Catalunya Ampurias Grecque Stoa









Catalunya Ampurias Grecque Stoa
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Les grecs  vénèrent  un dieu Sérapis, appelé en Usir-Hep en égyptien; Cette divinité est un syncrétisme entre Osiris-Apis et Isis elle-même.

La ville grecque d'Empúries



Emporion fut une ville ancienne fondée par des Grecs d'origine phocéenne au VIe siècle avant JC. Elle comprenait Paléapolis (ancienne ville), qui a été le premier établissement cette zone est occupée actuellement par  la ville de San Martín de Empurias.
Paléapolis est un ville habitée de façon ininterrompue du temps du Bronze Final jusqu'à aujourd'hui. Ensuite nous avons Neapolis (terme moderne )pour la nouvelle ville que les Grecs ont construit de l'autre côté du port de Paleápolis  qui,fut fouillée sous la direction de Josep Puig i Cadafalch, de 1908 à 1936.
Dans cette partie, actuellement dans le site d'Empúries.
Cependant, il convient de noter que les restes actuellement visibles dans la Neapolis correspondent à la période hellénistique (1er-2ème siècle avant JC). La ville d'origine se trouve dessous les restes des constructions hellénistiques mentionnées qui devraient être excavés à une plus grande profondeur.




EMPORIAE Resume Chronologie
IX-VIII
1e occupation  Sant Martí d’Emporium Age du Bronze final, Cabannes sur site san plan urbanisme
La communaué vit des ressources des alentours
VII-VI
Age du Fer: Arrivée des Indo européens
Civilisation des Champs d’Urnes
Cabannes de branchages avec torchis
Av 650
Necropole incineration  Champs d'urnes  Can Bech de baix, Agullana; Parrallí (turó de les Corts, Empúries)
Vers .650
Apres un abandon temporaire de Sant Martí, réoccupation du site avec plan urbanisme  Bijoux en Bronze Le fer est tres peu utilisé.Ceramique de Fabrication Locale
 
Premières importations:Amphores Phéniciennes et vases etrusques Les habitants vivent fr l'agricultura: blé vigne et elevent chevres ovins et des pors  Ils vivent aussie de la chasse et de la pêche.
 
vers 600
Objects grecs
600
FONDATION DE MARSEILLE
536
Bataille d’Alàlia. Marseille Phocée  devient une ville puissante
575
Palaiàpolis: Restructuration de la ville avec plan  Urbanisme grec
Metallurgie du Bronze se developpe ainsi que celle de la céramique.
550
Fondation de  Neàpolis Les produits massaliotes sont omni présents de même que ceux étrusques   Les Inhumations sont plus importantes que les crémations
450
Introduction de la monnaies avec en 300 le Drachme
Vers 375
Construction des murailles
218
Arrivée des Romains avec Scipion l 'Africain et Guerres puniques avec Hannibal et les carthaginois
195
Grande revolte Indigène Arrivée Caton l ancien avec Flotte pour réprimée révolte
ca. 150
Praesidium, La ville romaine se developpe  20 ha
ca. 25  
Municipium Emporiae
 III Ap JC
Invasions barbares Alamans et francs
270 destruction   de la ville
Depeuplement de la cite Comunauté  chrétienne avec basilique  construite au IVe .
IV ap JC
Wisigohts Empuris devient siège épicopal
VIIIe
Charlemagne , Marca Hispànica. Ile Sant Martí capital du Comté
XIe
Carolingiens: Castelló d’Empúries, capitale du Comtét





Tiré de ce site

Il existait dans cette région avant l'arrivée des grecs des populations ibériques qui après une période de nomadisme s'étaient regroupées vers la fin de l'âge du bronze dans des villages construits sur les collines dominant toute cette région qui était encore très marécageuse. On peut évoquer la cité proche d'Ampurias "Ullastret" puisqu'elle est construite en maisons rectangulaires de pierre entourées de remparts également en pierre de taille.
Toutefois, ces villages ibériques ne vivaient que d'une économie de subsistance basée sur l'agriculture, l'élevage, la chasse et la pêche. Cette économie se faisait sans aucun surplus
il n'y avait pas d'échanges. Le commerce introduit par les grecs nécessitant au contraire des échanges entraina une activité économique plus importante pour fournir ces marchandises.
Première ville grecque: « Palaiapolis »
Création- fondation d’Ampurias en 600 avant notre ère par des grecs en provenance de l'antique Phocée en Asie Mineure. Il s'agit donc du premier comptoir grec en Espagne.
Le site choisi était une petite île en partie naturellement fortifiée puisque rocheuse située l'embouchure du Rio Fluvia important Rio de la Catalogne descendant des pyrénées. Cette première ville fut nommée Palaiapolis soit la vieille ville.
Il s'agit actuellement du site de Sant Marti d'Empurias.
Des fouilles récentes ont permis toutefois de constater que ce site était habité dès le Ville siècle avant notre ère par une population ibérique. Cet îlot permettait une implantation en toute sécurité et dans le même temps la création d'un port naturel dans le Rio mais aussi à côté dans une importante crique qui fut le premier port naturel.
Deuxième ville grecque: « Néapolis »
La population augmentant dans Palaiapolis et l'île d'origine étant assez petite, il fut rapidement nécessaire de créer une nouvelle ville, située plus au sud sur une plus grande île.Cette ville occupa d'emblée quatre fois la surface de la précédente. Elle était située de l'autre côté de la crique naturelle du port, au dessus du niveau de la mer, mais de quelque mètres seulement face à la plage fixée par des petits îlots rocheux un peu plus au large, qui constituaient un autre port naturel. Cette nouvelle ville Néapolis fut rapidement fortifiée et entourée d'une muraille faite d'un grossier assemblage de volumineuses pierres entassées les unes contre les autres de façon irrégulière selon le type de muraille cyclopéenne.

Il y avait au nord le quartier du port, au milieu l'Agora donnant directement sur la plage et au sud sur une zone un peu plus élevée la zone dite des temples, zone sacrée avec le Serapieion et l 'Asclepium tourée par des remparts importants. La partie la plus haute de la ville

comprenait l'Acropole.


