Canon Anti Aérien 127 mm Calibre 54 Modele 1948 Batterie du Peyras Toulon









Canon Anti Aérien 127 mm Calibre 54  Modele 1948  Batterie du Peyras Toulon
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Il s'agissait de l'arme AAA standard de gros calibre de la Marine Nationale dans les années 1950 et était utilisée sur de nombreux croiseurs et destroyers. Il s'agissait d'une conception entièrement nouvelle qui tirait parti de la disponibilité des munitions américaines pour des utilisations de surface et antiaériennes. La conception était importante dans la mesure où il s'agissait du premier montage de destroyer à angle élevé jamais utilisé par les Français, reflétant l'expérience durement acquise acquise pendant la guerre selon laquelle les destroyers dépourvus d'armement DP étaient très vulnérables aux attaques aériennes.
Il s'agissait essentiellement d'un développement à double usage du double affût de 
130 mm d'avant-guerre qui équipait la classe Le Hardi , mais avec un calibre légèrement réduit pour lui permettre de tirer des munitions de l'US Navy – il a été conçu à l'origine comme une arme de calibre 130 mm. Des sources françaises donnent un chiffre de 11 personnes par pièces, ce qui est comparable aux normes d'avant-guerre, et le montage est décrit comme « lourd et trop complexe » ; il n'a pas réussi à atteindre de manière fiable sa cadence de tir prévue de 15 tr/min par canon, et des modifications ont été nécessaires avant que le canon ne soit accepté en service. Il a été remplacé par le simple 100 mm au milieu des années 1950.
 
 
Le canon dual-purpose (double-usage, ou mixte) a fait son apparition dans les années 20 et a été l’objectif de recherches de nombreux fabricants pour des marines qui voulaient disposer d’un canon fiable et efficace à la fois contre les navires de petite et moyenne taille mais également contre les aéronefs dont on commençait à distinguer le poids de la menace qu'ils représentaient.
La Marine Nationale n’a pas dérogé à ce souhait d’obtenir un canon capable de tirer contre les buts marins et aériens, d’un modèle standardisé de référence pour ses unités. Elle mettra près d’un quart de siècle pour y arriver, après de nombreux essais, pour accoucher du canon de 100mm modèle 1953 (et ses versions modernisées) que nous connaissons tous, capable d’accomplir les missions précitées jusqu'à l'aube du XXIème siècle. Il est une véritable réussite et a même été exporté dans plusieurs pays.
Cependant, entre-temps, il y avait eu un faux espoir avec un projet coûteux en temps et en ressources, et qui malgré presque 30 ans à bord des bâtiments de la Marine Nationale, laissa un sentiment d’inachevé voire de gaspillage.
Voici un article sur l'histoire du canon mixte dans la Marine Nationale.

Introduction: une prise de conscience

Dès la fin des années 20, les grandes marines ont plus ou moins compris l’intérêt d’avoir deux types de canons pour la défense contre avions : une artillerie légère à cadence rapide, et une plus lourde afin de réaliser des tirs de barrage à plus longue distance ou capable d’effectuer des dégâts importants sur des aéronefs toujours plus volumineux.
Un exemple, peut être le plus important, sur la prise de conscience de la menace aérienne, est donné par la Royal Navy qui modernise des croiseurs de la classe C, datant de 1917, en l’occurrence le Coventry et le Curlew, entre 1935 et 1937. Leurs 5 canons de 152mm d'origine sont débarqués au profit de 10 canons mixtes de 102mm. La conversion paraissant réussie, 4 autres navires de la classe C sont modernisés : les Cairo, Calcutta, Curaçao et Carlisle.
[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Coventry
Une maquette du HMS Conventry après sa modernisation. Plus de photos ici.





D'autres modernisations sont commencées ou prévues par la Royal Navy, mais sont stoppées par le début du conflit (le Colombo et le Caledon ne seront disponibles finalement qu'en 1942 et 1943). Les anglais sont les seuls européens à avoir totalement assimilé la menace aérienne et la nécessité d'avoir des navires servant quasi exclusivement à la protection contre le danger venu du ciel.
Cependant, cela reste assez timide, et les navires mal équipés souffriront fortement dans le conflit qui débutera bientôt. Dès avril 1940, la confirmation était arrivée lors de la campagne de Norvège. Le 17 avril, le croiseur anglais Suffolk subit 33 attaques aériennes et rentra au port avec la plage arrière au ras de l'eau. Deux jours plus tard, le croiseur français Emile Bertin était traversé par une bombe de 500kg, ne devant son salut qu'à sa quasi-absence de blindage. Le 3 mai, le destroyer anglais Afridi et le contre-torpilleur français Bison sont coulés au même endroit. Les anglais mettent alors en avant leurs navires anti-aériens. Mais cela n'est pas suffisant, l'un d'entre-eux, le Curlew est coulé le 26 mai.

