1945 1945 Fanion Groupe Aérien d’Observation d’Artillerie GAOA 1 Draguignan









1945 Fanion Groupe Aérien d’Observation d’Artillerie GAOA 1 Draguignan
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Au cours de l’été 1945, l’état-major décide que l’artillerie du corps expéditionnaire en Indochine sera dotée d’une aviation légère formée par les éléments organiques de la 9e division d’infanterie coloniale, avec cinq sections de Piper L-4, et par deux groupes aériens d’observation d’artillerie (GAOA) de type britannique à douze avions d’observation chacun. Une décision ministérielle, d’août 1945, prescrit que pilotes et mécaniciens doivent appartenir exclusivement à l’armée de l’Air. Le 1er GAOA (1), destiné à opérer au Tonkin, débarque en février 1946. Il est équipé de Morane 500 plus couramment appelé « Criquet ». Le 2e GAOA (2) arrive en Indochine en mars 1946. Stationné en Cochinchine, il effectue un excellent travail, mais, comme au Tonkin, ses appareils, arrivés dans le même état de délabrement, sont vite hors d’usage. En mai 1947, le 3e GAOA est créé, il est stationné à Haiphong. Mais en août 1947, l’aviation d’artillerie, après une activité intense mais précaire, a pratiquement cessé d’exister.
Il faut attendre 1948 pour voir la réorganisation des trois GAOA : le 1er en Annam, le 2e en Cochinchine et le 3e au Tonkin. Leur parc de Morane est porté progressivement à 18 puis 20 appareils. En 1950, le commandant en chef en Indochine décide que les GAOA, tout en restant des unités d’artillerie, seront mis pour emploi à la disposition du commandement de l’armée l’Air en Extrême-Orient. Les trois GAOA changent de dénomination le 1er octobre, pour former les 21e, 22e et 23e GAOA (3). En janvier 1952, les besoins croissants des Morane au Tonkin amènent le transfert du 21e GAOA sur ce territoire. Les dotations des 21e GAOA (Cat Bi) et 23e GAOA (Gia Lam) sont portées à 24 appareils, le 22e GAOA (Tan Son Nhut), quant à lui, possède 14 Morane. Les effets du décret du 3 mars 1952, créant officiellement l’aviation légère d’observation d’artillerie (ALOA), se font sentir dès février 1953 avec l’arrivée à Saigon des premiers pilotes de l’armée de Terre, suivis d’un contingent de mécaniciens. Dès lors, la relève va se poursuivre conformément au plan prévu. Le 1er août 1953, le détachement aérien d’observation d’artillerie devient le 24e GAOA et reçoit 14 appareils. Les GAOA sont tous rattachés pour emploi aux groupements aériens tactiques (GATAC) et actionnés dans le cadre de l’appui aérien. Le 1er janvier 1954, les GAOA sont complètement pris en compte par les forces terrestres. La relève des Morane ne commence qu’en mars, avec l’arrivée d’appareils d’origine américaine, les Cessna L-19A. Le 22e GAOA en est équipé dans le courant du mois de mai et le 23e GAOA en juillet. Le cessez-le-feu entrant en vigueur le 11 août 1954, les formations se regroupent dans le sud, puis sont rapatriées vers la métropole ou l’Afrique du Nord.
L’observation aérienne d’artillerie
L’instruction générale sur le tir de l’artillerie précise :
« L’observation a une influence prépondérante sur l’efficacité des tirs. Elle seule peut donner une certitude immédiate sur les effets réalisés. (…) L’appui étroit et permanent que l’artillerie a le devoir d’assurer aux autres armes ne peut être obtenu que par une utilisation complète de ses moyens de transmissions, en particulier les radios. Un système d’observation d’artillerie doit comprendre des observatoires terrestres et des observatoires aériens. L’aviation permet à l’artillerie d’étendre considérablement en profondeur son champ d’action et de s’affranchir des masques qui limitent les possibilités de l’observation terrestre. L’artillerie utilise des avions lents et non armés. C’est l’aviation d’observation d’artillerie. » (4)
L’expérience des combats de 1940 montra rapidement qu’il était impossible de faire survoler le champ de bataille par des avions relativement lents, à moins d’une supériorité aérienne totale. Aussi, dans toutes les armées, on supprima les avions d’observation pour les remplacer par des avions de reconnaissance rapides (LightningThunderbolt) exécutant, en général, des missions photographiques à haute altitude. Cependant l’avion lent présentait de tels avantages pour le réglage des tirs de l’artillerie que celle-ci s’efforça de le conserver (5). La solution adoptée fut de la doter d’avions très légers, susceptibles d’utiliser de petits terrains de fortune. Ces avions devaient voler bas, protégés par la défense contre avions (DCA) amie, assez près de leur terrain, pour se poser rapidement en cas d’incursion de la chasse ennemie, et ne faire que des missions de courte durée. Il fut admis, et l’expérience indochinoise devait le confirmer, qu’à condition de disposer d’une supériorité aérienne, ces avions, sortes d’observatoires volants, allaient permettre de régler des tirs sur des objectifs prévus d’avance à petite et moyenne distances. Quant au réglage aérien des tirs d’artillerie à longue portée, c’est l’aviation de chasse qui s’en chargerait.