La ville grandit petit à petit et nous avons pu retrouver à la suite des différentes fouilles archéologiques plusieurs tracés de murailles; une première muraille du VIe siècle avant notre ère déjà citée, ensuite une deuxième muraille l00 ans plus tard. En fin une troisième muraille, la dernière; celle-ci est la plus importante, elle est flanquée de tours carrées toujours construites en énormes pierres non taillées de type cyclopéen. Cette nouvelle enceinte du ne siècle avant notre ère avait permis l'augmentation de surface de la zone des temples et de ce fait la création de nouveaux temples ou du moins de leurs annexes.
Il existait à ce niveau une entrée particulière dite entrée des temples ; cette entrée tournée vers l'arrière-pays donnait vraisemblablement accès aux populations indigènes; par contre, côté portuaire, semble avoir existé une autre porte de type commercial dont il ne subsiste pratiquement rien.
Cette nouvelle ville grecque s'est développée de façon typique de l'époque, en effet, elle était composée de maisons rectangulaires assez petites avec un atrium central, ces maisons étaient toujours construites avec un soubassement de pierres de deux mètres de haut environ, par dessus il existait des murs en colombage avec des toits de chaume, c'est pourquoi il ne nous est parvenu que les bases de ces maisons comme on peut le voir dans nos vieilles maisons de village.


La zone des temples, par contre, était construite en pierres taillées avec des toits de tuiles plates "Tegulae et Imbrex".
On trouvait des avenues droites dallées de pierre avec des trottoirs et des écoulements pour l'eau communiquant avec un système d'assainissement pour les eaux usées et d'importantes citernes pour conserver l'eau de pluie.

 

 

 

 

 

 

Il existait une agora et près de celle-ci une stoa ou marché à portiques ainsi qu'un bouleuterion (salle de réunion du conseil de la ville).


Les guerres puniques entre Carthage et Rome toucheront Ampurias - surtout la deuxième en 218 avant notre ère. En effet, Ampurias était située entre les possessions romaines au nord et les possessions carthaginoises au sud.
L'été 218 Scipion l'africain débarqua à Ampurias pour couper les arrières de l'armée carthaginoise qui, avec Hannibal, était déjà en Italie. Scipion s'installa alors à Ampurias occupa la ville grecque et fonda un camp militaire sur le plateau au-dessus de Néapolis.
Cela donna ainsi un nouvel essor économique à la ville avec de nouvelles relations militaires et commerciales avec Rome.
Une nouvelle muraille fut créée au nord de la ville agrandissant encore celle-ci. Un pacte fut établi avec Rome.
En 195 avant J.C. le consul Caton l'ancien débarquera à son tour à Ampurias avec une importante flotte romaine, celui-ci étant venu en Espagne pour combattre la révolte de l'Hispanie citérieure.
Le camp romain devint plus important nommé "Présidium" situé toujours sur le plateau dominant Neapolis.


A partir de cette époque, Ampurias, encore grecque, devint une alliée fidèle de la république romaine.

Troisième ville: la ville romaine

Au 1er siècle avant notre ère le camp romain le "Présidium " devint à son tour une nouvelle ville romaine. En effet, autour de celui-ci s'établit une nouvelle population venue d'Italie qui créa divers quartiers autour du camp avec construction de nouvelles maisons en particulier de magnifiques villas romaines avec atrium et peristyle, de vastes cours entourées de colonnes et entourant des jardins avec fontaines et plantations diverses.
Merveilleuse image de ces villas romaines sur fond de mer dans le ciel bleu, le rose des lauriers, les cyprès et les pins parasols.
La ville romaine, comme toutes ses semblables, créa à ce moment là son forum avec ses temples pour la Triade Capitoline des dieux romains et hors les murs, côté sud, un amphithéâtre et un gymnase.


Une enceinte de fortification fut créée, entourant toute la zone romaine d'environ 30 hectares ainsi qu'une construction au niveau du port appelée "brise lame" en pierres taillées permettant de casser les vagues lors des tempêtes dues à la tramontane vit le jour.


En 77 avant notre ère Pompée débarqua à Ampurias et hiverna pour lui aussi conquérir l'Espagne.
Du 1er siècle avant notre ère au Ve siècle, Ampurias devenue totalement romaine, les trois anciennes cités fusionnèrent, et la muraille grecque située entre la ville romaine et la ville grecque fut démolie.
En 45 avant notre ère César, poursuivant Pompée, débarqua à Ampurias pour contrôler l'Espagne et un important contingent de vétérans se fixa alors dans la ville. Une organisation type romaine fut alors instituée avec un "Ordo Decuronium" instituant le "Cursus Honorurn" des élites locaux passant par le stade Duoviri -Aedil -Questor et Flamen. Ampurias donna ainsi de nombreux personnages célèbres en relation avec Rome, on retrouve dans la littérature romaine Domitien, Calvus, Proconsul d'Hispanie en 39.
Ampurias était en effet à l'époque, la capitale romaine de l'Hispanie mais le déclin arriva avec le transfert de la capitale à Terraco l'actuelle Tarragone en 27 avant notre ère; ensuite Barcino actuelle Barcelone se développa et capta le commerce maritime.
Ainsi Ampurias rentra en décadence autant sur le plan administratif que sur le plan commercial à tel point qu'en l'an 5 avant notre ère, le site se dépeupla et la population se regroupa en grande partie dans les anciennes Neapolis et Palaiapolis.

Disparition d'Ampurias
En 270, la ville romaine fut détruite par l'invasion des Francs et des Alamans. A l'époque paléo-chrétienne une basilique fut construite dans les anciens bâtiments de l'Agora de Néapolis, avec autour un cimetière, dans lequel on a retrouvé différents sarcophages de pierre. En effet, à ce moment là, les tombes à incinération entourant la ville disparurent au bénéfice de sarcophages à inhumation dans l'église elle même et aux environs immédiats.


L'invasion Wisigothique détruisit encore ce qui restait de la ville, toutefois les Wisigoths occupèrent l'île de Sant Marti.
En 616, il existait encore un siège épiscopal sur l'île de Sant Marti mais en 711 le royaume ; Wisigothique qui persistait à Tolède s'effondra à la suite de l'invasion arabe.
La réaction toutefois ne fut pas longue puisqu'en 752 Pépin Le Bref reconquit la septimanie, il fut alors créé le Comté d'Ampurias qui était une marche utile de l'empire, frontière avec les domaines arabes. Par sécurité et du fait de l'abandon et de l'ensablement progressif de la ville le Comté fut déplacé à l'intérieur des terres et c'est alors que fut créée la ville moyen-âgeuse de Castello d'Ampurias.
Par contre, au 17e et 18e siècle, les populations se déplacèrent plus au sud en créant des villages de pêcheurs au niveau de la Escala site plus facile à défendre car plus rocheux et plus élevé avec un port naturel plus protégé.
Ainsi après 1 200 ans d'histoire, la cité d'Ampurias fut définitivement oubliée et recouverte par les sables de la plage; ce qui permit à ce site merveilleux d'être protégé et de nous parvenir pratiquement intact.

