Article fait par :Jean-Marie Brams et Andre Dalemans
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L'attaque du fort d’Eben-Emael Mai 1940
Par Jean-Marie Brams Avec la collaboration d’André Dalemans
Historique
Depuis plusieurs siècles, le caractère géographique de la « trouée de Visé » constituait un axe favorable à toute progression militaire entre l’Allemagne et la France.
D’importantes tensions subsistent entre les grandes puissances européennes depuis la guerre franco-allemande de 1870-1871. Pour pallier à toute invasion de la Belgique lors d’un conflit entre la France et l’Allemagne, il fut décidé de construire une ceinture de forts autour de la ville stratégique de Liège (PFL – Position fortifiée de Liège) et de Namur (PFN). La position fortifiée d’Anvers (Antwerpen) fût aussi renforcée.
Entre 1888 et 1892, 12 forts furent construits autour de Liège sous la direction du Général Henri-Alexis Brialmont. Cette ceinture était incomplète. La « trouée de Visé » n’était pas entièrement protégée par les forts liégeois et Brialmont ne fût pas suivi dans son projet de construire un fort supplémentaire pour remédier à cette situation. L’aile droite de l’attaque allemande d’août 1914 s’engouffra d’ailleurs par cette trouée.
Une commission militaire spéciale fut créée en 1926 afin d’examiner si une modernisation des forts liégeois était justifiée. Elle décida la construction d’un nouveau fort sur un point stratégique situé à proximité d’Eben-Emael et destiné à verrouiller la « trouée de Visé » et à protéger les environs de Liège.
La construction du fort débuta en 1932 et le gros œuvre fût terminé en 1935. Les travaux de finition et d’adaptation se poursuivront jusqu’à l’attaque du fort le 10 mai 1940.
Des experts militaires de différents pays l’ont visité et ont déclaré que c’était un des plus puissants forts d’Europe et qu’il était imprenable.
La possibilité d'atterrir sur le fort était connue et révélée par le Major Decoux et confirmée par un aviateur. De plus, l’emploi tactique de parachutistes allemands lors de l’invasion des Sudètes en 1938 et de la Norvège en avril 1940 était connu mais rien n’a été réalisé pour parer à une telle éventualité.
Le fort était vu par certaines autorités militaires dont le Major Jottrand commandant les lieux comme une sorte de pénitencier. Des officiers derniers de promotion ou punis étaient désignés pour le fort alors que d’autres étaient des réservistes. Les sous-officiers et les soldats mal notés à la PFL y étaient mutés.
La garnison avait mauvaise presse, était considérée comme indisciplinée et manquait de conscience professionnelle et de moral. L’instruction était insuffisante et une grande part de la garnison n’avait jamais tiré d’obus réels. De plus, le matériel était incomplet (périscopes), mal mis au point ou tombait en panne.
A l’aube du 10 mai 1940, les Allemands allaient, cinq minutes avant l’offensive à l’ouest, attaquer le fort non par la voie terrestre qui était inadéquate mais par la voie des airs en déposant, au moyen de planeurs d’assaut sur l’immense plaine du fort, des troupes et du matériels inédits (charges creuses de 12,5 et 50 kg) (1).
Une grande partie des moyens offensifs furent mis hors d’usage en 15 minutes alors qu’elle devait être réalisée en 60 minutes maximum et, 31 heures plus tard, la garnison se rendait après encerclement du fort.
Description du fort
Le fort, construit dans une montagne de tuffeau sur 3 niveaux, se présente sous forme générale d’un triangle irrégulier large de 750 m et haut de 950 m. La superficie totale du domaine militaire s’élève à 75 ha dont 40 pour le massif central. Sur le côté nord-est du fort coule le canal Albert large de 54 m. Il traverse la tranchée de Caster longue de plus de 1.500 m et haute de 60 constituant un obstacle impressionnant. Du côté nord-ouest un fossé humide dont les terrains voisins peuvent être inondés par le Geer limite l’accès au fort.
