France Armée d'Afrique 3° Partie Les troupes européennes (Version Française)

Article écrit par : Charles Janier

Mis en ligne le 24/08/2008 à 19:36:14



Les différents corps de l’Armée d’Afrique

Les troupes européennes

Les troupes européennes d’Infanterie


Les Zouaves
English Version HERE


Après leur débarquement à Sidi-Ferruch en juin 1830 et la prise d’Alger en juillet, les troupes françaises entreprennent la conquête des contrées qui s’offrent à elles vers l’ouest comme vers l’est. Leurs besoins en effectifs sont considérables à tel point que, un mois après leur présence sur ce territoire, le maréchal De Bourmont, commandant en chef, lance une première tentative d’ incorporation d’autochtones dans les rangs de l’armée française. Il fait appel dès le mois d’août 1830 aux tribus kabyles qui traditionnellement fournissaient des soldats aux turcs. Cinq cents indigènes de la tribu des Zouaouas, aux confins de la province de Constantine, constituent les premiers contingents indigènes à combattre à pied auprès des français. On les a appelés les Zouaves.
Le 1er octobre 1830 ils sont organisés en deux bataillons. C’est l’ordonnance du 25 décembre 1835 qui crée très officiellement le corps des ZOUAVES. Il devient régiment le 8 septembre 1841. A partir de cette date les
arabo-berbères disparaissent de leurs rangs et les unités de Zouaves ne seront plus désormais constitués que d’européens.
Pendant la campagne de conquête de l’Algérie les Zouaves ne connaissent aucun retentissement en France. Il faudra attendre le second Empire pour que leur réputation soit connue du grand public. Et c’est sous Napoléon III qu’ils sont admirés tant pour leurs faits d’armes que pour leur uniforme. Car ce que l’on retiendra de plus particulier chez les Zouaves, c’est leur uniforme.
Pour perpétuer leur appartenance jadis au sein des troupes ottomanes, on a doté les zouaves d’une tenue dite « orientale » composée d’un boléro en drap bleu foncé porté sur un gilet du même drap et d’un large pantalon garance appelé saghouel. La coiffure est une chéchia de laine feutrée garance que le zouave porte crânement sur l’arrière de la tête. Pour parfaire sa silhouette notre homme entoure sa taille d’une large ceinture de flanelle bleue.
Nous insisterons sur une particularité de cette tenue orientale, celle des tombeaux du boléro, puisqu’elle s’appliquera à tous les autres corps de troupe équipés de ce type d’uniforme. La couleur de fond du tombeau désigne le régiment auquel est affecté le zouave qui le porte

 

 

 

 

:
- rouge pour le 1er Régiment (Alger),
- blanc pour le 2ème Régiment ( Oran ),
- jaune pour le 3ème Régiment ( Constantine )
et - bleu pour le 4ème Régiment ( Tunis). Précisons à propos de ce 4ème Régiment la règle selon laquelle tous les régiments qui portent un numéro multiple de 4 ( le 8ème, le 16ème, le 24ème, etc...) sont des Régiments Tunisiens.
C’est dans cette tenue orientale que les zouaves glanent leurs premiers lauriers dans toutes les campagnes du second Empire. Ils défendent aussi le territoire national lorsque celui-ci est menacé, que ce soit pendant la guerre de 1870-1871 ou les deux conflits mondiaux du XXème siècle. Curieusement ils ne sont pas envoyés en Indochine de 1945 à 1954. Ils servent enfin en
Algérie jusqu’en 1962.
Il existera jusqu’à 19 régiments de Zouaves dont six décorés de la Légion d’Honneur. Leur traditions sont maintenues dans l’armée française du XXIème siècle par le biais du CNEC – 9ème Zouaves deGivet dans les Ardennes qui conserve le drapeau jusqu'en 2006.

 

La Légion Etrangère
 


La Légion Etrangère est une spécificité bien particulière à la France. De tout temps les étrangers ont montré une prédilection marquée pour le service des armes de la France. Il n’est pas étonnant qu’en 1830 le besoin en contingents nécessité par la guerre d’usure de la conquête de l’Algérie donne l’idée au gouvernement de l’époque, pour épargner le sang français, d’utiliser les hommes qui traînaient dans les tavernes de la capitale, pour la plupart étrangers. C’était les anciens mercenaires du Régiment de Hohenzollern, ou d’anciens gardes Suisses, ou les rescapés des insurrections révolutionnaires européennes, plus les mauvais garçons qui avaient maille à partir avec la police.
En créant, le 9 mars 1831, une « Légion Etrangère composée de sept bataillons pour servir hors du territoire continental du Royaume », le nouveau Roi de France, Louis-Philippe, fait d’une pierre deux coups : renforcer les théâtres d’ d’opérations en Algérie et écarter de Paris les parasites fauteurs de troubles.

