Trois régiments de marche de volontaires étrangers (RMVE) sont créés au sein de la Légion étrangère au Barcarès, entre octobre 1939 et mai 1940. Ils recrutent, principalement dans les compagnies de travailleurs étrangers[1], essentiellement des Espagnols issus de la Retirada[2] qui représentent 1/3 des effectifs ainsi que les Juifs étrangers engagés volontaires qui en constituent 40%.
Ces régiments sont mal équipés et les soldats des autres unités les appellent, avec le 12e REI, par dérision les « régiments ficelles ». Les 21e, 22e et 23e RMVE n’ont pas de noyaux actifs, ni de réservistes de la Légion, ni même de cadres en provenance de Sidi bel-Abbès à l’exception de quelques officiers. Pour les différencier, les couleurs traditionnelles sont inversées et sont « rouge et vert ». Sans tradition Légion, ils n’en combattent pas moins avec conviction.
Étudiant le rôle des trois RMVE pendant la bataille de France, l’universitaire Ivan Jablonka conclut que leurs combats sont « sans commune mesure avec l’enfer de Verdun » en 1916, mais que « les volontaires de 1940 n’ont pas démérité », d'autant moins que leur équipement était très insuffisant et qu'ils servaient de bouche-trou dans le nouveau système de défense de la Ligne Weygand[3].
21e RVME
Constitution
Le 21e RMVE compte, à sa création, 2 800 hommes et se compose outre son état-major des unités régimentaires classiques (compagnie de commandement ou CDT, compagnie hors-rang ou CHR, compagnie régimentaire d'engins ou CRE, compagnie de pionniers 13e Pionniers ainsi que de trois bataillons d'infanterie). La compagnie de Pionniers sera supprimée le 6 juin. Le premier bataillon est formé des compagnies 1, 2 et 3 plus la première compagnie d'accompagnement ou d'appui ou CA 1 ; le deuxième bataillon a sur le même modèle les compagnies 5, 6 et 7 et la CA 2 ou compagnie d'accompagnement 2 ; même schéma pour le troisième bataillon : compagnies 9, 10, 11 et CA 3 ou compagnie d'accompagnement 3. Chaque compagnie est formée de cinq sections, la 5e section est appelée S.C. ou section de commandement.
Opérations
Il résiste victorieusement aux Allemands dans le secteur du canal des Ardennes près du Chesne-Populeux et dans le secteur Petites-Armoises et ferme de Bazancourt. Il combat aussi devant Buzancy en juin, puis suivant la retraite des troupes, il est engagé les 13-14 juin 1940 à Sainte-Menehould (1er bataillon) et La Grange-aux-Bois-Les Islettes (1er et 2e bataillon, 10e cie du 3e bataillon). Le 3e bataillon pressé de toute part s'est replié vers Verrières et Passavant ; cependant les sections de sa 10e compagnie combattent à la Grange-aux-Bois et au village les Vignettes. Le 3e bataillon assure à Vaucouleurs le passage de la Meuse par les débris de la 35e division. Le 21e RMVE défend in fine les villages d'Allain et Colombey-les-Belles jusqu'au moment du cessez-le-feu et l'armistice les 22-23 juin 1940.
La lecture attentive des sources, en particulier mais non exclusivement l'histoire du 14e GRDI par le colonel Gallini et La Légion étrangère en Argonne du général Bernard Jean, permettent de comprendre mieux la situation du 21e R.M.V.E du 11 au 14 juin 1940.
L’attaque sur le 57 R.I. de la 36e division les 9 et 10 juin 1940 avait permis aux Allemands de créer une poche de part et d’autre de l’Aisne en direction de Vouziers, poche dont le fond approche le 10 à 14 heures la route Vrizy-Vrandy[Quoi ?], localités à environ 4 km de Vouziers. Mais cette poche semblait contenue. C’est plutôt à 48 km plus à l’ouest que le front fut crevé : Guderian profitant de la nuit du 9 au 10 avait fait traverser l’Aisne par sa 39e PZK sur un pont du génie à Château-Porcien (zone de la 2e D.I.) situé à 48 km à l’ouest de Vouziers (zone de la 2e D.I) et 10 km à l’ouest de Rethel.