Mais, dès l’arrivée en Indochine du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) en 1945, le commandement s’aperçut que, l’adversaire ne possédant ni aviation de chasse, ni DCA lourde, il était parfaitement possible de revenir aux méthodes d’avant 1940 et de survoler la zone ennemie à condition de voler au-dessus de l’altitude de 400 mètres.
L’observation aérienne en Indochine
Initialement prévue pour fournir à l’artillerie des « observatoires volants » l’aviation d’observation d’artillerie assure, par suite des conditions particulières rencontrées en Indochine, un certain nombre d’autres missions.
Son rôle principal est « d’assurer une surveillance aussi complète que possible, permanente si la situation le justifie et si les moyens le permettent, de toute zone où se déroule des opérations actives. Au cours de ces missions transmettre directement au commandement et aux éléments intéressés tous renseignements sur la position et les mouvements des éléments amis ou ennemis. Effectuer les réglages d’artillerie demandés, provoquer et observer les tirs d’artillerie sur les objectifs repérés, signaler tous les objectifs non susceptibles d’être pris à partie par l’artillerie et justiciable de l’intervention de la chasse (…) » (6).
Dans ces missions, l’aviation d’observation peut être mise : soit à la disposition directe de l’artillerie, si le déploiement d’artillerie le justifie, soit à la disposition du commandement de l’opération ou du commandant de groupement qui demande directement les missions et indique à l’observateur les renseignements qui sont à chercher en première urgence.
Le général Valluy, commandant supérieur des Forces terrestres en Extrême-Orient (FTEO), insiste dans une note adressée au commandant de l’artillerie en Indochine sur l’importance de l’observation aérienne : « L’observation est le problème crucial. Seuls les tirs observés ont un rendement convenable. Leur efficacité dépend de cette observation. Mais l’observation terrestre, du fait de la nature du terrain, est extrêmement difficile. L’observation aérienne donne des résultats appréciables tant dans le réglage des tirs que dans la surveillance du champ de bataille. L’avion d’observation est au cours d’une opération l’œil du commandant du groupement tactique. » (7)
Ce qu’est un GAOA
Un groupe aérien d’observation d’artillerie est une unité mixte comprenant du personnel de l’armée de l’Air : pilotes, mécaniciens, aides-mécaniciens, c’est-à-dire les techniciens de l’aviation ; et du personnel de l’arme de l’artillerie : observateurs ; ainsi que les services généraux de l’unité. Un groupe aérien d’observation d’artillerie est constitué de trois pelotons à quatre appareils. Il comprend : 19 officiers, 50 sous-officiers et 88 hommes de troupes soit 167 personnes. Le personnel a besoin d’une adaptation assez longue : « Pour devenir opérationnel, un pilote avait besoin d’un entraînement d’un mois, un mécanicien de deux à trois mois. Pour un officier observateur, 60 à 80 heures de vol en opération étaient nécessaires pour qu’il soit sûr et d’un bon rendement. » (8) Le matériel volant est fourni et entretenu par l’armée de l’Air. Un groupe complet doit pouvoir fournir trois détachements ayant la possibilité d’opérer isolément pendant une certaine durée avec les moyens d’entretien, de liaison, de transmissions et les services généraux nécessaires.
