Seine St Denis St Denis Basilique 1.2.1 Frénégonde Dalle









Seine St Denis St Denis Basilique Frénégonde Dalle
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La dalle funéraire de la reine Frédégonde (545-597)



La dalle funéraire de Frédégonde recouvrait le tombeau de cette reine en l’église de Saint-Germain des Prés à Paris ; c’était la plus importante nécropole mérovingienne, avant Saint-Denis. Après la révolution française et le démantèlement des tombeaux de cette église, la dalle fut apportée au Musée des Monuments français, puis en 1817 en la basilique de Saint-Denis.
Elle est unique en son genre.

 

 


Avant d’examiner cette dalle et l’histoire de son tombeau, il n’est pas inutile de rappeler ici l’extraordinaire (et horrible !) histoire de Frédégonde, la reine sanguinaire, un cas unique par sa cruauté dans l’Histoire de France.

Situation - Le Regum Francorum vers l’an 567

La vie de Frédégonde, reine mérovingienne, se déroule dans le cadre territorial et politique issu du partage du royaume franc effectué en 561 à la mort de Clotaire, fils de Clovis et père de Chilpéric.
A la mort de Clovis, en 511, quatre royaumes avaient été créés avec pour capitales : Reims, Soissons, Paris et Orléans, l'Aquitaine étant répartie séparément. Dans les années 550, Clotaire, dernier survivant des quatre frères reconstitue l'unité du royaume franc, augmenté du territoire burgonde (Burgundia, Burgondie, Bourgogne) conquis entre temps.

En 561, les quatre fils de Clotaire effectuent un partage analogue à celui de 511 : Sigebert à Reims (puis Metz), Chilpéric à Soissons, Caribert à Paris, Gontran à Orléans (puis Chalon), ce dernier royaume incluant maintenant le territoire burgonde (Burgundia, Burgondie, Bourgogne) conquis entre temps. Ils se répartissent de nouveau l'Aquitaine séparément.
A la mort de Caribert en 567, sa part est partagée entre les trois survivants : en particulier, Chilpéric (Soissons) reçoit Rouen [ royaume de Neustrie ] et Sigebert (Metz) reçoit Paris [ royaume d’Austrasie ].

L’irrésistible ascension de Frédégonde
Belle, hardie, ambitieuse et sans scrupules, Frédégonde (né vers 547), était une simple servante à la cour de Neustrie. La jeune fille ne tarde pas à s’attirer les bonnes grâces du roi Chilpéric, fils de Clotaire.
Elle le persuade alors de répudier la reine Audovère et de l’enfermer dans un couvent. Pour cela, elle utilise une ruse : Frédégonde, profitant que le roi soit parti se battre en Saxe contre son frère Sigebert Ier, abuse de la naïveté de la reine en lui faisant tenir elle-même son sixième enfant Chilsinde sur les fonts baptismaux. La reine ignorait qu'en agissant de la sorte, elle commettait une lourde faute aux yeux de l'Église. Devenue marraine de son propre enfant et donc la commère de son mari, elle ne pouvait plus partager sa couche avec le roi sous peine d'être accusée d'inceste. Audovère est donc répudiée et enfermée dans une abbaye !

Peine perdue, le roi voulant à tout prix une femme de sang royal, Frédégonde vit sans plaisir Chilpéric épouser Galswinthe, fille du roi des Wisigoths et sœur de Brunehaut, reine d’Austrasie. C’est alors que Frédégonde, délaissée et pleine de haine, fit étrangler la jeune reine dans son lit et recouvra toute son emprise sur le pauvre roi … qui finit enfin par l’épouser !
Cependant, Brunehaut comptait bien venger sa sœur de ce monstrueux assassinat. Dès lors, une rivalité sanglante opposa les deux reines, et à travers elles les deux parties principales de l’empire franc : la Neustrie et l’Austrasie.

