1939 Maginot Tourelle de 135 mm modèle 1932 Fermont









1939 Maginot Tourelle de 135 mm modèle 1932 Fermont
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Merci à Jean marie Brams pour les photographies


Informations tirées de Wikimaginot


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La Tourelle

Description générale

Comme la plupart des tourelles installées sur la ligne Maginot, la tourelle pour deux lance-bombe de 135 mm modèle 1932 est dotée d'un mécanisme dérivé de celui de la tourelle de 75 modèle 1905 qui avait donné entière satisfaction lors du conflit précédent.
Cette tourelle dotée d'armes à tir courbe était installée dans un renfoncement de la dalle du bloc et était destinée à la défense rapprochée de l'ouvrage et des organes voisins. La forte charge explosive des munitions utilisées conférait à cette tourelle une forte capacité de destruction.

 

Genèse

Le tube lance-bombes de 135 mm est prévu d'emblée pour être installé en casemate de flanquement et en tourelle cuirassée à éclipse. Dans cette version il est prévu en paire. Dés avril 1927, la DPST précise le cahier des charges de la future tourelle : angle de tir de +10 gr à + 50 gr (9° à 45°) permettant l'enfoncement de la tourelle dans le sol pour le tir balistique, masses oscillantes solidaires, cadence de tir de 6 à 8 cps/min, diamètre intérieur maximum de 2,50 m (1). Le Gal CHALLEAT précise en outre que la position de chargement sera fixe à 30 gr, la pièce devant revenir automatiquement en position de chargement après tir. Pour des questions d'interchangeabilité des tubes de tourelle, il demande aux Ateliers et Chantiers de la Loire - en charge du développement de la pièce - que la culasse soit à mouvement vertical et non latéral, demande qui sera finalement pas prise en compte.
Le développement de la tourelle - sous responsabilité du Génie - est lancé par un marché le 4 Mai 1929. Début 1929 une nouvelle mission apparait dans la panoplie du lance-bombes de 135mm : l'entretien de destructions et abatis dans les régions boisées couvertes principalement par ce type de moyens de retardement (Vosges du Nord en l'espèce). Dans sa 22e réunion, la CORF préconise ainsi pour les trois petits ouvrages à construire dans ce secteur la mise en place de tourelles tournantes pour 135mm "à tir vertical", en réalité de 45 à 65 degrés mais avec des angles de chute très raides s'affranchissant des pentes et de la végétation, permettant de faire du tir d'entretien d'abatis et de retardement dans les vallées encaissées en avant de
la LPR . Ce développement particulier et parallèle à la tourelle à éclipse n'aura pas de suite du fait du report en 2e Cycle de ces trois petits ouvrages (2).
Les pièces de la 1e masse oscillante double sont réceptionnées provisoirement à Bourges le 10 Juillet 1931, la tourelle elle-même, sans ses lance-bombes, est réceptionnée provisoirement en usine le 9 Septembre suivant. Les essais de tir en usine de cette 1e tourelle (n° 101) ont lieu à Montluçon (Usines st Jacques) le 18 Février 1932. Cette réception entraine des modifications ultérieures sur le système de frein et récupérateur, avec passage à l'huile au lieu de la glycérine. Ces modifications sont finalisées à l'automne et décision est prise d'installer cette première tourelle à ANZELING (B5). Compte tenu des délais très court, cela sera la seule tourelle à être réceptionnée "in situ" dans son bloc, les suivantes passant leur réception finale au polygone de Bourges avant expédition et montage. La livraison de la tourelle intervient fin Décembre 1932, et son montage est achevé en Janvier suivant.
La session de réception est organisée le 8 Février 1933 après négociation d'un champ de tir de circonstance de 6000 m de profondeur avec les autorités locales. Comme c'est une première, la CORF organise un survol par l'armée de l'air durant ces tirs pour juger de la discrétion de la tourelle à l'observation aérienne. Le feu de la tourelle s'avère très visible, avec une paire de flammes de 1,5 mètres de long suivie d'un nuage de fumée grise et d'un second à l'ouverture des culasses. L'éclatement des projectiles est lui aussi très visible. (3)
Les utilisations ultérieures en tirs d'exercice annuels montrent rapidement des faiblesses préoccupantes. Un nouvel essai réalisé sur la tourelle d'ANZELING en Avril 1934 se solde par ailleurs par de nombreux ratés de tir. Mais les ennuis le plus préoccupants sont constatés dés mi-1933 suite à des tirs à portée maximale sur les quatre premières tourelles installées, avec des détériorations sérieuses de la bouche (gonflement du tube et arrachement de métal à la bouche) et de grandes difficultés de démontage et d'entretien de la culasse du fait de l'encombrement de la chambre de tir. L'analyse faite des gonflements de tube exclue les causes liées à la qualité du métal (cela affecte indifféremment les tubes provenant de 4 fonderies différentes…), mais les arrachements sont initialement attribués à cette qualité. Les tubes concernés sont retirés pour autopsie et le gonflement est finalement attribué à la surpression générée par les épreuves avec munition permettant le tir à 5600 mètres (4). Le problème d'arrachement et de détérioration de bouche ne trouvera pas d'explications… en 1933, mais reviendra au gout du jour à partir de 1936 sur la tourelle du SCHIESSECK, et surtout 1939 (voir le
document écrit par J-J. Moulins sur ces difficultés).