Le matériel et ses possibilités
L’avion des GAOA est le Morane 500, ex-Fieseler Storch allemand (9), avion biplace léger et lent, dépourvu d’armement, susceptible d’utiliser de petits terrains, et donc appelé « Criquet ». Ce surnom donné au Morane 500, passant bien à la radio, serait dû à sa silhouette qui le fait ressembler à cet insecte, avec ses ailes hautes et larges lui assurant une excellente portance et son train d’atterrissage pendant verticalement en vol.
« Allo, Criquet !… » En Indochine, du nord au sud, de l’est à l’ouest du delta, sans oublier dans la moyenne région, cet appel retentit sur les ondes, notamment sur la fréquence 270 des postes à modulation de fréquence, dite aussi fréquence générale de l’artillerie, ou le canal du poste radio d’infanterie de l’unité survolée. Comme les commandos, toute unité isolée de ses bases, tout observateur avancé dans la végétation luxuriante, tout artilleur en rupture de liaison radio a recours à cette forme d’appel adressé à l’avion qui le survole.
Les Morane d’observation sont normalement équipés de trois postes radio (10). Comme l’observateur ne peut être à l’écoute des trois postes à la fois, la question se pose de savoir sur quel poste il convient de le mettre à l’écoute. Il convient aussi de lui épargner la « gymnastique » que nécessitent des changements fréquents d’appareil. Les observateurs aériens ont une prédilection marquée pour le SCR 610 (fréquence interarmées), d’un emploi commode, et qui offre en outre l’avantage de permettre au pilote, muni d’un casque branché en dérivation, de suivre les conversations, d’où plus de rapidité et de précision dans la manœuvre de l’avion. Dès le début d’une opération, le Morane doit se mettre à l’écoute sur SCR 610 qui le met en communication avec le poste de commandement (PC) d’opération (et le PC artillerie). Sur cette fréquence, il peut mieux recevoir les ordres et fournir les renseignements qui intéressent le commandement qui orientera sa décision sur l’opportunité d’une intervention des feux de l’artillerie ou de l’aviation. S’il y a un PC d’artillerie d’opération ou un PC de groupe, celui-ci pourra se mettre à l’écoute par SCR 608 et suivre le travail de l’avion, bénéficiant aussi des renseignements qu’il apporte.
Ainsi, dans le cas où l’observateur demande l’intervention de l’artillerie, l’artillerie se préparera à déclencher le tir. Si l’artilleur entend le Morane réclamer la chasse sur un objectif, il se tiendra prêt à suspendre, le moment venu, les tirs qui seraient dangereux pour les appareils en vol. Si, sur un objectif qui se révèle, c’est l’artillerie qui doit intervenir, l’observateur aérien passe, sans changer de casque, sur la fréquence « tir d’artillerie » de son SCR 610 ; si l’objectif est justiciable de l’aviation de chasse ou de bombardement, l’observateur passe sur VHF pour le guidage des chasseurs ou des bombardiers. Dans le cas où l’avion a un contact à prendre avec un élément d’infanterie engagé (bataillon par exemple), la liaison se fera par SCR 300. L’écoute de l’infanterie sur la fréquence du Morane est prise soit sur ordre du PC d’opération, soit sur demande du Morane (fusée d’une couleur convenue), soit spontanément quand le fantassin verra le Morane s’intéresser à sa zone d’action. Si, au cours de sa reconnaissance, l’observateur rencontre un objectif justiciable du tir d’élément d’artillerie bien placé pour intervenir, il prend contact avec cet élément au moyen de son SCR 610. D’où la nécessité, pour les batteries en position qui voient évoluer un Morane dans leur zone d’action, de se mettre sur la fréquence « Morane/tirs d’artillerie » afin d’être en mesure d’ouvrir le feu sans délai sur demande de l’avion.
Les servitudes techniques (11)
Si rustiques soient-ils, les Morane 500 ne peuvent pas se poser n’importe où. Les caractéristiques des terrains qu’ils utilisent sont les suivantes : une bande de roulement d’une longueur de 350 mètres dont les extrémités sont dégagées. Le Morane 500 demande un entretien soigné. En période d’opération, un avion peut faire normalement une mission de quatre heures par jour, exceptionnellement deux avec un intervalle d’au moins trois heures entre elles. Il subit une révision après 25 heures de vol qui l’immobilise une demi-journée environ. Après 50 heures de vol, la révision l’immobilise environ 48 heures. Enfin, après 100 heures de vol, il faut effectuer une révision importante qui ne peut en tout cas jamais être entreprise en campagne. Aussi, un avion remis à neuf a, en sortant du parc des réparations, un potentiel de 100 heures. En période normale, on peut admettre qu’un appareil réalise en moyenne 30 heures de vol par mois, c’est-à-dire qu’en un peu plus de trois mois son potentiel est consommé. Le commandement doit donc se tenir informé du potentiel de vol restant aux avions mis à sa disposition et des prévisions d’indisponibilité (12).
