Publié le 22 novembre 2013 par Eudes Turanel sur ce site L’Armée sous Louis XIII (Guerre de Trente Ans) Lorsque Louis XIII et le Cardinal de Richelieu lancent le Royaume de France dans la « Guerre Ouverte » contre la Maison d’Autriche et l’Espagne en 1635, l’Armée Royale a subi plusieurs refontes amorcées depuis le règne de Henri IV, dans le prolongement de la convalescence qui a suivi les Guerres de Religion. En outre, même si d’importantes carences subsistent (approvisionnement, discipline…), l’Armée Royale a été rehaussée du prestige de la victoire sur les Etats Protestants et des succès de la Guerre de Succession de Mantoue. [Armée de Louis XIII] Précision pour les lecteur, les tactiques et techniques de combat employées durant la Guerre de Trente Ans feront l’objet d’un article ultérieur. * 1 – L’ORGANISATION A – Les Armées en campagne Pour le chercheur autrichien Gaston Bodart, le type même de l’Armée en campagne pendant la Guerre de Trente Ans comprend entre 20 000 et 30 000 hommes avec une proportion de 30-40 % de Cavalerie. A Rocroi, l’Armée du Prince de Condé déploie entre 16 000 et 20 000 soldats dont une forte proportion de mercenaires allemands, hessois, suédois et ceux venant aussi des troupes de Bernhard de Saxe-Weimar. Toutefois, il est de bon aloi de souligner le fait que les soldats de Saxe-Weimar germaniques (en écrasante majorité de confession luthérienne) qui sont passés du service de la Suède à celui de la France sont extrêmement disciplinés et bien entraînés (ce qui ne les empêchera pas de ravager toute une partie de l’Alsace et de la Franche-Comté). B – Représentation des forces au sein des Armées Prenons l’exemple de l’Armée des Flandres. En 1637, elle compte 21 670 hommes partagés entre 15 000 fantassins (68.9 % de l’effectif total) et 6 670 Cavaliers (31.1 %). Sur ce nombre de cavaliers 3 020 sont des Weimariens (44.6 %) dont des étrangers, 2 700 sont des Chevau-Légers (39,9 % – Cavalerie Lourde), 400 sont des Gendarmes du Roi (5,9 %), 400 autres des Carabiniers (5,9%) et enfin 250 sont des Hongrois (3,7 %). Sur l’ensemble des effectifs montés, on compte 84,5 % de Cavalerie de ligne, 9,6 % de Cavalerie de ligne et 5,9 % de Cavalerie d’élite qui forme la réserve. Les Régiments sont les unités administratives – un peu à l’exemple des Regiments anglais – et comptant un nombre d’hommes assez important mais inégal ; certains comptent parfois 1 000 hommes alors que d’autres se montent jusqu’à 6 000 voire davantage. Tout dépend aussi du type d’unité. Le Régiment est commandé par un Colonel, en écrasante majorité issu de la Noblesse et peut prendre dans ce cas, le nom de son propriétaire. On distingue plusieurs types de régiments. Tout d’abord, les Régiments permanents qui comptent d’abord les Gardes Françaises (1560) comme les quatre Vieux Régiments ou Vieux Corps, avec chacun une couleur distincte sur leur drapeau (Picardie – rouge, Champagne – vert, Navarre – feuille morte ou marron et Piémont – jaune ). Les Vieux sont les héritiers des Vieilles bandes reformées après la promulgations des chartes de Régiment (Henri II). Viennent ensuite les cing Petits Vieux créés durant le règne de Henri IV (Bourbonnais, Béarn, Auvergne, Flandres et Guyenne). Ces cing régiments arborent la couleur violette sur leur drapeau afin de rappeler l’assassinat du Roi Henri. Autre point important. Si les Vieux Régiments sont en quelque sorte propriété royale, avec des officiers pensionnés par le Roi, beaucoup d’autres sont levés aux frais de Colonels particuliers qui en sont finalement les propriétaires. Le Colonel (au même titre que les Capitaines avec les Compagnies) doit donc acheter une charge d’officier – ou bien s’en voit octroyer une – puis lever son