La zone religieuse de la cité grecque et le sanctuaire de Sérapis et Isis

Dans la zone sud de Neapolis il y a une zone dédiée aux activités religieuses dans la ville. Elle est située de chaque côté de l'entrée principale de la ville Sur une terrasse plus élevée, se trouve le sanctuaire de'Asclepios, le dieu grec de la médecine.









c'est précisedment ici que fut retrouvé  la célèbre statue de ce dieu en 1909. Sur une terrasse inférieure vénérait Zeus Sérapis, divinité d'origine égyptienne également liée à la médecine et à la guérison des maladies.




Dans les fouilles de l'an 1909 ont été trouvés deux fragments des pieds de la sculpture de Serapis, ainsi qu'une partie des griffes du chien Cerberus qui a toujours accompagné le dieu.

 

 



Les restes d'une inscription bilingue (grec et latin) sur un morceau de marbre trouvé également dans cette zone corroborent qu'un personnage d'origine alexandrine nommé Noumas, résidant à Empúries au 1er siècle avant JC, fit construire un temple dédié à Zeus Sérapis. En outre, ce sanctuaire a probablement été également consacré à Isis, s'établissant ainsi comme un Iseo.
La zone sacrée 
Au centre d'une enceinte se trouve le temple tetrastylo bati sur un podium, Il était de style dorique, avec des escaliers latéraux d'accès au pronaos. le temple est situé dans un carré délimité par un portique rectangulaire de colonnes doriques l'entourant .La zone  délimitée par le portique mesure 25 m du nord au sud x 50 m d'est en ouest.


A l'arrière du temple, derrière le portique sur le côté ouest, se trouve l'Ecclesiasterion, une grande salle pour la rencontre des fidèles initiés dans les mystères isiaques, et aussi lieu de rencontre de l'assemblée populaire (ekklesia)



Au sol, en face de tout le périmètre qui décrit le porche, se trouve un canal formé de blocs de grès qui recueillent l'eau de pluie des toits et sont évacués vers l'extérieur de la zone urbaine.









Depuis 2008, après une série d'études, sur l'Asclépios d'Ampurias tende à prouver que la statue dite d'Asclépios n'et  pas une représentation du dieu grec de la médecine, ni de l'Esculape romain, mais une représentation de Serapis. Il faudrait confirmer pour trouver le sceptre qui avait sans doute dans la main gauche et qui ne pouvait être pris que par un dieu

 

Tiré de ce site

La cité antique d’Emporion se situe au nord-est de la Catalogne, dans l’actuelle province de Gérone, sur la pointe la plus orientale de la côte méditerranéenne. Elle est considérée comme le premier établissement grec de la péninsule Ibérique. Son site archéologique est le seul en Espagne à avoir conservé les restes d’une cité grecque mêlés à ceux d’une cité romaine. Fonctionnant probablement au départ comme un véritable emporion au sens strict6, l’établissement grec se décline en deux centres urbains, appelés Palaiapolis et Neapolis. Ils correspondent aux noyaux de la colonie phocéenne installée à partir du vie siècle a.C. dans une zone de la côte qui encadrait les structures portuaires7. Dès 218 a.C., dans le contexte de la seconde guerre punique, Emporion accueille la première armée de Rome intervenant dans la péninsule. En 197 a.C., au terme de ce conflit, la création des provinces de Citérieure et d’Ultérieure marque le début de l’installation romaine. C’est précisément au iie s. a.C. que la Neapolis a subi d’importantes transformations urbanistiques dont l’interprétation est fondamentale pour comprendre l’évolution du secteur cultuel de la ville, où sont localisées en majorité nos sources isiaques. Au ier s. a.C., une nouvelle cité romaine est édifiée à l’ouest de la ville grecque sur l’emplacement du campement militaire installé à la suite du passage, en 195 a.C., de Caton l’Ancien. Après avoir existé indépendamment l’une de l’autre, les fondations grecque et romaine sont réunies à l’époque d’Auguste par une nouvelle muraille commune en un municipe – municipium Emporiae – de citoyens romains
Au moment d’entamer le dossier des cultes isiaques à Emporion, l’absence de références aux nouvelles hypothèses avancées par plusieurs archéologues à propos de l’espace religieux de la cité interpelle
9. Parmi ceux-ci, il faut souligner le travail de J. Ruiz de Arbulo. Depuis la fin des années 1980, à la suite de sa thèse de doctorat consacrée à « Emporion-Emporiae (218 a.C. – 100 p.C.) »10, il a entièrement redéfini le secteur sud de la Neapolis à la lumière des informations stratigraphiques et archéologiques qu’il a lui-même recueillies sur le terrain lors de nouvelles fouilles11. C’est une bonne part de ce travail que nous souhaitons faire connaître à travers cet article. Toutefois, aussi séduisantes qu’elles puissent être, ses propositions invitent aussi à la prudence face à l’état fragmentaire de certaines pièces et à l’absence d’autres témoignages qui viendraient soutenir cet effort de reconstitution
1. Les isiaca d’Emporion et leur contexte archéologique
L’étude des cultes isiaques à Emporion impose de replacer chaque document archéologique dans son contexte exact de découverte, car les premières fouilles officielles remontent à 1908. À l’heure actuelle, la cité romaine n’a été que partiellement mise au jour, alors que la Neapolis a été complètement fouillée. Son secteur sud a rapidement été identifié à une zone cultuelle. Au sud-ouest, l’enceinte sacrée est attribuée à Asclépios par la seule statue au pied de laquelle se trouve un serpent tandis que, au sud-est, des fragments épigraphiques dédiés à Sarapis le désignent comme propriétaire des lieux (fig. 1). À partir des années 1980, est apparue la nécessité de préciser le travail archéologique des premières décennies du xxe siècle12. Entre 1998 et 2008, dans le cadre des cent ans de récupération patrimoniale des cités grecque et romaine d’Ampurias, de nombreux projets ont vu le jour13. Parmi ceux-ci, une formidable entreprise de reconstruction virtuelle de la ville a accordé une place privilégiée au sanctuaire isiaque14. À cette occasion aussi, la statue d’Asclépios a été soumise à un important projet de rénovation/restauration. Les résultats obtenus à l’aide de nouvelles technologies ont apporté des preuves inédites de la présence, à une époque plutôt précoce, des divinités égyptiennes dans cet Emporion occidental. Toutefois, le premier témoignage isiaque fiable demeure l’inscription bilingue adressée à Sarapis.
1. 1. L’inscription bilingue (fig. 2)

