Il faut vaincre l’ennemi par le hoyau, c’est-à-dire par les ouvrages
Les outils du légionnaire
Le légionnaire est en même temps un terrassier. En effet, on exige de lui des nombreux travaux comme réaliser une fouille pour doter un ouvrage de protections efficaces.
Les outils de terrassement indispensables sont : – la pioche, Ligo – la barre à mine, Hasta – la bêche et la pelle.Pella Il faut d'abord exécuter une fouille,par le creusement d'un fossé. Ces travaux de terrassement sont assez importat car il faut loger la légion pôur l'étape Aussi il faut creuser un fossé large et assez profonde pour arréter l'élan de l 'assallaint.
L’ouverture de cette tranchée exige de remuer des mètres cubes de terre, qu’il faut ensuite évacuer sur le coté afin de créer un remblai qui va servir de basse à la "muraille" C’est un travail long et pénible Les outils pour ouvrir une tranchée Lorsque l’on veut réaliser la tranchée, il faut creuser la creuser avec une bêche après avoir matérialisé au sol avec un cordeau les limites de la tranchée. S’il s’agit d’un petit ouvrage, on l’ouvre avec la seule bêche. Pour des travaux plus importants ou lorsque la terre est dure, il faut utiliser la pioche et la pelle pour évacuer la terre. Lorsque le terrain est très pierreux, on peut avoir recours à une barre à mine pour faire sauter les grosses pierres.Mais en général les légionnaires spécialistes évitent ce genre de terrain La pioche de terrassier est en acier forgé. L’une des extrémités du pic est pointue, l’autre rectangulaire. La pelle de terrassier a un bout rond, pour permettre une meilleure pénétration dans la terre. Le manche est fixé sur un embout col-de-cygne. Il existe aussi des pelles rectangulaires. La barre à mine est une grosse barre d'acier généralement pointue à une extrémité, aplatie de l'autre et légèrement recourbée pour servir de levier. Elle sert à ameublir le terrain lorsque le sol est très compact et à déchausser les pierres. Pour le transport des déblais, on se sert d’un seau Voir cet Article see here this article 1°GM 1915 Entrenching Tools E Tools Londres IWM
L’une des grandes forces de l’institution militaire résidait dans sa capacité à construire toutes sortes d’infrastructures par ses propres moyens et avec ses propres hommes afin de conquérir, de contrôler ou encore d’encadrer les populations. Les soldats romains de l’époque impériale étaient en effet de véritables spécialistes du génie militaire. Il existait de véritables corps de métier au sein même des troupes, utilisant un outillage nombreux, plus ou moins spécialisé et plus ou moins complexe. Ils étaient amenés à bâtir des infrastructures particulièrement bien pensées sans lesquelles ils ne pourraient mener à bien leurs missions : routes, ponts, camps de marche, forteresses, fortins, limes, machines de guerre ou de siège.
L’armée romaine est surtout connue pour ses coups d’éclats, ses échecs, son rôle stratégique, son organisation ou pour ses liens avec l’administration impériale. Il s’agit pourtant d’une institution aux multiples facettes dont certaines, singulières, restent, à ce jour, assez peu connues. L’une d’entre elles concerne le soldat en tant que bâtisseur. En effet, non seulement celui-ci était amené à intervenir dans la réalisation de monuments publics (routes, aqueducs, thermes), mais il excellait dans la construction d’infrastructures liées à l’armée en participant activement à ce que nous pouvons appeler le génie militaire. S’appuyant sur de nombreuses sources aussi diverses que la littérature 1, l’épigraphie 2, l’iconographie 3 ou l’archéologie 4, cet article a pour ambition de montrer en quoi ces soldats étaient de grands bâtisseurs.
