Lorsque l’Allemagne nazie choisit l’arsenal de Lorient pour implanter la plus grande base navale de l’Atlantique en juillet 1940, elle profite de la sécurité des eaux de la rade pour les sous-marins et leur flotte d’accompagnement, des batteries côtières pour la défense des côtes, des infrastructures militaro-industrielles dont les formes de radoub mais aussi, du slipway du port de pêche (mis en service en 1932). Dès le mois d’août 1940, le U-59, sous-marin de type IIC de 44 mètres hors tout, est remonté de l’eau grâce au slipway, disposé sur l'une des lignes de réparation navale et dissimulé sous des bâches pour un carénage. Pour mettre à l’abri des bombardements aériens les sous-marins une fois sur les voies de réparation, le programme prévoit la construction de deux abris bétonnés de part et d’autre de la rampe inclinée du slipway. C’est en raison de leur forme ogivale, conçue pour dévier les bombes, et de la hauteur importante de leurs voûtes en béton que ces abris sont appelés dom-bunkers, dom signifiant "cathédrale" en allemand. Pour se fondre dans le paysage et échapper aux bombardements, les bunkers du slipway étaient camouflés par des zébras de peinture. Dans le Pas-de-Calais, trois dom-bunkers ont abrité des canons à longue portée sur wagon pour tirer sur l’Angleterre ou sur des navires croisant dans la Manche.
Si le dom-bunker Ouest a d’abord été utilisé pour l’entretien des sous-marins nazis en 1941-1942, il a ensuite servi pour la construction navale et conserve aujourd’hui une partie de la mémoire des Chantiers et Ateliers de la Perrière grâce à la présence d’une peinture murale monumentale. Originalement aménagé en nef de réparation, le dom-bunker oriental a été transformé en magasin sur cinq niveaux dès la fin de 1942, pour y stocker les affaires personnelles des équipages des sous-marins.
Les dom-bunkers de Lorient doivent faire l’objet fin 2021, courant 2022 de travaux sous l’égide du syndicat mixte du port de Lorient-Keroman (SMLK). Le dom-bunker Est doit être modifié pour permettre du stockage technique de l’aire de réparation navale (sur un tiers de la surface) et du stockage de caisses de poisson (sur les deux tiers de la surface). La façade nord en brique et ses portes métalliques doivent être remplacées par une porte industrielle. Le dom-bunker Ouest doit être modifié en hall de réparation navale en milieu abrité respectant les normes modernes de travail et de sécurité.
Bunker construit à partir de février 1941 par l’entreprise Carl Brand de Düren en Allemagne, sous maîtrise d’ouvrage de l’Organisation Todt pour protéger un sous-marin de type VIIA ou B (67 mètres hors tout).
Une photographie conservée aux Archives municipales de Lorient montre le chantier de construction. On y voit, au premier plan des travailleurs (?) pendant leur pause, et au second plan, le gigantesque coffrage en bois du bunker entouré d’échafaudages. Un tableau de Ernst Vollbehr (1876-1964) permet de dater la photographie aux environs du 2 avril 1941. Une photographie couleur, publiée dans le journal de propagande nazie Signal, montre un sous-marin sur son ber poussé dans le dom-bunker occidental alors que les portes blindées ne sont pas encore en place. Cet abri bétonné, numéroté "T6" a été inauguré en mai 1941. Pour se fondre dans le paysage et échapper aux bombardements, le bunker du slipway était camouflé par des zébras de peinture. Le 18 novembre 1942 a lieu un violent bombardement aérien qui touche les installations du slipway. Un projectile serait tombé sur l’encuvement pour canon antiaérien implanté sur l'extrados de la voûte du bunker (?).
Pour l’édification des bunkers KIV a et b (restés inachevés), un batardeau est créé en 1943 pour assécher le Bassin long ce qui rend inutilisable le slipway qui distribue la voie de réparation navale du dom-bunker. Le dom-bunker est utilisé comme nef de réparation navale, atelier ou magasin de stockage. Le slipway ne sera remis en état de fonctionner qu’en 1951, après la restauration des bassins et des quais du port de pêche.
A partir de 1956, les Chantiers et Ateliers de la Perrière abrégés "C.A.P." (chantiers actifs à Lorient de 1937 à 1989), utilisent le dom-bunker ouest pour la construction et la réparation navale dans le domaine de la pêche industrielle comme en témoigne une peinture murale listant les noms de 116 navires avec leur port d’attache qui sont passés au chantier entre le 27 juillet 1956 et le 23 avril 1983. Quelques navires militaires, de transport de passagers ou de course au large sont également passés au chantier. La nef était équipée d'un réseau d'oxygène et d'acétylène pour les postes à souder.
