Introduction
L’amour est un sentiment universel [1] qui existe depuis l’aube de l’humanité [2] et qui n’a certainement pas changé, en tant que sentiment, depuis ses origines.
Une belle preuve que l’amour est une préoccupation humaine depuis la nuit des temps réside dans le fait que, dès la naissance de l’écriture, apparaissent les premières mentions du sentiment amoureux. Celles-ci remontent à plus de deux millénaires avant J.-C. pour Sumer où existait une tradition de poésie amoureuse et 1500 avant notre ère pour l’Egypte ancienne. L’un des plus anciens témoignages du sentiment amoureux sont les chants d’amour égyptiens dont la première édition française a été traduite directement du hiératique par l’égyptologue français Pascal Vernus. Si ce sentiment est universel (c’est-à-dire qu’il est éprouvé par tous), il n’en est pas moins multiforme (on devrait parler d’amours au pluriel) : l’amour est un univers à lui tout seul, chaque personne le ressentant et le vivant d’une manière différente de celle de son voisin, selon la perception qu’elle en a, le contexte et le type de relation sentimentale auquel il se réfère. L’amour est une « galaxie de ressentis ». D’ailleurs, comme toutes les notions, celle de l’amour est incernable, ineffable, non enfermable derrière les barbelés d’une définition, car il faudrait multiplier les catégories à l’infini, ce qui est impossible. L’amour ne se décrit pas, il se vit. Et la métaphore cosmique n’est pas gratuite puisque, selon l’astrophysicien Hubert Reeves, nous sommes tous des poussières d’étoiles … Une histoire d’amour, ce sont donc deux poussières d’étoiles attirées l’une par l’autre et emportées dans un tourbillon d’émotions.
Dans la Grèce antique, on a pourtant tenté de mieux définir l'amour et l’on s’est vite aperçu qu’un seul mot était trop réducteur pour définir un concept aussi complexe. Les Grecs ont dès lors déterminé quatre catégories d’amour : l’« Eros », qui est un amour physique, « Philia », qui désigne l'amitié et la réciprocité, « Agapé » qui qualifie l'amour que l'on porte à son prochain, et enfin, « Storgê » qui fait référence à l'amour familial et à la tendresse.
Depuis Homère, la littérature gréco-romaine a exploité le thème de l’amour : l’Odyssée est une quête d’amour ; la mort de Didon, dans l’Enéide, est un suicide d’amour. Ovide ira même jusqu’à rédiger un manuel intitulé l’Art d’aimer, une sorte de traité sur l’art de la séduction, mais écrit en vers. Enfin, les auteurs romains ont créé un genre littéraire uniquement consacré aux tourments du désir amoureux, celui de la « poésie élégiaque », un thème sur lequel le regretté Paul Veyne a longuement travaillé en se posant une question essentielle : comment ces textes étaient-ils lus et reçus ?
L’amour n’influence pas que la littérature. Comme le souligne Catherine Salles [3], la vie politique elle-même est impactée par les relations conjugales ou extraconjugales des hauts responsables de la cité, et de nombreux événements de l'histoire romaine ont trouvé leur origine dans une histoire d'amour. A commencer par la fondation légendaire de la ville qui repose sur une double histoire d’amour entre des mortels et des divinités, celle du berger Anchise et de la déesse Vénus (parents d’Enée) [4] et celle de la vestale Rhéa Silvia et du dieu Mars [5] (parents de Romulus). Bref, comme l’écrit Catherine Salles à la fin de son introduction, « A Rome, l’amour est omniprésent ».
Les dieux de l’amour : Cupidon, Vénus et Priape
A l’instar de la Grèce, l’amour y est également un dieu et un sentiment lié au sacré, comme beaucoup de notions abstraites (la peur, la justice, la concorde, la fortune, la liberté, la piété, …). Ce dieu porte souvent le nom d’Amor ou de Cupido [6], soit le nom d’Eros en grec.
Chez Platon, Eros n’est pas seulement le fils d’Aphrodite, mais également une divinité aux pouvoirs extrêmement importants [7] et, dans la création du monde selon Hésiode, il apparaît immédiatement après le Chaos [8].
La mission d’Eros aurait été de créer l’attraction entre les différents êtres pour les pousser à s’unir, à se reproduire et à participer à la continuité de l’espèce humaine. D’ailleurs, cette notion fut reprise par le philosophe Sigmund Freud, selon lequel l’éros constituerait une pulsion de vie permettant à l’homme de se reproduire pour veiller au maintien de son espèce.
Eros faisait l’objet d’un culte particulier à Thespies en Béotie (les fêtes des Erotidia étaient célébrées tous les quatre ans en son honneur), mais en général, les cultes officiels d’Eros dans le monde grec restent rares.
Dans l’univers romain, ce n’est pas un dieu important. Il n’a pas de temple. Il est représenté sous la forme d’un enfant avec au moins trois attributs (un arc avec lequel il va lancer ses flèches d’amour), des ailes et une torche qui est à la fois la torche du cortège nuptial et parce l’acte d’amour se fait la nuit. Non seulement, il s’agissait d’un enfant turbulent dans le monde d’adultes de l’Olympe, mais il était souvent représenté de manière humoristique, soit triomphant, soit triste.
Éros est notamment connu par le roman les Métamorphoses (IV, 28, 1 - VI, 24, 4) que l'écrivain latin d’origine berbère, Apulée, a écrit entre 160 et 180, et dans lequel figure le conte d'Amour et de Psyché [9].
Signalons à ce sujet la découverte faite en ce qui concerne le groupe d’Eros et Psyché du Musée du Capitole, appelé l’Invention du baiser : on s’est en effet aperçu que l’œuvre avait été restaurée avec la tête d’un autre Eros (provenant sans doute d’une bonne copie de l’Amour bandant son arc). Il se peut donc que l’attitude d’Eros ait été bien différente de celle imaginée par le restaurateur.
En fait, si l’on se réfère à un dessin [10] du peintre italien Pompeo Girolamo Batoni (1708 – 1787), on se rend compte qu’Eros, bien que touchant la bouche de Psyché, se détourne en réalité d’elle. Le message est alors tout autre : il faut dépasser l’amour humain et gagner l’amour divin.
La déesse importante à Rome, la véritable déesse de l’amour, c’est Vénus [11], qui, une fois assimilée à l’Aphrodite des Grecs, prendra place au sein du panthéon des douze dieux romains. A l’époque d’Auguste, l’architecte Vitruve, lorsqu’il décrit l’emplacement que devrait avoir les lieux publics dans la ville pour que tous les citoyens y trouvent commodité et avantage, fait référence aux règlements des aruspices étrusques : les temples de Vénus, de Vulcain et de Mars seront placés hors de la ville et en donne la raison au livre I, chapitre VII.1. de son De Architectura : « celui de Vénus, afin que les jeunes filles et les mères de famille ne prennent point dans la ville l'habitude des débauches auxquelles préside la déesse. ». Ce désir d’éviter que le désir amoureux ne pénètre continuellement à l’intérieur de la ville en bâtissant les temples hors du centre-ville n’a pas été respecté à Rome : une multitude de temples à Vénus s’y élève, y compris au cœur de la ville.
Il est vrai que la Vénus romaine avant qu’elle ne soit assimilée à Aphrodite n’était pas seulement une déesse de l’amour, mais avait d’autres attributs.
Un temple à Vénus Victrix (« Vénus victorieuse » ou amenant la victoire [12]) se dressait en plein centre-ville, sur le Capitole, dominant le forum romain, centre politique, administratif et religieux de Rome, construit par la volonté de Sylla et achevé juste après sa mort en 78 av. J.-C. Filippo Coarelli a en effet montré en 2010 que ce que l’on interprète traditionnellement comme étant le Tabularium (le siège des archives romaines, dans lequel étaient conservés les lois et les actes officiels qui étaient gravés sur des tabulae de bronze) est en fait le soubassement d’un temple monumental à Vénus Victrix, entouré par deux temples plus petits au Genius publicus populi romani et à Fausta Felicitas [13].
A l’ouest, un temple a été bâti par Pompée en haut de son théâtre [14], également à Vénus Victrix. Au Nord, César va faire construire sur son propre forum un temple à Vénus Genitrix (« la mère, celle qui enfante [15] », celle qui est à l’origine de sa famille [16]) et, enfin, Hadrien, face au Colisée, fera élever le plus grand temple de Rome, le temple de Vénus et de Rome [17].
Les Romains ont repris les légendes et mythes d’Aphrodite et en particulier celui de sa naissance. On raconte en effet que Vénus serait née de l’écume de la mer suite, comme on l’a vu plus haut, à l’émasculation d’Ouranos par son fils Saturne, l’écume représentant la semence d’Ouranos [18]. Parce qu'elle est née des vagues, elle était également considérée comme la divine protectrice des marins, une déesse Euploia [19] donc (qui, en grec, signifie « heureux voyage » ou « bonne navigation ») [20]. Elle aurait ensuite été portée par une coquille jusqu’à l’île de Chypre où elle aurait abordé.
Vénus à la coquille de Pompéi (photo dans le domaine public – photo Stephen Haynes – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Naissance_de_V%C3%A9nus_(Botticelli)#/media/Fichier:Aphrodite_Anadyomene_from_Pompeii_cropped.jpg) On y voit la déesse nue, couchée [23], resplendissante de bijoux en or, maintenir son vêtement, gonflé par le vent, qui ne sert pas de voile pour faire avancer l’esquif [24] (une valve de coquillage [25] rappelant par sa forme une coquille Saint-Jacques ou Pecten jacobaeus [26]) pour l’amener sur une plage au sud-ouest de l’île de Chypre, près de Paphos selon la légende locale (l’endroit est caractérisé par une formation géologique particulière appelée Petra tou Romiou, « le rocher du Grec » liée à une autre légende, celle d’un héros byzantin).
Deux amours – Eros et Himéros – ne tirent ni ne poussent l’embarcation : ils l’accompagnent. Celui de gauche chevauche un dauphin (qui n’est pas relié à la coquille) et porte un curieux et mystérieux instrument à long manche qui n’est pas la faux ayant servi à mutiler Ouranos (peut-être s’agit-il d’un gouvernail). Les Romains ont tout simplement repris, pour les figurations de la déesse Vénus, les représentations d’Aphrodite. Cette dernière a beau être une déesse importante, elle est toujours représentée de manière plutôt humoristique, et assez souvent de manière légère, se défendant avec sa sandale contre les avances du dieu Pan. Sur ce groupe d’Aphrodite, Pan et Eros, provenant de Délos (vers 100 av. J.-C.) et conservé au musée national archéologique d’Athènes, on ne peut que s’amuser en voyant son fils Cupidon s’efforce à repousser également la créature trop entreprenante en la saisissant par une de ses cornes [27]. Tout le monde a le sourire dans ce groupe, même Vénus semble guillerette. En tout cas, elle n’est guère émue et le geste de lever sa sandale échancrée [28] manque singulièrement d’énergie, comme le fait remarquer Marcel Bulard dans son article sur les fouilles de Délos.
On a néanmoins également des représentations qui sont beaucoup plus sérieuses, notamment la Vénus Genitrix, comme l’exemplaire du Louvre qui est une copie romaine d’un bronze grec créé par Callimaque à la fin du Ve siècle av. J.-C.
Vénus figure encore sur de nombreuses fontaines (une statue à Saint-Romain-en-Gal [29], une sculpture à Herculanum [30], etc.), car elle était en outre une déesse des eaux.
