Il faut être un fanatique de poids lourds, ou bien avoir vécu à cette époque, pour connaître les camions Bernard. J’espère que les pro du PL seront indulgents avec ce texte, n’étant pas très familier du monde des camions, mais je n’ai pas pu résister : il fallait que je raconte l’histoire de la fin des camions Bernard malgré son puissant allié américain.
A l’origine pourtant, l’entreprise Bernard est une entreprise florissante, créée par Edouard Bernard en 1922. Autodidacte passionné par la mécanique, Edouard se lancera d’abord grâce à une ingénieuse invention de bennes sur vérins actionnés par le moteur du véhicule, révolutionnant le levage par la même occasion. Et comme un certain nombre d’amoureux de mécaniques, Edouard Bernard va alors se rêver constructeur, et même le devenir définitivement en 1928, après la vente de son brevet à la carrosserie Fernand Genève (nous en reparlerons plus loin), les Bennes Bernard devenant les Camions Bernard. Il faut dire que rapidement, Bernard avait commencé à monter ses bennes à vérins sur camions, et les vendre déjà montées aux clients : passer le cap n’était pas difficile.
Pour Edouard Bernard, il s’agit de concevoir les meilleurs camions possibles, considérant que la qualité, la fiabilité et la solidité de ses productions rendaient acceptable un prix supérieur, grâce à un prix de revient sur la durée inférieur à la concurrence : on qualifiera vite les Camions Bernard de « Rolls des camions » ou les « Seigneurs de la route ». Il n’hésitera pas, par ailleurs, à adopter des moteurs diesel dès le début des années 30 !
A la sortie du second conflit mondial, les Camions Bernard doivent suivre les directives du Plan Pons (lire aussi : Le plan Pons), faisant partie quelques temps de la Générale Française d’Automobiles (GFA) aux côtés d’Unic et sous la houlette de Simca. Mais rapidement, la société reprend du poil de la bête et se remet à produire de façon indépendante dans ses ateliers d’Arcueil (sur la nationale 7) et de Bagneux (siège de l’entreprise).
Malheureusement, il s’agira de l’âge d’or de l’entreprise, car en 1951, Edouard Bernard décède, début d’une lente descente aux enfers. Pourtant la société est florissante, mais les héritiers Bernard sont partagés entre vendre la société et investir dans l’immobilier, ou bien poursuivre l’activité ! Il y aura une latence du pouvoir sensible entre 1951 et 1957, laissant la concurrence rattraper son retard, et permettant à Mack Trucks, désireux de conquérir l’Europe avec ses camions, d’entrer au capital sans en prendre toutefois la majorité en 1955. La compagnie fit faillite en 1957, permettant aux fils d’Edouard Bernard de reprendre l’entreprise, avec l’appui et les garanties de l’américain.
Commence alors une collaboration commerciale ou technique plus ou moins appuyé. Entre temps, les frères Bernard tente de relancer la gamme en dotant ses camions d’un V8 refroidi par air de 200 ch de chez Alsthom : sans succès. Au début des années 60, les Bernard s’essaient à tous les styles : un style classique avec capot moteur carrossé par Pelpel, ou un style « télévision » étrange (l’avant ressemblait à un poste de télévision, d’où ce surnom), si 60’s aujourd’hui mais perturbant à l’époque, dessiné par Philippe Charbonneaux pour le carrossier Pelpel là encore. J’avoue une certaine tendresse pour ces camions Bernard « télévision » d’ailleurs.
Pour couronner le tout, Bernard tentera de faire homologuer sans succès son camion frigorifique à 8 roues (avec le look télévision justement)… Autant de projets qui font perdre de l’argent aux Camions Bernard, qui doivent se résoudre à laisser l’allié américain prendre le contrôle. Les Camions Bernard deviennent alors les camions Mack-Bernard. Dès lors, la collaboration va se faire plus précise : des camions Macks seront produits en CKD dans les usines de Bagneux et d’Arcueil. D’autres auront des bases Mack mais des carrosseries spécifique (notamment une carrosserie réalisée par Genève justement, le carrossier qui avait racheté le brevet des bennes Bernard, et qu’utilisait aussi Unic, contribuant à une confusion entre les deux marques).
Cela dit, la présence de Mack au capital ne suffira pas à redresser l’entreprise. Il faut dire que Mack, en pleine expansion outre-atlantique, préférait investir dans l’agrandissement de ses usines américaines que dans cette coûteuse filiale française dont la gamme peu cohérente n’arrivait plus à émerger sur le marché français et encore moins américain. En 1966, l’américain décide donc de fermer sa filiale, et de transférer les machines et le matériel dans son usine iranienne de Téhéran.
Heureusement, il y a une justice : les investissements américains de Mack, gigantesques, l’obligèrent à trouver un bailleur de fond, Signal Companies (aujourd’hui connu sous le nom d’AlliedSignal), conglomérat tentaculaire qui en prit le contrôle, pour revendre une première fois une partie de ses actions à Renault en 1979, puis totalement en 1990 ! La boucle était bouclée…
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