. Ils respectent les dernières volontés de leur grand ancien, le capitaine de Borelli, en procédant à la destruction par le feu du fanion des Pavillons Noirs pris lors du siège de Tuyen Quang. L’essentiel est préservé : les mutations, déflations des effectifs et dissolutions d’unités n’ont pas entamé la détermination des officiers et des « vieux » sous-officiers attachés avant tout à l’institution. L’heure du bilan de la guerre a sonné. La Légion laisse en terre algérienne les tombes de 65 officiers, 278 sous-officiers et celles des 1 633 légionnaires tombés au cours des combats ou morts de leurs blessures. Ces pertes sont à comparer avec le total des tués de l’armée de terre, soit 20 494 pour un effectif moyen de 330 000
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