1- Un héritage complexe

A l’instar de ses contemporaines, la Marine Nationale a ainsi développé plusieurs canons double-usages - à savoir capables de tirer contre des buts marins ou aériens, avec souvent deux types de projectiles différents en fonction du type d’utilisation.
En 1940 cependant, la marine française n'a pas totalement assimilé le danger aérien, et elle ne dispose ni de navires dédiés à ce type de lutte, et surtout, ce type de canon reflète assez bien sa situation : il en existe une multitude en service, mais l’état-major a compris la nécessité de moderniser et de standardiser les équipements, chose que d’autres marines ont commencé à faire, plus ou moins, et ce depuis plusieurs années.
En effet, gérer plusieurs calibres pose des problèmes de stocks de munitions, de fournisseurs, de maintenance, sans compter qu’il leur faut des appareils de visée, et cela sans compter que certains canons en service ne sont tout simplement plus adaptés à la nouvelle menace aérienne dont on commence à distinguer les contours.
Au moment de la chute de la métropole, la marine française dispose ainsi d’une belle liste de canons qui pourraient prétendre avoir des capacités double-usage, même si pour certains, il semble que l'idée ait rapidement été oubliée. En voici la liste :
Le canon de 152mm/50 modèle 1930
Monté pour la première fois sur le croiseur Emile-Bertin puis sur les 6 croiseurs de 7600 tonnes (à chaque fois dans des tourelles triples avec une élévation maximale de 45°), mais en but antinavire uniquement, une nouvelle tourelle a été conçue pour les cuirassés de la classe Richelieu (tourelle modèle 1936).
Cette tourelle, triple elle-aussi, peut pointer jusqu’à 90°, recharger quel que soit l’angle, et ainsi lutter efficacement contre les formations aériennes ennemies. Du moins en théorie. Car la tourelle est lente, que ce soit en azimut comme en élévation, notamment car plus blindée que son aînée, le système de télécommande à distance est inadapté et surtout le système de chargement est peu fiable diminuant ainsi fortement les capacités de la tourelle. La cadence de tir en mode antiaérien est de 5 coups à la minute(1).
Ainsi, on n’attendra même pas l’entrée en service du Richelieu pour diminuer le nombre de tourelles embarquées sur ce type de navire, passant de 5 à 3, et remplacer les 2 retirées par un modèle plus fiable afin que les vaisseaux de cette classe soient équipés d’une DCA lourde correcte.
Entre-temps, une version plus légère, également double-usage, avec un pointage maximum à 70°, a été retenue pour équiper les 3 nouveaux croiseurs de type De Grasse qui vont être mis en chantier. Si le Guichen et le Chateaurenault sont annulés à l’entrée en guerre, les spécifications restent inchangées pour le premier alors en chantier.
(1)Les modifications apportées à la tourelle et à son système de chargement sur le Richelieu en 1943 puis celles réalisées lors de l'achèvement du Jean-Bart (qui furent elles-même reportées sur le Richelieu) permirent d'atteindre une cadence de 8 à 9 coups à la minute.
[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Ri5
Vue arrière d'une maquette (source LARSENAL) très détaillée représentant le Richelieu dans son état de 1945. On remarque les 3 massives tourelles de 152mmm. Au centre du navire, la barbette qui devait en supporter une autre a été recouverte d'une plate-forme supportant deux pseudo-tourelles de 100mm. L’œil averti notera une légère erreur quant à la couleur de la livrée, ainsi que les masques des tourelles de 100mm montés à l''envers.



Le canon de 138.6mm
Il existe en... 4 versions !
- Le 138.6 mm/40 modèle 1923
- Le 138.6 mm/40 modèle 1927
- Le 138.6 mm/45 modèle 1929
- Le 138.6 mm/45 modèle 1934
Le premier est en service sur les torpilleurs de type Bison et le croiseur mouilleur de mines Pluton.
Monté en affûts simples, le cadence de tir est lente (5 coups par minute) et le système de chargement inadapté aux nouvelles contraintes.
Le second est un nouveau design basé sur un modèle allemand. Il est embarqué sur des torpilleurs et contre-torpilleurs (classes Aigle, Cassard et Le Malin). La cadence de tir théorique est bien meilleure que son prédécesseur : entre 12 et 15 coups à la minute. Mais là encore le système de chargement est inadapté et réduit la cadence à entre 8 et 10 coups à la minute.
Le troisième et le quatrième (qui est une amélioration du précédent) utilise un projectile plus lourd, et après une longue mise au point, propose enfin un système de chargement adapté. Cependant, sa faible et lente élévation le rend peu efficace pour la lutte antiaérienne. Il est embarqué en affûts simples et tourelles doubles, respectivement sur les torpilleurs du type Le Fantasque et les contre-torpilleurs de type Volta (il était aussi prévu pour une version améliorée de ces derniers, le type Kléber, qui ne verra jamais le jour à cause de la défaite). La cadence de tir théorique est de 12 coups maximum par minute, mais en pratique elle ne dépasse pas les 8 coups par minute.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Mog
Vue arrière d'une maquette du contre-torpilleur Volta (dans sa dernière configuration) au Musée de la Marine, avec les tourelles doubles de 138mm.