Deux bâtiments, dont un hangar couvert en shed, ont été accolés au mur ouest du bunker dans la seconde moitié du 20e siècle. Un plan de 1960 de l’aire de réparation navale identifie le dom-bunker Ouest comme "hall de montage", le hangar comme "atelier de préfabrication" avec des espaces destinés au "formage" et à la menuiserie. A l’arrière du hangar, se trouve un bâtiment à usage de "salle à tracer, bureau, réfectoire, vestiaires". Ces bâtiments, à l’exception du dom-bunker Ouest, sont appelés à disparaître en 2022
Construit en béton armé, le bunker ouest mesure 82 mètres de longueur pour 16,4 mètres de largeur. Il a été construit en six tronçons d’environ 13 mètres reliés par cinq joints de dilation. Sous la nef, la hauteur maximale est de 13,7 mètres mais réduite par le passage des ponts-roulants. Sous le pont-roulant, la hauteur maximum est alors de 10,8 mètres. Les murs latéraux mesurent entre 1,67 mètre (au point le plus bas) et 1,13 mètres d’épaisseur. L’épaisseur de la partie sommitale du bunker avoisine les 2,5 mètres. Sa surface utile au sol fait 1 070 m².
Dans l’axe du bunker subsiste une fosse de faible profondeur (36 mètres de longueur pour 12,8 mètres de largeur ), où gît une partie du ber roulant sur une voie ferrée spéciale composée de quatre rails. La ligne de tin destinée au calage du navire est restée en place. Les rails se poursuivent à l’intérieur de la nef, en légère pente vers le sud, c’est-à-dire vers le fond de la nef.
Sur le dessus du bunker au nord, a été implanté un encuvement en béton armé de forme extérieure rectangulaire destiné à recevoir un canon pour la défense antiaérienne du slipway et de ses installations. Son accès se faisait par une passerelle (disparue).
L’accès au bunker se fait : au nord, par une porte monumentale destinée à permettre le passage d’un sous-marin ; au sud, par une grande porte métallique à double battant pour la manutention du matériel (porte vraisemblablement agrandie en hauteur) et, par deux accès piéton aménagés en vis-à-vis dans les murs latéraux est et ouest.
Suspendues à des superstructures en acier, les deux portes coulissantes sont en tôle boulonnée ou rivetée de 4 cm d’épaisseur vers l’extérieur (elle sont dites "blindées"), dans lesquelles sont aménagées deux portes piétonnes. Les volets de la porte mesurent 6,14 mètres de largeur. Des escaliers droits sont disposés dans l’épaisseur des volets. La porte a gardé ses roues crantées et son mécanisme de fermeture.
A l’intérieur du bunker, ont été aménagés, de part et d’autre d’un large couloir central, des espaces de vie et de travail sur quatre niveaux distribués par des escaliers droits et des passerelles protégées par des garde-corps tubulaires à deux niveaux. Les murs et poutres sont en béton armé, les niveaux supérieurs sont planchéiés et dotés de verrière. Le troisième niveau est en léger encorbellement. Le dernier niveau est dotée d’une passerelle permettant de traverser au-dessus du passage central : il donne un accès direct aux deux ponts-roulants (encore en place).
Le pont-roulant du fond de la nef, d’une capacité de 5 tonnes est le plus ancien (période allemande ?). Le second pont-roulant, d’une capacité de 10 tonnes porte la marque Bellion et l’année "1977".
Sur le pignon sud peut être identifié en partie haute, un système de ventilation de la nef. Au fond de la nef se trouvait le transformateur.
Des éléments de mobilier et de signalétique permettent d’identifier les derniers usages de ces espaces : à l’est, un panneau indiquant les bureaux et les magasins, des lavabos et water-closet, à l’ouest, au troisième niveau, largement vitré, le "réfectoire", à l’ouest également, le "vestiaire chefs équipes" avec ses horloges de pointage (Brillié CHRONO 40 et Brillié GC 2) et des magasins identifiables aux racks de rangement métalliques et aux étiquettes ou inscriptions en place (une étiquette provient de "Lorient Naval et Industries, 32, Rue Ingénieur Verrière 56100 Lorient"). Placard métallique et armoire en bois ont pu être observés.
Une peinture murale, avoisinant les 13 mètres de longueur et divisée en quatre cartouches, a été réalisée par les Chantiers et ateliers de la Perrière (en abrégé, "C.A.P.") à partir de 1956. Elle liste les noms de 116 navires qui sont passés en réparation dans la nef entre 27 juillet 1956 et le 23 avril 1983.
Au plafond de la nef subsiste des dispositifs d’éclairage suspendu datant de la période française récente.
Dans la nef gît sur ses quatre rails une autre partie du ber.
Le bunker est désaffecté en juin 2021
|
|
Droit d’auteur La plupart des photographies publiées sur ce site sont la propriété exclusive de © Claude Balmefrezol Elles peuvent être reproduites pour une utilisation personnelle, mais l’autorisation préalable de leur auteur est nécessaire pour être exploitées dans un autre cadre (site web publications etc) Les sources des autres documents et illustrations sont mentionnées quand elles sont connues. Si une de ces pièces est protégée et que sa présence dans ces pages pose problème, elle sera retirée sur simple demande. Principaux Collaborateurs:
Nb
de visiteurs:7590316 Nb
de visiteurs aujourd'hui:2669 Nb
de connectés:555 |