Nous verrons que ces derniers étaient de véritables spécialistes de la construction, qu’ils possédaient un outillage et un équipement approprié et qu’ils érigeaient des infrastructures particulièrement bien pensées. Nous verrons que cet art de la construction expliquait bien souvent la force de l’armée romaine. Les soldats romains, des spécialistes du génie
’une des grandes forces de l’armée romaine est que ses membres étaient de véritables spécialistes du génie. Rodés à ce genre de travaux, les soldats avaient chacun leur place. Les officiers, tout d’abord, décidaient des constructions à réaliser. Corbulon, grand général du Ier siècle, décida ainsi de construire un pont de bateaux sur l’Euphrate. Vespasien, lui, eut à choisir l’emplacement de camps. Suetonius Paulinus, toujours au Ier siècle, fit combler des fossés et dégager une plaine 5. Le préfet du camp ou praefectus castrorum, autre gradé de l’armée romaine, était à la tête de tous les services intérieurs destinés à assurer l’entretien du camp. Il devait s’occuper de l’établissement du camp ou de l’évaluation des remparts et des fossés. En outre, il avait en charge les tentes et les bagages et devait éviter la pénurie des outils et des machines destinés aux travaux. Principal officier affecté au génie, chaque soldat, spécialisé ou non, devait lui rendre des comptes 6. Il était secondé par le deuxième officier spécialisé dans le génie : le praefectus fabrorum. Il avait sous sa coupe les maçons, les ingénieurs, les charpentiers ou encore les artificiers. Il devait veiller au bon déroulement des travaux qui se faisaient au sein du camp et, plus particulièrement, dans l’atelier légionnaire (fabrica) qui était sous sa responsabilité et sous celle du praefectus castrorum.
4L’armée disposait également de soldats-artisans. Parmi eux, les agrimensores devaient mener à bien des opérations d’arpentage. Nous les connaissons grâce à la documentation épigraphique puisque nous disposons, à titre d’exemple, d’un autel en grès daté de l’époque de Trajan (98 à 117) et sur lequel est mentionné un agrimensor de la légion X Gemina 7. Les sources littéraires en parlent également. Flavius Josèphe évoque des ingénieurs dont la mission était de mesurer les distances à l’aide de fils à plomb 8. Certains avaient la fonction de metator, d’autres celle de librator, des derniers faisaient office de mensor, trois sortes d’arpenteur aux fonctions plus ou moins diffuses 9. Certains soldats-artisans étaient liés à la fabrica. D’aucuns travaillaient les matériaux comme la pierre, le bois, la terre et les métaux qui devaient servir de matières premières aux différentes constructions. D’autres utilisaient ces matériaux et construisaient les édifices : terrassements, camps, machines de guerre ou de siège. Le plus important des spécialistes en construction était l’architectus. Un autel présente l’un d’entre eux, Aelius Verinus, militaire ayant porté le grade de centurion 10. Une inscription datant de l’an 100 mentionne également ce type de soldat. Il s’agit d’une pierre tombale au nom du légionnaire Gaius Vedennius Moderatus découverte à Rome et le qualifiant d’architectus ou discens architecti 11. Cette stèle nous apprend que ce militaire était stationné à Neuss en Germanie dans la légion XVI Gallica et ses décorations militaires laissent penser qu’il fut distingué pour la production et la maintenance de l’artillerie durant les campagnes de Vespasien et de Domitien. Car si l’architectus avait pour tâche principale d’intervenir dans la construction et dans l’aménagement des bâtiments, il réparait aussi les machines de guerre.
5L’architectus n’agissait pas seul. À ses côtés se trouvait le structor ou maçon, mentionné par Végèce et par la documentation épigraphique 12. Ces spécialistes étaient accompagnés du scandularius, ouvrier qui, selon H. Von Petrikovits 13, faisait partie des artisans de construction. Étymologiquement parlant, nous pouvons traduire ce mot par « celui qui emploie des bardeaux », c’est-à-dire des petites planches clouées sur voliges employées dans la construction des couvertures des bâtiments. Il s’agissait donc d’un spécialiste des toitures. H. Von Petrikovits mentionne également le speclarius ou specularius que nous pouvons traduire par miroitier. Il s’agissait d’une personne confectionnant des fenêtres en verre. Enfin, signalons la présence de tectores et de pictores 14, stucateurs et peintres qui s’occupaient des finitions des bâtiments militaires.