Vénus est enfin associée à un tout petit sacellum (petit autel découvert) qui empiète partiellement sur la voie sacrée, celui de la Vénus cloacine. Cette épithète de Vénus [31] provient de la déesse étrusque Cloacina, identifiée plus tard avec Vénus [32]. L’on pourrait donc traduire littéralement et de manière simpliste l’expression Vénus cloacine par « la Vénus des égouts » – d’où les sarcasmes d’Augustin, mais il faut en fait prendre celle-ci dans son sens positif : il s’agit de la Vénus purificatrice [33]. Ce monument marque l’endroit où la Cloaca maxima, le principal égout de Rome [34] arrivait sur le forum romain (sa construction avait été entreprise à l’époque de Tarquin l’Ancien pour drainer les eaux du forum). De ce petit sacellum, il ne subsiste plus que le soubassement circulaire (la fondation en travertin et la bordure en marbre), mais un denier frappé par Lucius Mussidius Longus nous en a conservé le souvenir : on peut y voir le sanctuaire composé d’une plate-forme (podium) avec balustrade ornée de deux statues de Vénus Cloacina, tout près de la basilique émilienne [35].
Sur la monnaie, l’une des deux déesses a un sein dévoilé (caractéristique de Vénus : cf. la statue de Vénus Genitrix du musée du Louvre) et porte une branche, probablement de myrte. C’est peut-être le myrte qui a entraîné l’association étroite Vénus – Cloacina, car le myrte est l’attribut de Vénus [36].
La plus grande fête en l'honneur de Vénus, et peut-être celle dont on pourrait affirmer qu’elle est l’une des ancêtres potentiels de la Saint-Valentin, est celle de la Veneralia, dédiée à Vénus Verticordia, « celle qui détourner les cœurs » (sous-entendu des passions mauvaises).
Cette fête avait lieu aux calendes d'avril (1er avril) et était marquée par des expressions d'amour, des offrandes à la déesse dans ses sanctuaires et ses temples, et le lavage rituel des statues ou des images de Vénus elle-même (comme Rubens l’a peint dans son tableau se trouvant au Kunsthistorisches Museum de Vienne). Cette fête est décrite par Ovide dans ses Fastes (Livre IV, 133-372) :
« Retirez du cou marmoréen de sa statue ses colliers d'or,
retirez ses joyaux : la déesse doit être entièrement baignée.
Replacez sur son cou séché ses colliers d'or.
Il faut alors lui offrir d'autres fleurs, des roses fraîches.
Elle vous ordonne aussi de vous baigner [37], couronnées de myrte [38] vert »
Le culte a été établi en 220 av. J.-C., juste avant le début de la deuxième guerre punique, en réponse aux conseils d’un oracle sibyllin, lorsqu’une série de prodiges a été prise pour signifier le mécontentement divin face aux délits sexuels chez les Romains de toutes les catégories et classes, comprenant plusieurs hommes et trois vestales qui avaient rompu leurs vœux [39].
Après Cupidon et Vénus, il existe un troisième dieu de l’amour, l’associé masculin de Vénus qui est Priape, fils d’Aphrodite et de Dionysos (il a été identifié tardivement au dieu Pan). C’est un dieu de la fécondité et des plaisirs charnels.
Horace en parle avec verve dans sa satire I.8 [40]. La représentation la plus célèbre de Priape est bien entendu la fresque le montrant « en grande forme » qui orne l’entrée de la maison des Vettii à Pompéi. Priape y est en effet figuré de manière humoristique (il pèse son sexe démesuré) [41]. Notons que ce qui pourrait nous paraître obscène [42] aujourd’hui ne l’était pas pour les Romains : les représentations de Priape, dieu de la fertilité, constituaient dans les maisons un symbole d'abondance et de prospérité. Dans les jardins, elles assuraient la croissance et agissaient comme des protecteurs des récoltes.
Sur la fresque de la maison des Vettii, Priape est représenté appuyé contre un pan de mur avec son gigantesque phallus placé sur un plateau d’une balance, tandis que dans l’autre plateau est placé un sac d’argent comme contrepoids (phallus et bourse étant tous deux en équilibre). Cette fresque fut longtemps cachée par une petite armoire fermée par un volet, car considérée comme indécente.
Or, le symbole d’un sexe masculin en érection était dénué de toute connotation érotique. Il s’agissait d’un simple porte-bonheur à l’instar, de nos jours, d’un fer à cheval surmontant l’entrée d’une maison (les extrémités qu’on appelle « éponge » orientées vers le ciel pour éviter que le bonheur ne tombe).
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On remarquera également que les Romains étaient extrêmement superstitieux : Priape pose son pénis démesuré sur le plateau droit d’une balance qu’il garde en équilibre à l’aide d’une bourse d’argent placée sur le plateau de gauche (phallus et bourse étant tous deux en équilibre).
Quiconque possède quelques notions de latin aura deviné que le côté gauche n'a pas précisément bonne réputation chez les Romains. Le terme se dit en effet sinister (par opposition à dextra, la droite). Il a essaimé dans de nombreuses langues, donnant par exemple le mot « sinistre » en français. Les augures qui interprétaient le vol des oiseaux avant toute décision importante : si les oiseaux venaient de la droite, les dieux étaient favorables, s’ils s’approchaient de la gauche, le présage était réputé mauvais, néfaste.
Autre exemple, le tintinnabulum, un pendentif à clochettes composé de plusieurs sexes imbriqués les uns dans les autres était accroché à l’entrée des maisons et des sanctuaires, car ce symbole phallique était investi d’une vertu propitiatoire [43]. Le fait de l’agiter à la main lui conférait une fonction apotropaïque (guérison des malades, apaisement de la colère des dieux, éloignement du mauvais sort [44]). On retrouve cette même liberté dans la littérature, par exemple dans un recueil de poèmes à Priape intitulé Les Priapées et édité par un professeur de Caen, Louis Callebat dans lequel on découvre une vulgarité de langage qui est tout à fait assumée, une simplicitas, une manière naturelle de parler de ces choses qui font partie de la vie de l’être humain.
Les amours des dieux
Après le fait que l’amour ait été un dieu (trois en fait) et un sentiment lié au sacré, la deuxième particularité dans le contexte social romain qui doit être soulignée est le fait que les dieux sont sexués, comme chez les Grecs également. Ils ont une vie conjugale et extra-conjugale. Toutes les histoires qui y sont rattachées forment un environnement imagé que connaissent tous les Romains.
Prenons l’exemple le plus emblématique avec le dieu des dieux : Jupiter est marié à Junon qui est sa sœur entre parenthèses, mais c’est un couple. Minerve est sa fille, mais elle fut conçue avec la nymphe Métis. En quelque sorte, il s’agit d’une famille recomposée pour utiliser une terminologie actuelle et cette famille recomposée trône dans le plus important sanctuaire de Rome : le temple de Jupiter sur le Capitole, celui qui abrite ce que l’on a coutume d’appeler la triade capitoline. C’est ainsi que l’on a en effet l’habitude de nommer cet ensemble de trois dieux. Jupiter a eu une vie extra-conjugale très remplie.
Pour séduire et accomplir l’acte avec les personnes qu’il désire, il se déguise et se transforme en animal généralement (il se métamorphose notamment en taureau pour enlever Europe, la fille du roi de Tyr, avec laquelle il aura Minos, en cygne pour subjuguer Léda, la fille du roi de Sparte, Tyndare, la mère de Castor et Pollux et d’Hélène, avec laquelle on retrouve la légende de Troie) et, pour conquérir un jeune garçon, Ganymède, il se transformera en aigle pour l’emmener au ciel où Ganymède sera à la fois son amant et l’échanson des dieux.
A côté de ce couple légitime Junon et Jupiter, on a aussi – c’est très important pour Rome – le couple Mars et Vénus, qui sont, en quelque sorte, le « patron » et la « patronne » de Rome. C’est un couple illégitime puisque Vénus est la belle-sœur de Mars (elle est mariée à Vulcain qui est le frère de Mars). A partir d’Auguste, ce couple devient un symbole dans l’idéologie impériale : Vénus représente la fertilité, la prospérité et Mars la virtus, le courage guerrier. Par la suite, on observera des empereurs (comme Hadrien) se faire représenter en Mars [45], accompagné de Vénus (son épouse Sabine [46] imitant la posture de la Vénus de Capoue [47] en lui ajustant son baudrier) [48].
Les amours des hommes
La troisième particularité sur laquelle il y a lieu d’insister, en ce qui concerne cette fois les amours des hommes, est le distinguo très net que les Romains opéraient, du moins au début de leur histoire, entre le plaisir des sens et l’affection conjugale et la manière très différente avec laquelle ils traitaient ces deux facettes de l’amour romain.
Les Romains vont en effet représenter celles-ci de manière très distincte. Dans leurs maisons, dans les chambres à coucher, mais aussi dans leurs salles à manger, ils n’hésiteront pas à représenter des scènes érotiques. On a pu se rendre compte de cette omniprésence de l’amour [49] dans les fresques décorant les maisons lors de l’exposition « La Pittura di un impero » organisée en 2009-2010 à la Scuderie du Quirinal à Rome.
On pense bien sûr aux peintures de Pompéi (celles qui ont été toutes entreposées dans le Cabinet secret du musée de Naples [50]), mais sous les jardins actuels de la villa Farnésine [51] à Rome, ont été mis au jour en 1879, au cours de la construction des nouvelles berges du Tibre, de superbes fresques conservées aujourd’hui au musée national romain du Palais Massimo.
Celles-ci ornaient une villa suburbaine de l’époque d’Auguste (Ier siècle av. J.-C.), édifiée au bord du Tibre et ayant probablement appartenu à son gendre, Agrippa. Elle possédait un grand hémicycle à arcades ouvrant sur le fleuve, comme certaines villas maritimes de la côte du Latium et de la Campanie.
Dans la chambre D, une peinture [52] dépeint un couple au lit. La mariée [53], dénudée jusqu’à la ceinture, étire son corps sur le lit et étend son bras autour du cou de son partenaire pour attirer sa tête vers elle. Il semble qu’elle veuille l’embrasser, mais sa bouche est au niveau de l’arête de son nez. L’homme, lui aussi torse nu, a passé son bras droit autour du cou de la femme et posé sa main sur son épaule. Un serviteur nu sur la droite regarde sur le côté vers le spectateur. On remarque ainsi que les anciens Romains se faisaient servir jusque dans les circonstances les plus intimes. Inclure ces « valets de chambre » était un moyen « chic » de signaler sa richesse et son raffinement. S’il sert naturellement les époux – il a versé de l’eau dans un grand bassin dont on reparlera plus loin et il tient un vase à vin –, le jeune garçon nous renvoie à notre propre voyeurisme : « vous qui observez les ébats intimes du couple n’avez pas votre place ici, alors que moi, le serviteur, je l’ai ». Derrière le lit, à gauche, on aperçoit les traces d’un autre personnage qui vaque à ses occupations sans prêter attention ni aux acteurs de la scène, ni au spectateur occasionnel [54].
Même si l’épouse se montre passionnée, il s’agit de peintures qui sont relativement chastes en fait, parce qu’on en est aux préliminaires : les choses sérieuses commenceront la nuit, une fois le flambeau éteint. Comme nous le signale le poète Properce, contemporain de ces peintures : « O ravissement ! Ô nuit voluptueuse ! Ô lit mille fois heureux de mes délices ! que de mots échangés à la clarté d’un dernier flambeau et quels ébats, quand sa lumière eut disparu ! » (Elégies, 2, 15).
Ce plaisir sensuel sera représenté sur différents types supports ou d’objets (comme des lampes à huile à motifs érotiques), souvent de manière assez crue parce qu’il n’y a aucune honte à satisfaire ses besoins sexuels (pour l’homme en tout cas, la réciproque n’étant pas vraie pour la femme).
Il était tout à fait naturel, normal et ordinaire qu’un homme se rende au lupanar ou rencontre des prostitué(e)s ou, encore, ait des relations avec ses esclaves qu’ils soient hommes ou femmes (la société romaine ne faisait pas de différence absolue entre les deux). On vit alors dans une époque où le péché n’existe pas et où, même s’il y a des tabous, la société est relativement décomplexée.
Aux yeux des Romains, l'homosexualité n'était pas un état (et le mot n’existait pas d’ailleurs) mais un acte très codifié : le citoyen romain devait garder son rôle dominateur durant l'acte qu'il accomplissait uniquement (en théorie) avec des hommes d'un rang inférieur, soit avec un esclave soit avec un prostitué. Ce qui est donc important, c’est la notion de « passif » et « actif », », car la morale sexuelle romaine était imprégnée de ce que Paul Veyne appelle dans La Société romaine « le puritanisme de la virilité ».