La première année de sa création la Légion étrangère n’a pas combattu. Elle a répondu aux impératifs de construction que les territoires nouvellement exploités exigeaient : assèchement de marais, routes, ponts, fortifications, etc... De cette année 1831 date sa réputation de soldat-bâtisseur. On ne laisse pas un légionnaire inactif.
La Légion étrangère connaît son baptême du feu à Maison Carrée le 23 mai 1832. A partir de cette date elle sera de tous les combats dans lesquels s’
engagera la France. Et ses drapeaux sont parmi les plus décorés de l’armée française.
Dès 1843 elle crée sa garnison à Sidi-Bel-Abbès qui deviendra très vite son foyer et son sanctuaire. C’est dans cette ville que seront formées toutes les recrues nouvellement engagées qui apporteront sur le globe entier la gloire des armes de la France.
Le combat de Camerone en 1863 au Mexique est le plus réputé des faits d’armes de la Légion Etrangère et deviendra le symbole de l’esprit légionnaire exprimé chaque année à sa date anniversaire par toutes ses unités quelque soit leur im-plantation et leur mission du moment. Soixante cinq Légionnaires ont résisté jusqu’à la mort à l’assaut de 2.000 mexicains dans des conditions climatiques et logistiques abominables par respect de la parole donnée : « se défendre jusqu’à la mort. »
Comme les Zouaves les légionnaires emballent les foules qui assistent à leurs défilés à cause, bien sûr, de la gloire qu’ils représentent, mais aussi grâce à la
particularité de leur uniforme : les épaulettes vertes à franges rouges, la même ceinture de flanelle bleue que portent les zouaves ( spécificité de l’infanterie de l’armée d’Afrique) et, surtout, le Képi blanc. Cette couleur du képi remonte aux années 1930 lors de la campagne du Maroc. Au cours de leurs opérations dans ce pays frappé d’un soleil chaud et dévastateur, les légionnaires protégeaient leur képi d’un couvre-képi de couleur cachou. Cette couleur était d’ailleurs très bien adaptée au pays que sillonnaient les colonnes des légionnaires. La transpiration de la tête sous ce soleil brûlant obligeait les légionnaires à laver fréquemment leur couvre-képi. Les lessives répétées ont eu raison de la couleur cachou du couvre-chef qu’elles ont fini par blanchir. Le képi recouvert de son manchon blanc est apparu officiellement pour la première fois lors du défilé à Paris du 14 juillet 1939. Depuis il est devenu le signe distinctif de l’uniforme du légionnaire.
Pour avoir un ordre d’idée du volume des effectifs que représente la Légion étrangère, il faut savoir que celle-ci n’a jamais représenté plus de dix régiments.
En ce début du XXIème siècle elle est composée, grosso-modo, de 7.000 hommes. Elle a atteint un volume total de 49.000 hommes au début de la seconde guerre mondiale. Mais l’effectif moyen qui fut le sien en 177 ans d’
existence reste modulé à 10 – 15.000 hommes.
Hormis les deux guerres mondiales : 1914-1918 ( 3.630 morts ) et 1939-1945 (8.100 morts), de toutes les campagnes auxquelles a participé la Légion Etrangère, trois ont été particulièrement meurtrières : la campagne du Maroc (1920-1935) avec 1.300 morts, la guerre d’Indochine (1945-1954) avec 9.100 morts, et la guerre d’Algérie (1954-1962) avec 1.630 morts.
Composante à part entière de la magnifique Armée d’ Afrique, la Légion Etrangère est la seule formation la composant qui n’ait pas été dissoute en 1962 après l’indépendance de l’Algérie. Son rapatriement en métropole à cette date-là froissait pourtant l’esprit de l’ordonnance du Roi de France qui l’a instituée le 9 mars 1831 en spécifiant bien que « la Légion Etrangère » était créée « pour servir hors du territoire continental du royaume ».
Plus de 150 nations sont représentées aujourd’hui dans ses rangs. Forte de 7.000 hommes, la Légion étrangère continue toujours à servir la France avec « Honneur et Fidélité » sur tous les continents où ce pays est contraint par le contexte international d’intervenir.
Inutile de préciser que son efficacité et son professionnalisme ne peuvent être le fruit que d’une discipline rigoureuse. Une discipline encore plus sévère a été à l’ origine de l’Infanterie Légère d’Afrique puisque le recrutement de ses bataillons s’est fait parmi les hommes qui avaient subi une condamnation militaire et qui devaient achever leur temps de service, ainsi que parmi les pensionnaires des maison d’arrêt ou des maisons centrales.