6Mais la grande majorité des soldats romains n’étaient pas spécialisés dans un métier quelconque ; et ils ne devaient leur savoir-faire qu’à l’exercice et qu’à leur encadrement par les soldats-artisans vus précédemment. Ils formaient la main-d’œuvre. Tous devaient participer aux travaux : légionnaires, auxiliaires, numeri, fantassins ou cavaliers. Cette main-d’œuvre n’était pas employée au hasard. Il existait des règles. Flavius Josèphe, dans sa Guerre des Juifs, explique que les différentes légions présentes en campagne se voyaient attribuer des tâches différentes. Pour préparer le siège de Gamala, la quinzième légion construisit le terrassement est, tandis que la cinquième légion accomplissait son travail face au centre de la ville et que la dixième légion comblait les fossés et les ravins 15. Pseudo-Hygin insiste sur le fait que chaque unité militaire avait un rôle bien précis dans les constructions. Pour lui, l’infanterie de marine était destinée à réaliser les travaux tandis que les cavaliers maures et pannoniens les protégeaient 16. Car c’est bien l’infanterie qui fournissait la main-d’œuvre, tandis que la cavalerie, jouissant de privilèges, assurait la surveillance et la protection du chantier 17. À Dimmidi, en Afrique, l’organisation des travaux se fit d’une façon tout à fait semblable à celle décrite précédemment puisque ce sont les fantassins des vexillations IIIa Augusta et IIIa Gallica qui construisirent tandis que les cavaliers de l’aile I Pannoniorum se chargèrent de surveiller le territoire 18.
7Pour réaliser les travaux, les soldats disposaient d’instruments de mesure, d’un outillage basique et d’un outillage plus complexe, parfois plus proche de la machine que du simple outil.
8Pour installer un camp, niveler un terrain, concevoir des pièces de charpente ou encore déterminer les dimensions des blocs de pierre à tailler, les militaires avaient besoin d’instruments de mesure en tout genre. L’instrument de mesure par excellence était sans aucun doute la groma. Il est notamment connu par un bas-relief gravé sur la pierre tombale d’un arpenteur militaire appelé Lucius Aebutius Faustus. Il s’agissait d’un instrument extrêmement important pour l’armée. Malheureusement, les seules sources archéologiques permettant de mieux connaître cet instrument sont civiles avec, par exemple, la groma de Pompei ou encore celle de Pfüntz en Bavière. J.-P. Adam décrit bien cet instrument 19. Il servait à mener des opérations de centuriation, de cadastration ou tout simplement de mesure sur un terrain ou encore sur un fleuve. Il était matérialisé par une croix métallique à quatre branches perpendiculaires et de dimensions égales. À chacune de ces branches était suspendu un fil à plomb appelé perpendiculum. L’équerre était fixée par un pivot sur un bras de recherche qui venait coiffer le pied de l’instrument, lui-même muni d’une pointe pour pouvoir être planté dans un terrain meuble, et sans doute d’un socle permettant d’utiliser l’instrument sur un terrain rocheux. Si la groma apparaît comme étant le principal instrument de mesure des agrimensores, sans doute en existait-il d’autres. Il est fort probable que les arpenteurs militaires romains utilisaient des cadrans solaires portatifs de formes variées, généralement circulaires parfois munis de cercles concentriques avec, planté en leur milieu, une tige verticale appelée gnomon. D’autres instruments de mesures servaient aux soldats artisans. Ces différents outils, attestés dans l’armée romaine, servaient à dessiner, à mesurer, à vérifier les niveaux ou encore les angles. Ils étaient de quatre sortes : règles pliantes ou graduées, compas, fils à plomb, niveaux, équerres, en bois ou en métal.