Le canon de 130mm
Il existe lui aussi en 4 versions :
- Le 130 mm/40 modèle 1919
- Le 130 mm/40 modèle 1924
- Le 130 mm/45 modèle 1932
- Le 130 mm/45 modèle 1932
Le premier est un canon conçu durant la première guerre mondiale, et est embarqué en affûts simples sur les contre-torpilleurs de type Simoun et Tigre. Sa cadence de tir est de 4 à 5 coups à la minute, et son système de chargement rend son usage difficile dès que l'on augmente l’élévation.
Le second, utilise les mêmes munitions que le précédent, et est censé être une amélioration de ce dernier, avec une cadence théorique de 8 coups par minute. En réalité, elle ne dépasse pas celle de son prédécesseur, et l’élévation maximale possible a même été réduite! Il est lui aussi embarqué sur des affûts simples, à bord des torpilleurs de la classe Alcyon.
Le troisième est un modèle semi-automatique spécialement conçu pour les cuirassés de type Dunkerque. Pour la première fois un cuirassé français emporte un canon double-usage dès sa mise en service. Les performances de ce nouveau canon qui représente l'avenir de la marine s'en ressentent : la cadence de tir théorique est de 10 à 12 coups à la minute. Seulement voilà, il est embarqué sous forme de tourelle double et quadruple, qui sont - à l'instar des tourelles de 152mm sur les cuirassés de type Richelieu - trop lentes pour suivre un avion moderne, notamment à cause de leur épais blindage est d'une motorisation pas assez puissante. De plus leur système de chargement, complexe et fragile, est prône à des blocages. Ce canon est un peu un symbole des outils dont veut se doter la marine, mais dont la conception se révèle difficile de par leur complexité.
Le dernier est le même modèle que le précédent mais il s'agit d'une version conçue pour les gros torpilleurs du type Le Hardi. Il semblerait que la tourelle double n'ait pas été adaptée pour la lutte anti-aérienne. Dans tous les cas, cette tourelle n'était pas encore au point, en témoigne l'engagement à Dakar le 25 septembre 1940 entre deux navires de cette classe, l'Epée et le Fleuret, avec la flotte britannique. Le premier ne pouvait pas tirer car ses tourelles ne pouvaient pas suivre la cible et le second fini avec tous ses systèmes de chargement bloqués.
Cela différencie par ailleurs ce canon - et sa tourelle - du 152mm embarqué sur les croiseurs Emile Bertin et la série des 7600 tonnes ainsi que les cuirassés de type Richelieu, qui eux donnèrent satisfaction en mode anti-navire, alors que pour le 130mm aucun des deux modes ne furent convaincants.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Dunkerque-04
Vue arrière d'une maquette du cuirassé Dunkerque (source steelnavy.com), avec les tourelles doubles (à gauche) et quadruples (au centre) de 130mm.
 


Le canon de 100mm
Le canon de 100mm existe également en 4 modèles sur les navires français en 1940. Passons le premier qui est conçu pour les sous-marins océaniques pour aborder ceux embarqués sur des unités de surface :
- 100 mm/45 modèle 1927
- 100 mm/45 modèle 1932
- 100 mm/45 modèle 1930
Le premier est un canon disponible en affût simple, prévu pour une utilisation double-usage. Embarqué sur le transport d'hydravions Commandant-Teste et plusieurs types de torpilleurs comme ceux ce la classe Melpomène par exemple, sa cadence de tir atteint les 10 coups par minute, l'élévation allant de -10° à 80°.
Le second est identique au premier, mais pour une utilisation contre les buts de surface uniquement.
Le troisième, disponible en affût double sous masque, est enfin un modèle conçu en mode double-usage. Installé tout d'abord sur le croiseur Algérie, sa cadence de tir théorique est de 16 coups par minute. Cependant cette performance est réduite : en effet, il est ensuite installé sur des navires pas initialement conçus pour le recevoir : tout d'abord le cuirassé Lorraine, dont les 4 affûts iront ensuite sur le Richelieu. Dans les deux cas, leurs soutes à munitions trop éloignées devenaient un handicap une fois que les casiers qui se trouvaient à proximités des canons étaient vidés.
A noter que sur le Richelieu, et probablement aussi sur la Lorraine, on n'embarquait quasiment pas d'obus contre les buts de surface, car le cuirassé disposait déjà d'un armement secondaire conséquent.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 100mmLor
Vue centrale du cuirassé Lorraine dans la période 1935-1940, avec les pseudo tourelles doubles de 100mm. Début 1940, elles sont débarquées à Toulon pour constituer une partie de l'armement d'urgence du Richelieu. Elle sont alors remplacées par 8 canons de 75mm en affûts simples.