Organisation des GAOA en Indochine
L’organisation des GAOA (13) en Indochine est réalisée afin d’obtenir le meilleur rendement de ces unités tout en les préservant d’une usure prématurée et en assurant une liaison aussi parfaite que possible entre le commandement des forces terrestres et celui des forces aériennes, dont elles dépendent, et entre les autorités à la disposition de qui elles se trouvent placées au point de vue emploi. Les GAOA font partie des éléments organiques de corps d’armée et relèvent directement, à ce titre, du général commandant supérieur des FTEO. Ils ne travaillent pas au seul bénéfice de l’artillerie et leur emploi relèvent des commandants de territoires. Ils sont équipés en personnel et en matériel par deux armées différentes : Terre et Air.
On trouve à la tête des GAOA, le général commandant supérieur des FTEO auquel est adjoint le commandant de l’artillerie des FTEO, qui est responsable de l’organisation générale des GAOA sur l’ensemble des territoires, de la gestion des effectifs et du matériel en provenance de l’armée de Terre, et du général commandant les forces aériennes en Extrême-Orient, qui est responsable de la gestion des effectifs et du matériel en provenance de l’armée de l’Air, ainsi que du contrôle technique de ce matériel. Entre le commandant de l’artillerie des FTEO représentant le général commandant supérieur des FTEO et le général commandant les FAEO a été créé un organisme de commandement et de liaison : le commandement des GAOA de l’ensemble des territoires. Cet organisme est placé sous les ordres directs du commandant de l’artillerie des FTEO, chargé de l’organisation générale des GAOA, de la gestion des effectifs et du matériel en provenance de l’armée de Terre ; il assure aussi la liaison avec le commandant des FAEO et traite directement avec lui des questions concernant le personnel et le matériel des GAOA en provenance de l’armée de l’Air. Au point de vue emploi, le général commandant supérieur met en totalité, ou en partie, ses GAOA à la disposition des commandants de territoires, qui disposent alors de l’emploi des GAOA sur leur territoire.
Il résulte de tout ceci que du point de vue emploi, les avions d’observation ne dépendent que de l’armée de Terre et que, sous réserve des instructions purement techniques pouvant provenir de l’armée l’Air, c’est l’artillerie, en fait, qui est chargée de leur mise en œuvre (14). Une section d’avions peut donc être comparée à une section d’artillerie que l’on envoie pour exécuter un tir déterminé, pour appuyer une certaine opération ou pour être temporairement à la disposition d’un commandant de secteur qui lui fera exécuter les missions que nécessite la situation du moment.
Ce que l’on peut attendre des GAOA et à quelles conditions
Les équipages mixtes, (armée de l’Air et artillerie) ont eu un rôle bénéfique pour l’appui feu aérien, comme le général Chassin, commandant de l’armée de l’Air en Indochine de 1951 à 1952, le souligne à de nombreuses reprises dans son ouvrage (15), notamment en ces termes, à propos de l’évacuation d’Hoa Binh en février 1952 : « L’affaire prouvait une fois de plus que le « Criquet » est la cheville ouvrière de l’emploi, en plein jour, de l’avion de combat en Indochine. »
L’éventuelle irruption matinale du « Criquet » est la cause principale de l’interruption brutale des attaques du Viêt-minh contre les postes. Ces postes ont souvent pu résister essentiellement grâce à l’appui de l’artillerie dont la majorité des tirs, en dehors des grandes opérations, sont exécutés de nuit. Or la mise sur pied, à partir de la fin de l’année 1950, de groupements mobiles et l’affectation progressive à chacun d’entre eux d’un groupe d’artillerie à trois batteries, leur mobilité incessante à partir du printemps 1951 ont réduit la possibilité d’intervention de l’artillerie opérationnelle au profit du quadrillage. En même temps que croissait le nombre des groupes, il a fallu créer de petites unités d’artillerie plus pauvrement dotées en encadrement et matériel. Il ressort des comptes rendus d’activités mensuels (16) des GAOA que le nombre des demandes de missions s’accroît et qu’elles se diversifient avec le renforcement des forces armées du Viêt-minh vers la fin de l’année 1950.