(1) : note DPST du 21/04/1927
(2) Wineckerthal, Grafenweiher, Glasbronn. A noter que ce développement est resté longtemps dans la pile des études en cours "en 1e Urgence" puisque des documents du
SMF de fin 1930 l'évoquent encore.
(3) l'observation quelques jours plus tôt dans des conditions identique de tirs au mortier de 81mm au METRICH montrent une discrétion très supérieure de cette arme…
(4) Note 2298 S/E du Gal BALLI, Inspecteur des Etudes et Expériences de l'Artillerie, du 6 Mai 1933

Sources : SHD - 7N3788 et 2V269

 

Description générale

Comme la plupart des tourelles installées sur la ligne Maginot, la tourelle pour deux lance-bombe de 135 mm modèle 1932 est dotée d'un mécanisme dérivé de celui de la tourelle de 75 modèle 1905 qui avait donné entière satisfaction lors du conflit précédent.
Cette tourelle dotée d'armes à tir courbe était installée dans un renfoncement de la dalle du bloc et était destinée à la défense rapprochée de l'ouvrage et des organes voisins. La forte charge explosive des munitions utilisées conférait à cette tourelle une forte capacité de destruction.
Ce matériel présentant toutefois un ratio cout/performance peu intéressant sera abandonné dés 1934, son remplacement par un autre armement étant alors envisagé.
La tourelle de 135 est un ensemble plus sophistiqué sur un plan mécanique que les autres tourelles de la ligne Maginot. Le poids de la munition interdisant sa prise en main a impliqué la mise en place d'un système de chargement semi-automatisé composé d'un basculeur qui prend le projectile au poste haut de noria d'approvisionnement et assure ensuite son introduction dans la pièce amenée à sa position de chargement à angle constant. L'ensemble est ensuite remis en position de tir, la totalité des mouvements nécessaires au chargement étant assurée de manière électrique.
Ce recours à la motorisation électrique supplémentaire au niveau des pièces et de leur chargement contribue grandement à la cadence de tir de l'ensemble et explique en partie son prix


 

Caractéristiques de la tourelle

- Diamètre de la calotte supérieure : 290 cm
- Epaisseur de la toiture : 30 cm
- Epaisseur de la muraille : 30 cm
- Diamètre intérieur : 2,10 m
- Hauteur émergeant en batterie : 105 cm
- Course verticale : 54 cm
- Poids total : 163,5 t
- Poids des parties fixes : 66,25 t
- Poids de la partie mobile : 97,25 t
- Les 5 voussoirs de l'avant-cuirasse pèsent 17,5 t chacun, soit un total de 86,5 tonnes.
- Puissance électrique requise (bloc complet) : 40 à 50 KW
- Pointage lateral : 360°
- Pointage vertical : 9° à 45 °

