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Historique Voir ICI History Click HERE Qu’ils soient empereurs, rois ou présidents de la République, tous les gouvernants connaissent le pouvoir des images : elles sont l’instrument indispensable de la mise en scène du pouvoir. Une célèbre statue d’Auguste témoigne précisément des liens entre l’art et la politique. La statue d'Auguste dite « Prima Porta » Elle tire son nom du quartier où elle a été trouvée le 20 avril 1863, dans la villa de Livie, le long de la Via Flaminia, au Nord de Rome. Sculptée en marbre blanc de Paros (H. 204 cm), elle était peinte, comme toutes les statues et monuments dans l'Antiquité, mais la couleur a aujourd’hui disparu pour la quasi totalité d’entre eux. À l’origine, cette statue eut probablement pour modèle une œuvre en bronze, exécutée en 20 avant J.-C. ou immédiatement après. La copie en marbre fut réalisée pour Livie à la mort d’Auguste, son époux, en 14 après J.-C. ou peu après. Elle est actuellement conservée dans l’aile du Braccio Nuovo, aux Musées du Vatican à Rome.
Un portrait officiel Auguste est reconnu officiellement comme le Princeps (le Prince), c’est-à-dire "le premier (primus) à prendre (capere) la parole au Sénat". Depuis le 16 janvier 27 avant J.-C., il porte le titre de Augustus (saint, vénérable, sacré). Concentrant tous les pouvoirs (militaire, politique, religieux), il est le maître de Rome, "sans être ni roi, ni dictateur" (Tacite, Annales, I, 9). La statue le représente sous les traits d’un homme mur d’une quarantaine d’années, à l'air autoritaire et calme. Le visage est celui de l’imagerie officielle diffusée par les ateliers impériaux et la numismatique : profil au nez droit, pommettes hautes, lèvres fines, coiffure en petites mèches caractéristiques.
Aureus (pièce en or) émis vers 13 - 14 après J.-C. par un atelier de Lyon. Sur l’avers (ou le droit), le profil d’Auguste couronné de lauriers avec l’inscription Caesar Avgvstvs Divi F[ilius] Pater Patriae, "César Auguste Fils du Divin (César) Père de la Patrie" ; sur le revers, une femme vue de profil, assise sur un trône, tenant une branche d’olivier de la main gauche et un long sceptre de la droite. Il s’agit sans doute de la personnification de Pax (la Paix) ou de Livie, l’épouse du princeps, avec l’inscription Pontif[ex] Maxim[us], Grand Pontife. Bibliothèque nationale de France, département Monnaies, médailles et antiques. ©BnF, Gallica. Voir la présentation du portrait d’Auguste dans l’article « Alige magistro ». Des codes iconographiques récurrents Auguste est représenté en imperator (général en chef victorieux) haranguant ses troupes : il porte une tunique courte, une cuirasse et retient son grand manteau pourpre (paludamentum) sur son bras gauche. La main gauche devait tenir une lance ou peut-être l'une des enseignes liées à l’épisode figuré sur la cuirasse ; le bras droit a fait l’objet d’une restitution moderne. Index tendu, Auguste est saisi dans l’attitude traditionnelle de l’orateur réclamant l’attention de ses auditeurs pour son adlocutio (discours). Suétone rapporte que le Princeps excellait dans le domaine de l’art oratoire, dans lequel il s’entraînait depuis son plus jeune âge (Vie d’Auguste, LXXXIV, 1-5). Auguste se veut le protégé des dieux : comme eux, il est pieds nus et le petit Cupidon, fils de Vénus, chevauchant un dauphin à ses côtés, rappelle son ascendance divine ainsi que la protection d’Apollon (le dauphin est l’un de ses attributs), dieu tutélaire du prince (il a veillé sur sa victoire à la bataille d’Actium). Le modèle « canonique » : le Doryphore de Polyclète Né à Argos (Grèce) au Ve siècle avant J.-C., le sculpteur Polyclète est le premier à composer un traité sur son art, le Kanôn (« règle » en grec, d’où canon), mis en pratique par un modèle (vers 440 avant J.-C.) : une statue en bronze représentant un jeune homme nu tenant une lance, connue sous le nom de Doryphore (« porteur de lance » en grec). Très admirés dans l’Antiquité, le traité et la statue sont aujourd’hui perdus, mais de nombreuses répliques romaines permettent de comprendre comment le Doryphore est devenu un archétype fondamental dans l’histoire de l’art occidental. Le canon de Polyclète a fixé les normes de la beauté classique idéale.
La cuirasse : histoire et mythologie Particulièrement ouvragée, la cuirasse d’Auguste évoque un épisode historique clé dans la construction de la propagande impériale : la restitution des aigles romaines par les Parthes en 20 avant J.-C.
La bataille de Carrhes Réélu consul à Rome en 55 avant J.-C., Marcus Licinus Crassus, membre du premier triumvirat avec Pompée et Jules César, obtient la gestion de la province de Syrie, l’une des plus puissantes de l’empire romain, pour une durée de cinq ans. Ce richissime général, avide de richesses et de gloire, décide d’envahir l’empire parthe.
La cuirasse : la gloire du « prince » L’épisode de la restitution des aigles prend place dans le cadre plus général de la politique pacificatrice d’Auguste, objet d’une propagande continue chez tous les auteurs qui glorifient les « vertus » du prince. Sans participer lui-même aux opérations de guerre, l’empereur sut en effet aussi bien organiser les offensives que les alliances diplomatiques permettant de conquérir de nouveaux territoires. Une composition circulaire Les éléments figurés sur la cuirasse sont disposés en cercle, rappelant la forme d’un bouclier. On peut comparer cette composition avec celle du fameux bouclier forgé par Vulcain pour Énée à la demande de sa mère Vénus (Virgile, Énéide, VIII, vers 626-731).