Régiment. Cela peut donner lieu à des situations quelque peu surprenantes. On voit ainsi de très jeunes colonels ou capitaines se placer à la tête d’unités d’infanterie. Mais l’unité tactique de l’Armée de Louis XIII est le Bataillon ou Petite Bataille (scindé en plusieurs compagnies allant de 50 à 200 soldats et commandé par un Colonel ou un Capitaine) et formé par ponction des Régiments. Par exemple à Rocroi 22 Régiments de l’Armée du Prince de Condé forment 18 Bataillons tandis que les 4 autres ont été créés en scindant deux régiments de moitié. Il n’y a donc toujours pas de rationalisation des effectifs, loin de là. Les Régiments français se répartissent comme suit : 1 Régiment des Gardes (Gardes Françaises – 30 compagnies de 200 hommes), 16 Régiments à 30 Compagnies de 50 hommes (1 500 hommes/Régiment), 106 Régiments à 20 Compagnies du 50 hommes (1 000 h/Regt), 1 Régiment à 18 Compagnies de 50 hommes (900 h), 1 Régiment à 15 Compagnies de 80 hommes (1 200 h), 6 Régiments à 12 Compagnies à 80 hommes (960 h) et 10 Régiments à 10 Compagnies de 80 hommes (800 h). Et voici la répartition des Régiments Royaux étrangers (volontaires) : 7 Suisses (Gardes Suisses, Molondin, Watterville, Am Büchel, Praromann, Roll et Rhoon), 4 Irlandais (Wall, Coosle, Fitz-William et Beling), 4 Écossais (Douglas, Gardes Écossaises, Lundy et Fullerton), 8 Allemands (Roquesvières, Zillard, Rasilly, Schombeck, Kohlas, Notaf, Ehm et Axtein), le Régiment Liégeois Guiche étranger, ainsi que le Régiment Mazarin italien. * 2 – LES ARMES A – L’infanterie 1 – Effectifs et recrutement Lors de la bataille de Rocroi l’Armée Royale comptait 192 860 soldats organisés en régiments – excepté les troupes stationnées en garnison. Sur ce nombre, 151 860 (78.7 %) étaient originaires du territoire français et 41 000 étaient des volontaires étrangers (21.3%) ; Suisses, Allemands et Italiens en particulier. Enfin, il y avait 200 compagnies de soldats à pied en garnison qui regroupaient 26 000 soldats. Le recrutement des soldats pose le problème le plus sérieux à Richelieu et Louis XIII. D’une part, il n’y pas de conscription comme nous pouvons l’entendre aujourd’hui. La formation des régiments se fait par levée de volontaires. En outre, la Monarchie n’a toujours pas de système centralisé et le recrutement s’effectue donc aux échelons des Généralités, Pays, Baillages, Sénéchaussées et Paroisses. En somme, la capacité de la Couronne à pouvoir recruter dépend amplement de l’enchevêtrement des circonscriptions administratives et des coutumes de l’Epoque. Le système des Milices Paroissiales et du tirage au sort n’existe pas encore et ne sera créé qu’au début du règne de Louis XIV par Michel Le Tellier. Ajoutons à cela la question des Mercenaires que l’on cherche à engager depuis l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, bien qu’ils représentent des troupes bien moins fiables, qui peuvent déserter à tout moment et se livrer à des pillages et des exactions sur la population. En 1629, le Cardinal de Richelieu promulgue une ordonnance qui tend à améliorer le recrutement des soldats mais elle ne sera jamais appliquée. En revanche, en 1636 par une nouvelle Ordonnance, le Cardinal-Duc Ministre crée un Ministère de la Guerre qui est chargé d’organiser la levée des troupes ; ce qui représente déjà une amélioration notable. 