      [ISIDI SERA]PI . AEDEM  [SIMULACR]A . PORTICVS [NVMAS . N]VMENI . F(ilius) [ALEXANDRI]NVS [DEVOT]VS FACIV

[SIMULACR]A . PORTICVS
[NVMAS . N]VMENI . F(ilius)
[ALEXANDRI]NVS
[DEVOT]VS FACIV
[NDVM CVR(auit)]
[ΕΙΣΙΔΙ Σ]ΑΡΑΠΙ
[ΝΑΟΝ ΞΟ]ΑΝΑ
[ΣΤΟ]ΑΝ ΝΟΥΜΑΣ
[ΝΟΥΜΕ]ΝΙΟΥ ΑΛΕ
[ΞΑΝ]ΔΡΕΥΣ
[ΕΥΣ]ΕΒΕΣ ΕΠΟΕΙ


Contrairement à ce qui se lit dans bon nombre d’ouvrages épigraphiques notamment, la stèle bilingue d’Emporion n’a pas été retrouvée dans la cella de son temple situé au sud-est de la ville15. Cette localisation erronée est déjà défendue en 1912 par J. Puig i Cadafalch, l’architecte à l’initiative des premières fouilles officielles16. La réelle confusion est née du commentaire qu’aurait tiré M. Almagro des carnets d’E. Gandía, l’archéologue qui a découvert en 1908 son fragment central17. En 1984, dans son étude sur les sanctuaires d’Isis et Sarapis dans le monde romain, R. Wild manifestait quelque réserve à propos de l’identification de ce sanctuaire avec un Sérapéum, car elle ne reposait que sur ce que l’on croyait être deux inscriptions distinctes18. La même année, c’est la relecture des notes de fouilles d’E. Gandía qui a permis à J. Ruiz de Arbulo de corriger l’erreur d’emplacement de la pièce centrale19. En 1990, I. Rodà démontre que la dédicace d’Emporion a été gravée sur une unique stèle bilingue20. La conservation des fragments de l’inscription dans deux musées relativement éloignés l’un de l’autre n’a pas aidé à rapprocher leur contenu qui n’avait jamais été comparé jusqu’à cette date21.
La pierre fragmentaire en marbre gris a été découverte en trois parties à des moments différents. Le premier fragment est apparu avant le début des fouilles systématiques, en 1883, dans les environs de la Neapolis
22. Aucun témoignage n’apporte plus de précisions quant à son emplacement précis. Il s’agit de la partie supérieure droite de la stèle composée des quatre premières lignes en latin. L’angle inférieur gauche, qui dévoile trois lignes en grec, est exhumé en août 1908. Il a été trouvé près de la muraille méridionale de la cité à côté de la porte d’entrée. Le dernier fragment, le plus important, est sorti en octobre de la même année d’une citerne annexe au sanctuaire d’Asclépios, située à côté de la tour de garde, dite « atalaya », distante de dix mètres de huit autres fragments que nous allons également étudier23 (fig. 4). Habituellement, la paléographie du texte et le contexte épigraphique emporitain invitent à dater l’inscription aux alentours du milieu du ier s. a.C., peut-être au moment de la deductio des vétérans par César à Emporion24.Par conséquent, ce document recomposé peut être envisagé comme un des plus anciens témoignages d’un culte rendu à Sarapis dans la péninsule Ibérique25. La dédicace, considérée comme l’inscription de fondation du Sérapéum, nous apprend qu’un certain Noumas26, fils de Nouménios27, originaire d’Alexandrie, a fait élever par dévotion à Sarapis un temple, des statues et des portiques.La possibilité de restituer le nom d’Isis aux lignes 1 (ISIDI) et 7 (ΕΙΣΙΔΙ) impliquerait que le temple d’Emporion est en réalité un Iséum. Cela est possible d’autant plus que la dédicace fait mention de plusieurs statues qui, toutefois, n’empêchent pas que le temple ait été dédié à une seule divinité isiaque tout en abritant des dieux sunnaoi. Mais il est tout aussi possible que Sarapis ait pu être qualifié par une épithète telle que deus/theos ou Magnus/Mégas28. Nous verrons, au moment de conclure, les raisons qui ont amené notre Alexandrin à composer une stèle bilingue.
1. 2. La statue d’un dieu grec barbu et chevelu

 


La pièce maîtresse de ce dossier est la statue en marbre, plus grande que nature (2,20 m), d’un dieu grec barbu et chevelu dont l’aspect général a rapidement fait penser à Asclépios. Elle a été retrouvée en 1909 dans le même contexte archéologique que les huit autres fragments que nous identifierons par la suite, c’est-à-dire dans l’enceinte du dit temple d’Asclépios (fig. 4)29. Elle est élaborée selon une technique d’assemblage qui relie la partie supérieure du corps à sa partie inférieure à hauteur du torse. Le haut du corps est sorti le premier d’une citerne divisée en quatre compartiments située au centre de l’enceinte sud-ouest de la Neapolis. Il est formé d’une tête masculine dont le nez est cassé, d’un torse dénudé et de son épaule droite. Quelques semaines plus tard, à gauche de la citerne, d’autres fragments de sculptures sont apparus sur un sol de mosaïque blanc mal conservé. Par la suite, ce revêtement fut identifié à celui de la cella d’un petit temple connu dans les études comme le « temple M  ». Parmi les restes, la partie inférieure de la statue fait son apparition. Elle représente le bas du corps drapé de l’himation, qui revient sur l’épaule gauche et qui est noué à hauteur de la taille. Le personnage est chaussé de sandales.