La décoration : histoire et mythologie La décoration s’ordonne sur trois registres avec une scène centrale. L’ensemble mêle histoire et mythologie, dans une vision grandiose et symbolique.
Le registre du ciel Dans la partie haute de la cuirasse, la présence des divinités célestes marque le déroulement du temps universel et confère à la scène une dimension proprement « cosmique ». Inscrits entre Ciel et Terre (dans la partie basse de la cuirasse), le "prince" Auguste et son "empire" sont au centre du monde, sous la protection des dieux.
La scène centrale La scène de la restitution de l’enseigne mettrait face à face Tibère, beau-fils d’Auguste, alors en mission en Orient (20 avant J.-C.), et le roi parthe Phraatès IV. Cependant, comme il n’est pas d’usage de représenter des personnages historiques sur une cuirasse, on peut aussi penser qu’il s’agit d’une personnification de Rome (la déesse Roma avec un loup ou une louve ?) tendant la main en signe d’amitié au peuple parthe.
La pièce de monnaie témoigne de la très large diffusion de l'épisode : un Parthe agenouillé présente une enseigne militaire qui porte l’étendard de la légion X Fretensis (créée en 41 ou 40 av. J.-C. par Octave, elle participa aux opérations qui opposèrent les Romains et les Parthes). On peut lire l’inscription CAESAR AVGVSTVS SIGN RECE (Caesar Augustus signa recuperavit) : « César Auguste a récupéré les enseignes ». Moins de dix ans après son accession aux pleins pouvoirs, le « prince » a remporté une victoire emblématique sans avoir à verser le sang ; à travers tout le monde romain, non seulement à Rome, mais aussi dans les ateliers espagnols et asiatiques, des monnaies qui rappellent ce haut fait historique sont frappées pendant plus de deux années : c’est l’un des plus efficaces moyens de propagande que s’est donnés l’Empire pour montrer sa toute-puissance. Les nations soumises et pacifiées De part et d’autre de la scène centrale, dans l’attitude classique de la soumission, deux figures féminines assises, vêtues « à la barbare » (pantalons), figurent les nations pacifiées. Auguste les nomme lui-même en racontant comment il a lavé le déshonneur infligé à Rome par d’autres que lui. « Signa militaria complura per alios duces amissa devictis hostibus recuperavi ex Hispania et Gallia et a Dalmatiis. »
Les divinités protectrices En toutes circonstances, le prince manifeste une vénération toute particulière pour Apollon, le fils de Jupiter. Selon une version rapportée avec complaisance par divers auteurs, Atia, la mère d’Auguste, aurait conçu son fils avec le dieu lui-même, lors d’une nuit passée dans son temple, après laquelle elle se réveilla avec une tache indélébile en forme de serpent (Suétone, Vie d’Auguste, XCIV, 4-5). En 44 av. J.-C., Octave consacra un temple à Apollon sur le Palatin et il y fit déposer les livres Sibyllins. Après sa victoire à Actium contre Antoine et Cléopâtre (31 av. J.-C.), il considéra le dieu comme son protecteur personnel.
Tellus, la Terre Au bas de la cuirasse, au centre, sous le nombril, la Terre (Tellus), avec ses symboles habituels de fertilité : couronne d’épis de blé, corne d'abondance, enfants. Elle incarne la prospérité retrouvée grâce à Auguste
. Sur le côté et dans le dos La figure de Cupidon chevauchant un dauphin rappelle l’ascendance divine (Vénus) de la gens Julia (la famille de Jules César et d’Auguste), revendiquée par la propagande impériale, et la victoire d’Actium, sous la protection d’Apollon (le dauphin est son animal favori). Le groupe sculpté a aussi une fonction technique : il soutient la statue d’Auguste proprement dite. Quant aux dépouilles opimes (spolia opima), discrètement représentées sur le dos de la cuirasse, c’est un thème classique de l’iconographie militaire. On nomme ainsi les trophées (armes et pièces d’armure) pris par un général romain sur un chef ennemi qu’il a tué en combat singulier. Leur consécration constitue l'honneur suprême pour l’imperator. Fier d’une victoire remportée sans combattre, Auguste fit placer les enseignes rendues par les Parthes dans le temple de Mars Ultor (Mars Vengeur) qu’il avait fait construire dans son forum à Rome : il imitait ainsi Romulus, le « père » de la cité, qui avait bâti le petit temple de Jupiter Férétrien sur le Capitole pour y abriter les dépouilles opimes prises sur le roi Acron. Sans prétendre à la gloire guerrière du fondateur de Rome, Auguste se posait ainsi en nouveau Romulus.
Une conclusion en forme de jeu Passionné par l’Antiquité, à laquelle il a consacré de nombreux tableaux, le peintre anglais Lawrence Alma-Tadema (1836-1912) a représenté deux scènes dans lesquelles on retrouve la statue d’Auguste Prima Porta, l’une sous le titre An Audience at Agrippa's (« Une audience chez Agrippa », 1876) et l’autre After the Audience (« Après l’audience », 1879). Saurez-vous repérer les différences dans les éléments de la scène d’une version à l’autre et rendre son titre à chaque tableau ?
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