Ayant rompu le front de Champagne, les Allemands franchissaient déjà le 10 juin au soir la Suippe à Bétheniville à 20 km à l’est, nord-est de Reims. Placé à la gauche de la 35e D.I. dans les Ardennes, le 21e R.M.V.E, le front de Champagne étant crevé entre Reims et Rethel, se replie dans la nuit du 10 au 11 juin 1940. Une contre-attaque prévue par le 18e corps d'armée pour le 12 juin vers l'ouest n'a pu avoir lieu. C'est que la situation était changée le 12 juin matin : la tenaille allemande s'était déployée, car, si avec la percée au Sud les Allemands fonçaient déjà au Sud-Est vers la Suisse, aussi du côté Nord, s'ils ne s’étaient aperçu qu’assez tard la veille du décrochage du 21e C.A. Ils avaient vite rattrapé l’avance que les fantassins français avaient prise et ils fonçaient aussi droit au Sud, refoulant énergiquement devant eux les éléments retardateurs, d'autant plus que devant l'aggravation générale de la situation le 12 juin, le généralissime Maxime Weygand a jeté l'éponge et par instruction personnelle et secrète a ordonné à l'armée française de rompre le combat et de se replier sur le centre du pays sans aucune exception.
Les ouvrages Maginot sont sabordés et les régiments de forteresse doivent battre en retraite. La 36e DI et la 6e DIC sa remplaçante à la gauche du 21e R.MVE avaient déjà migré plus au sud et un vide s’était installé à gauche du 21e RMVE Le dernier contact entre la 35e DI et la 36e DI eut lieu dans la journée du 11 juin à Senuc[4]. Placé ainsi dénudé au plus creux de la tenaille allemande, le 21e RMVE était le plus immédiatement exposé à l’encerclement et à l’anéantissement. Les bataillons du 21e RMVE devaient encore reculer et ils se trouvaient le 13 vers 3 heures du matin à Vienne-la-Ville (1er), région de Moncheutin (2e) et Malmy (3e bataillon). Un ordre de 4 heures de repos prescrit par la division était alors annulé malgré les fatigues par le colonel Debuissy ; les fantassins, même épuisés, devaient gagner Sainte-Menehould sans tarder (le 3e bataillon quitte Malmy à 4h 35 du matin).
Malgré ce repli accéléré, le 3e bataillon menacé d'encerclement dans la région de Verrières dut se replier précipitamment sur Passavant-en-Argonne, au sud de Sainte-Menehould abandonnant même à son sort sa 10e cie (capitaine Félicien Duvernay) ; la 10e cie réussit à rejoindre la route La-Grange-aux-Bois-Les Islettes. Le premier bataillon arrivé à temps dans Sainte-Menehould y mène un combat valeureux, mais coûteux contre les Allemands descendant le côté ouest à l'intérieur de la Ville du nord au sud (le pont de La-Neuville-le-Pont et les deux ponts de Sainte-Menehould ayant été détruits.