Tant qu’on est « actif » avec un homme ou une femme, il n’y a ni déshonneur ni honte particulière ni réprobation morale. Le déshonneur, en fait, consiste à jouer un rôle « passif » – ce qu’on appelle l’impudicitia –, c’est-à-dire faire preuve d’un comportement impudique. Là réside la véritable indécence. L’homosexualité féminine est beaucoup plus rare et moins mentionnée, mais elle existe également. Quant à la pédophilie, elle était jugée comme tout à fait normale à l’époque, même si cela peut nous horrifier aujourd’hui.
Ces situations sont représentées en toute liberté avec, souvent, un petit côté humoristique. La coupe Warren conservée au British Museum et qui proviendrait d'une ancienne cité près de Jérusalem, illustre ce genre de relations. Elle doit cependant être utilisée avec prudence [55].
L'une des faces montre un homme mûr, barbu, couronné de branches de myrte (il est dit actif, ou « éraste ») en train d'avoir un rapport avec un jeune homme (dit passif, ou « éromène ») au corps en partie couvert d'une toge et qui s'aide d'une corde suspendue pour se positionner. On aperçoit un autre garçon (il porte au cou une bulla, signe qu'il a moins de 17 ans et n'est pas un esclave) qui regarde cette scène en « voyeur » par une porte entrouverte. L'autre face présente le même acte, mais sans témoin, les corps étant disposés autrement et sur une couche bien visible : l'actif n'est pas le même, il est plus jeune, sa tête est toujours cernée de branches de myrte mais son visage est glabre.
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En fait, si l’on veut résumer, à Rome, il n’existait pas de distinction en fonction des penchants sexuels, celle-ci s’éclipsant devant le statut social (i.e. ceux qui possèdent le pouvoir) et l’âge des partenaires (cela ne devient déshonorant pour le « passif » que lorsqu’il atteignait l’âge de la maturité sexuelle).
La prostitution à Rome
On ne peut pas parler de l’amour à Rome, sans évoquer l’amour marchand, des prostitué(e)s et des lupanars. Le « meilleur endroit » à cet effet était Suburre, le quartier populaire qui se situait derrière le Forum d’Auguste.
Ce dernier était pourvu d’un mur coupe-feu [56] et existe encore. Ce mur nous permet d’ailleurs de connaître l’élévation originelle du temple de Mars Ultor, le triangle du fronton étant gravé dans celui-ci.
Qu’y avait-il dans ce temple de Mars Ultor ? Une statue de Mars, bien entendu, une statue de Vénus et une statue de César divinisé.
A Rome, la prostitution était une forme d’échange économico-sexuel tout à fait ordinaire et même ordonnée (elle était légale [57]). La propre mère adoptive de Romulus et Remus, Acca Laurentia, était elle-même, selon l’une des versions de la légende fondatrice de la ville, une prostituée.
La particularité de la société romaine est d’avoir intégré en son sein ce « travail du sexe », et même de l’avoir encouragé (d’autant plus que, sur le plan économique, la prostitution permettait en outre de remplir les caisses de l’Etat), non sans toutefois marquer du sceau de l’infamie ceux qui en tiraient profit. Même la tradition chrétienne considérait la prostitution comme un mal nécessaire [58], pas seulement au Haut Empire, mais également à l’Antiquité tardive. Ainsi, au Ve siècle, saint Augustin d’Hippone estime que la prostitution est une sorte d’« assainissement » et une nécessité sociale (« Imaginez un pays – dit-il – où il n’y aurait pas de prostituées, ce serait la fin de la société »). On retrouve la même idée chez Thomas d'Aquin, le « Docteur angélique », au XIIIe siècle, et l’apogée viendra avec Sixte IV qui décide de taxer toutes les prostituées et les prêtres concubinaires dans les Etats pontificaux, y compris Rome et d’affecter cet impôt du plaisir au financement de la chapelle Sixtine, qui porte son nom et est dédiée – on ne peut se priver de souligner l’ironie – à… la Vierge Marie ! (L’Immaculée conception).
La réflexion était la suivante : « Les prostituées sont indispensables au bon fonctionnement de la société romaine. Elles assurent une véritable fonction de régulation sociale qui permet de canaliser les pulsions sexuelles masculines et doit éviter aux hommes des relations sexuelles illicites (stuprum [59]) avec le groupe protégé des matrones. Y recourir, lorsqu’on est un citoyen libre, n’est donc nullement déshonorant, à condition toutefois de ne pas en devenir dépendant, ce qui témoignerait d’un état de servitude vis-à-vis de ses pulsions.[60]. ». Autrement dit, la prostitution est un viol légal [61], les femmes qui y sont contraintes étant sacrifiées sur l’autel de l’ordre public, considéré comme un intérêt supérieur de la nation : vouloir éradiquer la prostitution en tant que telle reviendrait à priver la sexualité masculine d’un exutoire qui mettrait la sécurité publique en péril, tandis que mettre en place une prostitution officielle permet de rendre cet exutoire contrôlable et de l’encadrer, de telle sorte que les femmes honorables et les jeunes filles soient protégées et que soient limités, autant que faire se peut, les rapts, les viols souvent collectifs, la fornication, l’adultère, les rapports sexuels considérés par l’Eglise comme des péchés graves, etc.
Le mot « prostitué(e) » vient du latin prostituere qui signifie « placer devant, exposer à la vue, (se) prostituer ». On trouve aussi en latin le verbe prostare (« exposer à la vente », « prostituer ») mais il est peu utilisé pour désigner le commerce du sexe avant l’Antiquité tardive (IVème siècle après J.-C.).
Si le vocabulaire latin est relativement riche en termes désignant la prostituée romaine (meretrix, publica, scortum, …) [62], l’un des mots le plus anciennement utilisé est lupa (« la louve »). Il a servi à former le substantif « lupanar » (« tanière du loup ») qui désigne une maison de prostitution ou maison close [63]
Se rendre au lupanar à l’époque romaine ne pose donc aucun problème moral. Une anecdote célèbre rapportée par Horace (Satires, I, 2, 32-36) rappelle combien cette habitude, du moins pratiquée de manière raisonnable, était une démarche naturelle dans l'Antiquité. Un jour, en sortant du lupanar, un jeune homme croise l'austère Caton. Alors qu'il pense se faire gourmander, le vieux censeur le félicite et lui dit : « Bravo ! [...] lorsqu'un désir furieux veut gonfler leurs veines, c’est bien de fréquenter les professionnelles plutôt que d’aller séduire les honnêtes femmes ». Le lendemain, le même jeune homme croise encore Caton et, confiant cette fois, le salue. Pourtant, Caton s'énerve : « Je ne t'ai pas dit d'habiter au lupanar ! » Tout est question de mesure..
A noter qu’il y avait également des prostitués masculins dans les lupanars. Si l’on veut se faire une idée d’un lupanar dans la ville de Rome, on peut prendre exemple sur celui du Vicolo Storto de Pompéi. Dans cet établissement, on a trouvé 56 noms de clients gravés sur la façade extérieure (l’activité était donc « soutenue » à en juger par le nombre de graffitis retrouvés : 120). Ces inscriptions nous renseignent notamment sur le prix des passes (le prix moyen était de deux as [64], mais selon la prestation, il pouvait atteindre 16 as).
Les chambres (il y en avait cinq au rez-de-chaussée et autant à l’étage) étaient pourvues d’un lit en maçonnerie sur lequel on étendait un matelas, un drap et s’il faisait froid des couvertures. Une petite fenêtre permettait d’apporter un peu de lumière.
Des tableautins sont accrochés au mur au-dessus de l’entrée de chaque chambre afin de renseigner la clientèle sur le type de services rendus dans la chambre en question. La peinture illustrant la position sexuelle [65] pouvait être accompagnée d’une inscription (exemple : « Le(nt)e impelle » (= « Vas-y doucement ! » - CIL IV, 794).
Dans certains lupanars existent aussi parfois des commodités. On s’efforçait notamment de prévoir, au rez-de-chaussée de l’établissement, une pièce pourvue d’une arrivée d’eau, ce qui permettait alors d’installer une latrine (comme c’est le cas dans le lupanar du Vicolo Storto) et, éventuellement, une fontaine où l’on allait pouvoir se laver, lessiver le linge et disposer d’un point d’eau froide, ce qui est très important dans un tel lieu, étant donné qu’à l’époque, on considérait que le froid constituait un bon contraceptif.
L’établissement était tenu par le leno, l’équivalent du maquereau [66] (abrégé en « mac »), un personnage très connu de la comédie latine : il est brutal, avare et pas très intelligent.
La prostitution « de rue » existait également comme aujourd’hui, mais était réglementée par les édiles. Dans certains quartiers « chauds » (à proximité du Forum [67]), elles attendaient le client et se rendaient soit dans des auberges ou dans des endroits cachés (des bouges).
Les prostituées étaient reconnaissables à leur tenue vestimentaire, spécifique à leur statut (meretricia veste). Le port de la stola des matrones leur était proscrit (elles devaient revêtir la toga muliebris, la toge des prostituées, pas celle – exclusivement virile – réservée aux citoyens romains). Les courtisanes de haut rang bénéficiaient d’une exemption et pouvaient garder leur stola, sous réserve de la teindre en une couleur voyante. Dans son Epidicus [68] (Acte II, scène 2, 225-232), Plaute mentionne que parmi les tissus de couleurs vives qu’elles portent figure le lin vert clair (amande), la tunique jaune souci ou jaune safran, le voile jaune perroquet ou jaune perruche, le tissu couleur d’écume ou de duvet, ocre ou blond et autres futilités dorées.
Les « filles » des premiers lupanars étaient des esclaves gauloises ou germaines ramenées à Rome après les victoires militaires romaines, blondes pour la plupart, à la différence des Romaines, plutôt brunes. La blondeur y a donc très rapidement été associée à la prostitution. En outre, il s’agit de la couleur des cheveux de Vénus, patronne des prostituées (sous son aspect de Volgivava, « celle qui fait le trottoir ») dont la fête était célébrée le 23 avril.
On distinguait deux types de prostituées : les courtisanes « de haut vol », issues de classes sociales élevées, parfois de l’aristocratie et qui tarifaient des prestations sexuelles contractualisées (pour les banquets, on pouvait louer les services de prostituées de luxe), et les prostituées « de bas étage », esclaves, parfois forcées à la prostitution depuis l’enfance.
Inutile de dire que les maladies vénériennes (les maladies de Vénus [69]) constituaient un véritable fléau. Sur toutes les représentations érotiques, on remarque toujours la présence d’un bassin d’eau, ou d’un serviteur apportant de l’eau, soit parce que l’on pensait que l’eau froide aussitôt administrée avait un effet contraceptif, soit pour se laver.
Pour terminer, signalons qu’une prostitution sacrée [70], a bien été effective dans certains cas marginaux à Rome, mais que celle-ci a été réprimée lorsqu’elle menaçait la stabilité de l’Etat.
Citons en particulier le scandale des Bacchanales (en 186 av. J.-C.) où lors de fêtes organisées en l’honneur du dieu Bacchus, des viols ou des accouplements non consentis ont eu lieu, mais ces dérives ont été très rapidement et sévèrement sanctionnées par le Sénat (Senatus Consultum de Bacchanalibus) et n’ont plus eu cours par la suite. Cette répression visait à disloquer les sociétés organisées pour célébrer le culte de Bacchus perçues comme un élément perturbateur et préjudiciable pour la cohésion politique et religieuse de Rome [71]. A part ces cas épisodiques, on ne peut pas faire état d’une prostitution religieuse à proprement parler, à Rome en tout cas.
Le mariage
Le mariage, quant à lui, est représenté de manière beaucoup plus délicate.
Les matrones jouissaient, semble-t-il, dès l'époque royale d'un profond respect.
Le mariage n’était toutefois pas nécessairement lié à l’amour, du moins au début.