Un long fossé sec antichar borde les côtés sud et est. Cette défense est renforcée de réseaux de barbelés et d’obstacles antichars.
L’armement du fort se base sur 2 batteries.
- La première batterie occupant la partie supérieure du fort comprend les ouvrages d’artillerie à longue portée et de
défense de la superstructure (2) : Cu 120, Cu Nord, Cu Sud, Vi 1, Vi 2, Ma 1, Ma 2, Mi Nord et Mi Sud. Les
casemates orientées vers le nord (Ma 1 et Ma 2) et le sud (Vi 1 et Vi 1) peuvent battre rapidement un terrain
prédéterminé.
- La deuxième batterie comprend les bunkers de défense rapprochée occupant la partie basse du pourtour du fort :
Bloc 1, Bloc 2, Bloc Canal Nord, Bloc Canal Sud, Bloc 01, Bloc 4, Bloc 5 et Bloc 6.
La puissance de feu maximale du fort permet d’envoyer 2.100 kg de projectiles à la minute.
Les rives ouest du canal Albert et de la Meuse sont défendues par une ligne de bunkers complétée par des ouvrages de campagne. Quatre-vingt-dix pièces d’artillerie de campagne dispersées dans les environs sont pointées sur les ponts de la Meuse et du Canal Albert. Selon le Commandement de l’Armée belge, l’ensemble du dispositif suffit à stopper toute invasion terrestre de l’armée allemande.
Le niveau 0 (-45 à -60 m sous le niveau supérieur)
Il est occupé par la caserne souterraine destinée à l’hébergement de 1.198 soldats. L’accès de fait de plain pied par le Bloc 1. La caserne se compose notamment de : 1 centrale électrique, 3 salles des machines (6 moteurs de 175 CV), 1 citerne à mazout, 1 cheminée d'évacuation d’air avec 2 ventilateurs et un filtre à air, des ateliers, des magasins, des dépôts, des commodités, des armureries, 1 lavoir, des douches, 1 local de télécommunication, 1 infirmerie, 1 salle d’opération, 2 salles des malades, 1 local de stérilisation, de nombreuses chambres, le bureau du commandant, des bureaux d’administration, 2 cuisines, mess, puits … Ce niveau est relié au niveau intermédiaire par 1 ascenseur et 2 escaliers et comprend tout ce qui est nécessaire pour résister pendant une longue période sans aide extérieure.
Le niveau 1 ou niveau intermédiaire (-20 à -25 m sous le niveau supérieur)
Il comprend 5,5 Km de galeries conduisant au PC, aux bureaux de tir, aux salles des filtres, aux pieds des puits des casemates, des coupoles et autres ouvrages du niveau 2 situés entre 18 et 25 m plus haut, aux dépôts de munitions et à tous les ouvrages de défense du niveau 0. Il est doté de 2 moteurs de 115 CV relié à la prise d'air principale et de 3 autres prises d'air de secours.
Dix-neuf minutes de marche dans des galeries sép arent le Bloc 1 (entrée) et le Bloc 01 (observatoire Eb 1).
Le niveau 2 ou niveau supérieur (superstructure du fort)
Cu 120 : Coupole mobile avec 2 canons FRC modèle 1931 de 120 mm d’une portée de 17,5 Km sur 360°.
Cu Nord : Coupole mobile éclipsable avec 2 canons de 75 mm court modèle 1934 d’une portée de 10,1 Km sur 360° et FM pour la défense du débouché d’infanterie.
Cu Sud (Bloc 5) : Coupole mobile éclipsable avec 2 canons de 75 mm court d’une portée de portée 10,1 Km sur 360°.
Ma 1 : Casemate équipée de 3 canons GP de 75 mm long d’une portée de 11 Km.
Ma 2 : Casemate équipée de 3 canons GP de 75 mm long d’une portée de 11 Km et d’1 cloche d’observation d’artillerie avec périscope (Eb 3).
Vi 1 : Casemate équipée de 3 canons GP de 75 mm long d’une portée de 11 Km.