9À côté de cet outillage bien spécifique se trouvait un outillage plus basique en bois et en fer. Il s’agissait d’outils à percussion tels que les marteaux, les massettes, les marteaux-hache, les marteaux-pics ou les marteaux-herminettes. Il pouvait s’agir de tranchants comme la cognée, la hache bipenne, le dolabre, la hachette, la herminette, l’ébranchoir, la serpe ou encore l’écorçoir. Il pouvait s’agir d’outils à pointe tels que les pioches-haches, du latin dolabra ou upupa, les pioches de carrier, les ciseaux, les chasses, les bédanes et les gradines. Il pouvait également s’agir d’outils à percussion lancée : les scies, les râpes, les limes, les racloirs, les rabots servant au travail du bois, ou encore les planes qui permettaient d’aplanir les surfaces de bois. Ajoutons à cela les trépans ou foret à archet, les arraches-clous, les pelles, les bêches, les fourches, les faucilles, les cordes, les chaînes de fer, les paniers tressés pour accueillir terre et gazon lors de la construction de camps ou les pieds de biches. La liste est longue 20.
10Enfin, les soldats utilisaient un outillage très complexe. Parmi eux, mentionnons les échafaudages indispensables pour réaliser des murs d’une certaine hauteur. Du latin catafalcum, ce dispositif était construit sur place par les militaires, soit en bois, si les environs pouvaient en fournir, soit en briques crues empilées dans les régions non boisées. Il s’agissait de constructions légères et éphémères destinées à supporter le poids de quelques hommes munis de leurs outils. Ils étaient constitués de simples perches, de rondins et de planches. Les échafaudages étaient plus ou moins complexes et le plus simple était l’échafaudage mobile sur tréteaux qui était utilisé par les maçons, les stucateurs ou encore les peintres. Cet échafaudage ne permettait pas de construire sur des hauteurs supérieures à trois mètres. Pour cela, on utilisait des échafaudages plus compliqués, car fabriqués sur plusieurs niveaux : l’échafaudage indépendant qui reposait sur le sol et l’échafaudage encastré qui laissait des trous de boulin dans le mur. Lorsque les murs atteignaient de trop grandes hauteurs, les soldats utilisaient des machines de levage 21. Il s’agissait de machines composées d’une ossature en bois de forme triangulaire et munies de treuils, de poulies et d’une corde au bout de laquelle était fixé le bloc grâce à une louve ou une griffe. Celle-ci était enroulée sur un axe situé au centre de l’ossature et rendu amovible grâce à des leviers. Lorsque l’axe tournait sur lui-même, il enroulait la corde, et le bloc montait. Ces machines sont bien connues par Vitruve 22 et par l’iconographie.
11Les militaires de l’époque impériale utilisaient toute sorte de machines de constructions comme celles utilisées dans la construction des ponts. César mentionne l’une d’entre elle 23. Certes, il s’agit là d’une source d’époque républicaine, mais comme le souligne R. Chevallier 24, ce procédé fut sans doute utilisé pour l’établissement des ponts en bois durant le Haut-Empire. Ce type de machine se trouvait sans nul doute sur un radeau puisque sa fonction était de planter les pilotis du pont dans le fleuve. Il devait s’agir d’une machine surmontée d’une infrastructure triangulaire au sommet de laquelle se trouvait une masse. Les pieux étaient posés en position oblique sur l’infrastructure et étaient plantés dans le fleuve, obliquement, à l’aide de coups de mouton. Enfin, les soldats utilisaient des machines de protection de toute sorte. En effet, les travaux militaires pouvaient être effectués en territoire ennemi. Les soldats devaient donc se protéger durant leurs réalisations. Pour cela, ils usaient de gabions et de claies, c’est-à-dire de protections confectionnées en clayonnage ou en torchis 25 ; de palissades et de mantelets 26, abris portatifs confectionnés en bois ou en branchages tressés ; et de tortues, engins constitués d’une plate-forme carrée, munie de roues, au-dessus de laquelle se trouvait une superstructure triangulaire recouverte de planches, de baguettes et de cuirs verts bourrés d’algues ou de paille macérée dans du vinaigre 27.