A l’époque impériale, on observe que l’amour prend de plus en plus d’importance et il devient mal vu d’avoir des relations extra-conjugales, mais la prostitution n’a jamais été interdite. En revanche, une législation très stricte et très sévère avait été mise en place à l’égard des personnes libres contre ceux qui auraient tenté de séduire, voire de violer une femme romaine. La matrone était très protégée juridiquement.
Quel était le rôle et le statut de la citoyenne romaine au niveau du mariage ? Si l’on prend la période impériale, il ne reste que deux types de mariage : le mariage « cum manu » (l’épouse passe sous la domination de son mari) et celui « sine manu » (elle reste sous l’autorité de son père). La femme reste une éternelle mineure [72] chez les Romains.
Au début de l’époque impériale, le mariage était peu fréquent, parce qu’il était réservé aux citoyens, une frange minoritaire de la population (les esclaves, les étrangers, les affranchis ne peuvent se marier et vivent donc en concubinage) et même ceux qui sont mariés peuvent se séparer très facilement, quelquefois sans même trop avertir le conjoint : l’empereur Claude s’est retrouvé divorcé sans le savoir ! (il l’a appris après que sa femme se soit remariée). Le mariage « cum manu » demeure en effet très facilement dissolvable, c’est-à-dire que le jour où les époux décident l’un et l’autre de divorcer, le mari rend la dot à la femme et ils se séparent. C’est simplement une question de dot qui repart dans la famille de la mariée.
Pendant toute l’époque impériale, on associera donc de plus en plus le mariage à l’affection et à l’amour conjugal, mais il ne s’agissait pas d’une donnée « par défaut » au départ pour les Romains qui distinguaient la sexualité de plaisir et la sexualité reproductrice dans le cadre du mariage.
De plus en plus en plus, cette affection conjugale va être perceptible dans les monuments funéraires et va percoler dans les représentations des couples à l’époque impériale.
Les gestes d’affection apparaissent mais sont discrets. Il y a notamment les deux mains qui se joignent (junxtio dextrarum), que l’on interprète comme l’un des signes officiels du mariage. Mais Paul Veyne fait, à juste titre, remarquer que l’on retrouve ce type de scène sur d’autres sarcophages où il n’est pas question de mariage et que, dès lors, ces mains jointes peuvent tout simplement être des gestes d’affection.
Sur le sarcophage dit de l’Annone de la Via Latina (Musée des Thermes, Palazzo Massimo), c’est très clairement une cérémonie de mariage, puisque l’on voit le flambeau entre les deux époux et la pronuba (qui assiste la jeune mariée dans le mariage) qui tient sa main droite sur l’épaule de la femme.
Sarcophage de la Via Latina (Licence : Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée) – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Sarcofago_dell%27annona,_dalla_via_latina,_270-280_dc..JPG - photographe : Utilisateur : Folegandros (2010))
L’amour passion est représenté aussi bien sûr et curieusement, il est représenté pour des étrangers. Ainsi voit-on, au musée Altemps, un chef gaulois qui avait été vaincu se suicider, après avoir tué sa femme pour que celle-ci ne tombe pas aux mains des Romains.
Durant toute la période impériale, on constate que l’amour conjugal prend de plus en plus d’importance et il devient mal vu d’avoir des relations extra-conjugales. Mais la prostitution n’a jamais été interdite. En revanche, une législation très sévère était en vigueur contre ceux qui tentaient de séduire, voire de violer une matrone romaine, juridiquement très protégée.
La société romaine était une société esclavagiste : autant les citoyens libres sont hautement préservés par la Loi, autant les esclaves sont à la merci de leur maître. L’esclave est une « marchandise ». Ils étaient d’ailleurs souvent nus dans le monde antique, ce qui ne pose pas de problème puisqu’ils sont l’équivalent d’un meuble et la nudité permet en outre de vérifier immédiatement la qualité de la « marchandise ». Les enfants des esclaves étaient eux-mêmes des esclaves, même s’ils étaient des enfants du maître ou du fils du maître. Il n’était pas non plus rare d’abandonner et d’exposer [73] les enfants d’esclaves ou non désirés dans les rues. C’est une pratique qui peut paraître révoltante à nos yeux au XXIe siècle, mais on pourrait la considérer comme une forme archaïque de contrôle des naissances [74]. Sous l’Empire, cette pratique a été aussi une source d’alimentation des marchands d’esclaves aussi importante que la guerre.
Entre ces deux corps, il y a les affranchis ont la liberté, mais pas la reconnaissance. Si une femme ou un homme libre décide de se prostituer, elle/il peut le faire, mais sont alors dégradés dans la société, ils perdent leur honorabilité et, dans ce cas, ne peuvent plus porter plainte pour viol, insulte, etc. Ils sont rétrogradés juridiquement.
Rome, « fille de Vénus »
Le thème de l’amour a une résonnance particulière pour Rome au moins pour trois raisons.
D’abord, il intervient dans les mythes fondateurs de Rome, indirectement et directement.
Indirectement parce que la légende de la fondation de Rome est liée à la fuite d’un petit groupe de Troyens, conduits par Enée, le fils d’Anchise et de Vénus.
Ensuite, Romulus et Rémus, les fondateurs directs de la cité sont nés d’un « coup de foudre [75] » du dieu Mars pour la Vestale Rhea Silvia [76].
En fait, cette rencontre de Mars et de Rhea Silvia, c’est un viol, mais à partir d’Ovide (les Fastes, 3, 11-24) apparaît une version édulcorée qui raconte que la vestale était endormie, alors que dans les versions littéraires précédentes, elle était clairement éveillée.
Enfin, le nom de la ville même est l’anagramme parfait du mot amor qui signifie « amour » en latin. Les Romains l’avaient bien sûr remarqué eux-mêmes, comme en témoignent plusieurs inscriptions dont notamment un « carré magique ». C’est en fait un palindrome, comme le « carré Sator [79]) faisant partie des « murmures des murs [80] ».
La première Rome fut créée par Romulus sur le Capitole. Pour attirer du monde, il fonde une institution appelée Asylum destinée à offrir un refuge à tout individu, quelle que soit sa condition, souhaitant accéder à la citoyenneté romaine. Autrement dit, Rome devient un lieu d’asile dans lequel peuvent venir s’installer les brigands sans être importunés par la justice.
Une des rares représentations artistiques de l'Asylum est une fresque réalisée à la fin du XVIe s. par les cousins Lodovico, Agostino et Annibale Carracci, au Palazzo Magnani à Bologne [81].
Problème, les brigands sont tous des hommes et Romulus manque de femmes ! Pour y remédier, ce dernier a une idée discutable : il va inviter ses voisins, les Sabins dans sa nouvelle cité et y organiser des jeux (un festival équestre en l’honneur de Neptune). Pendant ces jeux, les jeunes filles sabines sont enlevées par les Romains. Une guerre s’ensuit et les Sabins sont près de s’emparer de la ville grâce à la trahison de Tarpeia en échange de bracelets en or (elle sera écrasée par les boucliers des Sabins et jetée du haut du rocher qui porte depuis son nom, la roche tarpéienne), mais les jeunes sabines finissent par s’interposer entre leurs nouveaux maris romains et leurs pères sabins, en suppliant les deux parties pour qu’intervienne une réconciliation.
Non seulement, la paix est proclamée, mais les deux peuples acceptent de former une seule nation, de sorte qu’à partir de ce moment-là, on dit que Rome est habitée par un peuple latino-sabin.
L‘épisode est relaté par Tite-Live, Denis d’Halicarnasse et Plutarque. Dans La Religion romaine archaïque [82], Georges Dumézil a montré que l'épisode est un récit de fondation reposant sur un schéma hérité indo-européen censé illustrer la création d'une société harmonieuse et complète par l'intégration des trois fonctions, les Sabins ajoutant leurs richesses aux vertus religieuses et guerrières de Romulus et de ses compagnons.
On l’a vu plus haut, Pline l’Ancien (Histoire naturelle, Livre XV, 119-120) raconte qu’une fois la guerre terminée, les deux armées se sont retrouvées sur l'emplacement où se trouvaient les statues de Vénus Cloacine et se purifièrent avec des rameaux de myrte.
Si l’on emprunte l’Argilète [83], une petite rue (fermée aujourd’hui à Rome) qui se trouve entre la Curie et la basilique émilienne, on passe très facilement de la zone du forum romain (républicain) à la zone des forums impériaux, voulue au moment où Rome change de statut politique, où l’on va passer d’un petit village sur le Palatin et le Capitole à une ville maîtresse de tout un empire. En effet, quand Rome a pris cette importance, on a eu besoin de nombreux endroits pour l’administration parce qu’on manquait de place. Ces forums impériaux glorifieront en outre leurs commanditaires.
Le premier à avoir construit un forum impérial, même s’il n’a jamais été empereur, est Jules César.
Au IVe siècle, le forum de César présente un aspect tout à fait différent de celui qu’il avait au départ. Que s’est-il passé ? Le forum de César a brûlé et subi de très graves dommages. Les colonnes ont dû être remplacées, mais au lieu de faire venir de nouvelles colonnes, on en a récupéré à droite et à gauche et le résultat est un portique multicolore, car toutes ne provenaient pas du même endroit.
L’étage au fond était ouvert au départ, mais, à la suite de l’incendie, de gros dommages structurels ont été constatés et comme un risque d’effondrement se posait, le portique et le temple de Vénus Genitrix sont murés (on perd même les deux colonnes au centre de la façade de ce dernier – au départ, il s’agissait d’un temple tout à fait classique – et un mur en briques comblera les intervalles entre les colonnes, laissant ces dernières demi-engagées). Les briques ont ensuite été recouvertes d’un enduit peint.
Pourquoi César a-t-il fait construire un temple à Vénus Genitrix ? Iule (qu’on appelle aussi Ascagne), le fils d’Enée, va fonder, par l’intermédiaire de Romulus et de Rémus, une ville qui deviendra plus tard Rome. Or, Jules César, c’est un Iule (Jules, ce n’est pas son prénom – qui est Caius –, mais son nom de famille) et César prétendait que sa famille descendait du fils d’Enée (Iule étant le petit-fils de Vénus).
C’était particulièrement habile de sa part d’avoir fait construire un temple sur son forum rappelant qu’il est descendance divine, et que quelqu’un qui peut se glorifier d’avoir une ancêtre comme Vénus dans sa lignée, sera naturellement apte à maintenir la garantie du pouvoir sur la ville de Rome. Ce temple était également un véritable musée : outre une statue de Vénus, une autre de César divinisé en bronze (placée là par Octave, à l’instar de celle du temple de Mars Ultor) surmontée d’une étoile (le sidus Iulium, l’étoile julienne, dans la littérature latine [84],une comète très brillante qui apparut dans le ciel de Rome alors que l’on commémorait la mort de César par des jeux et qui y brilla sept jours [85]), une statue en or de Cléopâtre (selon Dion Cassius) et une très belle collection de pierres précieuses et de perles (d’après Pline).
Or, Ovide nous raconte qu’ici, Cupidon avait l’habitude de décocher ses flèches et que les avocats qui y officiaient sont soudainement tombés amoureux en plein milieu d’une plaidoirie et cherchaient leurs mots [87]. On est donc dans ce forum de César dans un lieu très chargé en symboles par rapport à l’amour à Rome.
D’après une hypothèse récente, les fameuses « Danseuses » de la villa des Papyrus à Herculanum seraient en réalité des répliques [88] des Appiades, dont Pline [89] nous informe qu’elles furent sculptées aux alentours du Ier siècle avant notre ère par l’artiste Stephanos pour décorer une fontaine dans le forum de Jules César.
Depuis le forum de César, il est très facile de passer au forum d’Auguste (l’avantage des forums impériaux est qu’ils sont tous construits les uns à côté des autres) et de là rallier Suburre dont nous avons parlé plus haut. Mais, comme nous l’apprend de nouveau Ovide, il existe peut-être d’autres solutions qu’un lupanar pour allier le plaisir des sens aux sentiments.