La consécration de cette image comme celle du dieu grec de la médecine trouve son point d’ancrage dans la notice du LIMC rédigée en 1984 par B. Holtzmann qui précise tout de même : « N’était la présence de la serpent (sic), on prendrait Asklepios pour Zeus, Poseidon ou Serapis »30. Il y apparaît d’ailleurs comme un nouveau type, unique, celui d’Ampurias et il se distingue par la jambe droite fléchie, le bâton dans la main gauche et le serpent qui se glisse autour de l’objet. Pourtant, dès sa découverte, loin de la confusion des décennies suivantes, au moins deux chercheurs ont suggéré d’y reconnaître Sarapis, car non loin de la statue avait été découvert le fragment principal de la stèle bilingue où est mentionné le nom du dieu alexandrin31. La statue est passée à la postérité comme un Asclépios et il a fallu attendre les années 1980 pour que plusieurs chercheurs s’y intéressent à nouveau. Il faut souligner que sa présence en cette fin d’époque républicaine dans une région aussi éloignée du centre méditerranéen demeure remarquable.
Les premières analyses auxquelles la statue divine est soumise servent à identifier l’origine des marbres qui la composent
32. Le buste est en marbre de Paros, tandis que le corps est en marbre pentélique. Sa datation a longtemps divisé les chercheurs33. En 1996, S. F. Schroeder revient sur son iconographie, car elle constitue un unicum par rapport aux modèles canoniques du dieu34. Il décèle des parallèles du drapé de l’himation sur des reliefs sépulcraux retrouvés en Méditerranée orientale à l’époque hellénistique35. Il met également en avant la technique d’assemblage utilisée pour réunir les deux parties du corps. Ces deux arguments l’orientent vers une date plus récente qu’il arrête au iie s. a.C.36 Un autre problème majeur concerne l’appartenance ou non à la statue des fragments trouvés avec elle. Pour S. F. Schroeder, il est certain que le haut de la crosse, apparu également dans la cella du temple M et identifié dans un second temps à une corne d’abondance, appartient au dieu. Selon l’auteur, cette statue traduit donc l’image d’une divinité masculine de la fin de l’époque hellénistique derrière laquelle il reconnaît la représentation monumentale de l’Agathos Daimon. Il avoue qu’il avait pensé d’abord à Sarapis à cause de la rainure centrale située sur son crâne qui aurait pu abriter un calathos. Toutefois, le drapé de l’himation n’est pas du tout caractéristique et il n’a pas trouvé de modèles semblables pour étayer ses dires37. De plus, d’après lui, une inscription du ier s. a.C., retrouvée dans une maison de la Neapolis, qui annonce en grec, ΧΑΙΡΑΕ ΑΓΑΘΟΣ ΔΑΙΜΩΝ, pourrait faire référence à un culte public et donc se rattacher à la statue38. Il ajoute encore à son développement le serpent qui ne peut s’enrouler autour d’un bâton et qu’il attribue comme offrande votive à l’Agathos Daimon39.
Le travail de restauration entamé sur la statue en 2006 poursuit ces premières réflexions. Les avant-bras et les mains sont, parmi les fragments du temple M, les mieux conservés. Enfin, ils sont refixés sur la statue et donnent à la divinité une allure nouvelle (fig. 3). Le dieu se tient toujours debout, la jambe droite légèrement courbée. Il présente le bras droit en attitude d’offrande, coude fléchi, la main pouvant contenir une petite patère. Son bras gauche est également plié contre l’aine. À son bout, la restauration du pouce et du majeur alliés à la flexion de la main assurent que le dieu n’est pas appuyé contre un bâton, mais qu’il tient un élément circulaire, probablement un sceptre lui aussi en marbre
40. Cet attribut devrait normalement reposer sur une plinthe. Or deux fragments de marbre mis au jour avec le torse de la statue décrivent bien ce genre de soubassement. Ils pourraient appartenir à l’ensemble sculptural, même si la plaque ne contient aucun élément qui le confirme41. La finesse de la composition de cette statue mérite d’être soulignée. Le résultat final laisse penser qu’il a fallu faire appel à un tailleur spécialisé. L’origine égéenne des marbres et la technique d’assemblage invitent à chercher du côté de Délos où une telle pratique est documentée au iie s. a.C.42 Plus encore et nous y reviendrons, à cette époque, le trafic maritime unit Délos aux principaux ports de Campanie, Pouzzoles et Neapolis. Au même moment, une route maritime est créée et relie l’Italie au nord de la péninsule Ibérique, servant de véritable relais entre les grands ports méditerranéens43.
Désormais, les arguments qui ont permis de reconnaître derrière les traits de cette statue un Asclépios ne sont plus si manifestes. La pièce restaurée conserve un profil classique qui invite à revoir son identification avec Sarapis. En outre, un élément en particulier visible au sommet de son crâne nous oriente vers cette possibilité. Il s’agit d’une profonde entaille située au milieu de la tête du dieu. Le creux est rectangulaire et longitudinal. Lors de sa restauration, sont apparues à l’intérieur du trou des traces de fer ainsi que des marques d’érosion latérales. Or il semble qu’un seul attribut peut prendre place au sommet de la tête d’une divinité aux allures de dieu grec, à savoir la couronne de Sarapis. La datation républicaine tardive de cette pièce permet de suggérer que le dieu a pu porter le calathos ou l’atef, mais rien ne permet de trancher
44.
Les aspects proprement iconographiques de cette statue autorisent donc à y reconnaître une représentation hellénistique de Sarapis. Ce modèle peut être rattaché au type I de la classification de V. Tran tam Tinh : Sarapis en pied, appuyant la main gauche sur un sceptre, la main droite abaissée soutenant ou non une patère, avec ou sans Cerbère
45. Une autre statue provenant de Syracuse et datée entre le iiie et le iie s. a.C. montre également le dieu uniquement vêtu de l’himation, mais avec le Cerbère tricéphale à ses pieds46. Les doutes suscités par l’iconographie de notre statue témoignent vraisemblablement du tâtonnement des premiers sculpteurs face à la manière de représenter ce dieu gréco-égyptien. Si on admet que la statue a été retrouvée sur son emplacement originel, Sarapis semble l’unique dieu connu à avoir pris place dans le temple M situé dans le large complexe sud-ouest de la Neapolis. De plus, au même endroit, sont apparus les huit autres fragments de sculptures qui peuvent éventuellement être rattachés à la sphère cultuelle isiaque. Leur lieu de trouvaille commun ouvre la voie vers l’identification de ce temple M avec l’aedem/ ζ?ανα mentionné dans l’inscription de Noumas.
1. 3. Isis et les sunnaoi theoi
Parmi ces fragments, nous commencerons avec les deux avant-pieds en marbre appartenant également à une statue plus grande que nature

En 1992, E. Sanmartí a proposé de les associer à une griffe d’animal et de reconnaître un Sarapis trônant accompagné à ses côtés du chien Cerbère47.
À l’heure actuelle, les deux fragments de griffe ont été isolés et ils correspondent à la patte gauche d’un animal appuyé contre une plaque de soutien, difficilement reconnaissable. Il peut s’agir d’une griffe de chien, de celle d’un sphinx ou même d’un pied de table en forme de patte.