12Spécialisés, équipés, les soldats avaient tous les atouts en main pour réaliser nombre d’infrastructures différentes. D’aucunes étaient destinées à l’acheminement des troupes, d’autres à la guerre, certaines à la défense du territoire. Dans la première catégorie, nous pouvons évoquer les routes, les ponts ou les camps de marche. Les soldats firent ouvrir de nombreuses routes durant leurs expéditions 28. Il s’agissait alors de voies très simples que nous pouvons appeler « viae militares » 29. Pour les réaliser, il suffisait d’abattre les arbres et les taillis, de dégager les rochers encombrants les défilés rocheux ou encore d’assécher les petits marécages dans les plaines. Puis, les soldats aplanissaient le sol ou disposaient des marques indiquant la direction à emprunter 30. Elles étaient embellies une fois le territoire pacifié, recevant une couche de terre ou de gravier, avec ou sans substructions, avec ou sans fossés, sans atteindre cependant le niveau d’aménagement des grandes voies romaines civiles.
13Nous pouvons également évoquer les ponts. La plupart du temps, les soldats se contentaient de les créer à l’aide de bateaux « reliés par des poutres et surmontés de tours »31. Ce genre de pont ne pouvait être bâti qu’en des endroits accessibles par la marine romaine, ou en des lieux où l’armée disposait déjà de bases logistiques avancées, c’est-à-dire dans les régions déjà en partie conquises. Ce genre de procédé était donc rarement utilisé lors des conquêtes militaires mais plus souvent lors des révoltes ou des guerres civiles. En territoire barbare, les soldats concevaient des ponts en bois. Il s’agissait d’ouvrages légers en charpente réalisés sur le modèle de celui construit par César sur le Rhin à l’époque républicaine. Plus rarement, ils étaient bâtis en pierre. Plus longs à édifier, plus onéreux, ils n’étaient construits qu’en territoire pacifié. C’est l’exemple du pont de Turnu Severin jeté sur le Danube et notamment connu par un bas-relief de la colonne trajane. Immense, muni de piles en pierres, d’une superstructure en bois, d’ornements et de têtes de pont, il caractérise bien ce que les soldats étaient capables de faire. Cependant, tous étaient loin d’être aussi monumentaux. Enfin, dans cette catégorie figurent les camps de marche, dit camps d’été ou castra aestitua. Vite construits durant les campagnes à chaque halte, vite détruits au matin, ils n’ont laissé aucune trace archéologique. Nous les connaissons grâce à l’iconographie et à la littérature. Il s’agissait généralement de camps quadrangulaires munis de trois voies qui formaient l’organisation interne et qui divisaient l’espace. Des tentes y étaient plantées afin de recevoir les troupes. Ces camps étaient plus ou moins grands selon le nombre de soldats à abriter et étaient munis de fortifications sommaires : un fossé, une levée de terre ou agger, une palissade en bois ou un mur en pierre et des défenses supplémentaires en avant de ce rempart appelées cerfs, du latin cervoli.