Armement et équipements

La tourelle est dotée de deux lance-bombes de 135 mm modèle 32 . Les caractéristiques de ces tubes et les munitions employées sont données sur le page du Dico les concernant.
Quelques différences sont toutefois à noter pour l'utilisation sous tourelle de cette arme. Les deux pièces sont montées en jumelage et sont pointées de manière identique. Elles disposent d'une commande unique de mise à feu, ce qui explique la cadence de tir portée de 6 à 12 coups par minute du fait de l'utilisation simultanée des deux tubes de la tourelle.
Libéré des considérations relatives au dimensions des embrasures, le pointage en hauteur est augmenté par rapport à celui de la pièce sous casemate.
L'évacuation des douilles se fait par une goulotte jusqu'à l'étage intermédiaire puis par un toboggan jusqu'au local de récupération au pied du bloc. Lorsque cela était rendu nécessaire par une utilisation intensive de l'armement, le refroidissement des tubes était prévu par aspersion d'eau.
L'ensemble de ses mouvements de la tourelle et les norias assurant l'approvisionnement des pièces en munitions étaient électriques. La motorisation de l'ensemble était assurée avec du matériel fourni par la société
Sautter-Harlé et le fonctionnement pouvait être repris manuellement en cas de dysfonctionnement de système électrique.
La transmission des ordres entre le tireur et le bloc était assurée par un transmetteur de marque Téléflex. Les ordres en provenance du PC du bloc étaient quant à eux transmis par un transmetteur d'ordres Carpentier modèle 1937 C entre le PC du bloc et le bloc lui même (Ces transmetteurs seront remplacés après guerre par des matériels Saint Chamond Granat).

 

Service de la tourelle

La tourelle est placée sous le commandement direct du PC du bloc qui agit sur ordre du PC artillerie de l'ouvrage.
Son service nécessitait en principe une équipe composée de 21 personnes (1) :
- 1 officier "commandant de tourelle", secondé par 1 sous-officier "chef de tourelle" localisé à l'étage intermédiaire.
Une équipe de Pièces dans la chambre de tir - 2 hommes :
1 chef de pièces (brigadier en principe), en charge par ailleurs de la pièce de droite.-
1 chargeur affecté à la pièce de gauche.
Une équipe à l'étage intermédiaire (pointage et approvisionnement) - 11 hommes :
- 1 maitre-pointeur et son aide pointeur
-
2 auxiliaires
- 4 pourvoyeurs
- 1 gradé artificier (brigadier en principe)
- 2 artificiers
Une équipe à l'étage inférieur (équipe de manœuvre) - 5 hommes :
1 brigadier chef d'équipe

- 3 auxiliaires
- 1 maitre ouvrier ou ouvrier en fer (petite maintenance)
Elle pouvait cependant être servie en cas d'urgence par un peloton réduit minimum de deux sous officiers et 12 à 14 hommes.

 

Fabrication - Couts

Au total, ce seront 17 tourelles de 135 mle 32 qui seront installées sur la ligne Maginot. Deux marchés seront passés, le premier le 24 juillet 1929 avec Châtillon-Commentry et Neuves-Maisons de Montluçon pour la fourniture de 10 tourelles et le second le 1er février 1932 avec Fives-Lille pour la fourniture des 7 tourelles restantes. Un document laisse apparaitre q'une partie de la fabrication a probablement été sous-traitées par un site établi sur le Gier (Marrel ou St-Chamond).
La première tourelle livrée sera celle du bloc 5 de l'ouvrage d'Anzeling à la fin de l'année 1932. Les seize autres seront livrées et installées entre Janvier 1933 et Mai 1934.
Le prix de revient d'une tourelle installée était de 2 220 000 Francs, montant auquel il convenait de rajouter 150 000 Francs au titre du transport. Correspondance 2013 : 1,35 Mio d'euros
Le prix de revient d'une pièce de 135 mm mle 32 montée en tourelle était de 215 730 Frs. Correspondance 2013 : 123 000 euros