Ce fragment est assurément le plus énigmatique de l’ensemble du contenu sculptural du temple M. Revenons aux pieds de la statue. En fait, deux de leurs caractéristiques les identifient plutôt aux membres d’une statue féminine. En premier lieu, il suffit de comparer les sandales chaussées par notre personnage avec celles connues dans le monde grec. Les modèles composés de deux lanières qui se rejoignent entre les deux premiers orteils à l’aide d’un élément décoratif sont typiquement féminins. Le deuxième argument tient dans le travail de sculpture des deux pieds. Il s’arrête à mi-longueur comme si la statue était couverte par un long vêtement qui dissimule la partie arrière de son corps. On observe par-dessus les orteils le dessin d’un linge léger qui recouvre les deux membres. Seules les statues de déesses portent l’himation sous les chevilles, alors que les pieds des dieux sont toujours visibles entièrement sous leur tenue. J. Ruiz de Arbulo et D. Vivó, dont l’étude propose de nombreuses comparaisons avec des statues de l’époque hellénistique et romaine, décèlent souvent les mêmes traits sur des représentations d’Isis48.
Au sein de ce même contenu, trois fragments semblent appartenir à un même ensemble. En effet, la petite tête d’une troisième statue se rattache au soubassement sur lequel repose la partie inférieure du personnage et le bas d’un pilier. La tête à la chevelure abondante finie par une couette a d’emblée été attribuée à celle d’une déesse, qu’il s’agisse d’Aphrodite, de Vénus, d’Artémis ou de Diane.

Pourtant, cet aspect efféminé et cette coiffure peuvent également correspondre au jeune Apollon49. Si la tête appartient bel et bien à ce dieu, elle peut être mise en rapport avec l’iconographie d’Harpocrate. L’enfant Horus est souvent représenté tel un Apolloniskos, c’est-à-dire un jeune Apollon50. Le type hellénisé présente un adolescent debout et déhanché qui porte une corne d’abondance et son index droit à sa bouche. Il peut notamment s’appuyer contre un pilier51. Apparu à Alexandrie au iiie s. a.C. et influencé par Praxitèle, ce modèle se diffuse ensuite hors du pays. De plus, plusieurs témoignages épigraphiques déliens établissent un lien évident entre l’enfant Horus, Harpocrate et Apollon52. Il n’est donc pas impossible de voir dans la représentation d’Emporion une image syncrétique d’un Apolloniskos-Harpocrates puisque un troisième élément, qui a d’abord été interprété comme le sommet d’une crosse, semble également appartenir à notre statue. Il s’agit de la petite corne d’abondance probablement portée par le jeune adolescent


Un regard attentif porté sur le serpent montre qu’il lui est impossible de s’enrouler autour d’un quelconque bâton. Le matériel dans lequel il a été taillé était plus difficile à déterminer. Il pouvait s’agir de pierre calcaire, de marbre des Pyrénées, voire même de Naxos53. Dernièrement, son analyse sous un microscope de lumière polarisée vient de prouver qu’il a été sculpté dans un unique bloc de marbre de Paros, le même que le buste et les bras de la statue54. Par conséquent, il ne faut peut-être pas l’exclure si rapidement de toute appartenance à cette dernière. La présence du reptile auprès d’une divinité symbolise sa fonction chthonienne. Dans le milieu isiaque supposé ici, J. Ruiz de Arbulo et D. Vivó lui ont prêté le rôle de l’Agathos Daimon, le bon génie protecteur, qui figure le plus souvent aux pieds du couple formé par Isis et Sarapis55
Le fragment supérieur gauche d’un relief de marbre fait voir la partie postérieure du corps d’un félin ailé. Par ses caractéristiques, l’image semble correspondre à celle d’un sphinx.

Le motif peut être purement décoratif, mais aussi évoquer les fonctions protectrices de cet animal mythique. Le travail de la plaque suggère qu’une inscription a pu être gravée sur sa partie inférieure. À droite, sur le fragment disparu, un second animal identique au premier pourrait lui faire face autour d’un élément central indéterminé, comme sur la peinture de la plinthe de l’ecclesiasterium de l’Iséum de Pompéi56.
Nous terminerons avec la première pièce trouvée in situ en 1908 dans l’angle gauche du pronaos du temple M. Il s’agit d’une petite colonne travaillée en calcaire local comme un piédestal strié couronné d’un chapiteau d’ordre ionique. Considérée comme un autel, une nouvelle analyse a révélé une cavité centrale de forme conique de vingt centimètres de profondeur. Par conséquent, il est plus pertinent de voir dans cet objet un récipient à ablutions, un perirrhanterion. Il est destiné à recevoir l’eau sacrée nécessaire aux lustrations et, s’il appartenait à un temple isiaque, il pourrait s’agir d’un petit hydreion
57. Élément de premier ordre dans les rites isiaques, la présence de l’eau, notamment dans un Sérapéum, traduit les prérogatives thérapeutiques et curatives du dieu58. Elle sert également à la toilette quotidienne de la statue divine. À ce propos, il est intéressant de faire remarquer l’importance des structures hydrauliques du secteur cultuel de la Neapolis, notamment de la grande citerne centrale, qui ont très vite joué en faveur de la reconnaissance de ce complexe avec un Asklepieion.


L’offrande de Noumas fait référence à un portique que l’on peut identifier au sud-est du temple M qui, dans le cadre d’un culte guérisseur, aurait joué le rôle d’un abaton, structure indispensable pour accueillir les malades.
Si l’on suit cette reconstitution à la lettre, il ne fait aucun doute qu’Isis a accompagné Sarapis dans le temple d’Emporion. Les avis sont partagés et la présence d’une statue de la déesse n’oblige pas à restituer son nom devant celui de son parèdre sur la stèle bilingue. La situation peut être analogue à celle de Délos ou de Pouzzoles où Isis a rejoint son époux, mais sans lui voler la vedette. Le couple est, semble-t-il, suivi de ses compagnons de route dont les images, si elles ont été correctement interprétées, peuvent faire partie de l’offrande votive de Noumas ou représenter les dons d’autres dévots qui ont fréquenté le port emporitain.