14D’autres constructions étaient liées à l’invasion : des camps de siège, des terrasses d’approche, des murs de circonvallation et des machines de siège et de guerre. Les camps de siège furent bâtis à de nombreuses reprises : pour la prise de Jotapata, pour celle de Gamala, pour celle de Jérusalem ou encore pour celle de Massada 32. Ils ressemblaient beaucoup aux camps de marche et pouvaient se multiplier sur un même site 33. Toutefois, ils étaient plus élaborés et disposaient de magasins (tabernae), de cabanes (cabanae) et d’un réfectoire (triclinium). Les tentes y furent remplacées par des constructions en dur 34. Ces camps étaient doublés de travaux de siège. En effet, les soldats pouvaient bâtir un mur de circonvallation pour isoler l’ennemi. Le mur entourait la cité à prendre. Il était généralement constitué d’une levée de terre doublée d’un fossé et d’une palissade 35, le tout construit dans des matériaux locaux. Ces murs étaient monumentaux, construits sur de grandes longueur 36 et étaient munis de forts et de tours.
15Des travaux de terrassement pouvaient également avoir lieu. Ils servaient non plus à isoler la ville, mais à l’attaquer. Les terrasses d’approche étaient réalisées en matériaux locaux. Il s’agissait d’immenses levées constituées de bois, de pierres et de terre comme le prouvent les passages de la Guerre des Juifs mentionnant les terrassements de Jotapata, de Gamala, de Jérusalem et de Massada 37. Ces terrassements devaient être suffisamment solides car leur but était de pouvoir supporter des machines de guerre construites sur place par les soldats. Il s’agissait soit de machines de trait ou de jet (oxybèles, tormenta, scorpio et balistes), soit de machines de siège (béliers, tours ou hélépoles) réalisées en bois de charpente avec des éléments métalliques.
16Enfin, les soldats devaient concevoir des infrastructures liées à la défense du territoire. Le limes en est certainement le meilleur exemple. On trouvait ce système défensif un peu partout : en Bretagne avec les murs d’Antonin et d’Hadrien, sur le Danube, sur l’Euphrate, en Arabie, ou encore en Afrique 38. Ouvrage purement militaire, si sa principale mission était de défendre l’Empire contre les actes d’agressions extérieures, il était également une séparation culturelle. Il s’agissait d’un véritable dispositif composé d’une défense linéaire ponctuée de tours, camps ou fortins destinés à accueillir les troupes romaines. La défense linéaire était composée de trois éléments : un obstacle naturel (fleuve) ou artificiel (mur), des voies, des fossés et des talus. Les tours, camps et fortins, placés en avant ou en arrière de la ligne défensive ou incorporés à même le rempart, étaient bâtis en dur, soit en pierres, soit en bois. Les tours, du latin burgus, se répartissaient, à l’instar des camps et des fortins, sur tout le long du limes. Il s’agissait principalement de tours de guet et de signaux (signaux de fumée le jour et torches la nuit 39) qui étaient destinées à surveiller les mouvements de population barbare et à faire le relais entre toutes les autres défenses ponctuelles 40. Elles pouvaient également abriter un petit nombre de soldats 41. Les bas-reliefs de la colonne trajane nous apportent des renseignements sur ce genre d’édifice. Ils étaient de forme quadrangulaire, presque carrés, avec un toit pyramidal et ils étaient fabriqués soit en pierres, soit en mottes de gazon. Ils étaient munis d’une porte donnant sur le fleuve ainsi que d’une fenêtre carrée située à l’étage. Ces tours étaient par ailleurs entourées d’une palissade de bois et étaient munies d’un balcon.
17Les camps d’hiver, permanents, ou castra statiua, étaient de véritables forteresses généralement bâties dans des matériaux solides. Lieux de garnisons, ils étaient généralement construits en territoire pacifié. Ceux d’Aulnay et de Mirebeau, en Gaule, nous donnent de précieuses informations sur ce type de réalisation militaire. Ces camps permanents ressemblaient beaucoup aux autres camps romains. Toutefois, le camp permanent était beaucoup plus élaboré puisque non temporaire. Il pouvait être très grand. Le camp d’Aulnay-de-Saintonge faisait 292 m sur 217 m et couvrait une superficie de 5,4 ha. Il pouvait accueillir entre 1 500 et 2 500 soldats. Le camp militaire d’Oedenburg, situé en Germanie supérieure et fondé sous Tibère ou sous Claude, devait mesurer environ 170 m sur 200 m et occupait un espace de 3 ha 42. Enfin, celui de Mirebeau-sur-Bèze mesurait 580 m sur 390 m et avait une superficie de 22 ha. Il pouvait abriter les 5 500 soldats de la légion VIII Augusta. Ils étaient munis d’infrastructures très élaborées : des logements, un hôpital, des entrepôts, un atelier, un forum et même des bains. L’enceinte était massive et était composée de fossés-talus et d’un rempart en terre, en bois, en gazon et en pierres. Elle était munie de portes monumentales construites avec soins 43.