L'assassinat de Galswinthe, sur l'ordre de Frédégonde
Tableau de Philastre Fils (XIX°s) - Musée de Soissons

 

La guerre des deux reines …

Chilpéric ouvrit les hostilités en 574, poussé par Frédégonde qui préférait prendre les devants. Mais les premiers combats tournèrent à l’avantage de Sigebert, époux de Brunehaut et roi d’Austrasie, qui revint triomphalement à Paris avant de se diriger vers Tournai où Chilpéric s’était réfugié. A Vitry, la population acclamait Sigebert et le hissait sur un pavois, lorsque deux hommes de main de Frédégonde lui percèrent le flanc avec une scramasaxe, le long couteau des Francs.
Brunehaut, devenue veuve, ne désarma pas et prit pour nouvel époux Mérovée, un fils de Chilpéric ! Le couple était surprenant : la belle Brunehaut, femme mûre, s’était trouvé un beau jeune homme docile comme mari. La colère de Frédégonde, devant ce détournement d’un beau-fils par son ennemie, atteint son comble. Elle fit exiler le jeune Mérovée ainsi que l’évêque de Rouen Prétextat qui avait béni son union … puis les fit périr tous les deux !
Par précaution, Frédégonde fit aussi massacrer un autre fils d’Audovère (première épouse de Chilpéric) … ainsi qu’Audovère elle-même !

"Frédégonde visite Saint Prétextat", par Lawrence Alma-Tadema.
Musée Pouchkine, Moscou
En réalité, Frédégonde fit elle-même assassiner l'évêque de Rouen !
Celui-ci fut par la suite canonisé par l'Eglise.

 


En 584, Chilpéric lui aussi mourut assassiné à Chelles. On n’a pas la preuve formelle que Frédégonde soit à l’origine du meurtre de son époux. Mais la probabilité est forte, d’autant qu’elle s’est immédiatement enfuie avec le trésor royal ! En tout cas, Frédégonde parvient à faire reconnaître son fils Clotaire II comme roi et se proclame elle-même régente de Neustrie.
Elle marie aussi sa fille Rigonde (v. 569 † 589), avec le prince wisigoth Réccared. Mais lorsque le convoi qui emmène la fiancée en Espagne apprend la mort de son père, son escorte pille les richesses du convoi et l'abandonne ; la jeune fille se réfugie dans le palais de sa mère et se débauche. Mal lui en prend car Frédégonde, sa propre mère, tente alors de la tuer !!!


Frédégonde essaie de tuer Rigonde, sa fille, en 587.
Illustration tirée des Vieilles Histoires de la Patrie, 1887.


 

Cependant la vendetta se poursuivait, plus féroce que jamais, entre Frédégonde et Brunehaut. Et cette fois … la Neustrie fut victorieuse à la bataille de Droissy (593) contre Childebert, fils de Brunehaut, et à celle de Laffaux en 596, contre Brunehaut elle-même. Mais Frédégonde ne put assister à son triomphe. La reine sanglante mourut l’année suivante dans son lit, en 597.
Son fils, élevé dans la haine de sa tante, devait continuer la lutte qui ne prit fin qu’avec la capture de Brunehaut et l’atroce supplice que Clotaire II lui fit subir, en l’attachant à la queue d’un cheval fou lancé au galop qui lui disloqua les os par ses ruades :


 

Supplice de la reine Brunehaut. Grandes Chroniques de France de Charles V. XIVe siècle.
© Paris, Bibliothèque nationale de France.
Le supplice de Brunehaut ... vu par le XIX°s ...
gravure de Neuville.




Frédégonde avait été inhumée auprès de Chilpéric dans l'église Saint-Vincent, rebaptisée depuis Saint-Germain-des-Prés. La dalle funéraire, faite de pierre de liais, mosaïque de marbre, porphyre et serpentine et filets de cuivre, qui recouvrait sa tombe, a été transportée à Saint-Denis en 1817.
Guilhermy imagine le mouvement d’horreur dont le mosaïste aurait été saisi au moment où il se disposait à transmettre à la postérité les traits de cette femme si ambitieuse et si cruelle …
Histoire du tombeau de Frédégonde et de sa dalle en pierre de liais.
On ne sait quel était l’aspect du tombeau de Frédégonde avant le XII°s. Sans doute une dalle au sol, ou un sarcophage isolé. Les destructions opérés par les Normands n’ont pas touché les tombes puisque celles-ci ont bien été retrouvées au XVII°s. En outre, dès le XII°s leur repérage était connu.
C’est lorsqu’il entreprit la reconstruction du chevet de l’église abbatiale de Saint-Germain des Prés un peu avant 1145 que l’abbé Hugues III fit sculpter les tombeaux commémoratifs d’au moins six souverains mérovingiens dont la mémoire était encore conservée : Childebert, Ultrogoth, Chilpéric, Frédégonde, Clotaire II et Bertrude. Apparemment, seuls les tombeaux de Childebert, Chilpéric et Frédégonde subsistèrent jusqu’à la Révolution. Les trois autres ont disparu à une date indéterminée.
L’effigie de Frédégonde reposait sur des colonnettes. Elle était au Nord du chevet, à côté de celle de Chilpéric
.