2. Témoignages de type isiaque de la cité romaine d’Emporiae
À l’heure actuelle, aucun temple isiaque n’a été mis au jour dans la cité romaine. Les quelques « témoignages de type isiaque »59 retrouvés dans la ville semblent être, avant tout, la marque d’un commerce actif depuis plusieurs siècles entre ce grand port hispanique et le reste du monde méditerranéen.
Le premier document apparu à Emporiae est un vase de terra sigillata, retrouvé en 1945 dans la muraille est, appelée muralla Robert. Il porte un graffito en latin sur lequel on peut lire Isidi, « Pour Isis ? »
60. M. Mayer n’écarte pas la possibilité qu’il puisse s’agir d’un anthroponyme féminin plutôt que d’un théonyme61. L’absence de contexte archéologique ne permet pas d’interpréter correctement ce témoignage. Si on multiplie les références supposées à la déesse Isis dans la ville grecque, cette mention pourrait traduire la continuité de son culte dans la cité romaine au ier siècle, mais rien n’est moins sûr. Il en va de même pour les lampes à l’effigie des dieux isiaques. Chacune offre un motif distinct. Elles proviennent des maisons de la ville romaine et sont datées entre la seconde moitié du ier siècle et le début du iie siècle.
Harpocrate se présente seul sur un premier fragment, debout et probablement nu, coiffé d’une fleur de lotus
62. Il porte une corne d’abondance à gauche et son doigt droit à la bouche. À la base de l’objet, on peut lire la lettre L qui correspond peut-être à une marque de fabrique (L. MVNSVC). C’est le troisième modèle de ce genre trouvé en Hispanie63 ; ce type est également connu à Carthage et dans la vallée du Rhône64. Sur un autre disque, un jeune enfant assis sur une peau d’animal a été identifié à un Harpocrate65. Cependant, J.-L. Podvin a rejeté ce motif iconographique déjà attesté dans la péninsule66. Comme Harpocrate, Anubis a l’habitude d’apparaître en triade. Sur les deux fragments emporitains, il est tantôt seul, tantôt accompagné d’Isis. Seul, de profil vers la gauche, il est vêtu d’une tunique et tient la palme et le caducée67. Ce modèle est le premier à faire son apparition dans le corpus hispanique68. Sur l’autre, le corps tourné vers la gauche, mais la tête à droite, il porte un caducée et regarde en direction de la déesse Isis coiffée du basileion, vu de face. Cet exemple s’ajoute aux six autres connus et publiés jusqu’à ce jour69. Le motif, inconnu en Égypte, a été produit en Afrique, peut-être à Carthage même70. Enfin, une dernière lampe se présente sous la forme d’une tête de taureau71. Il n’existe dans la péninsule Ibérique que deux lampes de ce genre à la différence que, sur celle d’Emporiae, le taureau porte ce qui a été identifié à un croissant de lune. Cette particularité le rapproche peut-être du taureau sacré de Memphis, Apis, mais sans certitude72. En effet, la représentation d’Apis sur les lampes est plutôt rare en dehors de l’Égypte73.
La récente publication de ces documents apporte la preuve que le commerce des lampes à motif isiaque n’a pas seulement touché le sud-ouest de la péninsule
74. Leur présence suggère peut-être plus, mais il faut attendre que de nouvelles fouilles dans la cité romaine révèlent l’existence assurée d’un culte organisé. Il convient également d’ajouter que l’Afrique semble avoir servi de relais vers l’Hispanie et même au-delà, puisque la plupart des motifs d’Emporiae sont uniquement attestés en Afrique proconsulaire et en Gaule, où ils ont dû arriver par l’intermédiaire hispanique.
3. Les cultes isiaques dans la cité gréco-romaine d’Ampurias
L’histoire de la vie religieuse d’Emporion reste énigmatique à bien des égards. Dès la première moitié du ve s. a.C., après l’installation des colons grecs, les structures d’un premier sanctuaire sont déjà en place au sud-ouest de la ville grecque, mais elles se situent à l’extérieur de ses murs75. La présence à cet endroit d’un puits qui remonte au moins au ive s. a.C. traduit déjà, peut-être, les origines d’un culte chthonien ou curatif76. Ouvert sur la mer, sur la cité et sur son territoire, il devait appartenir à un sanctuaire suburbain qui constituait un lieu de rencontre idéal entre Grecs et Ibères. Un petit habitat indigène découvert au nord-est de celui-ci laisse penser qu’il devait agir comme un lieu de rassemblement et d’échanges socio-économiques77. Une divinité commune devait y être vénérée. Strabon78 est le seul auteur à nous apprendre qu’Emporion a abrité le culte de l’Artémis d’Éphèse, mais il faut plutôt chercher du côté de la Palaiapolis où un temple a été découvert sous l’église de San Martí79. Au iie s. a.C., en réaction, semble-t-il, à l’arrivée des Romains, la cité grecque connut une importante réforme urbanistique. Le sanctuaire « d’Asclépios » est dès lors réaménagé en un espace propice à l’installation d’un culte guérisseur. L’ancien puits fait désormais partie du pronaos du temple P, construit après le petit temple M situé à sa droite. Face aux deux édifices, une grande citerne est creusée entre la fin du iie et le début du ier s. a.C., et un portique au nord de l’enceinte peut avoir joué le rôle d’abaton ou d’adyton. Dans l’angle gauche du pronaos du temple M, un récipient à ablutions, retrouvé in situ, témoigne une nouvelle fois de l’importance de l’eau. La date de la statue divine située dans le dernier quart du iie s. a.C. correspond à cette dernière phase d’aménagement. Le lieu de découverte de ses deux parties suggère que son culte devait se dérouler à l’intérieur de cette même enceinte, voire dans le temple M. Compte tenu des structures hydrauliques de la zone, elle devait appartenir à une personnalité divine au caractère thérapeutique ou, du moins, dont le culte appelle un besoin majeur en eau.
La zone orientale fait-elle partie du terrassement du sanctuaire occidental, comme le reconnaît la majorité des chercheurs