Déploiement

La tourelle de 135 mm mle 32 est un système d'arme peu déployé sur la ligne Maginot, il en a été installé 17 exemplaires numérotés de 101 à 117

- N° 101 - Ouvrage d'artillerie d'Anzeling, bloc 5
- N° 102 - Ouvrage d'artillerie de Molvange, bloc 4
- N° 103 - Ouvrage d'artillerie de Métrich, bloc 11
- N° 104 - Ouvrage d'artillerie de Rochonvillers , bloc 7
- N° 105 - Ouvrage d'artillerie du Simserhof, bloc 7
- N° 106 - Ouvrage d'artillerie du Michelsberg, bloc 6
- N° 107 - Ouvrage d'artillerie du Hackenberg, bloc 6
- N° 108 - Ouvrage d'artillerie de Rochonvillers , bloc 6
- N° 109 - Ouvrage d'artillerie du Hackenberg, bloc 9
- N° 110 - Ouvrage d'artillerie du Monte-Grosso , bloc 6
- N° 111 - Ouvrage d'artillerie du Hochwald, bloc 1
- N° 112 - Ouvrage d'artillerie du Galgenberg, bloc 6
- N° 113 - Ouvrage d'artillerie du Hochwald , bloc 14
- N° 114 - Ouvrage d'artillerie de Soetrich , bloc 4
- N° 115 - Ouvrage d'artillerie de Bréhain, bloc 5
- N° 116 - Ouvrage d'artillerie du Schiesseck, bloc 8
- N° 117 - Ouvrage d'artillerie du Four à Chaux, bloc 1

Les premiers essais de la tourelle montrent que le système de chargement semi-automatique est problématique. Un essai réalisé le 31 Janvier 1935 sur la tourelle de BREHAIN (B5) confirme ce constat et pousse la CEPARF (Commission d'Etudes Pratiques de l'Artillerie des Régions Fortifiées) à demander la ré-étude de ce mécanisme, ce qui sera réalisé par Chatillon, Commentry et Neuves-Maisons à l'automne 1937.
Ces tourelles feront in-fine l'objet d'un marché de modifications et d'améliorations en 1937, passé à Fives-Lille, permettant d'intégrer les enseignements d'années de tests en situation. De son côté, la CEPARF écrira une nouvelle "Instruction concernant la réalisation de l’aménagement d’une tourelle armée de matériels de 135 Mle 1932", éditée le 19 Mars 1937 et permettant de figer l'ensemble des bonnes pratiques.
Tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant et font l'objet d'études et de modifications supplémentaires jusque dans les années 50. Voir à ce titre l'intéressant
document écrit par J-J. Moulins ci-joint.
Après guerre, les reste de la tourelle n° 117, rendue inutilisable par les expériences allemandes, seront employés à la restauration de la tourelle n° 103 de METRICH et n° 108 de ROCHONVILLERS.

La Piece
Genèse du concept
 
Le lance bombe de 135 mm modèle 1932 est un matériel à tir courbe évoqué dés 1927 par la CDF et dont le développement a été orchestré par la CORF pour la fortification Maginot. Il est le seul armement en utilisation sur la ligne Maginot qui fasse usage d'une munition d'un calibre spécifique qui n'est utilisée par aucune autre arme en usage dans l'armée française.
 
Une arme qui s'inscrit parfaitement dans les principes fondamentaux de la CDF
Pour comprendre la genèse du 135 mm Mle 1932, il convient de se référer à un principe fondamental de la CDF : à toute portée, et pour tout type d'arme (artillerie, infanterie), il doit y avoir jumelage d'armes à tir tendu et d'armes à tir courbe (1).

