Tribunaux Internationaux (3° partie) Nuremberg

Article écrit par : Philippe Angoy

Mis en ligne le 01/08/2008 à 20:58:12



 

 

Les Tribunaux Internationaux 3° Partie  Nuremberg 
Philippe Angoy

 La présence des soviétiques et le massacre de Katyn

 

 

 

 

 

À ce titre, il nous faut revenir sur certains aspects du tribunal de Nuremberg. En premier lieu, il est légitime de se poser la question de la légitimité de la présence des soviétiques dans la composition du tribunal de Nuremberg, du fait de la signature d’un pacte de non agression avec l’Allemagne nazie.

S’est posée la question de la présence des soviétiques au nombre des juges de Nuremberg. La pertinence de cette question trouve son fondement dans certains faits : la conclusion d’un pacte entre l’Allemagne nazie et l’URSS a rendu possible l’agression contre la Pologne, et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui ont eux-mêmes envahi la Pologne et se sont partagés ses dépouilles ne pouvaient être juges puisqu’ils étaient parties. On peut justement remarquer l’impact néfaste de cette présence russe sur l’image d’impartialité que devait dégager ce tribunal avec le massacre de Katyn

Lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne et l’URSS en 1939, les Soviétiques capturent par traîtrise 15.000 officiers polonais. Par ordre de Staline, ils les assassineront presque tous dans les circonstances les plus atroces (exécutions de masse, noyades, etc.). En avril 1940, 4.500 d’entre eux furent exécutés par les Soviétiques et enterrés dans la forêt polonaise de Katyn. En 1943, les allemands découvrent le charnier, mettent sur pied une commission d’enquête internationale, qui conclue à la culpabilité soviétique. Les allemands font alors de ce massacre une arme de propagande pour affaiblir la coalition alliée, dont faisait partie le gouvernement polonais en exil à Londres. Or, l’exploitation maximale que firent les nazis de ce massacre à des fins de propagande, l’instrumentalisation de ce drame, n’enlève rien à la culpabilité soviétique : l’instrumentalisation d’un drame n’a jamais été la preuve qu’il ne s’était pas déroulé.

En 1943, les Soviétiques occupent de nouveau les lieux du massacre, montent leur propre commission d’enquête qui conclue naturellement à la culpabilité allemande. À Nuremberg, contre l’avis des autres alliés qui connaissaient la vérité, ils font pression pour mettre Katyn dans l’acte d’accusation contre les Nazis. Finalement, Katyn apparaît dans le chef d’accusation n°3, « crimes de guerre », qui fait référence à l’article 6 b du statut du Tribunal.

Les Soviétiques espéraient bien faire attribuer ce massacre aux allemands. Ils espéraient que l’on se passerait de témoignages, que le rapport sur lequel ils fondaient leur accusation serait accepté sans discussion aucune, et que la culpabilité des accusés serait considérée comme acquise d’office (l’accusation soviétique reposait uniquement sur le rapport qu’ils avaient fabriqué pour incriminer les Allemands). Cependant, les Allemands inculpés purent se défendre de ce crime, malgré les soviétiques qui voulaient les en empêcher mais grâce aux autres alliés qui soutinrent la demande allemande de produire témoins et dossier à décharge, et ils le firent si bien que « Katyn disparaît simplement du jugement, ce qui constitue en quelque sorte l’aveu tacite de la culpabilité soviétique ». Katyn fut un véritable test de l’équité du procès, test mal engagé dès le départ de par la mention même de Katyn dans l’acte d’accusation, mais la suite du procès se révéla à l’honneur des juges et du tribunal.

On peut également être frappé par la comparaison opérée par Hannah Arendt. En effet, on peut ainsi trouver dans la Tchéka, créée le 20 décembre 1917 et installée à Lioubyanka pour liquider toute opposition, une analogie avec la Gestapo. C’est en U.R.S.S. que le système des camps est inauguré en mai 1919 dans le but de terroriser massivement la population. Tout comme les camps de concentration et d’extermination nazis, les camps d’enfermement et d’avilissement, multipliés par Staline sur tout le territoire de l’U.R.S.S., qui constituent l’Archipel du goulag, et Kolyma, le camp de mort du Grand Nord où l’on peut estimer à trois millions le nombre de morts, ne sont pas les manifestations d’une folie meurtrière individuelle, mais les suites d’une idéologie qui se veut tout aussi hégémonique que le national-socialisme. On peut également remarquer l’élimination des élites polonaises et baltes en 1941, l’extermination et la déportation des Allemands de la Volga la même année, et, en 1944, des Tatars de Crimée. Il aurait également été possible de condamner les dirigeants soviétiques pour le crime de génocide, car c’est bien un génocide par la faim qui fut commis contre les Ukrainiens de 1930 à 1932 et qui fit sept millions de morts, auxquels s’ajoutent un million de déportés, qualifiés de koulaks, pour imposer la collectivisation marxiste de l’agriculture.