80 ? Elle pourrait alors être comparée, dans une moindre mesure, à l’Asklepieion de Cos qui comportait une série de terrasses successives couronnées par le temple du dieu81. Comme l’a très bien démontré J. Ruiz de Arbulo, le plan de la phase initiale de l’édifice ne correspond pas à celui d’un espace sacré82. C’est d’ailleurs ce qui a poussé ce dernier à y reconnaître un gymnase. Au moment de sa construction, il aurait parfaitement cadré avec les projets de transformations de la ville grecque à travers lesquels l’oligarchie entendait proclamer sa légitimité face au pouvoir grandissant de Rome. Toutefois, la démonstration de l’archéologue ne suffit pas en l’absence de témoignages épigraphiques ou littéraires supplémentaires. La canalisation qui entourait l’entièreté du portique évoque une nouvelle fois un monument où l’eau jouait un rôle non négligeable. Il ne faut pas perdre de vue que la durée de vie de cette cour fut relativement courte, à savoir un peu moins d’un siècle. Au ier s. a.C., un culte d’un intérêt certain, à en juger par la taille de l’édifice par rapport aux autres bâtiments de la ville, prend le pas sur les activités précédentes. D’après J. Ruiz de Arbulo, le lieu de trouvaille de la partie centrale de la stèle isiaque et la concordance avec les autres fragments sculpturaux du temple M ne permettent plus d’identifier ce sanctuaire avec un Sérapéum83. Pourtant, la dispersion des autres fragments de la stèle n’autorise pas à accepter la proposition de l’archéologue sans mettre en évidence sa datation qui concorde parfaitement avec l’aménagement de la terrasse orientale dans le deuxième quart du ier s. a.C. La clé se trouve assurément dans une interprétation qui tienne compte à la fois du développement des structures architectoniques, de l’emplacement et de la datation des restes archéologiques et épigraphiques, et de l’évolution historique de la ville. Toutefois, l’absence de témoignages littéraires et la faiblesse de l’information archéologique nous invitent à admettre que le secteur méridional de la Neapolis a certainement atteint ses limites : la cité, nous l’avons déjà signalé, a été totalement fouillée par les archéologues qui sont même retournés sur le terrain dans les années 1990 ; les témoignages épigraphiques et sculpturaux, peu nombreux et fragmentaires, découverts dans son espace sacré ont tous été pris en considération. Pourtant, les informations disponibles ne permettent pas de trancher entre l’existence exclusive d’un sanctuaire isiaque ou le partage des enceintes entre plusieurs divinités, parmi lesquelles Asclépios si l’on rejette la nouvelle identification de la statue d’Emporio
Nous pouvons tout de même tenter de reconstituer le parcours emprunté par notre dévot et de comprendre son geste à partir de l’inscription bilingue. Le port d’Alexandrie, d’où la mise en avant de Sarapis par rapport à Isis, est le point de départ de ce culte isiaque à Emporion. Noumas, riche commerçant, quitte sa patrie probablement avec sa famille pour prendre la mer. Dans ses bagages, il emmène avec lui ses dieux favoris qui, en cette époque républicaine tardive, se sont déjà diffusés en Méditerranée orientale avant de prendre la route vers l’Italie et le reste de l’Occident
84. Pour les communautés de navigateurs et de commerçants, Isis et Sarapis sont devenus des protecteurs privilégiés85. Ils s’installent d’ailleurs en premier lieu dans des villes portuaires. Dans le même sillage, Noumas a dû suivre la route commerciale qui conduit à Délos pour ensuite rejoindre les ports de la Campanie avant d’atteindre le nord de la péninsule Ibérique. La première explication quant à son offrande est d’envisager de graves périls survenus en haute mer. Le sauvetage de l’équipage et des biens transportés serait récompensé par un don conséquent une fois arrivé sur la terre ferme. Alors que nous sommes face à une initiative qui, au départ, est individuelle, il faut reconnaître, face à la qualité, à l’importance et à l’emplacement des biens offerts, que cet étranger et son culte ont ensuite reçu un accueil favorable de la part de l’oligarchie emporitaine86.
Il reste à replacer ce phénomène dans son cadre historique. Comme nous l’avons vu, l’inscription bilingue est située vers 50 a.C. J. Alvar et E. Muñiz ont repoussé cette date aux années 80 a.C. pour qu’elle coïncide avec l’inauguration du collège des pastophores à Rome sous Sylla
87. En Hispanie, cette même période correspond à celle de l’arrivée de Sertorius en Citérieure. La guerre civile qui en découle a plongé le nord de la péninsule dans un climat d’insécurité durant plusieurs années. À Rome, depuis la fin du iie s. a.C., les différentes manifestations de la présence des divinités égyptiennes n’autorisent pas à envisager un culte public avant la seconde moitié du ier s. a.C., voire avant le ier s. p.C.88 Nous ne pensons pas que l’acte posé par Noumas soit à mettre en relation directe avec la présence des Romains. Dans un premier temps, il s’agit davantage d’un culte hellénistique qui est arrivé sur les rivages ibériques grâce au commerce avec l’Orient très actif au iie s. a.C. Si l’on admet qu’il existe un lien entre les deux zones cultuelles de la Neapolis, il faut également tenir compte de la datation stratigraphique des restes enfouis dans le temple M, qui a pour terminus post quem la grande réforme du sanctuaire au iie s. a.C. et pour terminus ante quem le ier s. p. C89. Par conséquent, les évènements et les données archéologiques nous autorisent à dater l’arrivée de Noumas à la fin du iie s. a.C. Elle s’inscrit dans le grand courant commercial méditerranéen de la fin de l’époque républicaine. Ce même contexte explique également la diffusion des cultes isiaques dans les autres ports de la Méditerranée à des époques similaires ou antérieures. L’économie de la cité d’Emporion fonctionne à plein régime grâce à l’activité de son port. C’est aussi à ce moment que la cité grecque décide de remanier complètement sa structure urbanistique. Le panorama socio-économique était donc propice à l’accueil de nouveaux cultes. La raison d’une stèle bilingue est également à chercher du côté de l’économie de la cité. Gréco-ibérique dans un premier temps, Emporion a toujours été un lieu d’échanges où les Romains ont également élu domicile. Au iie s. a.C., le port enregistre l’arrivée massive de produits provenant de la péninsule comme les huiles et les vins italiques ainsi que la céramique et la vaisselle campaniennes.



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