Le canon de 90 mm/50 modèle 1926
Il s’agit d’une version quasi-identique au 100mm cité ci-dessous, l’affût sous masque étant d’ailleurs le même. Cependant, plus ancien, il est moins performant, et il devient difficilement utilisable à haute élévation.
Il est installé sur les croiseurs  de type Suffren (à l'exception du Suffren lui-même), sur l'Emile Bertin et les croiseurs de 7600 tonnes.
D'autres unités plus petites comme le mouilleur de filets Gladiateur ou des torpilleurs en furent équipées. A noter que faute de mieux, 4 affûts doubles furent installées sur le Jean Bart lors de son long séjour à Casablanca.
La cadence de tir est de 12 à 15 coups à la minute, à l'exception du croiseur Emile Bertin. En effet, une fois les munitions - stockées dans les casiers à proximité de deux tourelles - épuisées, la cadence chute à 20 coups par minute pour l'ensemble.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Lagal
Vue centrale du croiseur - de la série des 7600 tonnes - La Galissonnière en achèvement en flot, avec les pseudo tourelles doubles de 90mm.



Le canon de 75mm /50
Il existe trois variantes, les modèles 1922, 1924 et 1927. En bon français que nous sommes, il est une adaptation du canon de campagne de même calibre qui fait partie de notre patrimoine génétique historique.
En 1940, ce canon est périmé, souvent comme les unités sur lesquelles on le trouve.
Installé en affûts simples sous masque, on le trouve sur les cuirassés de type Courbet, Bretagne (sur la Lorraine à partir de 1940), sur le croiseur Suffren, sur le porte-avions Béarn, les croiseurs Duguay-Trouin, Jeanne-d'Arc et sur des unités plus petites comme les torpilleurs de type Bourrasque.
La cadence de tir varie en fonction de l’élévation et du navire sur lequel il est utilisé, allant de 8 à 15 coups à la minute. Mais l'obus est trop léger et inadapté, les systèmes de chargement et de pointage obsolètes.

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Bret37

Vue centrale du cuirassé Bretagne en 1937, avec 4 affûts simples de 75mm sous masque.






2- Les solutions d'avenir

A cet état des lieux, il faut ajouter un nouveau canon bientôt disponible. Ce modèle de 100 mm/45 modèle 1933, en pseudo tourelle double entièrement fermée, est une amélioration du précédent (le 100 mm/45 modèle 1930) même si sa cadence de tir reste la même. De plus, la conduite de tir est identique.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 100mm1933
Vue de la nouvelle pseudo-tourelle, issue des plans du cuirassé Clemenceau.

Il doit équiper certains nouveaux escorteurs en chantier, les croiseurs de type De Grasse, les cuirassés Clemenceau et Gascogne, ainsi que les unités dont la construction est autorisée le 1er avril 1940 : deux cuirassés de 40.000TW et deux croiseurs de première classe.
A noter que pour les 4 cuirassés que nous venons de citer, la tourelle de 152mm, jurisprudence Richelieu oblige, n’a plus qu’un rôle anti-navire.
Cette nouvelle tourelle de 100mm et le nouvel arrangement prévu pour ces grosses unités semblent donner des informations sur les orientations de la Marine Nationale. Ainsi, comme on le constate cette dernière est dans une phase de transition, et ne dispose pas vraiment d’un canon double usage standard dans ses rangs, et ceux présents ne sont pas des solutions d’avenir, à l’exception du 130mm des Dunkerque et Le Hardi qui doit cependant être adapté et amélioré. Le conflit montrera l'importance d'un canon lourd double usage...
En 1940, l’avenir semble donc principalement reposer surtout sur le nouveau 100mm en tant que solution transitoire ou pour les petites unités, mais celui-ci ne verra jamais le jour…
3- Sur quelle base repartir ?
Alors que la guerre n’est pas encore achevée, la Marine commence déjà à étudier des solutions pour moderniser et reconstruire la flotte. Le conflit qui se termine a démontré l’importance et le rôle d’un canon double usage, standardisé, puissant, et guidé par radar, dont l’archétype est le canon dual-purpose de 127mm/38 américain. Ce modèle entré en service en 1934 et modernisé jusqu'à la fin du conflit permettra, dans sa célèbre tourelle double, d'atteindre des cadences de tir allant jusqu'à 22 coups à la minute! Guidé par radar, efficace, robuste et fiable, il est devenu une référence, certaines marines étrangères l'adoptant.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 127mmwiki
Vue d'une tourelle double de 127mm américaine. Elle est représentée comme le summum de ce type de canon au lendemain de la seconde guerre mondiale. (Photo Wikipédia)

Côté français, les services techniques oublient ainsi le canon de 100mm/45 modèle 1933 (qui donc ne vit jamais le jour), car ses capacités seraient en dessous de tout ce qu’il se fait ailleurs. Conformément à la demande de l’état-major, la base de travail va être le canon de 130mm qui était notamment présent sur les cuirassés de type Dunkerque : une tourelle double, à mi-chemin entre le 127mm américain et le 133mm anglais.
Alors que l’on propose notamment d’achever le porte-avions Joffre avec cette nouvelle tourelle et ce nouveau canon, la marine se trouve « coincée » : le cuirassé Jean-Bart et le croiseur De Grasse vont être achevés, mais le canon de 130mm se trouverait trop proche en calibre de l’artillerie secondaire pour le premier, et de l’artillerie principale pour le second.

