L’ Armée d’ Afrique 2° Partie
English Version HERE En débarquant l’été 1830 sur l’autre rive de la Méditerranée les soldats françaiss’engagent dans l’aventure. Ils mettent le pied sur le sol de cet immense continent, grand inconnu, dont on ne sait pas encore distinguer le nord peuplé d’arabes et de berbères par rapport à sa majeure partie peuplée de noirs, et qui s’appelle l’Afrique. Ces soldats constituent donc tout naturellement l’Armée d’Afrique.
Cette appellation se confirme et se généralise lorsque, par nécessité, le comman-dement français va recruter des corps d’auxiliaires indigènes. Cette nécessité offre un double intérêt : renforcer les effectifs, mais aussi et surtout, dans le propos qui est le nôtre, doter l’armée française d’un moyen d’approcher les populations locales avec lesquelles les relations risquent d’être difficiles puisque le soldat français ignore la langue et les modes de vie des autochtones. Très vite les soldats français en Afrique du Nord vont adopter bon nombre des moeurs et des coutumes des arabes ce qui les distinguera de leurs homologues restés en Europe. Ils partagent les dangers du combat et la fraternité d’armes avec les troupes indigènes incorporées dans l’armée française. Ils deviennent des Africains dans l’acceptation très large que ce terme pouvait avoir au milieu du XIXème siècle. Ils forment l’Armée d’Afrique et resteront très attachés à cette dénomination jusqu’au rapatriement en 1962 sur le sol métropolitain.La création des unités qui constituèrent l’Armée d’Afrique s’est faite sans plan directeur, de manière éparse, au coup par coup, chaque fois que le commandement en ressentait le besoin selon les circonstances et le lieu où elles ont été mises sur pied. Chronologiquement, ce sont les Zouaves qui ont été créés les premiers, le 1er octobre 1830.
La Légion Etrangère a été instituée le 9 mars 1831 Les Chasseurs d’Afrique le 16 novembre 1831, L’Infanterie Légère d’Afrique le 4 juin 1832, Les Spahis le 10 septembre 1834, Les Tirailleurs Algériens le 7 décembre 1841 Les Tirailleurs Tunisiens le 20 novembre 1881 Les Tirailleurs Marocains le 16 juin 1912. Autant dire que ces différents corps de troupe ne constituent pas une entité organisée ni regroupée. Ils continueront à être composés soit de troupes européennes soit de troupes indigènes. Certaines unités auront un recrutement à la fois européen et indigène. A de rares exceptions près ils ne formeront jamais une armée organique qui servirait en bloc et unie. Ils resteront indépendants les uns des autres et, en fonction des théâtres d’opérations, serviront, affectés au sein d’une Grande Unité de l’armée française dont ils ne seront qu’un des éléments organiques. Ce n’est pas tant leur organisation, mais bel et bien leur esprit qui forgera leur spécificité et leur renommée.Pour cette raison nous n’allons pas étudier les différentes composantes de l’Armée d’Afrique de façon chronologique. Nous allons les classer par arme, en distinguant les troupes européennes des troupes indigènes, et les formations spécifiques L’Armée d’Afrique de 1830 à 1840 Après son débarquement en juin 1830 sur la côte de l’Afrique du Nord et la prise d’Alger, l’armée française ne dispose d’aucune directive précise sur sa conduite à tenir. Pourtant, dès le mois d’août 1830 le commandement français sent la nécessité de marquer la présence française à l’est et à l’ouest, et installe de petits détachements à Bône et à Oran. Mais les tribus du bled s’opposent farouchement à tout élargissement de la zone occupée. Elles provoquent régulièrement les troupes françaises qui ont tout juste les moyens de repousser ces attaques et sont en pleine période d’incertitude.
L’Armée d’Afrique de 1840 aux années 1850
Dès le 1er janvier 1840 le commandement de l’armée française et le gouverne- ment général de l’Algérie sont confiés au général Bugeaud qui restera six ans et demi dans ces fonctions. Au cours de cette longue période il jouera un rôle déterminant dans le domaine militaire comme dans le domaine civil . Il restera le plus célèbre des commandants en chef et des gouverneurs de la période de la conquête de l’Algérie.Il affiche ses convictions dès sa prise de fonctions. Devant les agissements de l’ l’émir Abd-El-Kader l’Algérie ne connaîtra jamais la paix si le territoire n’ n’était entièrement soumis.Dans le domaine civil il conçoit une forme de colonisation agricole qu’il expérimente principalement avec d’anciens soldats. Chaque fois qu’il le peut il met la troupe à la disposition des services publics et même des particuliers pour l’exécution de grands travaux ou la participation aux travaux des champs. Ce n’est pas le moindre titre de gloire de l’Armée d’Afrique que d’avoir fertilisé la terre d’Algérie, non seulement de son sang, mais aussi de sa sueur.Sur le plan militaire il se montre très soucieux du bien-être du troupier dont il partage et mène la vie en campagne. Il poursuit la politique de formation de nouvelles unités, telles les « Bataillons de Tirailleurs Indigènes » qu’il crée en décembre 1841.Ces nouveaux corps de troupe, institués sur le territoire de l’Algérie, apportent la preuve de leur nécessité et de leur efficacité dès les premières années de leur fondation. Ainsi en février 1840 une compagnie d’Infanterie Légère d’Afrique résista pendant quatre jours aux assauts de milliers d’indigènes qui subirent des pertes énormes et finirent par lever le siège. C’est le premier fait d’armes des B.I.L.A. à Mazagran, près de Mostaganem.Les opérations de conquête à partir de 1841 sont essentiellement dirigées contre Abd-El-Kader. Ce dernier a compris qu’il n’est pas en mesure d’accepter la bataille avec l’armée française. Il mène donc une guerre de surprise et d’ embuscades, se retirant devant la force, réoccupant le terrain après le passage de l’adversaire, et profitant du moment critique du repli pour harceler les français et leur causer des pertes.En Oranie l’émir est chassé progressivement de toutes les grandes villes et se trouve réduit à se déplacer avec sa smala, immense campement d’environ 60.000 personnes ( dont un nombre relativement faible de combattants ), accompagnés de troupeaux et de biens. Cette situation défavorable incite les français à mettre la main sur la smala. L’occasion va se présenter en mai 1843 lorsque la smala se dirige dans le sud-Oranais vers le Djebel Amour. Le duc d’Aumale, quatrième fils du roi Louis-Philippe, tout juste âgé de 21 ans, donne l’ordre de la poursuivre et de l’attaquer. Ce fut un succès. La smala est détruite, mais l’émir Abd-El-Kader réussit à s’enfuir. Il cherche refuge auprès du Maroc.Les accrochages avec les éléments marocains deviennent de plus en plus fréquents. Les négociations avec le sultan du Maroc ne donnent aucun résultat. L’emploi de la force est rendu inévitable. En août 1843 Bugeaud franchit la frontière algéro-marocaine avec 11.500 hommes dont 1.500 cavaliers pour attaquer dès le lendemain l’armée chérifienne forte de 30.000 hommes. Les forces marocaines ont essayé de s’opposer à cette incursion française sur leur territoire à hauteur de l’oued Isly.