2. Equipement et armement Si ce n’est la mode vestimentaire (pourpoint, bas, large chapeau de feutre, bottes à chaudron), le soldat à pied de Louis XIII se distingue très peu de ses aînés de Henri II, Henri III et Henri IV. Les officiers se protègent des coups d’armes blanches avec des cuirasses, des colletins, etc. Quand ils ont les moyens de se procurer des casques, les hommes à pied utilisent des cabassets, des morions de type espagnol et des bourguignottes. Contrairement à un cliché répandu de nos jours, les Armées européennes du XVIIe siècle utilisent encore largement les armes blanches de toute sorte. Ainsi, l’infanterie française utilise généralement les longues piques disposées en carrés à rangs serrés afin de repousser les charges de cavalerie et d’infanterie en gardant les rangs serrés. Les armes dites d’hast sont toujours répandues en particulier les hallebardes et les pertuisanes.. Les officiers, mais aussi les hommes du rang utilisent aussi des armes de duels que sont les rapières et les dagues de main gauche pour les engagements au corps-à-corps. En outre il n’est pas rare non plus de voir les fantassins utiliser des épées à large lame (comme les miséricordes très répandues chez les Lansquenets), des Espontons, des haches et même des masses d’armes (cette dernière arme étant très apprécié de la cavalerie polonaise). Enfin, c’est en 1642 que la baïonnette fait son apparition dans l’Armée des Flandres. Les premiers modèles consistaient à fixer un poignard au manche vidé au bout du canon, ce qui empêchait le fantassin de tirer. Les baïonnettes à douille apparaîtront durant le règne de Louis XIV. En revanche, les mousquets à rouet commencent à remplacer les arquebuses (en particulier les arquebuses à clé d’arbalète). Des pistolets à rouet et même à silex – ce dernier étant plus efficace – se répandent de plus en plus au sein de l’armée dans les années 1640. Toutefois, les arbalètes sont toujours répandues elles aussi.
Arme par excellence de la Noblesse Française depuis l’Epoque Médiévale, la Cavalerie reste toujours l’apanage des gentilshommes durant les règnes d’Henri IV et de Louis XIII, même s’il n’est pas rare de voir des bourgeois intégrer les rangs montés royaux (s’ils s’équipent à leur frais). Quoiqu’il en soit, la Cavalerie française subit plusieurs transformations notables qui vont faire d’elle l’une des meilleures d’Europe. Avant l’entrée en guerre de la France, la Cavalerie française est en pleine réformation depuis Henri IV. L’intérêt qu’eut le père de Louis XIII pour réformer sa Cavalerie tient beaucoup à la victoire de Fontaine-Française (1595) en Bourgogne, lorsque 300 cavaliers royaux mirent en fuite 2 000 espagnols. Sous Louis XIII, plusieurs nouveaux régiments de cavaleries permanents sont créés : Orléans et Souvré (1630), d’Enghien (1632), Colonel Général et Trefski (1635), Royal (1635), Le Roi et Dragons du Cardinal (1635) et La Reine Mère (1638). Enfin, en 1638, le Juste fait promulguer un règlement relatif au « bon ordre et à la discipline ». Bien entendu, certains Colonels, Princes du Sang, Membres de la Cour ou Nobles de Province lèvent un régiment à leurs frais. C’est notamment le cas des Ducs de Soissons et de Longueville en 1638 lorsque les Espagnols marchent en Picardie. Enfin, Louis XIII a aussi recruté des unités de cavalerie étrangère, en particulier allemandes, hongroises et mêmes croates. Les Dragons forment l’un des plus anciens corps de cavalerie français (arquebusiers à cheval créés au sein de l’armée du Piémont par le Maréchal de Brissac sous Henri II). Toutefois, s’il se déplace à cheval, le Dragon ne combat pas en selle mais à pied, à l’arquebuse, à la rapière ou à la hache. [soldat-224x300] Grâce à l’Ordonnance édictée en 1635 par le Cardinal de Richelieu l’organisation et la discipline en sont considérablement renforcées afin d’en faire l’arme clé du succès français sur le champ de bataille. La consécration de la cavalerie viendra à Rocroi. Sous Louis XIII, un nouvel échelon est créé au sein du Régiment, il s’agit de l’Escadre qui donnera le terme Escadron que nous connaissons aujourd’hui. L’Escadron comprend alors entre 50 et 60 hommes et s’articule en 2 ou 3 Compagnies (voire parfois même une seule). 