Pour trouver une belle jeune fille, une fiancée distinguée, il explique qu’il n’est pas nécessaire de battre la campagne, mais que Rome possède en l’occurrence toutes les ressources nécessaires, à condition bien sûr de choisir lieu adéquat (Suburre n’étant pas vraiment l’endroit idéal à cet effet).
Il conseille, par exemple, de se rendre à l’Iseum du champ de Mars (à cent mètres du Panthéon), temple au décor oriental, égyptisant (Isis est la déesse qui protège toutes les femmes, y compris les prostituées). Les prostituées, quand elles voulaient aller au temple, elles se rendaient soit au temple d’Isis sur le champ de Mars, soit au temple de Vénus Erycine qui se trouve à la périphérie de Rome, au nord des thermes de Dioclétien.
Le meilleur « site de rencontre » est le grand cirque (le Circus Maximus, littéralement « le plus grand cirque », puisqu’il s’agit d’un superlatif absolu de supériorité, un terme approprié puisqu’il occupe à lui seul une vallée entière avec une piste de sable de 600 mètres de long). Normalement, ceux qui s’y rendent y vont pour assister à des courses de chars et éventuellement pour parier de l’argent, dans une ambiance surchauffée où les supporters acclamaient leurs factions fétiches ou leurs vedettes préférées. Bref un spectacle très prisé par les « turfistes » de l’époque.
Mais Ovide nous dit qu’en ce lieu, il y a « du choix » pour le prétendant : « le cirque, avec son nombreux public, offre de multiples occasions [90] » (l’hippodrome pouvait en effet accueillir pas moins de 150 000 spectateurs sur ses gradins, si l’on compte une femme sur deux spectateurs, on ne peut pas donner tort à Ovide). Tous les latinistes qui ont dû traduire Ovide se souviennent certainement de la poussière du cirque et de la « technique du coussin » :
« Assieds-toi contre celle qui te plaît, tout près, nul ne t’en empêche ; approche ton corps le plus possible du sien ; heureusement, la dimension des places force les gens, bon gré mal gré, à se serrer, et les dispositions du lieu obligent la belle à se laisser toucher. (…) Si, comme il arrive, il vient à tomber de la poussière sur la poitrine de ta belle, que tes doigts l’enlèvent ; s’il n’y a pas de poussière, enlève tout de même celle qui n’y est pas : tout doit servir à tes soins officieux. (…) Regarde également tous ceux qui seront assis derrière vous : que leur genou ne vienne pas s’appuyer trop fort contre son dos délicat. De petites complaisances captivent ces âmes légères ; plus d’un s’est félicité d’avoir arrangé le coussin d’une main prévenante. (…) Toutes ces facilités pour un nouvel amour, tu les trouveras au cirque (…) [91] ».
Et Ovide de prodiguer un dernier conseil : une fois que tu as séduit la jeune fille, surtout ne te ruine pas en cadeaux. (« je ne te conseille pas de faire à ton amie des cadeaux somptueux [92] »). Comme quoi, le charme ne dure pas très longtemps !
Comme le fait remarquer l’historienne Virginie Girod, on pourrait déduire, en lisant les vers d’Ovide, que les Romains étaient tous des « séducteurs nés » et les Romaines, des féministes avant la lettre (des « proto-femen [93] » en quelque sorte). Il n’en est rien. Ovide terminera d’ailleurs sa vie en exil à Tomis (en Roumanie actuelle) pour avoir un peu trop malmené la morale au gré d’Auguste.
D’ailleurs, a-t-on besoin d’un manuel pour aimer (d’autant plus qu’Ovide n’y parle pas d’amour, mais de séduction) ?
Théoriquement, l’amour est une chose simple : les baisers, les gestes, les paroles viennent, en principe, d’eux-mêmes, naturellement. En tout cas, l’amour ne se construit pas et ne se déclame pas comme une élégie : il se susurre à l’oreille, par bribes de phrases, et se ponctue de baisers. Certes, un discours ou une correspondance d’amoureux peut ressembler à un cafouillage (une élégie est une reconstruction, parce que jamais la passion ne saurait être aussi parfaitement l’image d’elle-même).
Dans ses Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes – qui est un des rares écrivains à ne pas avoir dit des niaiseries sur l’amour – décrit à quel point l’amoureux [94] est dans une disposition d’esprit tout à fait spéciale (« être amoureux ne ressemble à rien d’autre ») qui reconfigure le sens de ses actes. Roland Barthes conçoit d’ailleurs le discours d’un point de vue étymologique, au sens du latin « dis-cursus », c’est-à-dire « une course désordonnée ». C’est aussi, pour lui, le lieu du paradoxe : le discours amoureux exprime le malaise de l’amoureux (solitaire avec sa maladie d’amour comme un Robinson sur son île déserte) et l’universalité du sentiment et du désir amoureux.
D’autre part, il faut croire au hasard des rencontres. On aime quelqu’un parce qu’on le rencontre au bon moment. C’est le hasard qui en est l’architecte, même s’il s’agit d’une passion exceptionnelle.
Il est donc tout à fait oiseux de dresser une « carte d’état-major » des lieux propices à celles-ci (Isaeum, cirque, …, de nos jours, les boîtes de nuit) ou de déployer tout un arsenal stratégique tel que le propose Ovide avec sa « technique du coussin » ou du « dépoussiérage inutile de corsage ». Il est d’ailleurs curieux de constater combien notre vocabulaire est riche en expressions martiales assimilant l’amour à la guerre [95] : on dit « prendre une femme » comme l’« on prend une forteresse », des « assauts amoureux », « conquérir le cœur d’une femme », etc. et se retrouvent même dans les citations : « à la guerre, comme en amour, le corps à corps seulement donne des résultats » (Blaise de Montluc) avant que ne soit lancé le fameux slogan antiguerre des années 60 : « Faites l’amour pas la guerre ! ».
Quant à la soi-disant sexualité débridée des Romains ou la « lubricité perverse » des objets et des œuvres d’art représentant des scènes amoureuses, ce sont des mythes, des constructions de l’esprit, bien éloignés de la réalité historique et nourris à la fois par la « peinture d’histoire » du XIXe siècle (comme Les Romains de la décadence de Thomas Couture), par les découvertes mal comprises et mal interprétées qui furent réalisées sur les sites vésuviens, mais aussi par les fantasmes et le voyeurisme masculin de ce même siècle [96] que les artistes de l’époque s’empressaient de satisfaire (voir L’œil en rut : art et érotisme en France au XIXe siècle de Claire Maingon »).
L’historienne britannique Mary Beard a d’ailleurs, à ce propos, soulevé un fameux lièvre en soulignant que la nudité artistique occidentale, justifiée par la recherche du beau, a toujours joué le rôle de « porno soft » à l'usage des classes dominantes et de leurs marottes sexuelles.
Certes, la société romaine était « binaire » (homme/femme, dominé/dominant, …), « phallocrate » (la féminité signifie l’infériorité ; la femme était, on l’a vu, considérée comme une perpétuelle mineure) et esclavagiste, mais elle avait le mérite de s’être épanouie dans un monde où la notion de péché n’existait pas et où, pour reprendre l’expression de Paul Léautaud, l’on considérait que « dans les choses de l’amour, tout est possible, tout est humain et tout se vaut [97] », du moment, bien entendu, que le sentiment soit sincère et le consentement respecté.
Rien n’empêche donc à un amour d’être romantique, avec un jeu de mots naturellement voulu …
Sophie Madeleine, Philippe Fleury et Philippe Durbecq
Bibliographie (sélective, le nombre d’ouvrages sur le sujet étant astronomique)
Sitologie
Nocturne du Plan de Rome « L’Amour à Rome » (URL : https://www.youtube.com/watch?v=zH4_6irrhxk&t=3398s ;
Nocturne du Plan de Rome : « Nouvelle vision du Capitole depuis le Forum romain » (URL : https://hal.science/medihal-02156307v1/document) ;
Nocturne du Plan de Rome : « le Capitole, la colline sacrée de Rome » (URL : https://www.youtube.com/watch?v=7CSjt8-0pSE) ;
Nocturne du Plan de Rome : « Quand l’Egypte s’invite à Rome » (URL : https://www.youtube.com/watch?v=TrRq-l2JyA4 ;
Les spintriae romaines : https://www.mariellebrie.com/les-spintriae-romaines-spintrienne-monnaie-bordel-rome-antique/ ;
Le sacellum de la Vénus Cloacina : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sacellum_de_la_V%C3%A9nus_Cloacina ;
Le cauchemar de Tartuffe : https://www.lorientlejour.com/article/1299834/phallus-seins-et-fesses-a-pompei-le-cauchemar-de-tartuffe.html ;
Pompeii in pictures : https://www.pompeiiinpictures.com/pompeiiinpictures/R2/2%2003%2003%20part%2012.htm ;
[1] Voulant garder tout son romantisme à ce sentiment, nous n’expliciterons pas ici l’alchimie cérébrale et la programmation génétique qui président, selon les neurobiologistes, au comportement amoureux mais pour ceux que cela intéresse, cf. Lucy Vincent, Docteur en neurosciences, chercheur au CNRS et auteure de Comment devient-on amoureux ? (Odile Jacob, 2004).
[2] Dans son article dans l’Express du 14.07.2016, Jean Courtin, directeur honoraire de recherches au CNRS, fait tout de même une distinction entre attirance et amour. « Pour trouver un véritable sentiment profond, qui incite à évaluer les qualités de l'autre, à choisir son partenaire », le préhistorien pense « qu'il faut attendre le développement du cerveau, et Homo sapiens, c'est-à-dire l'homme moderne (…) qui est le premier à accorder [systématiquement] un grand soin à ses défunts, ce qui dénote une forme indéniable d'attachement. ». Pour lui, « le sentiment amoureux va de pair avec la considération portée aux morts, avec le sens de l’esthétique, de l’ornementation. Donc avec des caractéristiques proprement humaines ». Les premiers êtres humains étaient monogames, car « quand on vit de la chasse, on ne peut pas avoir plusieurs femmes : la polygamie aurait contraint l'homme à chasser davantage. Elle existera plus tard, chez les agriculteurs, mais pas chez les chasseurs-cueilleurs. ». Les scènes d’accouplement apparaissent réellement au néolithique sur les peintures du Sahara (entre 5000 et 2000 ans). C’est de cette époque également (entre 4000 et 3000 avant notre ère) que date la tombe d’un couple apparemment tendrement enlacé découverte en 2007 par l’archéologue italienne Elena Menotti à San-Giorgio dans la banlieue de Mantoue. Comme Mantoue se trouve assez près de Vérone, il n’en fallait pas plus pour que la presse internationale ne fasse le rapprochement entre ce couple des « amoureux de Valdaro » figés dans une étreinte éternelle et les amours contrariées de Roméo et Juliette, et leur dernier baiser !
[3] L’Amour au temps des Romains, Introduction.
[4] La photo de gauche ci-après d’un bas-relief provenant du Sébastéion d’Aphrodisias (conservé au musée d’Aphrodisias) représente Anchise et Aphrodite tenant un petit Eros ailé sur ses genoux (il s’agit donc d’une rencontre érotique et la tête de Séléné, la lune, dans le coin supérieur gauche indique que nous sommes la nuit). Le nom de la ville d’Aphrodisias dérive de celui de la déesse Aphrodite ; quant au Sébastéion, il correspond à l’Augusteum en latin (dédié à l’empereur Auguste, Sebastos étant l’équivalent grec du nom d’Augustus).
[5] La photo de droite ci-dessous provient du sarcophage Mattei. Seul le face avant est dans le palais Mattei, tandis que les deux panneaux latéraux (dont la scène de Mars et Rhéa Silvia) se trouvent aux musées du Vatican. Il existe une copie complète du sarcophage au musée de la Civilisation romaine, la seule qui permette d'apprécier l'original dans son ensemble.
[6] Du latin cupido, « désir », de cupere, « désirer » (cf. nos mots « cupidité » et « cupide »).