Pou le Jean-Bart, on décide de concevoir un nouveau 100mm, en tourelle double, une version améliorée du modèle 1933 : le 100mm /55 modèle 1945. A l'usage, il sera capable de tirer 20 à 25 coups à la minute atteignant les objectifs fixés. 12 affûts doubles sont prévus avec un système de guidage par radar de fabrication française.
Pour le De Grasse, que l’on compte achever sur des plans d’origine légèrement améliorés, cette nouvelle tourelle de 100mm remplacerait le modèle 1933, mais avec 6 affûts au lieu de 3 présents sur les plans d’origine.

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 100mm1945
Vue d'une tourelle double de 100mm modèle 1945. Plus massive et plus puissante que les modèles 1930 et 1933, elle s'inscrivait dans la modernité, comme une alternative au 130mm. Des raisons économiques et stratégiques feront qu'elle ne sera installée que sur le cuirassé Jean Bart. Une tourelle sera également installée sur le torpilleur Albatros (utilisé comme école de tir), en 1951.

En parallèle, le canon de 152mm présent sur le Richelieu et qui va être embarqué sur le Jean Bart et le De Grasse, voit son système de chargement amélioré afin qu’il puisse au moins réaliser des tirs de barrages aériens à de longues distances. Des premiers travaux en ce sens avaient déjà été réalisés lors de la modernisation du Richelieu à New York en 1943, l’achèvement du Jean Bart donne l’occasion aux français de rendre encore plus fiable le système et d’en faire profiter le Richelieu. Cependant, malgré ces travaux et le fait que la tourelle est guidée par radar, cela ne corrige en rien ses défauts de lenteur. Le véritable rôle de l’artillerie lourde anti-aérienne revenant au final aux 100mm. Notons au passage que sur le Richelieu, les difficultés économiques empêchèrent sa modernisation, le laissant avec le 100mm/45 modèle 1930 désuet avec sa conduite de tir elle aussi obsolète, rendant ce navire inadaptée à la nouvelle menace aérienne dès la fin des années 40.
En parallèle, les conditions financières et industrielles de la France de cette fin des années 40 feront que du De Grasse, on achèvera que la coque que l’on lancera en 1946 pour finalement la faire patienter quelques années dans un coin du port de Lorient. Seul le Jean-Bart verra le jour selon les plans définis, avec beaucoup de retard, puisque l’installation des 100mm/55 modèle 1945 se fera à partir de 1952.
Le bilan à la fin du conflit est ainsi fait : la tourelle de 152mm va être modernisée pour lui rendre un peu d’efficacité, un calibre de 100mm va équiper les unités qui embarquent ce 152mm pour en doper les capacités anti-aériennes, mais il s'agit d'une solution de circonstance pour ces navires. En effet, entre les deux, un calibre standard est en cour de développement, le 130 mm hérité des Dunkerque et des Le Hardi d’avant-guerre.
Cette demande d’étude est officialisée le 24 septembre 1945 : la marine demande une tourelle double de 130mm CA.
Le contexte industriel et économique, ainsi que la difficulté qu’ont parfois les ingénieurs français à rattraper certains retards, font que la mise au point de la tourelle est laborieuse. D’ailleurs, le 6 juin 1947, le projet est modifié pour aligner le calibre sur le 127mm américain, et que les obus de ce dernier, dont il existe de grands stocks, puissent être utilisés sur le modèle français.
Malheureusement, dans ses rêves - utopiques - de reconstruction rapide la Marine Nationale en est encore à faire de grands projets par toujours homogènes : le 4 juin 1948 les plans portent sur l’utilisation de plusieurs calibres : nous l’avons donc vu :
- 152mm sur le cuirassé Jean Bart et le croiseur De Grasse (tourelles triples) ainsi que sur les nouveaux projets de croiseurs (tourelles doubles)
- 127mm sur les contre-torpilleurs à venir et les futurs croiseurs anti-aériens
- 100mm modèle 1945 sur le Jean Bart, le De Grasse et le porte-avions PA28 alors en projet.
Au-delà du nombre de calibres, trois, on compte six montages différents : deux pour les 152mm (tourelles doubles et triples), deux pour les 127mm (tourelles doubles et simples : un affût simple étant souhaité pour la flotte auxiliaire) et deux pour le 100mm (un affût simple étant prévu pour le porte-avion précité).
Néanmoins, notre canon porte à présent un nom : le canon de 127mm modèle 1948.
4- En service, enfin
Lorsqu'il sortent des chantiers en 1953, pour leur reconstruction, qui en font les premiers escorteurs d'escadre de la Marine Nationale, on aurait pu imaginer que le Guichen et le Chateaurenault (deux ex-croiseurs légers italiens entrés en service en 1943 et cédés à la France en 1948) soient équipés de la même manière que les T47 de conception française qui viennent d'être mis en chantier.
Si c'est le cas pour la majorité des équipements - rien à par le "socle" du bâtiment (coque, machines, équipements de mouillage) ainsi que les cheminée et la grue pour embarcation, n' a été conservé, tout le reste étant identiques aux T47 - il existe une différence majeure : l'artillerie principale.
En effet en 1951, notre tourelle de 127mm modèle 1948 n'est pas encore prête, et faute de moyens financiers, le Guichen et le Chateaurenault ne seront pas équipés non plus de la tourelle de 100mm modèle 1945. Aussi se rabat-on sur une solution de secours : trois tourelles de 105 mm/65 modèle 1933 d'origine allemande sont installées, avec une conduite de tir identique à celle des 100mm qui sont en cours d'installation sur le Jean Bart(1).