18Les soldats concevaient aussi d’autres types d’infrastructures. Nombreuses, nous n’évoquerons que les fortins comme celui d’El-Zerqa en Égypte. Ces bâtiments ressemblaient beaucoup à ceux situés sur le long du limes, à ceci près qu’ils étaient placés au cœur même des provinces romaines pour surveiller, encadrer ou contrôler les populations. Celui d’El-Zerqa date du règne d’Auguste. Situé sur la route allant de Koptos à Quseir el-Qadim, il fut fouillé en 1994 par H. Cuvigny et A. Bülow-Jacobsen. Il faisait partie d’un ensemble de plusieurs fortins bâtis en matériaux locaux et situés le long de cette route à intervalle régulier. Il servait à surveiller les activités marchandes de cette route. Presque carré, il mesurait environ 50 mètres de côtés et était orienté au nord. Il était muni d’une enceinte carrée aux quatre coins de laquelle se trouvaient des tours semi-circulaires. L’intérieur de l’édifice était constitué d’une cour elle-même pourvue d’une multitude de bâtiments : casernes, réserves, citernes, etc.
19Le fait que les soldats réalisaient ce genre d’édifice n’a rien d’étonnant. Ils leur étaient destinés et, sans eux, la conquête et la défense du territoire n’aurait pu se dérouler convenablement. Toutes ces réalisations ont permis aux Romains d’imposer leur culture, directement ou indirectement. Les routes, ponts ou les camps de marche facilitaient leur progression. En effet, en territoire ennemi, les troupes avaient besoin d’infrastructures pour se rendre sur les lieux à conquérir. Dans les provinces romaines, ces installations permettaient de faciliter le déplacement des unités vers les lieux susceptibles de nourrir des mouvements de contestation. Les premières d’entre elles étaient, bien évidemment, les routes. Les camps de siège, les travaux de terrassement ou la conception de machines étaient également nécéssaires. Ne pouvant acheminer cela sur place, ils se devaient de les bâtir. C’est grâce à ces travaux que des cités comme Jotapata, Jérusalem ou Massada furent prises. Les travaux liés à la défense du territoire permettaient de contrôler celui-ci : les soldats, en caserne, se trouvaient prêt à intervenir où que ce soit dans les plus brefs délais. Sans le limes, les Barbares auraient franchi aisément les frontières de l’Empire.
20Mais ces travaux permettaient de faciliter la victoire d’une toute autre façon. Des soldats capables de réaliser de telles constructions avaient toutes les chances d’intimider, voire de faire capituler les ennemis de Rome. Il s’agit ici d’une raison supplémentaire expliquant pourquoi les membres de l’institution militaire avaient en charge de telles réalisations. Y. Le Bohec lui-même l’admet : « Si de tels travaux ne provoquent pas chez les assiégés un effroi suffisant pour amener leur reddition, il ne reste plus qu’un recours, le combat » signale t-il 44. Les Parthes, face à un tel déploiement de force, renoncèrent d’ailleurs à envahir une Syrie protégée par les troupes romaines 45. Un grand général du Ier siècle comme Domitius Corbulon l’avait compris. Ne disait-il pas : « Il faut vaincre l’ennemi par le hoyau, c’est-à-dire par les ouvrages ? »4
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