Tombeau de Frédégonde, tel qu'il était en l'église Saint-Germain des Prés.
dessin de la collection Gaignières, BNF

 


En 1645, les ouvriers chargés des réparations du chœur découvrirent la tombe du roi Childéric II. Mais c’est en 1655 que l’on trouva « des corps entiers et dans leur situation naturelle, enveloppés dans des suaires de linge, de soie, d’étoffes précieuses ; d’autres enterrés tout vêtus et chaussés, ce que l’on reconnut par leurs bottines de cuir (…) Les tombeaux les plus considérables furent ceux du roi Childéric II, de Bilihilde, son épouse, et du jeune Dagobert, leur fils. Les Bénédictins firent envelopper de linges nouveaux les restes de Childebert et de sa femme Ultrogothe, de Chilpéric I°, de Frédégonde, de Clotaire II, de Bertrude, de Childéric II, de Bilihilde et de Dagobert, qui furent réinhumés chacun dans un cercueil séparé. Le monument de Chilpéric est déplacé en 1656.
En 1791, l’abbaye est dissoute et l’église devient paroissiale. Comme on trouve les monuments gênants, on décide de les détruire, ce qui est fait dans la nuit du 27 au 28 mars.
Seules les dalles de Childebert et de Frédégonde sont sauvées, mais on les récupère brisées. En revanche, les tombes, elles, n’ont pas été touchées. Elles ne le seront pas davantage en 1793, l’ancien emplacement des tombeaux étant oublié.
Bref, Frédégonde ort peut-être encore du sommeil du Juste (si l’on ose dire dans son cas !!!) sous le dallage actuel de l’église Saint-Germain des Prés.
Des fouilles seraient hautement souhaitables …
En 1817, la dalle fut placée dans la crypte. Guilhermy et Violet-le-Duc la firent remonter dans l’église haute. Elle s’y trouve aujourd’hui sur un simple bloc de pierre.

 

 

Description de la dalle funéraire de Frédégonde
Il s’agit d’une dalle en pierre de liais creusée en laisant en réserve la tête, les mains, la ceinture et les plis. A l’intérieur des parties creusées, l’artiste a disposé par incrustation et au moyen d’un enduit, une mosaïque formée de tout petits morceaux de porphyre, de sepentine et de marbre blanc. De minces filets de cuivre insérés entre les cubes de marbre, dessinent sur la bordure qui encadre l’effigie, des rosaces variées de formes et de couleurs.
La reine est représentée couchée, et vêtue d’un costume de cérémonie.
La tête, les mains et les pieds, qui ressortent en pierre lisse sur le fond et sur les vêtements coloriés, étaient sans doute peints. Ils ont été effacés tout au long des siècles. On ne sait donc quel visage l’artiste avait donné à Frédégonde !

 

 


 


La couronne simulée en pierreries et rehaussée de trois petits fleurons à trois feuilles chacun, dans lesquels certains auteurs ont cru découvrir une fleur de lys. Le sceptre placé dans la main droite se termine par un fleuron à cinq feuilles. La reine porte deux robes de longueur inégale ; une ceinture à bouts pendants retient à la taille la robe du dessus. Un ample manteau jeté sur les épaules et descendant sur les bras, trouve pour attache, au milieu de la poitrine, une riche agrafe.
Des filets de cuivre marquent encore ici les contours, les plis, les bordures des étoffes, et les diverses parties du vêtement. On devine que l’artiste a dû souffrir pour éviter la sécheresse et la raideur imposée par cette technique aux draperies.
Mais le résultat est fort beau et il s’agit là d’une technique dont on n’a pas d’autres exemples.


 

 

 

Frénégonde 545 - 597
Avec l'autorisation de Alain Houot

 

   


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