 

   L’Infanterie Légère d’Afrique
 Chasseur des BILA 1842


Le phénomène nous est maintenant familier : l’armée française débarquée sur le sol africain en 1830 et chargée de conquérir ces nouveaux territoires manque d’hommes pour mener à bien cette mission. Le commandement doit faire preuve d’ ingéniosité pour étoffer ses effectifs. Pourquoi ne pas envoyer dans ces contrées lointaines « les hommes sortant des compagnies de discipline et ceux qui, condamnés correctionnellement pour des délits entraînant une peine de plus de trois mois d’emprisonnement et inférieure à cinq ans, parce qu’en âge de remplir leurs obligations militaires, avaient à terminer leur temps » ?
Le décret du 4 juin 1832 entérine cette suggestion et crée en terre africaine deux bataillons de fantassins qui prennent la dénomination de Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique. Par contraction on les a appelés les « Bat’ d’Af’ » ou aussi les « Joyeux ». La couleur distinctive des B.I.L.A. est le violet.
Il ne faut pas confondre les « Bat’ d ‘Af’ » avec les Compagnies de Discipline ou les sections d’exclus qui sont des unités spécialement constituées pour rece-voir les délinquants de toute sorte considérés comme indésirables dans leurs corps ou comme trop dangereux pour servir dans une formation traditionnelle.
Compte tenu de l’origine de leurs hommes les B.I.L.A. appliquaient dans leurs rangs une discipline de fer. C’est ce qui a marqué et forgé leur réputation avec cette particularité qu’ils formaient des unités plus légères que l’Infanterie de Ligne et mieux adaptées à la forme de combat qu’imposaient leurs adversaires, les dissidents indigènes d’Afrique du Nord extraordinairement mobiles.
Ils sont employés dès leur création à la conquête de l’Algérie. Ils participent aux
opérations de l’est jusqu’au siège de Constantine en 1836. Leur premier fait d’ armes, qui restera la date de leur fête comme celle de Camerone à la Légion Etrangère, s’est déroulé moins de huit ans après leur création, en février 1840 à Mazagran ( 3 km à l’ouest de Mostaganem ). Une compagnie de 123 hommes résista quatre jours durant à l’attaque de 12.000 assaillants qui, face à cet achar- nement, finirent par se décourager et par décrocher après avoir subi de très lourdes pertes.
Les B.I.L.A. ne sont pas organisés en régiments mais en bataillons. Au total il a existé 13 bataillons et ce en fonction des circonstances et des lieux. Ils ont servi
en Algérie, au Maroc puis en Tunisie, essentiellement dans le grand sud de l’Afrique du Nord. Dans la mémoire collective leur implantation principale est restée liée au grand sud tunisien. Ils n’en ont pas moins participé aux campagnes majeures des expéditions coloniales : Chine, Tonkin, Dahomey. Ils combattent aussi en France lors des deux guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945. Ils prennent part à la guerre d’Indochine puis à la guerre d’ Algérie. Ils terminent leur existence en Côte Française des Somalies ( aujourd’ hui République de Djibouti ) où ils sont dissous en 1972.
Fait unique dans l’histoire de l’armée française, ce corps régulier des B.I.L.A. est resté sans drapeau jusqu’en 1952, c’est à dire jusqu’à la veille ou presque de sa disparition. Une sorte de remords de conscience ?...