Le 1er bataillon dût se replier entre La-Grange-aux-Bois et les Islettes à l'Est de Sainte-Menehould et combattre à la gauche du 11e RI. Le 2e bataillon, qui à Sainte-Menehould n'avait pu prendre position, le général Delaissey commandant l'infanterie de la division l'ayant mis au repos, a partagé le sort du 1er bataillon. Finalement, les éléments du 21e RMVE présents auprès du 11e RI rejoignent Passavant-en-Argonne en passant par Futeau et Brizeaux. Le 3e bataillon, privé de vivres et surtout pauvre en munitions, était menacé d'encerclement dans la région de Verrières ; n'obtenant pas d'avis du PC régimentaire, le commandant Poulain du 3e bataillon prit seul la décision du retrait. Il faut dire qu'à Sainte-Menehould l'officier de liaison entre la division et le régiment avait transmis directement au 1er bataillon l'ordre de repli (journal de marche du 1er bataillon). La division avait aussi envoyé l'ordre de repli au 3e bataillon, mais cet ordre n'était pas parvenu au destinataire (journal de marche du 3e bataillon). Le colonel du régiment, le lieutenant-colonel Paul Debuissy, qui en annulant les ordres de repos venant de la division avait très probablement sauvé son régiment de l'anéantissement, apprit à son arrivée à Passavant-en-Argonne le 15 juin à 5 heures du matin, précédé à 1 heure 15 par son P.C. et à 1 heure 30 par son 1er bataillon, qu'il était remercié, c'est-à-dire limogé et remplacé par le lieutenant-colonel Albert Martyn. Le lieutenant-colonel Debuissy avait été convoqué par ordre du général Decharme pour se présenter à Passavant-en-Argonne le 14 juin à 9 heures du soir. Le capitaine Dufourg nous éclaire sur cet événement (majeur dans l'histoire du 21e R.M.V.E.) à la page 273 de son livre Brassard rouge Foudre d'or paru en 1952 : « Martyn (Albert), 19-10-83, Calais, lt-col., 21e R.M.V.E. (sera prisonnier à l'Of. VI A). Commandant le 2e bataillon du 123e R.I., il avait été nommé lieutenant-colonel début mai 1940 ». Quand le colonel Bélascain commandant le 123e R.I. tomba malade, le lieutenant-colonel Martyn se présenta dans la matinée au P.C. de la 35e D.I. à l'hôtellerie de l'Argonne le 12 juin matin devant le capitaine Robert Dufourg, officier d’E.M. de la 35e D.I. Il croyait bien être l’élu de droit pour commander le 123e RI, mais le capitaine Dufourg lui fit comprendre qu’il devrait se contenter du 21e R.M.V.E., le commandant D’Olce ayant été choisi pour commander le 123e RI.
Le 14 juin à 6 heures du matin environ, le colonel Gallini était arrivé au P.C. de la 35e division et le lieutenant colonel Jobin, chef d'état-major de la division, lui avait demandé de boucher le trou qui s'élargissait sans cesse entre la 6e D.I.C et le 21e R.M.V.E. mais ses unités n'étaient pas encore là et la mesure ne put s'accomplir comme pour la contre-attaque vers l'ouest qui avait été prévue le 11 avec l'aide de chars pour le 12 juin. Le colonel Debuissy n'avait que 53 ans, mais grisonnant et replet, il paraissait approcher plutôt la soixantaine, mais il demeurait robuste. Lors de son limogeage, il ne put que montrer son indignation. Hans Habe rapporte qu'il aurait dit : « Je suis un peu fatigué, mais je ne suis ni malade ni blessé et je n'ai pas démérité. Je proteste ». Son successeur à la tête du régiment durant la débâcle s'assura, selon Hans Habe, de toujours disposer d'un véhicule personnel et d'un véhicule d'approvisionnement. Le général Decharme aurait pu pour justifier le renvoi du lieutenant-colonel Debuissy utiliser le règlement en usage alors dans l'armée française interdisant à un commandant subalterne de désobéir à un ordre d'un commandant supérieur ; s'il ne le fit pas pour se justifier, c'est que la directive de la division conduisait le 21e R.M.V.E. au désastre. En revanche, la directive du général Delaissey à Sainte-Menehould annulant les ordres de Debuissy au 2e bataillon était dans la logique du règlement, mais eut très probablement des effets désastreux.
Ces exemples illustrent la rigidité de la méthode française d'alors vis à vis la souplesse de la méthode allemande qui autorisait les officiers subalternes à prendre l'initiative (auftragstaktik) à leurs propres risques dans le but de la réussite de la mission.
Le récit d’Henri de Rolland la 35e division dans la bataille paru dans la revue militaire suisse montre clairement que la 35e division avait perdu dans la nuit du 12 au 13 juin le contact avec sa gauche (face au front), c’est-à-dire avec le 21e R.M.V.E. régiment qui lui-même n’était plus ni en contact ni protégé sur sa gauche par la 36e DI, comme il aurait dû l’être, et cette dernière n’était plus ni en contact ni protégée sur sa gauche par la 6e DIC comme elle aurait dû l’être, ces deux dernières divisions ayant déjà migré plus au sud ; le 21e R.M.V.E. était donc à découvert et la décision du lieutenant-colonel Debuissy d’accélérer son repli était totalement justifiée.En annulant les repos de 4 heures de son unité, il ne faisait qu’effectuer le même repli que celui prescrit dans la nuit du 12 au 13 au reste de la division, repli qui aurait dû être sa priorité vu sa position la plus exposée et les faibles moyens dont il disposait.