Missions hors opération
Le Morane 500 a été amené à remplir des missions de reconnaissance à vue et de réglage de tirs d’artillerie. La reconnaissance à vue consiste en des incursions plus ou moins profondes en territoire ennemi afin d’obtenir des renseignements. Le rendement de ce type de reconnaissance a diminué constamment, à mesure que les forces viêt-minh acquéraient une expérience en matière de camouflage. En outre, la reconnaissance à vue n’est pas la panacée propre à pallier la carence du renseignement des forces terrestres. Cette mission consomme un potentiel considérable pour des résultats souvent faibles. Elle a toutefois un intérêt dans certains cas, par exemple, pour préciser ou contrôler un renseignement obtenu par une autre voie.
La reconnaissance tire en grande partie sa valeur de renseignement de la comparaison entre les indices recueillis au cours d’une mission et ceux provenant d’une reconnaissance antérieure. Mais le fait de survoler une région au moment où le commandement songe à y entreprendre une action, alors qu’aucune activité aérienne ne s’est exercée pendant plusieurs mois, est de nature à alerter l’adversaire. Enfin l’expérience a prouvé que d’excellents résultats pouvaient être acquis si l’on accordait à l’observateur d’artillerie des moyens de coordination des feux pouvant intervenir à la demande pendant sa reconnaissance. L’aviation de chasse doit être en alerte en vol ; les batteries d’intervention et les sections de position doivent se tenir prêtes à ouvrir le feu. Le principe d’emploi retenu est alors de combiner la reconnaissance et l’emploi des moyens de feux, en donnant délégation à l’observateur pour déclencher les tirs qu’il estimera opportuns.
Les réglages de tirs d’artillerie : cette mission revêt une importance particulière en Indochine, où du fait de l’absence de lignes de front, tout élément d’artillerie se trouvant en condition de tir reçoit presque toujours une mission en vertu de laquelle il doit être prêt à ouvrir le feu sur tout objectif se révélant dans sa limite de portée (17), quel qu’en soit l’azimut (la direction). D’où la nécessité, pour les unités d’artillerie, d’avoir un certain nombre de tirs réglés sur des objectifs potentiels répartis dans leur zone d’action, afin de pouvoir ultérieurement déclencher avec la précision voulue des tirs d’efficacité.
Les réglages par l’avion d’observation sont particulièrement précieux, car ils pallient la rareté des observatoires terrestres sur le théâtre des opérations indochinois. Ils permettent aussi des réglages précis, l’observateur pouvant survoler la zone d’action à sa verticale et apprécier très exactement le sens et la valeur des écarts. Dans ces conditions, il n’y a pas d’autres temps morts que ceux nécessités par la manœuvre des pièces et par le déplacement de l’avion pour passer d’un objectif à un autre. La seule limite d’emploi, outre l’autonomie en vol de l’appareil, est la météorologie. Le souci de la sécurité commande d’éviter les réglages si le plafond est inférieur à 100 mètres (en plaine) et de les proscrire formellement lorsque le plafond est égal ou inférieur à 50 mètres (18).
« L’observation aérienne a été considérablement gênée par le crachin et par la pluie. Les observateurs en avion ont cependant pris l’air toutes les fois que les possibilités d’observation, très limitées en raison d’un plafond bas, le leur permettaient. Les conditions ont été plus favorables au cours de la troisième phase ce qui a permis l’intervention de la chasse. Du point de vue artillerie, la presque totalité des accrochages, la mise en place et le contrôle des concentrations ont été effectués par les observateurs en Morane. Les tirs ont été réglés ou contrôlés sur but auxiliaire (19). Les Morane avaient pour mission d’effectuer tous les accrochages dès la première heure de la journée (quand le temps le permettait). Certains groupes d’artillerie se sont révélés trop lents dans l’exécution des réglages. D’autres, pas très sûrs de leur topographie, ont fait accrocher à tour de rôle leurs différentes batteries. Une grande souplesse dans la manœuvre des feux a permis de concentrer sur un même objectif la presque totalité des moyens d’artillerie. » (20)
Missions en opération
Elles sont multiples : recherche de renseignements sur l’ennemi et sur les troupes amies, réglages d’artillerie, guidage de patrouilles de chasse ou de bombardement, prise à partie d’objectifs inopinés pour ne citer que les principales. Elles se déroulent suivant un cycle qui varie en fonction de la situation du moment et peuvent se répéter une multitude de fois au cours d’une même journée (21). Elles exigent de l’observateur aérien des qualités de premier ordre : coup d’œil, endurance, initiative, connaissance de l’artillerie, sens du combat. Insistons pour mettre en lumière deux missions particulières de l’observation aérienne en opération : l’accompagnement de troupes et la liaison « aéroterrestre ».