Vi 2 : Casemate équipée de 3 canons GP de 75 mm long d’une portée de 11 Km.
Mi Nord : Casemate équipée de 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, de 2 phares, 1 FM pour la défense du débouché d’infanterie et d’1 cloche d’observation d’artillerie (Eb 2).
Mi Sud : Casemate équipée de 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, de 3 phares et d’1 cloche d’observation. Une sortie de secours.
Mi CA : Position antiaérienne à 4 Mi Maxim sur trépied.
Leurres : Trois fausses coupoles de 6 m de diamètre.
Bloc cheminée.
Pourtour du fort
Bloc 1 : Deux canons antichars de 60 mm d’une portée de 3 Km, 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 FM pour la défense de la poterne, 1 pont escamotable libérant un fossé, 1 grille double, 2 phares et d’1 cloche d’observation.
Bloc 2 : Deux canons antichars de 60 mm, 2 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 FM pour la défense du débouché d’infanterie, 2 phares et d’1 cloche d’observation.
Bloc Canal Nord : Un canon antichars, 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 cloche avec 1 FM, 2 phares et 1 cloche d’observation.
Bloc Canal Sud : Un canon antichars, 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 cloche avec 1 FM, 2 phares et 1 cloche d’observation. Une sortie de secours.
Bloc 01 : Un canon antichar de 60 mm, 3 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 2 phares et d’1 cloche d’observation d’artillerie avec périscope (Eb 1).
Bloc 4 : Deux canons antichars de 60 mm, 2 affûts réversibles pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 2 phares et d’1 cloche d’observation. Une sortie de secours.
Bloc 5 (Cu Sud) : Un canon antichars de 60 mm, 1 affût réversible pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 phare et 1 cloche d’observation.
Bloc 6 : Deux canons antichars de 60 mm, 1 affût réversible pour 2 mitrailleuses lourdes Maxim, 1 phare et 1 cloche d’observation.1 sortie de secours.
Fossés antichars : Un fossé humide entre le Bloc 2 et le canal Albert et un fossé sec entre la tranchée de Caster et le Bloc 1.
Autres moyens :
14 trous pour guetteurs sont dispersés sur le fort.
6 postes d’observation de campagne se situent dans les environs du fort.
L’attaque du fort
Le Commandement militaire allemand, conscient de la nécessité de s’emparer rapidement du Fort d'Eben-Emael et des ponts intacts du canal Albert, conçoit la première attaque aéroportée de l’histoire.
Le 05-11-1939 débute dans le plus grand secret la formation et l’entraînement d’une durée de six mois de 341 parachutistes formant le Sturmabteilung du Hauptmann Walter Koch de la 7. Fliegerdivision commandée par le General der Flieger Kurt Student. La mission de la majorité de ces hommes est de s’emparer de ponts. Celle du Sturmgruppe de 85 hommes de l’Oberstleutnant Rudolf Witzig est de s’emparer d’un fort. Toutes les opérations sont répétées jusqu'à ce que chaque mouvement devienne un réflexe naturel. Les groupes reçoivent leur nom code de « Sturmgruppen Stahl (groupe d’assaut Acier), Beton (Béton), Eisen (Fer) et Granit ».
Le 10 mai 1940 à 03.25 Hr, 60 avions de transport Ju 52 remorquant chacun un planeur DFS230 prennent l’air à Ostheim et à Butsweilerhof. Après rassemblement près de Cologne, la flottille prend la direction d’Aix-la-Chapelle en suivant un balisage lumineux au sol. Du point de largage à 2.500 m d’altitude situé au-dessus de la frontière néerlandaise, il reste près de 24,5 Km de vol pour atteindre les lieux d’opération. A 04.25 Hr, une première mondiale devait se matérialisait. En fait elle débute plus tôt car les planeurs sont en avance sur l’horaire. Le premier se pose sur le fort vers 04.10 Hr.