[7] En réalité, dans Le Banquet de Platon, Éros est présenté différemment en fonction des personnages du dialogue. Pour Phèdre, il s’agit d’une divinité primordiale.
[8] Notons toutefois que pour Jean-Pierre Vernant, il existe deux Éros. Le premier, l'Éros primordial, est présent depuis la nuit des temps et représente l'union non sexuée ; l'Éros sexué quant à lui, provient de la castration d'Ouranos par Saturne (Cronos en grec) : du sexe de son père jeté à la mer naissent Aphrodite, Himéros et l'Éros sexué. Il y aurait également deux Aphrodite, la céleste, plus âgée, et l’Aphrodite triviale ou populaire, née de Zeus et de Dioné.
[9] Psyché était la plus jeune et la plus belle des trois filles d’un roi. Tous les sujets du royaume se pressaient autour d’elle pour l’admirer, et ils lui rendaient même un culte, oubliant les marques de dévotion qu’ils devaient à Vénus. La déesse de l’Amour en conçut alors une jalousie vengeresse et appela son fils Cupidon à son aide, lui demandant d’inspirer à Psyché de l’amour pour le plus laid et le plus méprisable des hommes. Cependant, Cupidon fut tellement frappé par sa beauté qu’il s’éprit d’elle et n’exécuta pas les ordres de sa divine mère. Cupidon la fit enlever par Zéphir qui l’emmena dans le palais du dieu. Epoux amoureux et tendre, il demanda à Psyché de ne pas tenter de le regarder. Mais les sœurs de Psyché, en la voyant si heureuse, tentèrent d’insinuer le doute dans son cœur et lui déclarèrent que, dans les ténèbres de la Nuit, elle devait certainement s’unir à un monstre. Bouleversée, Psyché, dès la nuit qui suivit son retour dans le palais, s’approcha de son époux endormi et l’éclaira d’une lampe. Au lieu d’un monstre, elle distingua Cupidon, le plus beau et le plus aimable des dieux ; éblouie, elle avança la lampe plus près encore et une goutte d’huile bouillante tomba alors sur l’épaule de son divin époux. Celui-ci s’éveilla en sursaut, reprocha à Psyché sa méfiance et disparut. Folle de douleur, l’infortunée erra à sa recherche et s’adressa finalement à Vénus qui, trop heureuse de se venger, lui imposa des travaux rudes et humiliants comme le tri de graines de toutes espèces que la déesse avait mélangées (mais les fourmis vinrent l’aider). Pendant ce temps, Cupidon mourait d’amour pour la belle Psyché. Devant tant de sentiments, Vénus ne resta pas insensible : Mercure déposa Psyché dans le palais des dieux où elle but l’ambroisie et le nectar qui lui conférèrent l’immortalité. Le sens du conte est clair : Psyché est le symbole de l’âme humaine purifiée par les passions et les malheurs et préparée à jouir, dans l’amour, d’une félicité éternelle. Ce roman de l’âme a été interprété à la Renaissance comme la recherche de l’amour divin.
[10] Ce dessin est reproduit par François De Polignac dans son livre La Fascination de l’Antique, 1700 – 1770. Rome découverte, Rome inventée, Musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon, 1998.
[11] Vénus n’est pas seulement la déesse de l’amour, mais remplit également une foule d’autres fonctions.
[12] Elle était inspirée d’une Aphrodite armée « Nikếphoros » (νικήφορος nikḗphoros, qui porte la victoire) qui dans certaines régions Est de la Grèce antique (Argos) protégeait les acropoles (on évoque également sa parenté avec la déesse Ishtar). Elle trouve sa source primitive dans la victoire que remporte Aphrodite lors du Jugement de Pâris évoquée dans la mythologie grecque et sa conséquence, selon l'Énéide, sur la fondation de Rome par l'entremise de son fils Énée. Dans la tradition romaine, la réputation d'une Vénus victorieuse s'affirmera au IIIe siècle av. J.-C., notamment lors de l'affrontement avec Carthage.
[13] Voir Filippo Coarelli, « Substructio et Tabularium », p. 123 et Sophie Madeleine, Le théâtre de Pompée à Rome, p. 32.
[14] Les premiers théâtres étaient en bois, car on les considérait en effet comme des lieux dangereux pour la paix de la cité (on craignait des émeutes liées à la plèbe). Le premier théâtre de pierre fut construit en 55 par Pompée (pour tourner la loi, il avait fait placer un temple dédié à Vénus Genitrix sur la cavea du théâtre !).
[15] Il s’agissait d’une déesse de la maternité et de la domesticité.
[16] Elle était considérée comme une ancêtre personnelle de Jules César et, en termes plus généraux, comme l'ancêtre divin des Romains.
[17] Plus précisément, le temple de Vénus Felix (« favorable ») et de Roma Aeterna (« Rome éternelle »).
[18] Cette tradition vient du rapprochement du nom d'Aphrodite avec celui de l'écume : αφρός [aphros]. On parle d'Aphrodite comme la déesse aphrogène, αφρογενής, née de l'écume, ou bien Cyprogène, Κυπρογενής, née à Chypre.
[19] Le mot est aujourd’hui utilisé par de nombreuses sociétés expérimentées dans les services maritimes.
[20] On connaît par exemple le célèbre temple à Aphrodite Euploia à Cnide (qui accueillait la fameuse statue de l’Aphrodite de Cnide, sculptée par Praxitèle). Les deux petits temples de la zone sacrée (area sacra) d’Herculanum, située près de la terrasse de Marcus Nonius Balbus, auraient été tous deux consacrés à la déesse Vénus, mais sous deux aspects différents : celui, traditionnel, de la fertilité et de l'amour d’une part et celui de protectrice de la navigation d’autre part.
[21] La fresque n’est pas le seul support artistique utilisé : on retrouve le thème de la Vénus à la coquille en mosaïque (Timgad, musée archéologique d’El Jem à Tunis).
[22] Pline l'Ancien ne décrit nullement la Vénus de Cos, qui n’est peut-être pas du tout le modèle de celle-ci. Il mentionne deux Vénus d'Apelle, la Vénus Anadyomène consacrée par Auguste dans le temple de César et « une autre Vénus, commencée pour les habitants de Cos, qui aurait surpassé même sa première » (Histoire naturelle, XXXV, 29). La Vénus anadyomène est un autre type, et difficile de dire si cette fresque copie l'esquisse de Cos, qui n'est pas décrite !
[23] Elle n'apparaît dressée sur un coquillage que dans une mention tardive et latine (ca 211) – dans un vers de Plaute (Rudens, v. 704), mais cette indication est surtout, et peut-être seulement, une expression salace (cf. l’article « Album mythique des coquillages voyageurs : de l’écume au labyrinthe » d’Arnaud Zucker, Université Côte d’Azur. CNRS. Cepam, le 14/12/2019 – URL : https://eduscol.education.fr/odysseum/album-mythique-des-coquillages-voyageurs-de-lecume-au-labyrinthe).
[24] Le voile de Vénus n’est pas non plus une voile : il est doucement gonflé par le vent, rien de plus.
[25] Sur le véhicule coquillier de la Vénus latine, voir Stace, Silves 1.2.118 ; Tibulle 3.3.34, etc.
[26] En espagnol, la coquille porte aussi le nom de Concha Venera, et aujourd’hui : Venera (provenant du génitif latin de Vénus « veneris »).
[27] Son autre main devait tenir un objet ou un attribut disparu.
[28] De manière à contourner le gros orteil. Cinq petits trous, symétriquement percés le long des deux bords, étaient destinés à l’attache des courroies. Comme le signale Marcel Bulard, « il semble naturel qu’ayant eu l’idée de recourir à cette arme improvisée, elle ait saisi de la main droite, plus agile et plus apte à asséner un coup, sa chaussure gauche (cette attitude est précisément celle qui se retrouve dans l’Aphrodite détachant sa sandale). Le poids du corps s’est ainsi porté sur la jambe droite, et la pose est demeurée la même à l’instant où s’est levé le bras droit : c’est cet instant précis que l’artiste aura fixé. » (pp. 624-625).
[29] Cette statue fait 1 mètre 18. Les bras perdus devaient porter une vasque à l’avant du corps, vasque également disparue. L’orifice circulaire de 3 cm de diamètre situé dans un pli du vêtement servait à l’adduction de l’eau. Voir Dossiers d’Archéologie n° 295 de juillet/août 2004 consacré aux fontaines et nymphées en Gaule romaine.
[30] Il s’agit d’une fontaine à deux jets, ce qui est exceptionnel. Elle est ornée d’un côté d’une tête de Méduse et de l’autre d’une Vénus nue se tordant les cheveux, de facture un peu frustre. On se penchait en s’appuyant au rebord du bassin, pour happer le jet qui coule à gauche de Vénus : on peut encore voir sur le rebord l’usure provoquée par les mains de tous ceux qui sont venus se désaltérer au pied de cette petite Vénus de pierre…
[31] Comme pour de nombreux dieux et déesses, Aphrodite avait un large éventail d'épithètes (épiclèses) qui reflétaient de nombreux aspects et traditions différents : nous avons déjà vus celles d’Euploia (pour les marins), de cloacina (« purificatrice »), d’aphrogène (« née de l’écume »), mais Aphrodite était également connue sous le nom de Pandemos (« pour tout le peuple »), Ourania (« céleste » pour la distinguer de son aspect plus terrestre de Pandemos), Areia (« la guerrière », représentée en armure complète pour la guerre, comme son amant Arès), Kourotrophos (« nourrice d’enfants », épithète qui était attribuée dans la Grèce antique à de nombreux dieux et déesses dont la sphère d’activités incluait leur capacité à protéger les jeunes gens), Kallipygos (callipyge, c’est-à-dire « aux belles fesses », soulevant son péplos pour se mirer dans l’eau et admirer, par-dessus l’épaule, ses fesses … de déesse, donc nécessairement superbes), philomméidès, « amie des sourires » (par amour (mère-enfant) voire qui sourit pour l'amour, aguicheuse (femme-homme)), etc. Les Latins ajouteront à Vénus d’autres épithètes : Genitrix (« mère universelle »), Victrix, Physica (Venus Naturiste : voir https://www.arkadias.fr/religion.html). Cette épithète considérait Vénus comme une force créatrice universelle et naturelle (elle est appelée Alma Venus (Venus Nourricière) par Lucrèce dans les lignes d'introduction de son De Rerum Natura) et Verticordia (« qui détourne les cœurs »).
[32] La fusion de Vénus avec la déesse étrusque de l'eau Cloacina, résulte probablement d'une statue de Vénus érigée près de la Cloaca Maxima, à l'endroit où la paix fut conclue entre les Romains et les Sabins.
[33] Dans son Histoire naturelle (XV, 119-120), Pline l'Ancien raconte que les Romains et les Sabins, s'étant réconciliés après l'enlèvement des Sabines, les deux armées se retrouvèrent sur l'emplacement où se trouvaient les statues de Vénus Cloacine à l'époque où Pline écrivait et se purifièrent avec des rameaux de myrte. Il ajoute qu'on avait choisi le myrte, arbre de Vénus, parce que Vénus présidait aux unions (conjugales en tant que garante de la fidélité de celles-ci, de sorte qu’on peut considérer qu’il s’agit ici d’une extension de cette fonction aux unions politiques). C’est probablement aussi en allusion à cette légende que Vénus a été représentée portant un rameau de myrte.
[34] Un égout qui resta longtemps à ciel ouvert. On sait que le philosophe grec Cratès de Mallos eut la malchance d’y tomber (au travers d’une bouche d’égout non fermée par son couvercle, semblable vraisemblablement au type de la Bocca della Verità) et de s’y briser la jambe (cf. Michal Grant, p. 41).
[35] En 179 av. J.-C., durant les travaux d'agrandissement de la basilique Aemilia, le sanctuaire est préservé et intégré dans les marches d'accès (voir le site https://fr.wikipedia.org/wiki/Sacellum_de_la_V%C3%A9nus_Cloacina).