2 – L’élite de la cavalerie royale Pour veiller sur sa Maison, Louis XIII profite de plusieurs régiments de cavalerie permanents créés par les Valois et son père. Mais d’autres ont des origines plus anciennes. Ainsi les Gendarmes Écossais et la 1re Compagnie des Gardes du Corps (Écossaise) sont les héritiers des gardes de Charles VII et de Louis XI et… propriété de la famille Stuart depuis près de deux siècles. Durant le règne de Louis XIII, les Gendarmes Écossais sont placés sous le commandement d’un Colonel étranger ; Charles Stuart Prince d’Ecosse (futur Charles Ier d’Angleterre), Jacques II Stuart Duc d’York et Georges Gordon Marquis de Huntley. Ils passeront sous le commandement d’un Français en 1665. Sous Louis XI, sont créées deux compagnies d’archers français à laquelle s’ajoute une troisième sous François Ier. Les trois compagnies françaises et l’Écossaise prendront le nom de Compagnies de Gardes du Corps. 3. Armement et équipement Hormis les compagnies de Mousquetaires et de Gardes, les cavaliers du Roi de France n’ont pas réellement d’uniforme, chaque homme s’équipant à ses frais. En matière d’équipement, conséquence des réformes de Gassion, si la cuirasse comme le bassinet et l’armet (casques à visière) sont largement utilisés, le complet harnois est de plus en plus abandonné en raison des techniques de charge qui nécessitent de la rapidité, donc un poids moindre à faire supporter par les montures. – C. L’Artillerie Conscient du déclin de l’Artillerie française, Henri IV avait entrepris de la redresser mais lors de la Guerre de Trente Ans, l’artillerie de Gustave-Adolphe de Suède restera la première d’Europe autant du point de vue du matériel que de l’emploi. Henri IV décide de placer l’administration et la production des bouches à feu françaises sont sous la responsabilité d’un Grand Maître de l’Artillerie. Sous Louis XIII, les hommes qui occuperont cette charge seront tour-à-tour Maximilien II de Béthune Marquis de Rosny et Prince d’Henrichemont, le fils de Sully (1610-1629), Antoine Coëffier de Ruzé d’Effiat, le père du fameux Cinq-Mars (1629-1634) et Charles de La Porte Duc de La Meilleraye dit « le preneur de villes » (1634-1646). Comme l’explique Michel Decker, Grand Maître de l’Artillerie commande donc à un état-major, aux « services centraux » formés du Commissaire général aux poudres et salpêtres, du Commissaire général des fontes, du Capitaine général du charroi, du Commandant général des ouvriers et du Maréchal des logis.
Au-dessous de cet état-major arrivent les « départements » (en général les régions de l’Est, des Alpes et maritimes du Royaume) placés sous la direction d’un commandant auquel répondent toute une pléthore de lieutenants provinciaux, commissaires provinciaux (ordinaires ou extraordinaires), des officiers pointeurs, ainsi que des « techniciens » et comptables du matériel. Sous Louis XIII, l’Artillerie royale répond encore aux recommandations d’emploi des « six calibres de France » édictées par Jean d’Estrées Grand Maître de l’Artillerie de Henri II. D’Estrées préconise une répartition d’un tiers de pièces lourdes (en bronze) tirant des boulets de 15 à 30 livres pour deux tiers de pièces plus légères (boulets de 1 à 7 livres). Sous Louis XIII, on vient à ajouter les calibres de 12 et 24 livres. Enfin, le mortier fait aussi son apparition pour les combats de siège mais son utilisation reste fort risquée.
Les uniformes de cette période sont en plein transition . Nopus trouvons un mélange de pieces d'armement issues du Moyen age avec des armes nouvelles comme les armes à feu
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