Les troupes européennes de Cavalerie
les Chasseurs d’Afrique

 
Chasseur d'Afrique 1910


Au débarquement à Sidi-Ferruch en juin 1830 et lors des premiers mois de l’exploration de l’immense territoire qui s’offrait à lui, le commandement français commit l’erreur de croire que l’armée aurait à agir groupée et, sans doute, à conduire un siège. Il ne s’imaginait pas avoir à poursuivre avec de petites unités indépendantes, rapides, légères et frustres, un ennemi extrêmement mobile et fluide. Cela explique la pauvreté en cavalerie du corps expéditionnaire qui ne comptait que trois escadrons de Chasseurs à Cheval.
Il n’est pas étonnant que le premier besoin en renforcement par des effectifs locaux ait porté sur des unités à cheval. Ainsi furent créés au début de 1831 deux escadrons de « Chasseurs Algériens » recrutés parmi les autochtones et rattachés au corps des Zouaves, lui-même mis sur pied, rappelons le, en août 1830. A partir de ces escadrons indigènes sont formés deux régiments de « Chasseurs d’ Afrique » par ordonnance royale du 17 novembre 1831.
En 1839 on estime nécessaire d’ incorporer des contingents français à ces cavaliers arabo-berbères peu disciplinés. Mais le commandement constate que « les moeurs, les usages, la religion, l’habillement et la manière de vivre des indigènes s’opposent à ce que les cavaliers arabes soient répartis dans les esca-drons français du Régiment de Chasseurs d’Afrique ». En décembre 1841 les escadrons indigènes des quatre régiments de Chasseurs d’Afrique passent au corps des Spahis nouvellement créé et beaucoup mieux adapté à la manière de combattre des autochtones. Les Chasseurs d’Afrique deviennent ainsi complètement français.
Très vite leur expérience de la guerre en Algérie va promouvoir les Chasseurs d’Afrique au tout premier rang de la cavalerie française. Il n’est guère de campa- pagne auxquelles les Chasseurs d’Afrique n’aient été associés. La croix de la Légion d’Honneur est attribuée à l’ étendard du 1er R. C. A. ( Régiment de Chasseurs d’Afrique ) dès 1863 pour récompenser la prise d’un étendard de Lanciers mexicains au combat de San Pablo Del Monte, près de Puebla, lors de la Campagne du Mexique.
Les Chasseurs d’Afrique sont à nouveau remarqués pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871. La magnifique charge de la Division Marguerite le 1er septembre 1870 à Floing n’amène aucun résultat tactique mais arrache au Roi de Prusse les mots célèbres de « Ah ! Les braves gens ! » . Trois régiments de Chasseurs Afrique avaient chargé plusieurs fois à fond, prêts à recommencer « tant qu’il en restera un », pour l’honneur, et leurs pertes furent très lourdes.
Les plus brillants officiers briguent comme une faveur l’honneur de servir aux Chasseurs d’Afrique. Les sous-officiers rendent un galon pour y entrer. L’avancement y est bouché par l’afflux des volontaires. Ils forment non seulement une magnifique collection de types originaux, mais ils constituent la tradition vivante de la pratique de la guerre. Ils n’ont d’autre ambition que de se battre.
Leur coiffure a toujours été particulière. A la fin du XIXème siècle ils portent le « taconnet », casquette de cavalerie modèle 1873, fréquemment recouverte d’un calicot blanc. Dès la fin du XIXème siècle les Chasseurs d’Afrique adoptent la chéchia garance, portée haute et droite, avec trois bandes parallèles noires à la base. Ces trois bandes noires rappellent le deuil des trois régiments de Chasseurs d’Afrique qui chargèrent à Floing en 1870.
Outre les expéditions coloniales auxquelles ils participent aux XIXème et XXème siècles, on les retrouve pendant les deux grands conflits mondiaux de 1914-1918 et 1939-1940 non seulement sur le territoire national français, mais aussi aux Balkans et en Orient de 1916 à 1919 ainsi qu’au Levant jusqu’en 1941. Ils comptent parmi les troupes française stationnées en Allemagne après la seconde guerre. Curieusement les Chasseurs d’Afrique n’ont pas combattu en Indochine de 1945 à 1954. Ils prennent part totalement à la guerre d’Algérie de 1954 à 1962. Les derniers régiments de Chasseurs d’Afrique sont dissous en France en 1964.
Toutefois le 1er R.C.A. est reconstitué depuis le 1er janvier 1998 à Canjuers et conserve désormais les traditions de l’ensemble de la subdivision d’arme.

Voir aussi  
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