Dans la plupart des cas, le commandement aura intérêt à prescrire à l’observateur de rechercher des renseignements sur ce qui se passe au plus loin des troupes, les combattants de première ligne étant généralement à même de fournir beaucoup d’informations. Néanmoins, les circonstances peuvent conduire à utiliser le Morane 500 pour surveiller et guider la progression des premiers éléments. Mais la nécessité de voler à basse altitude restreint le champ d’observation de l’avion et l’empêche, en outre, d’utiliser un de ses meilleurs atouts, le tir d’artillerie. Au cours d’une opération, le renseignement doit aller dans les deux sens, de l’air vers le sol, du sol vers l’avion. Dans le premier cas, le renseignement est fourni à l’échelon le plus élevé du commandement de l’opération qui se charge de le répercuter. Dans le second cas, lorsque les troupes au sol ont pris contact avec l’ennemi, surtout en l’absence d’un jalonnement des premiers éléments, la ligne de contact est imprécise, des confusions sont possibles entre amis et ennemis, la position des armes ennemies les plus dangereuses n’est pas évidente. À ce moment, le renseignement du fantassin rend plus efficace les tirs ou les guidages exécutés par l’avion d’observation.
En janvier 1951, au Tonkin, le 23e GAOA a fourni un effort important pendant la bataille de Vinh Yen du 13 au 17 janvier (22). Une permanence de deux et souvent trois Morane a été assurée, suffisant à peine aux demandes de renseignements du commandement et des unités, et au guidage des nombreuses patrouilles de chasse engagées. Au cours de missions de plus de 4h30, à l’extrême limite de l’autonomie de l’appareil, les observateurs ont guidé jusqu’à cinq et six patrouilles de chasse, en plus de nombreux réglages d’artillerie. En mars, l’activité des GAOA est telle, notamment dans la région de Dong Trieu, qu’elle nécessite l’augmentation des moyens du 23e GAOA. En effet, l’importance des GAOA s’est encore affirmée durant cette période. Des reconnaissances très précises ont permis au commandement de suivre et de localiser tous les préparatifs adverses. L’intervention massive de l’aviation et de l’artillerie a pu s’effectuer dans les meilleures conditions d’efficacité sur des objectifs couverts et suivis par les Morane malgré de très mauvaises conditions météorologiques (plafond bas, crachin, visibilité réduite). En avril 1951, dans le secteur de Phu Ly et Ninh Binh, le 23e GAOA a effectué : 4 guidages de bombardement, 53 guidages de chasse, 145 réglages d’artillerie au cours de 412 missions et plus de 700 heures de vol (23). Sa dotation a été portée à 24 « Criquets » par apport de « Criquets » prélevés sur les 21e et 22e GAOA. C’est une demande de missions sans cesse accrue qui a incité le haut commandement à adopter cette solution extrême (24). Les utilisateurs (aviation d’assaut et troupes terrestres) ont reconnu la nécessité absolue de l’avion d’observation à ce stade de la guerre.
L’année 1951 se termine comme l’année 1950 par une activité record due notamment à l’effort fourni au Tonkin par le 23e GAOA au cours du mois de décembre 1951. En décembre 1950, les trois GAOA avaient effectué 1 146 heures de vol et cette année le 23e GAOA effectue à lui seul 1 124 heures sur un total de 1 664 heures, les 21e et 22e GAOA ayant leur activité réduite pour maintenir un potentiel global en rapport avec les fournitures de matériel et les possibilités de rendement des parcs de montage et de réparation. Il est intéressant de comparer l’activité des GAOA au cours des années 1949-1950 et 1951 pour faire apparaître que les demandes de missions sont de plus en plus importantes et se justifient par l’utilité du Morane devenu instrument indispensable de toutes les opérations.