[36] Pour Aphrodite, les deux attributs qui étaient sacrés pour elle étaient le myrte et la colombe. La rose était également associée à la déesse (Ernesto de Carolis, La rosa antica di Pompei, « L’Erma di Bretschneider »).
[37] Une fois la cérémonie terminée, toutes les femmes se rendaient aux thermes pour accomplir ce rituel du bain (à Rome, les bains n'étaient généralement pas mixtes, hommes et femmes se baignant soit, dans des sections séparées, soit selon des horaires différents).
[38] Afin de commémorer un épisode vécu par Vénus elle-même, surprise nue par une troupe de satyres. (selon Ovide, IV,140-145). Ce nom de Verticordia a été donné par le botaniste suisse Augustin Pyrame de Candolle à un genre d’arbustes aux sublimes fleurs plumeuses qui appartient à la famille des myrtacées.
[39] La déesse Vénus n’est pas la seule concernée par le bain de sa statue de culte (cf. par exemple aussi celle de Cybèle), mais celui-ci revêt sans doute une importance plus grande encore dans le cas de la statue de Vénus Verticordia dont le temple avait été élevé en expiation de l’inceste commis avec des chevaliers romains par trois vestales (crime pour lequel elles furent condamnées à mort).
[40] Une statue de Priape (les Romains plaçaient souvent dans leur jardin des statues grossières en bois, des hermai, de figuier, peintes de vermillon, représentant Priape, pour servir d'épouvantail, écarter le mauvais œil et protéger les vergers) raconte une scène de magie dont elle a été le témoin dans l'ancien cimetière de l'Esquilin : Canidie et Sagana sont venues déterrer des ossements et utiliser des poupées d’envoûtement pour évoquer les morts.
[41] Sur la fresque apparaissent également des fruits dans une corbeille, puisque Priape est le dieu des jardins et de la fécondité. On remarquera, en passant, à quel point les peintres romains étaient doués pour la réalisation de scènes naturalistes et de natures mortes.
[42] On a longtemps attribué le fait d’avoir ainsi agrémenté cette demeure de représentations de Priape (fresque et statue) au mauvais goût de ses propriétaires, deux anciens esclaves enrichis par le commerce du vin. Or, en 2019 un autre portrait de Priape a été découvert dans la maison de Léda, non loin de celle des Vettii. Des peintures ou des statues similaires de Priape ont été trouvées dans d'autres parties de l'Empire romain, par exemple dans une villa près d’Antequera en Espagne (statue) ou à Syracuse (statue également).
[43] Les chiens protégeaient les maisons des cambriolages et les phallus du mauvais œil de ceux qui envient la richesse de la maison : la peinture se présente de face quand on s’apprête à franchir le seuil.
[44] Hervé Gouriou, L'art campanaire en Occident, p. 80.
[45] La volonté du sculpteur a été d’inclure, clairement, dans son groupe statuaire, une référence à l’Arès Borghèse (type statuaire attribué à Alcamène, élève de Phidias, et dont le musée du Louvre possède également une copie romaine en marbre) en donnant à Hadrien la même pose qu’à cette statue (voir https://www.coupefileart.com/post/le-groupe-imp%C3%A9rial-en-mars-et-v%C3%A9nus-du-mus%C3%A9e-du-louvre).
[46] Ce groupe statuaire a été retravaillé au IIe siècle ap. J.-C. : la tête du personnage féminin a été remplacée par une autre (probablement Lucilla, femme de l’empereur Lucius Verus).
[47] La Vénus de Capoue du musée archéologique de Naples se regarde dans le bouclier de Mars et marche sur son casque (l’amour triomphe de la guerre).
[48] Ce groupe impérial est conservé au musée du Louvre.
[49] Parfois, ces scènes sont tout petites et cachées dans un coin.
[50] Voir Michael Grant et Antonia Mulas, Eros à Pompéi, Le Cabinet Secret du Musée de Naples.
[51] Villa construite aux pieds du Janicule au début du XVIe siècle par Baldassare Peruzzi pour le richissime banquier Agostini Chigi de Sienne. Après la mort de ce dernier, en 1520, la maison et la banque Chigi périclitèrent rapidement et il fallut vendre la villa qui s’était peu à peu enrichie de nombreuses peintures, notamment de Raphaël. Le nouvel acquéreur fut le cardinal Alexandre Farnèse, dont le nom est à l’origine de l’appellation « la Farnésine » conservée jusqu’à nos jours par la villa.
[52] A relier à un premier panneau où la mariée hésitante est assise sur le lit nuptial, baissant timidement la tête. Elle a gardé son voile et a le corps enveloppé de son manteau (cf. les Noces aldobrandines), tandis que l’époux, entièrement nu, essaye d’user de persuasion en lui parlant avec douceur.
[53] Un indice, ses vêtements, confirme en tout cas qu’elle est une épousée de haut rang et non une prostituée : les prostituées ne portaient ni habits volumineux, ni voile de pudeur, mais étaient réglementairement vêtues de toges ou habillées légèrement pour les « passes » rapides dans les rues de Rome.
[54] Cf. John R. Clarke, Le sexe à Rome.
[55] « En 2008 et 2013, Maria Teresa Marabini Moevs a fait valoir, pour des raisons iconographiques, que la coupe Warren était un faux moderne exécuté vers 1900 pour répondre aux goûts d'Edward Perry Warren, le collectionneur amateur qui a présenté l'artefact au monde. Luca Giuliani, professeur d'archéologie classique à l'Université Humbolt, avait, lui aussi, initialement également soutenu, pour des raisons iconographiques, que la coupe Warren était probablement un faux du XXe siècle. Cependant, il a découvert par la suite que la preuve d'une importante corrosion au chlorure d'argent établissait de manière concluante l'authenticité de la coupe ».
[56] Ce très haut mur coupe-feu faisait la jonction entre la Rome monumentale, la belle Rome de marbre et, de l’autre côté, la Rome populaire, la Rome de Suburre, le Rome de briques. Son rôle était d’empêcher que les incendies qui auraient pu prendre naissance dans la Rome populaire puissent atteindre la zone monumentale. Le forum d’Auguste n’aura pas à souffrir les incendies dont le forum de César a été victime, de sorte qu’il a pu, au IVe siècle, être préservé dans un état beaucoup plus proche de sa création que celui de César. Bien sûr, il y a une part de hasard qui intervient : un départ de feu peut arriver n’importe où et le risque zéro n’existe pas, mais la prise de mesures de sécurité est de nature à réduire ce risque. La construction de ce mur coupe-feu a donc pu jouer un rôle majeur en matière de prévention des incendies.
[57] Aujourd’hui en Europe, le débat est grand entre les réglementaristes et les abolitionnistes de la prostitution. Incontestablement pourtant, la prostitution constitue, par essence, une forme d’esclavage (le choix de cette activité ne peut être le fruit d’une libre décision, ni être un projet de vie). En 2022, la Belgique a été le premier pays de l’Union européenne à sortir la prostitution de l’illégalité et à octroyer aux personnes prostituées les mêmes droits que les travailleurs indépendants. Le proxénétisme reste cependant un crime.
[58] Il n’est pas question de juger ici, avec nos valeurs du XXIe siècle, de la validité ou non de cette conception, ce serait un anachronisme, le péché des historiens, d’autant plus qu’il s’agit d’une question extrêmement complexe. Comme le faisait remarquer le sociologue français Pierre Bourdieu, « il est infiniment plus facile de prendre position pour ou contre une valeur, une personne, une institution ou une situation que d’analyser ce qu’elle est en vérité, dans toute sa complexité ». Pour le lecteur que cela intéresse, l’Institut Emile Vandervelde au travers d’un livre de Corentin Delmotte, apporte un éclairage particulièrement intéressant sur ce phénomène (parce que tenant justement compte de cette complexité : « il n’existe pas une prostitution, mais des prostitutions ») : voir l’état de la question en Belgique (URL : https://www.iev.be/travail_sexe_belgique).
[59] C’est pratiquement la seule loi en matière de sexe : le stuprum est un « crime sexuel », certes, mais cette appellation peut recouvrir plusieurs cas de figure : avoir séduit une femme mariée (acte puni par la loi Iulia), un mineur de sexe masculin né libre (pénalisé par la Lex Scantinia) ou, pour un officier, le fait d’avoir abusé de son autorité pour faire venir une jeune recrue sous sa tente (il n’y a pas de distinction qui est faite entre viol et séduction). Dans tous les cas, il s’agit cependant d’une infraction commise par une personne détenant une part d’autorité sur une personne physiquement ou psychologiquement plus faible, qui ne pourra pas résister à la séduction ou à la force.
[60] Géraldine Puccini-Delbey, La Vie sexuelle à Rome.
[61] Le mot n’apparaît qu’au XVIe et XVIIe siècles et ne sera utilisé couramment qu’au XVIIIe siècle. Auparavant, on disait « efforcement » (au XVIIe siècle, alors que « viol » commençait à être utilisé, les grammairiens le combattaient, disant qu'il n'y avait de français que « violement »). Voir « Violer », Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, vol. 2, Paris, 2011, p. 4 080 et Valérie Toureille, « Viol » », Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2004, p. 1456-1457.
[62] Cette « richesse » du vocabulaire reflète sans doute aussi la complexité de la prostitution à Rome, surtout sous l’Empire, où cette pratique ne se limite plus à certains quartiers mal famés de la République, toute femme – même les impératrices comme Messaline, troisième femme de l’empereur Claude, si l’on en croit Suétone – sont susceptibles de vendre ce qui leur reste de « vertu » à certains moments de leur vie. Les raisons tout autant que la manière dont celle-ci s’exerçait expliquent donc sans doute cette « débauche » de termes utilisés pour désigner les filles de joie. Le problème historique majeur posé par l'étude de la prostitution à Rome est celui de l'existence de prostitué(e)s libres dans une société esclavagiste. Voir à ce sujet l’article de Florence Dupont.
[63] Parce qu’au XVIIIe siècle, elle devait être signalée par une lanterne rouge et les volets devaient être clos.
[64] « Sunt asses II ».
[65] Le nom en français du coitus more ferarum vient de la femelle du lévrier, espèce de chien courant qui a les pattes avant plus courtes que les pattes arrière et dont le dos est penché en avant.
[66] Etymologiquement, le mot français a été emprunté au néerlandais makelare, « intermédiaire, courtier » à la fin du XIIIe siècle. Quant au maquereau (poisson), il tirerait son nom du proxénète par métaphore (il serait le proxénète des mers), en référence au fait que le maquereau rapprocherait les harengs mâles des harengs femelles, qui l’accompagnent lors de leurs migrations.
[67] Le vicus Tuscus (« quartier étrusque »), le vicus turianus proche de Suburre, le vicus lugarius, via Sacra citée par Properce. Dans le livre I de son Art d'aimer, Ovide conseille de déambuler dans les forums, sous les portiques couverts de Pompée, d'Octavie, de Livie et d'Apollin, de fréquenter les fêtes religieuses, en particulier de se rendre à celles d'Isis parce que les prostituées sont généralement adeptes de la religion isiaque et que ses temples sont situés près des marchés et des maisons closes.
[68] Nom du personnage principal de la pièce qui est un esclave. L'intrigue principale était basée sur une pièce de théâtre grecque. Cependant, le scénario a été modifié afin d'empêcher un frère d'épouser sa demi-sœur. Chez les Romains, en effet, l’inceste était frappé d’un interdit strict et puni de mort (Tacite rapporte dans ses Annales Livre VI, chap. 6.19, que, sous Tibère, Sextus Marius, un riche Espagnol, fut précipité du haut de la Roche Tarpéienne pour avoir commis un inceste avec sa propre fille), ce qui ne dérangeait, en revanche, pas les Grecs.
[69] Le terme a été inventé au XVIe siècle par le médecin français Jacques de Béthencourt.