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Chateau105mm
Un canon et une tourelle allemande sur un navire de conception italienne reconstruit par les français : vue de  l'escorteur d'escadre Chateaurenault : à gauche la tourelle de 105mm allemande et à droite la conduite de tir, identique à celles du Jean Bart, de fabrication française mais d'inspiration allemande.

Mais notre tourelle de 127mm 54 calibres modèle 1948 voit enfin le jour! Elle est installée pour la première fois sur l'escorteur d'escadre Surcouf qui entre en service en 1955. Tout comme les onze autres T47 et les cinq T53, il est équipé de 3 tourelles de ce type, avec un seul télémètre pour l'ensemble.
La tourelle sera également installée sur nos deux croiseurs anti-aériens, le De Grasse finalement achevé sur de nouveaux plans (de 1951 à ... 1956 !) puis le Colbert. Sur ces deux navires, 8 tourelles sont installées avec 4 télémètres.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Tel127
Vue de la conduite de tir des 127mm de l'escorteur d'escadre Kersaint lors de la revue navale au large de Toulon le 14 juillet 1958, avec le général De Gaulle à droite du cliché. Il existait plusieurs arrangements : le radar se trouvait soit sur le côté gauche (comme ici) ou droit de la conduite de tir (le croiseur De Grasse en avait deux de chaque), soit au dessus ou sur la face avant (croiseur Colbert par exemple)

Cette tourelle télécommandée est une pièce semi-automatique - une pièce totalement automatique était initialement souhaitée, mais fut rapidement jugée trop lourde et trop fragile (et peut être trop longue à concevoir)(2). Des servants sont donc présents pour le chargement et l'approvisionnement de la tourelle. Cette dernière rempli les objectifs souhaités, à savoir être utilisable contres des buts terriens, aériens et navals, avec la possibilité d'utiliser le projectile de conception américaine.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Colbert
La plage avant du croiseur Colbert lors de ses essais. Cet arrangement impressionnant de 4 tourelles de 127mm elles-même surplombées de tourelles de 57mm avait été inspiré par les derniers croiseurs anti-aériens américain.
 

La vitesse initiale du projectile, qui pèse 32 kg (dont 19 pour la douille), est de 810 m/s. La tourelle peut tirer avec une élévation maximale de 80 degrés.
La portée maximale théorique varie en fonction de l'utilisation : 22.400 mètres pour un but marin, 14.000 contre un but aérien. En réalité, on obtiendra une portée de 16.000 à 18.000 mètres contre les buts marins et de 8.000 à 9.000 contre les buts aériens, l'obus mettant 14 secondes pour atteindre l'altitude de 8000 mètres. Sur un croiseur, l'approvisionnement est de 300 coups par tube, soit 4800 coups au total en réserve.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Surcouf127
Vue avant de l'escorteur d'escadre Surcouf après sa transformation en conducteur de flotille.


