Rome Gallo-Romain Divinites Mercure et Rosmeta Compiègne SGL MAN









Rome Gallo-Romain Divinites Mercure et Rosmeta Compiègne  SGL MAN
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Mercure et Rosmeta ?

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DEAE ROSMERTAE : à la DÉESSE ROSMERTA
Un bronze de Rosmerta... ou de Maïa ?
Statuette en bronze de Rosmerta, ou bien de Maïa, de
Clermont-Ferrand. Nota qu’ici c’est sa tête, pas un pétase, qui est ailée.
(Musée Bargoin)
Rosmerta est parèdre du grand dieu Mercure ; parfois, elle jouit de son propre culte. L’image de Rosmerta accompagne souvent celle de Mercure ; elles présentent un ensemble harmonieux et partagent les attributs typiques de Mercure : caducée, bourse, pétase ailé (ou plutôt un diadème ailé pour elle), ainsi que le coq et le bélier.[1] À ces attributs Rosmerta peut également ajouter la corne d’abondance, parfois une patère. Le nom de Rosmerta s’analyse facilement en gaulois comme « Grande Pourvoyeuse », la « Très Providentielle » (préfixe intensifiant ro- suivi de la racine smert-, “prévoyant, qui prend soin de, pourvoyeur”).[2]
On entend que la fonction de Rosmerta est d’octroyer la prospérité ; elle réalise ainsi l’action de Mercure dans le contexte du bien-être matériel. L’harmonie des deux est complète ; l’une exécute l’œuvre de l’autre.
Rosmerta est une déesse gauloise des plus caractéristiques. Des représentations et des inscriptions en son honneur se trouvent dans plusieurs régions celtiques, mais surtout au nord et à l’est de la Gaule. Elle est la plus importante des déesses celtiques qui sont régulièrement associées à des dieux romains, une liste qui comprend aussi Ðirona, Damona, Ancamna, Nemetona, etc.
Représentation de Mercure et de Rosmerta
Représentation de Mercure et de Rosmerta sur un autel des
Vangions, trouvé à Eisenberg dans l’arrondissement du Donnsersberg au Palatinat. Mercure porte un caducée et un pétase ailé, Rosmerta une bourse et une patère.
(Historisches Museum der Pfalz, Spire)
On sait par d’abondantes évidences que Mercure et Rosmerta sont liés — mais comment exactement ? Dire que Rosmerta est la parèdre de Mercure ne laisse pas automatiquement entendre qu’elle en est la conjointe. Est-ce que les Gaulois ont conçu de Rosmerta comme l’épouse de Mercure, ou bien comme sa mère ? sa fille ? sa sœur ?
Je ne crois pas que la question puisse être réglée de façon définitive, mais notons-en quelques aspects significatifs. D’ordinaire, l’aspect de Rosmerta est plutôt sobre et sa tenue est modeste. S’il y a d’éventuels rapports sexuels entre les deux, ils n’ont pas une place importante dans leur iconographie (je contraste des représentations de Shiva-Shakti ou de Mars-Vénus, où l’élément érotique est clair).
Il y a, par contre, une pierre sculptée dans le musée de Saint-Germain-en-Laye qui dépeint une déesse quasi nue qui caresse la tête d’un Mercure barbu. Cette déesse a l’aspect jeune, voluptueux, tandis que Mercure se montre sobre et âgé. Évidemment que ça suggère des liens d’intimité entre les deux. Pourtant, faute d’inscription ou d’attribut identifiant, on ne peut guère être certain qu’il s’agisse de Rosmerta. Des inscriptions autre part associe Mercure à d’autres déesses, comme Visucia chez les Trévires. Cette image-ci se montre un peu atypique pour d’autres raisons : Mercure n’a ni pétase ni caducée, il est barbu, et au lieu d’un coq ou un bélier il tient sur ses genoux un serpent cornu. Il s’agirait donc d’une représentation assez précoce, une phase iconographique peu stable qui a pu précéder l’apparition de la Rosmerta « classique ».