Le canon faisant paire avec l'obusier sur les portées maximales, la CDF introduit le lance-bombe comme arme à tir courbe jumelant le canon sur les courtes portées, avec une mission spécifique très particulière de bombardement de concentrations adverses dans les replis de terrains et les zones défilées. Cet objectif initial de disposer d'un matériel capable de battre les fonds défilés situés à une portée de 5-6 km des ouvrages, permettait de compléter la faible portée du mortier de 81mm (2 500 m avec les munitions de l'époque) et la faible efficacité des canons ou obusiers de 75 mm dont les tirs fusants d'une efficacité réduite ne permettaient pas de couvrir les dépressions de terrain un peu prononcées. Le second objectif de tir de destruction - spécialement dirigé contre des vagues de chars lourds constitutifs d'une attaque surprise et massive, crainte importante de l'Etat-Major dés cette époque - fut déterminant dans le choix du calibre très particulier de cette arme : en effet, ce besoin implique à la fois un calibre important, d'une efficacité égale à celle des 155 usités lors du premier conflit, tout en demandant une cadence de tir importante et compatible avec une action d'interdiction massive.

Cette fonction de bombardement vise aussi à forcer l'adversaire à s'enterrer et à employer des procédés de guerre de siège, ôtant toute mobilité et ruinant à néant le caractère brusqué de l'attaque.

Longtemps en balance avec un calibre 155 mm, bien connu dans l'artillerie de l'époque, c'est finalement ce second besoin de cadences plus élevées que celles possibles avec le calibre de 155 mm qui orientera le choix vers un calibre inhabituel et original, 135 mm. (2)
 
Une étude longue et laborieuse
Le choix de 135 mm n'est pas complètement fortuit, car à l'époque de ces réflexions (printemps 1927), les Ateliers et Chantiers de la Loire (ACL) ont déjà produit dans le cadre du programme d'armement de 1925 un avant-projet d'obusier de campagne à ce calibre - validé par le Ministère - qui permettrait de gagner du temps de développement. Un avant-projet concurrent des Ateliers de Construction de Tarbes est rejeté à cette époque car jugé trop encombrant.
Cet avant-projet des ACL couvre une portée allant de 400 à 4000 m et enverrait un obus de 18 à 20 kg à une cadence de 8 cps/mn. (3)

Après approbation du principe en Mai-Juin 1927 par le Génie et l'Artillerie, le travail de développement et d'industrialisation est confié - de façon séparée ! - à l'Artillerie pour ce qui est de l'arme proprement dite, et au Génie pour l'affût, la tourelle et le plan type des blocs devant recevoir tout cela.

Sur cette base, une commande est passée par les services de l'Artillerie aux ACL en 1928 pour trois tubes prototypes, deux pour tourelle et un du modèle pour casemate. Le développement de la munition correspondante suit son cours en parallèle, sur la base d'un tracé proposé par le Gal CHALLEAT en personne. 100 obus de la sorte sont mis en commande. De son côté, la
Délégation Permanente des Sections Techniques (DPST) , et plus particulièrement la Section Technique du Génie (STG), se voit confié la réalisation d'avant-projets de casemate et de tourelle permettant d'accueillir cette arme : ces avant-projets sont présentés le 13 Juin 1928 et approuvés fin Juillet par la Ministère. Cependant, dés son rapport du 7 Septembre de l'année (291/ORF), la CORF exprime ses doutes et réticences avec une arme qui constitue une forme de compromis imparfait et qui fait pale figure en termes de puissance face au Minenwerfer allemand de 170mm : "Pour les secondes tranches, un matériel plus puissant sera à étudier" (sic) conclut le général FILLONNEAU.

Début 1929 une nouvelle mission apparait dans la panoplie du lance-bombes de 135mm : l'entretien de destructions et abatis dans les régions boisées couvertes principalement par ce type de moyens de retardement (Vosges du Nord en l'espèce). Ce rôle est attribuée à un modèle de tourelle tournante "à tir vertical" qui ne sera néanmoins pas développée. La bonne nouvelle de l'époque est que la portée maximale du 135 mm doit pouvoir être portée à 6000 m contre 4000 initialement, cela grâce à un nouvel obus amélioré en cours de développement.