Concernant la tourelle, elle pèse 48 tonnes, dont 14 pour la masse oscillante.
Sa conception, vous l'avez compris, a été particulièrement ardue. Ainsi, après des années d'efforts et d'investissements la marine obtient cette pièce dont elle avait tant rêvée.
(1) Cette combinaison tourelle de 105mm allemande + conduite de tir française avait été imaginée pour la modernisation du Richelieu, modernisation qui ne sera jamais réalisée car il aurait fallu ajouter des bulges au navire, comme on avait du faire sur le Jean Bart. Les moyens économiques de la nation ne le permettaient pas.
(2) A la fin des années 40, l'US Navy venait de mettre en service les croiseurs Des Moines, Salem et Newport News, tous armées de 9 canons de 203 mm double usage et entièrement automatiques
5- Une carrière assez terne
Mais cependant, il n'est pas nécessaire de donner de grandes explications, cette tourelle restera comme quasi-anonyme à part pour ceux qui l'ont manœuvrée. En effet, bien qu'embarquée pendant 10 ans sur la majorité de nos navires et plus globalement un quart de siècle sur d'autres, elle n'a pas laissé, dans le cœur des amoureux de la marine, la trace d'un gros canon de cuirassé ou encore de celle qui lui succédera, équipée du nouveau canon de 100 mm modèle 1953.
Le canon de 127mm modèle 1948 et sa tourelle sont arrivés trop tard.
Embarquée à partir de 1955, cette tourelle entre en service au moment où les avions à réaction commencent à se démocratiser. Encore quelques années, et elle sera complètement périmée. Lorsque le De Grasse sort des chantiers en 1956, cette tourelle est un des composants principal de son armement. Révélateur de son obsolescence, les américains ont, fin 1955, remis en service le croiseur Boston, modernisé et équipés de deux rampes lance-missiles Terrier!
Ainsi, même si ses performances et sa fragilité font qu'elle n'est pas la copie parfaite de son modèle, le 127mm américain, notre tourelle aurait fait très bonne figure une dizaine d'années plus tôt à la fin du second conflit mondial. Quelque part, elle symbolise la renaissance de la flotte française dans les années 50 : des années s'écoulant entre la conception et la réalisation, à une époque où tout allait si vite en termes d'innovations, les navires qui entrèrent en service durant cette décennie étaient presque obsolètes.
Dès la fin des années 50, la tourelle est trop lente pour la nouvelle menace aérienne, de même que ses appareils de guidage qui ne sont plus adaptés. Elle va alors subir des destins variés selon les bâtiments :
- Sur les escorteurs d'escadre - de fabrication française : elle n'est conservée que sur les 4 bâtiments convertis en conducteurs de flottilles : le Surcouf, le Cassard, le Forbin et le Chevalier Paul, ainsi que sur trois autres non modifiés, les Jauréguiberry, Tartu et La Bourdonnais.
- Sur les croiseurs : sur le De Grasse, qui principalement faute de moyens est retiré de son rôle anti-aérien seulement 8 ans après sa sortie des chantiers, 2 tourelles sont démontées en 1964 lors de sa transformation en bâtiment de commandement pour le Centre d'Expérimentation du Pacifique (CEP), pour laisser place à un hangar à hélicoptère. Les 6 tourelles restantes ne sont là que pour donner le change. Selon les dires d'un "ancien" de cette époque, "il ne restait à bord ni munitions ni canonnier ou électricien d'armes".
- Sur le Colbert, elles sont toutes retirées lors de la transformation du navire en croiseur lance-missiles à partir de 1970. Elle sont remplacées par une combinaison de 2 tourelles de 100mm modèle 1968 (contre 6 prévues initialement) et la rampe de missiles MASURCA.
Le dernier navire qui portait encore cette tourelle à quitter le service actif est l'escorteur d'escadre Forbin, le 1er juin 1981.

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Forb127
Les deux tourelles arrières du Forbin.

A noter qu'elle a servi une fois en conditions "réelles" : lors de la crise de Suez, le 30 octobre 1956, l'escorteur d'escadre Kersaint attaquera et mettra en fuite le destroyer egyptien  Ibrahim el Awal en tirant à 65 reprises, mais sans toucher son adversaire.
6- La concrétisation : une unique héritière
Les cas particuliers du Jean Bart, du Guichen et du Chateaurenault mis à part, les unités mises en service dans les années 50 reposaient sur une standardisation des équipements, axée sur un combinaison de deux canons :
- Le 127mm modèle 1948 dont nous venons de parler
- Le 57mm modèle 1951 (à l'exception du Jean Bart qui était armé du modèle 1948)
Le premier était nous l'avons dit un canon double usage, alors que le second était dédié exclusivement à l'usage anti-aérien. Successeur du célèbre 40mm qui était maintenant dépassé, le 57mm était un canon conçu par le suédois Bofors et dont la France avait acheté la licence en 1947. La particularité était que cela ne comprenait que la masse oscillante : tourelle et système de chargement était de conception tricolore. Cette tourelle a été installée sur le Jean Bart nous l'avons dit, mais aussi sur les escorteurs rapides, les escorteurs d'escadre (ex italiens, T47, T53) et sur les croiseurs De Grasse et Colbert.
Pièce semi-automatique, dirigée par un radar stabilisé tri-axialement, elle tire un obus percutant qui a une portée pratique maximale de 3000 mètres. Ce canon est utilisé pour la défense rapprochée, comme précisé plus haut, en héritage du 40mm.

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 57jb
Une tourelle de 57mm du Jean Bart, et derrière-elle, sa conduite de tir. Le cuirassé n'était équipé pratiquement que du modèle 1948, les autres navires avec le modèle 1951, plus léger, aux flancs emboutis avec une cheminée d'évacuation des fumées. A noter que sur les premiers escorteurs, l'arrière de la tourelle n'était fermé que par une bâche, ce qui posera des problèmes d'entretien du matériel.