[70] En Sicile, le culte de Vénus Erycina, était rendu par des prostituées sacrées qui s'accouplaient à l'intérieur du temple avec des pèlerins de passage, notamment les marins. D’après les historiens romains (Tite-Live, Ovide), le culte de Vénus Erycina a été introduit dans la Rome antique après la défaite de Trasimène en 217 av. J.-C. Selon Ovide (Fastes, IV, 863-876), la statue de la déesse du temple d'Erice a été amenée à Rome en 211 av.J-C., après la prise de Syracuse durant la deuxième guerre punique où Archimède trouva la mort. Certains scientifiques pensent que l'Acrolithe Ludovisi était la tête de cette statue et que le trône Ludovisi (dont l’authenticité est contestée) est un second témoignage archéologique de ce culte.
[71] Sur le plan religieux, le « non-conformisme » du culte de Bacchus et les règles cultuelles en opposition avec la religion officielle posent un problème : les adeptes du dionysisme consomment la chair crue des victimes offertes en sacrifice (omophagie), ainsi que de grandes quantités de vin. Ils cherchent ainsi à atteindre un état de transe, à être possédés par la divinité et à s'identifier à elle pendant le temps que dure cet état second (avec comme corollaire un impact sur les mœurs et la violence). D’autre part, l’essentiel des fonctions sacerdotales sont exercées par des prêtresses (alors que, dans la religion romaine, elles sont assurées par des hommes, à quelques exceptions près comme les Vestales). Contrairement à la religion publique qui vise l’intérêt collectif, le dionysisme promet un bonheur individuel après la mort. En outre, les cérémonies se déroulent la nuit (or, tout ce qui se passe la nuit est, par définition, suspect). Sur le plan politique, les adeptes forment un mélange hétérogène de populations jugé dangereux – il y a des enfants, des adultes, des vieillards, des hommes, des femmes, des citoyens romains, des esclaves, des étrangers – (avant le IIe siècle av. J.-C., cette mixité est considérée comme contre nature : on ne mélange pas les sexes, les âges et les conditions sociales). Il y a, en effet, un renversement de l’ordre social et surtout une crainte de voir les adolescents, plongés dans la débauche, incapables de devenir par la suite les valeureux soldats nécessaires à Rome pour mener ses guerres. Enfin, le Sénat redoute que cette sorte de secte religieuse ne constitue, au sein même de Rome, le noyau dur d’une rébellion contre la domination romaine en Italie, regroupant des opposants d’horizons différents, mais unis par un même culte. Une enquête judicaire sera diligentée, Rome sera bloquée (des gardes seront postés aux portes de la ville) et quadrillée. 7000 personnes seront accusées dont beaucoup seront mis à mort.
[72] Dans Sexe et pouvoir à Rome, Paul Veyne écrit qu’elle demeurait « une adolescente à vie ». S’il n’y avait effectivement pas d’émancipation pour l’épouse dans les institutions, on doit néanmoins préciser que dans la réalité, une femme de la haute société romaine à la fin de la République et pendant tout l’Empire, était très émancipée et prenait même des amants si elle le voulait. Elle disposait également de sa fortune et avait donc les moyens de le faire. Auguste a bien promulgué vers 18 av. J.-C. une loi contre l’adultère (la Lex Iulia de adulteriis), mais elle n’a pas été suivie (seule sa fille Julia a été condamnée). Les grandes dames du Ier siècle de notre ère, comme Messaline en particulier, ont eu une existence aussi libre que celle des hommes.
[73] Romulus et Rémus, les fondateurs légendaires de Rome, ont, en quelque sorte, été exposés sur le Tibre. Les sources documentaires ne nous renseignent que quatre cas d’exposition dont deux rapportés par Suétone à propos des empereurs Auguste (Livre LXV, 4 : exposition de l’enfant adultérin de sa fille Juila) et Claude (Livre XXVII, 3 : exposition de la fille de son épouse Urgulanilla considérée comme illégitime). Les comédies de Plaute et de Térence font, quant à elles, état d’un nombre significatif d’exposition de petites filles. Voir à ce sujet l’article d’Annie Allély, « L’exposition des petites filles à Rome sous la République et sous le Principat (URL : https://journals.openedition.org/abpo/3692).
[74] Cf. Pierre Salmon, « La limitation des naissances dans l’empire romain ».
[75] La plus ancienne attestation de l’expression dans son sens actuel (d’amour au premier regard) date de 1741. Le latin connaissait déjà l’amour soudain, inopiné (amor subitus, repentinus). Voir Histoire du coup de foudre de Jean-Claude Bologne.
[76] Rhea Silvia a fait l’objet de nombreuses représentations dans les arts que ce soit en peinture (maison de M.Fabius Secundus, Nicolos Colombel, Rubens, …), en sculpture (sarcophage romain de Mars et Rhea Silvia au palazzo Mattei déjà vu auparavant, la statue de Jacopo della Quercia à Sienne) et même en musique (Vivaldi, opéra La Silvia, composé pour le théâtre de Milan).
[77] « Amour qui, pour l'enflammer à la vue des beautés de la Vestale, lève un bout du vêtement qui lui couvre le sein. » (Descriptions de l’Académie royale de peinture et de sculpture par Nicolas Guérin (1893).
[78] Il est le seul peintre français de sa génération à rencontrer le succès à Rome, avant de faire carrière à Paris au sein de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, à la fin du règne de Louis XIV.
[79] Les écritures en forme de palindrome (le carré « Amor », le carré « Sator » rendu célèbre par le film « Tenet » de Robert Nolan sorti en 2020) ne sont pas exclusives aux Latins : on retrouve, par exemple, dans la tradition juive kabbalistique. Le sens du palindrome romain est généralement obscur, comme c’est le cas pour celui-ci : « Rome / autrefois / Milo (peut-être un prénom) / amour. ». Le texte a été retrouvé gravé sur une façade de la ruelle de Ménandre à Pompéi (I.10.4).
[80] Pour reprendre le joli titre d’un article paru sur le Blog de l’association culturelle « Nunc est bibendum ».
[81] Le but étant de montrer que la Bologne de la Renaissance était une ville aussi ouverte et accueillante que la Rome antique (Emma Dench, Romulus' Asylum: Roman Identities from the Age of Alexander to the Age of Hadrian, Oxford University, 2005, p. 1 à 5).
[82] (Paris, Payot, 1987, pp. 83 sqq).
[83] Virgile en fait le lieu de la mort d’Argus (Argi letum en latin : Enéide, VIII, 345), mais serait plus probablement un lieu où l’on extrayait l’argile).
[84] Virgile (9e Eglogue), Suétone (Vie de César, 88) et Ovide (Les Métamorphoses, XV, 840).
[85] Octave s’empressera d’utiliser le passage de cette comète pour alimenter sa propagande politique en interprétant ce phénomène astronomique comme étant l’âme de César changée en comète et montant au ciel. C’est à la suite du passage de cette comète que César sera divinisé. Il ne faut pas confondre comète et étoile filante, la première est un petit astre constitué de gaz et de poussières qui circule dans le système solaire et qui brille en réfléchissant la lumière du soleil, alors que l’étoile filante sont des particules qui traversent notre atmosphère et la lumière produite provient de leur échauffement dans les couches supérieures de l’atmosphère terrestre. De plus, le passage d’une comète est lent (sept jours pour la comète de César), alors que celui d’une étoile filante ne dure que quelques secondes.
[86] En particulier chez Ovide, dans son Art d’aimer (I, 82, pp. 19 et 20 dans l’édition du Livre de poche classique) qui mentionne que les forums conviennent à l’amour, malgré le fait qu’il s’agisse d’endroits bruyants. Notons également que mot « comète » vient du grec ancien κομήτης ἀστήρ, komếtês astếr, qui signifie « astre chevelu ». Or, en astronomie, on parle toujours de la chevelure de comète (coma en latin) pour désigner l’enveloppe nébuleuse autour du noyau d’une comète (composée de 90 % de glace qui se sublime en passant près du soleil lors de son orbite elliptique. Cf. aussi la très belle légende de Bérénice coupant sa magnifique chevelure et qui a donné son nom à la constellation qui porte toujours le nom de « chevelure de Bérénice » (Coma Berenices). Callimaque chanta cette métamorphose dans un poème que Catulle a imité.
[87] « En ce lieu, souvent un jurisconsulte devient l’esclave de l’Amour et celui qui a fait prendre des précautions aux autres n’en prend pas pour lui-même. Souvent, en ce lieu, un beau parleur ne peut pas trouver ses mots ; de nouveaux intérêts viennent l’occuper et c’est sa propre cause qu’il lui faut plaider. De son temple tout voisin, Vénus rit de lui : tout à l’heure, il était patron ; maintenant, il désire être client. » (Art d’aimer I, 82, pp. 19 et 20 dans l’édition du Livre de poche classique).
[88] Ce qui n'est pas surprenant car les bronzes ont été produits dans un seul atelier (ré-)utilisant des modèles et des moules.
[89] Histoire naturelle, XXXVI, 33 : voir Kenneth Lapatin, 2019, qui s’appuie sur un projet d’imagerie interdisciplinaire de Kyoko Sengoku-Haga et al. (https://classicalstudies.org/appiades-stephanos-herculaneum-and-rome-new-identification-bronze-%E2%80%98dancers%E2%80%99-villa-dei-papiri).
Même si l’identité du propriétaire de la villa des Papyrus est une question encore en débat parmi les érudits, le meilleur candidat reste jusqu’à présent Lucius Calpurnius Piso Caesoninus, le beau-père de Jules César. Il ne serait donc pas inconcevable de penser que l'atelier de Stephanos (et les moules dans lesquels furent coulées les statues des Appiades pour César) ait été mis à contribution pour la création de répliques en bronze presque contemporaines.
[90] LPC, page 22.
[91] Ibid., pp. 22-23.
[92] Ibid, Livre II, vers 261 et suivants, p. 69 LPC.
[93] Notons que ce nom donné à un groupe de féministes résulte de la translittération d’un mot ukrainien et qu’il signifie « cuisse » en latin (cf. notre mot fémur, terme que les anatomistes auraient intégré dans la langue française pour désigner l'os de la cuisse).
[94] Le sujet amoureux n’est ni masculin ni féminin : celui ou celle à qui il s’adresse est appelé l’être aimé.
[95] Pour Ovide, il s’agit plutôt d’une chasse, l’homme étant évidemment le chasseur et la femme, le gibier. L’écrivain ne manque d’ailleurs pas de métaphores animalières afin de l’expliquer à son lecteur : « Elle ne te viendra pas du ciel sur l’aile des vents ; la belle qui te convient, ce sont tes yeux qui doivent la chercher. Le chasseur sait où il doit tendre ses filets aux cerfs ; il sait dans quel vallon le sanglier farouche a sa bauge. L’oiseleur connaît les broussailles propices à ses gluaux, et le pécheur n’ignore pas quelles sont les eaux où les poissons se trouvent en plus grand nombre. ». On remarquera, à nouveau, que, de nos jours, le vocabulaire de certains hommes pour désigner « son gibier » emprunte encore à la gent animalière de nombreux noms, la femme étant assimilée, dans leur esprit – et dans le meilleur des cas –, à une poule, une gazelle, une pouliche, et dans le langage hypocoristique à un lapin, une colombe, un poussin, un chaton, une biche, une puce, le tout précédé de l’adjectif possessif « ma ». Pour les hommes, le répertoire semble moins large, mais il a droit à être tout de même un (petit) loup, précédé – lui aussi – de l’adjectif possessif « mon ». Au cas où l’on perdrait tous ces animaux !
[96] L’érotisme des peintures exposées au XIXe siècle reste feutré, mais il prend son prétexte dans les sujets mythologiques ou historiques de l’Antiquité gréco-romaine : Phryné devant l’aréopage de Jean-Léon Gérôme, Hylas et les Nymphes de John William Waterhouse Apelle peignant Campaspe en présence d’Alexandre de David ou encore Zeuxis choisissant pour modèles les plus belles jeunes filles de Crotone de François-André Vincent, par exemple. Quand le prétexte antique ne pourra plus être invoqué, avec l’arrivée du romantisme, les peintres se tourneront vers l’Orient, les odalisques et les bains turcs !
[97] Journal littéraire (26.12.1926). |
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