L'écrivain Hans Habe a écrit en anglais dans son récit A Thousand Shall Fall ("S'il en tombe mille"), paru en 1941, pour la date du 15 juin 1940 cette phrase (traduction) : :Le premier geste officiel du colonel Martyn fut de confisquer notre Renault à Truffy et à moi pour en faire sa cuisine de campagne..." Hans Habe et le lieutenant Pierre Truffy avaient passés la nuit du 13 au 14 juin dans l'école de Verrières et avaient trouvé cette vieille voiture dans ce village. Le rapport du sous-lieutenant Charles Pold, officier de ravitaillement à la CHR du 21e RMVE mentionne que le 13 juin à 15 heures le train de véhicules du 21e RMVE a quitté en panique le village de Les Charmontois situé 9 kilomètres au sud de Passavant-en-Argonne. Le train régimentaire se trouva vite sans officiers et arriva à Sept-Fonds. Voilà pour expliquer la confiscation de la Renault le 15.. De son côté, le capitaine Amédée Modéna (Graribaldien de 1914-1918), commandant la 9e section (3e bataillon), rapporte dans un rapport écrit à Saint Brévin l’Océan le 19 septembre 1942, qu'à Passavant-en-Argonne, le 14 juin à 16 heures , alors qu'il soigne une blessure, on l'informe que son régiment va être dissout, Cela sera annulé, mais cela interroge sur la nature de liens possibles entre la mise à l'écart du train du 21e R.M.V.E. , le limogeage du colonel Paul Debuissy et la dissolution envisagée de son régiment.
L'écrivain Hans Habe rapporte que le 16 juin 1940, alors que le colonel Martyn avait remplacé la vieille Renault ayant rendu l'âme par le seul camion encore disponible pour en faire sa popote, le volontaire étranger Raphael Adatto et d'autres remettaient en état de marche un vieux camion trouvé sur le bord de la route. La Compagnie de Commandement se trouvait alors dans un village au sud de Lérouville, probablement Chonville-Malomont. Six jours plus tard survenait la capitulation...
Toutefois, pour replacer ces événements dans leur contexte tactique, il convient de prendre en compte d’autres points de vue éclairants sur les combats de Sainte-Menehould, et en particulier celui de Roger Bruge, spécialiste des combats de 1940 et de la ligne Maginot :
« La veille [le 13 juin 1940], l’observation aérienne allemande s’est montrée déficiente. Le régiment de la 35e DI qui se trouvait à droite du 21e RIC et tenait Sainte-Menehould, s’est en partie débandé et l’adversaire n’a pas su exploiter une chance qu’il n’a pas décelée. On a toujours su que le 21e RMVE n’était pas brillant, mais de là à craquer et à tourner bride... Arrivés dans la matinée du 13 à Sainte-Menehould, les bataillons harassés par trois nuits de marche avaient pris leur dispositif de combat : le I/21e RMVE du commandant Mirabail aux lisières nord de la ville, le IIe bataillon du commandant Fagard au cœur de la cité, et le IIIe bataillon avec le PC du lieutenant-colonel Debuissy à Verrières. Les Allemands ont pris le contact dans l’après-midi après-midi et, très rapidement, un ordre de repli a été envoyé au bataillon Mirabail qui se battait dans le faubourg de Sainte-Menehould. Lorsque la nuit tomba, on apprit qu’une partie du IIIe bataillon s’était débandée et que le colonel avait décroché de justesse vers Passavant pour ne pas être capturé. Dans les archives du 21e RMVE, pas un mot sur l’affaire. Dans le rapport du général Decharme, de la 35e DI, aucune allusion, si ce n’est que « les 21e RMVE est obligé (sic) de se replier »[5]. |
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