Comme il ne s'agit pas du but de cet article, je ne vais pas m'étendre dessus, mais pour résumer, il s'agissait d'un bon canon, mais dont la tourelle et son système de chargement sont réputés fragiles.
Donc à la fin des années 50, les navires qui viennent d'entrer en service sont soit dotés de l'un de ces deux canons, soit des deux, mais ces derniers ainsi que leur système de commande ne correspondent plus aux besoins de la nouvelle menace aérienne, composée à présent d'avions supersoniques.
Alors que la tourelle de 127mm modèle 1948 n'était même pas encore en service, un ingénieur du nom de Tonnelé commence à travailler sur un nouveau canon. Celui-ci deviendra le canon de 100mm modèle 1953, avec sa célèbre tourelle.
Les avions plus rapides nécessitaient des tourelles plus réactives, et ces mêmes avions plus solides nécessitaient un obus plus lourd et plus puissant. Ainsi, la tourelle de 127mm et celle de 57mm furent fusionnées, à l'instar de ce qui firent d'autres marines.
En 1958, la tourelle de 57mm la plus en arrière sur l'escorteur rapide Le Brestois est démontée et remplacée par le nouveau canon de 100mm pour essais. La mise au point de cette nouvelle tourelle est d'autant plus complexe que ses capacités doivent être bien supérieures à ce qu'il se faisait alors, et que le matériel doit être robuste à la différence des principaux couples tourelles/canons français des années 30, 40 et 50.

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Brestois

La tourelle extrême-arrière de l'escorteur rapide Le Brestois avait rapidement été démontée pour être remplacée par le nouveau modèle de 100mm pour des essais. A noter que malgré l'apparition du canon de 100mm, la tourelle de 57mm restera en service jusqu'au début des années 90.


La mise au point va ensuite se poursuivre sur l'aviso Victor Schoelcher à partir de 1961. L'adoption du canon par la marine se fait avec son installation sur le nouvel et unique escorteur d'escadre de type T56, La Galissonnière, navire d'expérimentation aux nouvelles technologies anti-sous-marines que l'on retrouvera sur les futures frégates de la Marine Nationale, comme celles de type Suffren par exemple.
 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Schoelcher
La tourelle avant de l'aviso escorteur Victor Schoelcher.


La nouvelle pseudo-tourelle (l’élévateur de munitions est fixe et ne fait pas partie de l'ensemble) atteint parfaitement ses objectifs : robustesse et efficacité. La version d'origine (1953) tire un obus de 13,4 kg à une vitesse initiale de 870m/s. La portée pratique est de 12.000 mètres en tir contre but marin et de 6000 mètres contre avions.
Notre canon de 100mm/55 modèle 1953 peut pointer de -15° à +80° avec une vitesse, pour la version modernisée, de 40° par seconde latéralement et 25° par seconde en élévation. La cadence de tir du premier modèle était de 60 coups maximum à la minute, elle atteindra 80 coups par minute après avoir subit des améliorations. En effet, elle a été modernisée à plusieurs reprises, avec les modèles 1964, 1968 puis le modèle 1968 CADAM (cadence de tir améliorée).
Entre les versions 1953 et 1964, on est passé à une tourelle plus légère, d'une pièce semi-automatique à une pièce qui l'était totalement(1) avec en plus une amélioration de la conduite de tir. Entre le modèle 1964 et le modèle 1968 (entré en service en 1971), on a rajouté un calculateur digital et le modèle 1968 CADAM (modernisation réalisée dans les années 80 et effective en 1986) aura donc une meilleure cadence de tir. Dans les années 90, la tourelle a été modernisée, mais je ne connais pas la portée que cela a eu au delà de l'aspect visuel.
En effet, à chaque modernisation, il n'y avait, dans la version française(2) quasiment aucune différence visuelle (mis en part entre les version 64 et 68 où deux coupoles de visée étaient initialement présentes au lieu d'une).

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN Duquesne2002
La frégate lance-engins Duquesne au bassin en 2002. La présence des deux coupoles indique qu'il s'agit d'une version 53 ou 64 (certainement la deuxième)

Il faudra attendre les dernières installations sur un navire pour en voir qui soient sensibles : il s'agit de celles sur les frégates de type La Fayette au début des années 90 : la tourelle présente moins d'aspérités et possède une échelle démontable afin de diminuer sa signature radar.
Une anecdote à propos de l'apparence de la tourelle : lors du retrait du service du croiseur Colbert en mai 1991, on a retiré ses deux tourelles modernisées version 1968 pour les échanger avec deux du porte-avions Clemenceau qui ne l'étaient pas.

 

[Art.] L'histoire du canon double-usage dans la MN 100fregate
La tourelle de la frégate Courbet.


Après plus d'un demi-siècle de service, cette tourelle est encore embarquée sur certains navires de la marine, mais les plus récents ont déjà 20 ans d'âge. En effet, pour ses nouvelles frégates et escorteurs, la marine nationale a décidé d'utiliser un canon de 76mm d'origine italienne.
(1) Bien que semi-automatique, la première version ne nécessitait d'intervention que pour tirer le premier coup, dont la cartouche devait être insérée manuellement. Le barillet doit cependant être alimenté par les servants.
(2) Il existe un montage différent, plus compact, exporté notamment en Arabie Saoudite, Malaisie, Allemagne.[/i]

 
   


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