MBDA a dévoilé pour la première fois, aux côtés de Safran, un concept de roquette guidée à longue portée, la Thundart. Mais le groupe européen a aussi levé le voile sur un nouveau missile de croisière terrestre et, ce faisant, montré toute l’étendue de sa gamme de solutions de frappe sol-sol à longue portée. Parmi les nouveautés exposées par MBDA lors de ce salon Eurosatory, on a pu relever deux armements sol-sol jusqu’à présent inédit.
FLP-T Thundart : la roquette sol-sol made in France
Le premier, dénommé Thundart, était exposé simultanément sur les stands de MBDA et de Safran. Et pour cause, cette roquette guidée est un projet conjoint destiné à répondre au programme français Feux Longue Portée-Terre (FLP-T) qui vise à remplacer d’ici quelques années les derniers LRU (lance-roquette unitaire) en service dans l’armée de Terre.
Sur le plan opérationnel, Matthieu Krouri, en charge du champ de bataille pour le groupe MBDA, nous explique que « l’engin doit permettre de frapper avec précision des cibles fixes ou déplaçables jusqu’à une distance de 150 km environ. L’idée ici n’est pas de frapper des cibles mobiles, ce qui demanderait un système de guidage plus complexe et bien plus coûteux, mais bien de pouvoir assurer une certaine forme de saturation aussi bien contre des infrastructures fixes que contre des cibles d’opportunités, qu’on aurait alors le temps de frapper avec qu’elles ne changent de position, grâce à la vitesse de déploiement et de déplacement de la roquette. »
C’est en tous cas vrai pour le premier incrément du programme FLP-T, qui pourrait par la suite donner lieu au développement d’un missile pouvant porter jusqu’à 500 km environ. À noter d’ailleurs que Safran et MBDA seront opposés, sur ce marché, à un concept similaire proposé par Thales et ArianeGroup.
La Thundart est présentée conjointement par MBDA et Safran, qui s’appuient sur des briques technologiques existantes pour concevoir une roquette guidée destinée aux armées françaises.
Pour le moment, peu de détails ont été apportés sur la vision de MBDA et de Safran sur la FLP-T, même si l’arme semble de prime abord adopter un calibre 227 mm compatible avec les LRU actuels. A priori, MBDA devrait s’occuper de développer la propulsion ainsi que la charge militaire, tandis que Safran se chargera principalement du système de guidage. Roxel, co-entreprise de Safran et MBDA, devrait aussi jouer un rôle important dans la partie propulsion. Concernant le système de navigation et le guidage INS/GNSS, on nous a confirmé qu’il serait directement dérivé de celui de l’AASM (armement air-sol modulaire), qui équipe déjà le Rafale. Le kit de guidage de l’AASM ayant été conçu pour supporter les fortes contraintes liées aux catapultages et appontages sur porte-avions, la plupart de ses composants semblent ainsi nativement bien dimensionnés pour supporter les fortes accélérations des lance-roquettes, ce qui devrait permettre de simplifier et accélérer le développement de la munition.
Nous avons interrogé MBDA sur la possibilité de voir la Thundart équipée ultérieurement d’autodirecteurs plus avancés, comme ça a pu être le cas sur l’AASM. « Cela a été pensé, mais on ne veut pas que ça devienne contraignant sur le design initial, qui doit avant tout rester compétitif et permettre une mise en production rapide », explique Matthieu Krouri.
Le nouveau Missile de croisière terrestre (Land Cruise Missile)
L’autre nouveauté de MBDA France en matière de frappe à longue portée, c’était le Missile de croisière terrestre (MdCT), aussi estampillé Land Cruise Missile (LCM). Concernant le missile en lui-même, il n’y a quasiment aucune nouveauté : il s’agit tout bonnement du Missile de croisière naval (MdCN, parfois encore appelé Scalp Naval) déjà en service sur les frégates de la Marine nationale, et bientôt intégré sur ses sous-marins d’attaque.
Pour en faire un MdCT, il convient d’intégrer le missile dans un lanceur mobile, placé sur un camion. Les vues d’artistes de MBDA montrent un lanceur quadruple, mais la configuration pourra être adaptée aux besoins. Contrairement au système MRC de l’US Army, qui repose sur un lanceur vertical Mk41 intégré sur une remorque, les MdCT pourraient être tirés selon un angle plus aigu. Mais l’option d’un tir vertical resterait ouverte, notamment si l’utilisateur demande un lanceur également compatible avec d’autres missiles imposant une telle position, comme l’Aster 30.
Un catalogue « Deep Strike » complet
Pour MBDA, ces deux nouveautés viennent parfaire un catalogue qui s’était déjà bien rempli ces dernières années dans le domaine de la frappe en profondeur. Depuis quelques années, MBDA Deutschland travaille ainsi sur le Joint Fire Support Missile (JFS-M), un petit missile de croisière basé sur le Remote Carrier RC100 destiné au SCAF qui se retrouve intégré par lot de deux à un lanceur terrestre mobile comme le M270 ou le M142 HIMARS. Ce missile d’une portée de moins de 499 km pourrait aussi être intégré sur le lanceur Euro-PULS développé conjointement par KNDS et Elbit.
Le LPS britannique à gauche et le JFS-M allemand à droite. En fonction du pays, les missiles doivent être compatibles avec des lanceurs aux standards américains, israéliens ou français. Autant que possible, MBDA cherchera à assurer une certaine compatibilité entre les systèmes.
Présenté en 2022, le Land Precision Strike a quant à lui été développé pour répondre à un besoin britannique. La British Army cherche en effet une munition de précision capable de frapper de manière autonome des cibles mobiles ou de haute valeur, et qui viendrait s’intégrer aux côtés des roquettes conventionnelles au sein des MLRS achetés aux États-Unis. Le LPS se présente donc sous la forme d’un petit missile tactique d’une portée d’environ 150 km, équipé d’un autodirecteur autonome (infrarouge ou radar millimétrique, le choix ne semble pas encore avoir été fait). Si l’option de propulser une munition SPEAR existante a un temps été étudiée par MBDA, le choix d’un nouveau missile s’est rapidement imposé, notamment parce qu’il permet d’éviter d’avoir à gérer les retombées de boosters à plusieurs dizaines (voire une centaine) de kilomètres.
Cette diversité des programmes s’explique avant tout par l’évolution rapide du contexte stratégique européen de ces dernières années, qui a précipité l’acquisition de systèmes sur étagère, tantôt américains, tantôt israéliens, ou au contraire accéléré les velléités d’acquisition de systèmes souverains. Une dispersion des projets qui n’aura pas encore permis le développement d’un programme européen commun, malgré quelques initiatives poussées par le politique, et alors même qu’il y avait une belle convergence des calendriers de remplacement des LRU et des MLRS dans plusieurs pays. « Cette coopération qui n’a pas été mise en place par les nations, » rappelle Matthieu Krouri, selon qui « nous prenons la responsabilité, au niveau de l’ingénierie, au niveau des développements en interne, de dire à nos équipes de faire des couches systèmes communes, des couches interfaces communes, de s’assurer d’un maximum d’interopérabilité et de compatibilité entre nos différents produits, même s’ils sont issus de programmes et de pays différents. » Une approche sans doute bienvenue, qui permettrait aux différentes munitions de MBDA de pouvoir intégrer aussi bien des lanceurs européens qu’américains ou israéliens, et donc d’élargir leur cible export potentielle.
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