Le premier prototype "Loire" de tube de 135mm (version casemate) est présenté aux artilleurs de la CORF (Gaux CULMANN, CHALLEAT - qui vient de prendre sa retraite - et BALLI qui le remplace) à Bourges le 28 Septembre 1929 sur affut fixe de circonstance en bois (4). Une seconde démonstration réelle de tir à 45° est effectuée le 1er Octobre sur le polygone d'expériences avec cette fois ci la présence de 12 officiers de haut-rang, dont le Gal BELHAGUE : 12 obus de 19 kg, dont 3 à faible charge et 9 à forte charge sont tirés, donnant respectivement une portée de 1160 mètres et de 5340 mètres. Les choses sont suffisamment prometteuses pour que l'EMA décide de lancer la fabrication début 1930 de 25.000 obus de 19 kg, tout en sachant que l'autre obus, de 17 kg à fausse ogive, est alors en développement.

La DPST et le SMF (Génie) ne sont pas restés inactifs dans la période. Les plans de détail du génie civil des blocs pour tourelle et le projet de notice relative aux blocs bétonnés armés de tourelles doubles pour lance-bombes de 135 mm sont présentés en mai 1930. La notice est officiellement émise le 14 Aout 1930. Le développement de l'arme et de ses affuts et environnements par deux entités séparées ne va cependant pas être sans générer des pertes d'efficacité et petites frictions par manque de fluidité de communication.

Le nombre de pièces - et de tourelles - prévues initialement était relativement important. Pourtant, dés la définition de détail des extensions gauche et droite de la RF de Metz et leur discussion en Aout 1930, les restrictions de budget à appliquer entrainent le report d'un grand nombre de ces organes. Il est significatif de constater que pour ce qui concerne le tronçon Rochonvillers-Longuyon (Crusnes), pour lequel les moyens permettent une installation significative d'artillerie, ce sont quand même - et prioritairement - cinq des six tourelles lance-bombes de 135mm qui seront ajournées au motif que le relief n'est pas tel que ces organes soient absolument nécessaires. Seule la tourelle de BREHAIN échappe à la coupe.

Si la première tourelle (ANZELING - bloc 5) est livrée en Décembre 1932 et testée en Février 1933, la version en casemate est déployée plus tard, de Mars à Juin 1933 pour l'essentiel (5). Les tirs de réception des matériels de casemate suscitèrent rapidement une crainte d'usure accélérée qui poussa l'Artillerie à réfléchir à un tracé intérieur de la bouche à feu modifié, mais sans qu'il ne soit considéré utile de l'adopter en fin de compte. Le système de charges de l'obus, avec 6 charges constituées, est complexe à mettre en œuvre et ces charges génèrent des retours de flamme dangereux à l'ouverture de culasse. Dans le but d'éliminer ces problèmes et d'amoindrir les lueurs mises en évidence lors des essais de tourelles, un nouveau système de charges est mis à l'étude dés 1934.

Côté montage en tourelles, les premières utilisations en tirs d'exercice annuels montrent des faiblesses préoccupantes. Un nouvel essai réalisé sur la tourelle d'ANZELING en Avril 1934 montre de nombreux ratés de tir. Mais les ennuis le plus préoccupants sont constatés dés mi-1933 à tir à portée maximale sur les quatre premières tourelles installées, avec des détériorations sérieuses de la bouche (gonflement du tube et arrachement de métal à la bouche) et de grandes difficultés de démontage et d'entretien de la culasse du fait de l'encombrement de la chambre de tir. L'analyse faite des gonflements de tube excluent les causes liées à la qualité du métal (cela affecte indifféremment les tubes provenant de 4 fonderies différentes…), mais les arrachements sont initialement attribués à cette qualité. Les tubes concernés sont retirés pour autopsie et le gonflement est finalement attribué à la surpression générée par les épreuves avec munition permettant le tir à 5600 mètres (6).