L’interprétation de Rosmerta en termes de mythologie romaine peut éclaircir sa position vis-à-vis de Mercure. L’iconographie de Rosmerta la lie à Maïa, la mère de Mercure, à qui on reviendra tout à l’heure. En même temps, cette iconographie la lie également à Félicité, dont les attributs sont la corne d’abondance et le caducée.[3] Une inscription remarquable, CIL VI: 31 141, conforte cette hypothèse. Laissée à Rome par des Equites singulares, une unité de la cavalerie romaine avec une forte composante gauloise, l’inscription honore presque toutes les divinités qui sont importantes en Gaule. Dans cette inscription, Félicité est invoquée immédiatement après Mercure, bien que la Félicité classique ne soit pas spécialement liée à ce dernier. J’interprète cette coïncidence comme signe que Rosmerta est ici latinisée en Félicité pour que les Romains la comprennent. Or, si les Equites singulares concevaient de Rosmerta comme un aspect de Maïa, l’absence de cette dernière aurait été frappante.
Donc, au moins quelquefois, on a pu faire la distinction entre Rosmerta=Félicité et Maïa. Mais ces identifications étaient sans doute flexibles et non absolues.
Statue de Maïa
Statue de la déesse Maïa au caducée, trouvée à
Neustadt a.d. Weinstraße
(Historisches Museum der Pfalz, Spire)
Or, les Gaulois n’ont pas oublié le culte de Maïa. On l’invoquait à côté de son glorieux fils (voire seule) à diverses reprises. De fait, Maïa et Rosmerta sont de façon générale en distribution complémentaire (et non pas en concurrence, comme c’est parfois le cas entre belles-mères et belles-filles !). On trouve, par exemple, des dédicaces exclusivement à Mercure et Maïa à Lugdunum, mais exclusivement à Mercure et Rosmerta chez les Leuques. Aucune inscription ne fait mention de la déesse Maïa dans la Germanie-inférieure, la Gaule belgique, l’Aquitaine, les parties inférieures de la Gaule lyonnaise. Son culte est localisé sur le Haut-Rhône, la Saône et le Haut-Rhin.[4]
Carte des inscriptions à Rosmerta et à Maïa
Distribution des inscriptions dédiées à Rosmerta (rouge), Maïa (bleu), Atesmerta (vert) et Cantismerta (or).
La Maïa romaine, armée d’un caducée, était associé à l’efflorescence du printemps, et donc à la prospérité naturelle plutôt que commerciale.[5] Faible distinction, là où le commerce concernait essentiellement les produits du sol.
Même Maïa passait parfois à Rome pour Maïa Majesté (une épouse de Vulcain), pour Fauna, pour Bona Dea, pour Ops. Mais normalement on identifierait Ops à Rhéa, la mère de Zeus/Jupiter ; Maïa/Ops serait dans ce cas plutôt la grand-mère de Mercure que sa mère. Dans un régime polythéiste, « identifier » deux divinités ne veut point dire les confondre. Une identification se fait dans un contexte ; elle n’obscurcit pas l’identité originelle des concernés. Pour ce qui concerne cette fête, cet anniversaire, ce rite, on considère Maïa comme Ops (patronne des richesses de la terre) ou Maïa Majesté. Ailleurs, on la considère comme la progénitrice, donc la mère, de Mercure (patron des commerces et des passages). Encore peut-elle éventuellement apparaître comme son partenaire, collaborateur dans son acte de générer les richesses, et donc son épouse.
Statuette d'Abondance
La remarquable statuette en argent d’Abondance qui faisait partie du trésor de
Vaise. D’une main, la déesse tient deux oiseaux dans une patère ; l’autre tient une profusion de fruits dans une plie de sa robe.
(Musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon)
La déesse Abondance bénéficie d’ailleurs d’un culte particulier, par exemple chez les Éduens. Ses attributs incluent la patère et parfois la corne d’abondance. Rien ne la lie spécifiquement à Mercure, ni de l’identifier à Rosmerta. Mais ne serait-il pas possible qu’une clientèle gauloise ait trouvé admirable une telle représentation de leur déesse celtique ?
Conclusions
Le sultan a son vizir, Shiva sa Shakti, et Dieu le Père son Saint-Esprit. Telle est en général la relation entre une divinité et sa parèdre ; celle-ci concrétise les projets entrepris par celui-là. Rosmerta aussi agit de cette façon-ci, prenant soin des mortels selon les desseins bénéfiques de Mercure. Chez les Equites singulares, c’est tout probablement elle qu’on identifiait à Félicité. Elle apparaît autre part presque comme un avatar de Maïa, déesse du printemps florissant qui promettait aux Gaulois de prospères récoltes des raisins, des grains, des fruits.
Des érudits ont évoqué un « mariage divin » entre les déesses celtiques et les dieux romains. Vu les échanges culturels aussi intimes que ceux entre Gaulois et Romains, rien ne pouvait éventuer de plus naturel. Dans le cas de Mercure et Rosmerta, il y a un certain risque de mettre trop d’accent sur la nature conjugale de la relation. Mercure et Rosmerta sont des partenaires sans aucun doute. Elle achève son œuvre ; elle réalise son projet. Si les Gaulois concevait parfois les deux comme des époux, de fortes évidences indirectes laissent croire qu’ils les identifiaient plus souvent à Maïa et Mercure, qui sont mère et fils dans la mythologie classique. Cependant, ces questions-là n’ont pas beaucoup d’importance en ce qui concerne leur culte. On peut tourner à Rosmerta comme pourvoyeur, l’invoquant à côté de Mercure (voire seule) pour qu’elle nous aide à nous extriquer d’un embarras financier, à faire briller nos résumés, ou à bien gérer un investissement. Il est aux dieux de projeter l’ordre et la clarté en toutes choses ; voilà ce que fait Mercure par l’action de Rosmerta en matière financière.

Références
  • 1. Le partage d’attributs fait penser à d’autres déesses qui apparaissent revêtus des emblèmes d’office d’un dieu connu : Cernunnos a sa déesse homologue aux bois de cerf, accroupie, à la corne d’abondance.
  • 2. La signification des noms de déesses Cantismerta et Atesmerta, chacune connue par une seule inscription, serait semblable : « qui pourvoit ensemble (?) » et « qui pourvoit encore ». X. Delamarre, Dictionnaire gaulois, Errance, p. 276. On ne peut pas s’attendre à ce que tous les dieux gaulois aient des noms aux significations transparentes. Si notre seule source était l’étymologie, on aurait bien des difficultés à interpréter les fonctions de Vesta, Hercule, Apollon, Neptune et de beaucoup d’autres dieux dans les panthéons qu’on connaît. Cependant, même la mythologie romaine offre plusieurs exemples de dieux dont les noms sont assez transparents en latin : Flora, Silvanus, Mercure, Fortune, Cérès... Comme le montre l’analogue romain, le recours à l’étymologie peut être utile, mais il n’est guère de solution magique.
  • 3. Harry Thurston Peck (1898), Harpers Dictionary of Classical Antiquities, “Felicitas”.
  • 4. Je compte 21 inscriptions qui honore la déesse Maïa en Gaule au total. Dans 6 cas, elle est appelée « Maïa Auguste », et dans 1 cas, « Maïa la Mère » (de Mercure, qui figure sur la même inscription). Dans au moins 5 et peut-être 6 cas, Maïa (ou Maïa Auguste) est invoquée seule ; dans tous les autres, elle est mentionné après Mercure (soit « le dieu Mercure », « Mercure Auguste » selon le cas).
  • 5. Harry Thurston Peck (op. cit.), “Maia”.
   


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