L’influence soviétique n’a pas été négligeable, et c’est pour ne pas compromettre une politique de détente et pour éviter le départ de leur délégation, que les avocats se sont vus interdire d’invoquer la complicité germano-soviétique comme moyen de défense.

Une fois encore, la justice de Nuremberg est critiquable en ce qu’elle semble faire deux poids, deux mesures. Seule l’opportunité politique peut permettre de préférer une dictature à une autre.

 

 

Plan de Masse de Katyn d'après un document Allemand (source Internet )

 

 

 
 : Le problème de la légalité
 

Presque cinquante ans plus tard, sous la réserve du sentiment d’injustice que l’on peut éprouver en présence de la condamnation des amiraux Dönitz et Raeder, et pour le général Jodl, de l’exécution par pendaison, et bien évidemment de la condamnation de Rudolf Hess, le jugement est celui de la postérité. Pour J.-M. Varaut, la motivation de ce tribunal apparaît comme une grande leçon d’histoire et d’éthique, dans la limite du refus délibéré du statut de mettre dans la balance que tiennent les vainqueurs leurs propres crimes de guerre. Comme nous l’avons vu un peu plus haut, le tu quoque n’était pas recevable comme moyen de défense.

Pour que la justice soit rendue efficacement, nul ne peut être juge et partie et, malgré la bonne volonté et la sincérité des juges de rendre une justice impartiale et non politique, c’est ce qui s’est malheureusement passé à Nuremberg. Nous pouvons notamment le remarquer avec la notion de complot, dont nous avons qu’elle ne s’imposait pas : elle donnait à l’accusation un aspect politique qu’il fallait justement bannir et, sur le plan purement juridique, elle n’a servi qu’à donner du grain à moudre à la défense. Si l’imputation anglo-saxonne de complot confère ainsi aux épisode successifs de l’entreprise hitlérienne une « cohérence romantique satisfaisante pour l’esprit » (J.-M. Varaut), elle permet également d’imputer à chacun des « conspirateurs » les actes antérieurs à son adhésion et à la participation qui a suivi, et de rendre chacun d’eux pénalement responsable de toutes les conséquences du « complot », y compris celles qu’il n’a pu ni prévoir ni concevoir. De cette manière sont imputés à Schacht et von Papen, qui n’ont pas adhéré au nazisme mais qui ont contribué à l’accession au pouvoir d’Hitler, tous les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité poursuivis par l’accusation. Or, cette inculpation vient heurter de plein fouet le principe de légalité des délits et des peines : nullum crimen, nulla poena sine lege. Un homme ne doit pas être puni pour des faits dont il ne pouvait connaître le caractère criminel au moment de leur commission alors comment imputer ex post factum des conséquences imprévisibles ? Comment parler d’un projet commun, d’un concours de volonté, lorsqu’une volonté fait loi à toutes les autres ? Hitler détenait la totalité du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.

 

Ces quelques exemples ne servent qu’à illustrer le fait suivant : Nuremberg, qui avait été voulu comme le théâtre d’une justice pénale internationale, n’a en fait été que l’expression d’une justice internationale mais politique. Force est de constater que la barbarie du régime soviétique n’a rien à envier à la technique industrielle et bureaucratique d’extermination qui a caractérisé le nazisme. En fait, la différence majeure réside dans le mobile : le discours de justice et d’égalité, qui est celui du communisme, face au discours de la supériorité raciale des aryens. On peut estimer que c’est la générosité utopique du premier de ces deux discours qui a dissimulé les ressemblances flagrantes entre ces deux systèmes.

Voir Parties  1  2   4

 
Tribunal de Nuremberg (Une partie des Juges) Source Internet
   


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