Ces inquiétudes finissent par remonter jusqu'à l'Inspecteur Général de l'armée, le Gal WEYGAND, qui s'en inquiète auprès des autorités techniques du Ministère et de la CORF (7). La réponse du Gal GAMELIN - chef d'Etat-Major Général - est lapidaire et très en ligne avec les réticences exprimées par la CORF sous la plume du Gal FILLONNEAU en 1928 : devant tous ces soucis, il y aurait lieu de lancer l'étude d'un matériel de remplacement, de calibre conventionnel (105 ou plutôt même 155 mm) compatible avec les affuts et tourelles existantes, à mettre en place dés la nécessité de retirer le tube de 135mm pour cause d'usure.

Ces échanges de mi-1934 scellent le sort du 135mm, qui avait de toute façon déjà perdu une bonne partie de son importance tactique dés 1930 suite à l'ajournement en bloc d'un ensemble de tourelles pour lance-bombes dans le SF de la Crusnes (5 sur 6 !) et de toutes celles prévues à l'est de la Nied. Il demeure que l'Artillerie va faire de son mieux dans la période suivante pour améliorer ce matériel, en résoudre ses défauts et le rendre plus facilement utilisable. La première étape est la mise en service à partir de mi-1935 des nouveaux modèles de charges étudiés à partir de 1934, et de modifier le profil de l'obus Mle 1930. Ces changements sont validés par de nouvelles tables de tir produites en Avril 1936.

Mais un nouveau souci apparait en 1936 : les boulons des plaques d'embrasure des casemates de 135mm ne se montrent pas assez solides et - plus grave - ces embrasures deviennent non étanches à la longue, avec retour de gaz à l'intérieur (8). Ces soucis seront résolus avec succès en 1937. Des problèmes de nature similaire apparaissent en 1936 sur la tourelle du SCHIESSECK, très utilisée du fait des écoles de feu de Bitche puis ultérieurement sur l'ensemble des montages en tourelles (9), montrant les limites d'un armement nouveau pour lequel il manquait énormément d'expérience.

Le lance-bombes de 135 sera en fin de compte un mortier (10) d'une puissance et d'une portée peu commune. Ce matériel était d'une capacité de destruction importante et à même de couvrir la totalité du terrain jusqu'en limite de portée grâce à un angle de chute des obus compris entre 27 et 90% suivant les types de projectile et d'assurer avec une grande efficacité la destruction des chars, installations et travaux menés par l'ennemi et de son personnel. Au-delà de ses qualités, il demeure qu'il souffrira jusqu'après guerre de nombreux problèmes de jeunesse et d'un usage complexe qui en interdira la diffusion plus large et en fera la première cible des restrictions budgétaires dés 1931.

(1) Principe réaffirmé plusieurs fois par la CDF et inscrit dans la note 330/F du 16 Mai 1927 sur les formes de la fortification future.
(2) voir à ce propos les débats houleux entre les deux "artilleurs" de la CORF, les généraux CULMANN et CHALLEAT, lors des premières réunions de la CORF portant sur la définition de l'armement - SHD 7N3762
(3) Le Gal FILLONNEAU, chef du secrétariat de la CDF, est particulièrement optimiste puisqu'il prédit dans son rapport une fin de développement en 1928 et une mise en production dans la foulée…
(4) pour mémoire, le marché du tube et celui de l'affut de casemate, administrativement séparés, sont respectivement gérés par l'Artillerie et le Génie. Le tube a été prêt bien avant l'affut.
(5) les dernières pièces, prévues pour Ste AGNES dans le SFAM, sont installées un an plus tard en Mars 1934.
(6) pour rappel, le tube de 135mm était initialement conçu pour une portée de 4000 mètres...
(7) Note 2743/S du 24 Juillet 1934
(8) les mesures faites montrent au passage que les embrasures de casemate de 75R32 montrent exactement le même défaut.
(9) voir le
document écrit par J-J. Moulins
(10) l'arme, initialement dénommée "lance-bombes" sera ultérieurement dénommée aussi "obusier" et "mortier" (à partir de 1932) selon les documents… preuve s'il en est de son positionnement pour le moins atypique dans la gamme des pièces d'artillerie.
Description
 