C’est à ce nouveau chef français de sang noble que l’émir Abd-El-Kader, abandonné par les tribus algériennes et par le sultan du Maroc, se rend définitivement le 23 décembre 1847 à Sidi-Brahim, au sud de Nemours (Ghazaouet), à l’endroit même où s’était déroulé deux ans plus tôt le tragique épisode du marabout où les Chasseurs d’Orléans résistèrent à un contre dix jusqu’à l’anéantissement.Les menaces de guerre en Europe exigent la présence en Algérie d’une puissante armée dont les unités bien acclimatées connaissent parfaitement le pays et ses habitants. C’est le maréchal Randon, dont le proconsulat dura du 10 décembre 1850 au 24 juin 1858, qui entreprend de réorganiser l’Armée d’Afrique. Il va renforcer les divers et multiples formations d’autochtones en les regroupant au sein de régiments : o trois régiments de Zouaves en 1852, puis quatre en 1855, o trois régiments de Tirailleurs Algériens en 1856, o trois bataillons d’Infanterie légère d’Afrique depuis 1833, o quatre régiments de Chasseurs d’Afrique depuis 1839, o deux régiments de Légion étrangère depuis 1841, o quatre régiments de Spahis depuis 1845. - guerre de Crimée (1854-1855) : l’Alma, Sébastopol, Balaklava, Inkermann, Malakoff, - campagne d’Italie (1859) : Palestro, Turbigo, Magenta, Solferino - puis les expéditions de Chine (1860) et du Mexique (1861-1867) Il faut attendre l’année 1857, avec le retour en Algérie des régiments qui ont combattu en Crimée, pour que le maréchal Randon dispose enfin de la totalité des forces l’autorisant à entreprendre la dernière expédition qu’il doit mener pour pacifier toute la Kabylie et donc l’Algérie toute entière. Cette expédition sera appelée l’expédition de la Grande Kabylie. Elle durera moins de deux mois.
Elle débute par l’attaque et la soumission des Aït Iraten et autres tribus de la région de Tizi Ouzou. Plusieurs autres fractions continuent à résister à la pénétration française. Elles édifient de très solides fortifications à Icheriden, passage obligé couvrant leur territoire et défendu par 4.000 guerriers. Le 4 juin 1857 la position d’Icheriden est enlevée par deux vieux régiments de l’Armée d’Afrique, le 2ème Zouaves et le 2ème Etranger. Il ne reste plus qu’un seul foyer de résistance dans la région la plus sauvage et la plus accidentée du Djurdjura sous l’impulsion de Lalla Fatima, la femme marabout. Celle-ci finit par se rendre le 12 juillet 1857, date à laquelle toutes les tribus kabyles demandent à se soumettre.A cette date l’Algérie est totalement conquise par la France sous la paix honora- ble que l’Armée d’Afrique lui a permis d’acquérir. C’est au cours du quart de siècle qui a suivi le débarquement à Sidi-Ferruch en juin 1830 que cette belle Armée d’Afrique est née. Elle s’est développée, non sans difficultés ni erreurs, et s’est forgée un caractère et une personnalité dont elle ne s’est plus jamais départie. Non seulement elle a constitué une fraction originale de l’armée française, mais elle a aussi eu sur celle-ci une influence profonde qui la marque de façon indélébile même encore aujourd’hui, en ce début du XXIème siècle.Il conviendrait à présent que nous comprenions comment étaient organisés les différents corps qui ont constitué l’Armée d’Afrique. Nous savons qu’ils se sont appelés les Chasseurs d’Afrique, l’ Infanterie Légère d’Afrique, la Légion étrangère, les Spahis, les Tirailleurs, les Zouaves, et d’autres non cités que nous n’avons encore pas rencontrés entre 1830 et 1857.Nous allons les passer en revue les uns après les autres, en rappelant comment ils furent créés, en précisant quelle a été leur histoire dans le temps, et en détaillant l’uniforme qu’ils ont porté et qui a permis de les distinguer aussi bien des autres formations de l’armée française que parmi leurs pairs.
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