Années
Heures de vol effectuées
Nombre de sorties
1949
7 213
4 386
1950
9 577
5 402
1951
14 358
7 497
Cependant, de nombreuses missions sont annulées pour des raisons techniques, notamment en Annam et en Cochinchine où les unités d’infanterie, privées de l’aide du Morane voient leurs difficultés s’accroîtrent du fait de la moindre efficacité des feux de l’artillerie. Il faut néanmoins souligner les résultats obtenus dans les trois GAOA par les mécaniciens de l’armée de l’Air dont le travail ingrat sur un matériel souvent déficient a permis d’obtenir le maximum (25). En outre, la DCA ennemie est de plus en plus active. Onze appareils sont touchés au cours du mois de décembre 1951 ce qui porte à 55 le nombre de Morane touchés pour l’année 1951. Pour la première fois au Tonkin, le Viêt-minh a organisé dans le secteur de Hoa Binh une DCA très efficace constituée par des groupements de plusieurs dizaines de mitrailleuses lourdes. Un appareil a été abattu et dix autres ont été touchés.
Enseignements
La campagne d’Indochine a démontré que l’armée de Terre devait disposer en propre de ses moyens. Dès le début des hostilités les besoins du commandement et ceux de l’artillerie se révélent massifs et de 1945 à 1947, les Piper Cubs de la 9e division d’infanterie coloniale puis les groupes équipés de Morane 500 envoyés successivement succombent à la tâche. Le commandement de l’aviation d’artillerie, créé en septembre 1946, ne parvient pas à améliorer cette situation et, en août 1947, l’aviation d’artillerie est au plus bas. Mais l’armée de l’Air a pu mesurer les services que l’ALOA pouvait lui rendre pour le guidage de la chasse et même du bombardement. Elle fait donc un effort au profit des trois groupes aériens d’observation d’artillerie existants et qui sont remis en condition en 1948. Ils devaient, cependant, rester jusqu’en 1952 à la disposition de l’armée de l’Air. Le 3 mars 1952, le décret de rattachement de l’ALOA à l’armée de Terre est signé ; mais pour éviter le retour des difficultés de 1946-1947 l’application du décret en Indochine est progressive : on recrée seulement un commandement de l’ALOA (le 1er janvier 1954). La relève des personnels n’est achevée qu’en avril 1954 et la mise en œuvre de tous les moyens n’appartient pas encore à la seule armée de Terre à la fin des hostilités.
Dans la coordination des feux artillerie-aviation, l’observateur aérien joue le rôle d’intermédiaire obligé entre l’aviateur et l’artilleur. Ce dernier ne peut éviter le « trou de feux » entre l’action aérienne et le bombardement d’artillerie qu’en restant en contact permanent avec le « Criquet » qui le prévient des interventions aériennes successives et annonce l’instant où elles s’achèvent. En outre, si la reconnaissance à vue est rarement payante lorsqu’elle est effectuée de manière systématique, la reconnaissance visant un point précis permet presque toujours de confirmer ou d’infirmer un renseignement. Au début de la campagne, la reconnaissance à vue était effectuée à basse altitude (entre 200 et 600 m). À la fin du conflit, les conditions d’emploi ont dû être modifiées devant l’apparition d’une DCA légère de plus en plus dense dans les rangs Viêt-minh, l’altitude de vol fut imposée entre 900 et 1 000 m.
Le guidage de la chasse et du bombardement s’est avéré être une mission presque indispensable à l’appui aérien rapproché, car l’avion rapide voit mal et n’est pas en liaison avec les troupes au sol. Or l’observateur aérien aperçoit évidemment le terrain sous le même angle que le chasseur ou le bombardier, mais il sait où se situent les troupes amies, connaît la situation, parle au fantassin ou à l’artilleur comme il parle au cavalier. Il est donc le trait d’union normal entre les forces terrestres et les formations de l’armée de l’Air. En bref, l’avion d’observation a été en Indochine « la bonne à tout faire », « le boy à la botte », « l’auxiliaire le plus précieux » (26) du commandement. Son apparition dans le ciel était un soulagement pour le fantassin en difficulté, qu’il soit en brousse, en rizière ou dans un poste attaqué.
Philippe ROUDIER / Revue Historique des Armées n°261 (2010)
 
   


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