Le lance-bombes de 135 mm modèle 1932 est composé d'un tube trés court équipé d'une culasse à coin semi-automatique et doté d'une rotule de bouche.
Il existe en deux montages, le premier sous casemate sous la forme d'une piéce unique montée sur un affut berceau et le second sous tourelle ou il est utilisé sous forme de jumelage de deux tubes.
Dans la version pour casemate, la faible longueur de son tube a permis d'éviter le dépassement du tube hors de l'embrasure. Celle ci est très similaire à celle du canon de 75 mle 29 mais s'en distingue par un volet blindé coulissant protégeant le tube des tirs ennemis.
Destiné exclusivement à un usage en tir courbe, le lance-bombe de 135 n'est pas doté de lunette de tir.
Elle était affectée de nombreux défauts dont certains n'ont pu être totalement corrigés comme la torsion des tubes montés en tourelle et son comportement balistique variable nuisant à sa précision. Cette arme sera définitivement abandonnée en 1934, seuls resteront en place les tubes initialement produits dont l'efficacité a été largement démontrée en 1940.
Caractéristiques
- Longueur du tube : 1,145 m
- Longueur rayée : 0,865 m
- 16 rayures à droite
- Chargement : Manuel
- Deux freins placés symétriquement au dessus du tube, un seul récupérateur situé entre les freins
- Recul : 250 mm
- Poids de la mase oscillante: 288 Kg
- Cadence maximale de tir (par piéce) : 6 cps/mn
- Portée maximale : 5 600 m
- Portée minimale (tourelle): 320 m avec charge 0
- Pointage en hauteur sous tourelle : +9°/+45°
- Pointage en hauteur sous casemate 0/+40°(1)
- Pointage en direction sous casemate : 45°
Le refroidissement du tube est assuré par aspersion d'eau dans la cas de tirs soutenus. Il est fait usage des réserves disponibles en haut des blocs prévues à cet usage.Déploiement
Ce matériel a été installé à 43 exemplaires au total, 34 étant monté sous tourelle et 9 sous casemate.
Montage sous casemate :
- Ouvrage d'Anzeling, bloc 4 - 1 pièce
- Ouvrage du Hackenberg, bloc 9 - 1 pièce
- Ouvrage de Rochonvillers, bloc 5 - 1 pièce
- Ouvrage du Hochwald, bloc 1 - 1 pièce
- Ouvrage du Hochwald,, bloc13 - 1 pièce
- Ouvrage du Simserhof, bloc 1 - 1 pièce
- Ouvrage du Simserhof, bloc 4 - 1 pièce
- Ouvrage de Sainte- Agnés, bloc 2 - 2 pièces
Service de l'arme
Pour l'utilisation sous casemate, son service requiert une équipe composée de 8 personnes :
- Sous officier chef de pièce
- 1 Pointeur
- 1 Tireur
- 1 Chargeur
- 1 Artificier
- 1 Pourvoyeur
- 2 personnels auxiliaires
 
Son service sous tourelle est abordé dans la partie Tourelle pour lance-bombe de 135 mm du wiki sur le site.
Munitions utilisées
Le lance bombe de 135 utilise une munition qui lui est spécifique constituée d'un obus explosif monté sur une douille de 135mm Mle 1932 .
Cette munition est décrite en détail dans la partie
Munitions utilisées dans la fortification du wiki
La dotation en munitions était de 2 000 coups par pièce. Elle était assemblée dans le bloc même, les charges nécessaires étant mises en place à ce moment.
Etau permettant le blocage de la douille
pour l'assemblage de la munition
Elles étaient transportées par des casiers à munitions spécifiques dotés de plateaux.
 
   


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