Sthal a pour objectif de capturer intact le pont de Veldwezelt, Beton celui de Vroenhoven et Eisen celui de Kanne. Granit a pour mission de neutraliser le fort d’Eben-Emael.
Un planeur n’arriva jamais suite à un atterrissage forcé précoce et le planeur N° 2, celui de l’Oberstleutnant Rudolf Witzig commandant Granit, arriva vers 06.50 Hr après un atterrissage d’urgence causé par la rupture du câble de remorquage lors d’une manœuvre d’évitement de collision en vol.
La mission générale des Fallschirmjäger
(Le n° attribué aux objectifs par les Allemands est indiqué entre-parenthèses).
Atterrir sur le fort à 04.25 Hr et réduire Ma 1 (12) et 2 (18), Mi Nord (19) et Sud (13), Cp Sud (23) / Bloc 4 (30) et Cp Nord (31), Cp 120 (24), Vi 1 (26) et 2 (9) le hangar près de Cp 120 (25), les 2 Cp Nord (14 et 16 - fausses coupoles), la Mi CA (29) ainsi que Cp Est (32 - fausse coupole).
Les missions du Stürmgruppe Granit
Planeur N°1 :
Feldwebel Niedemayer - Section 1. Neutraliser Ma 2 et l’investir. Pendre contact avec le chef du groupe à Mi Nord.
Planeur N° 2 :
Section 2. Neutraliser Cp 120.
Suite à un incident de vol, le planeur n’arrivera jamais.
Planeur N° 3 :
Neutraliser Ma 1 et l’investir. Attaquer la tour d'aération et éventuellement le Bloc 2.
Planeur N° 4 :
Feldwebel Wenzel (Witzig étant absent, il prend le commandement de l’attaque) – Section 4. Neutraliser Mi Sud, l’investir et y installer un PC. Par la suite, une Mi repoussera les patrouilles belges.
Planeur N° 5 :
Feldwebel Haug - Section 5. Neutraliser Mi CA et Cp Sud sans la détruire. Prendre ensuite contact avec la section 1 pour la suite de la mission.
Planeur N° 6 :
Feldwebel H arlos - Section 6. Neutraliser les 2 coupoles de la pointe Nord (qui ne sont que des leurres).
Planeur N° 7 :
Feldwebel Heinemann - Section 7. Neutraliser les 2 coupoles pointe Nord (qui ne sont que des leurres).
Prendre contact avec le Chef de Colonne à Mi Nord.
Planeur N° 8 :
Feldwebel Unger - Section 8. Neutraliser Cp Nord, détruire son débouché d'infanterie, détruire la baraque proche de Cp 120 et attaquer Vi 1.
Planeur N° 9 :
Feldwebel Neuhaus - Section 9. Neutraliser Mi Sud et se regrouper à Mi Nord.
Planeur N° 10 :
Feldwebel Hubel - Section 10. Etre en réserve au PC, mettre la radio en service.
En l’absence de la 2e section, n° 10 attaque d’initiative Cp 120.
Planeur N° 11 :
Oberstleutnant Witzig et Feldwebel Maier – Section 11. Etre en réserve à la pointe Nord en attendant la prise de Mi Nord. Si nécessaire, reprendre les missions 4 à 9. En cas d'incident, sauf à MA 1 et 2 et Mi Sud, les hommes non engagés se replient vers le Nord pour se mettre à l'abri.
Suite à un incident de vol, le planeur ne se posera sur le fort que vers 08.00 Hr.
La situation chronologique
A 00.32 Hr, l’officier de garde du fort reçoit un message d'alerte. Malgré des signes évidents annonçant une offensive allemande imminente. Le scepticisme est de mise : s’agit-il encore d’un exercice ? L es sirènes du fort sont actionnées et le personnel logeant hors du fort est rappelé par téléphone. Le major Jottrand arriva assez vite à son poste mais par manque d’informations probantes, il ne déclenche pas immédiatement les mesures destinées à placer le fort en position défensive maximum (faire sauter le pont de Kanne et le pont et l’écluse de Lanaye et faire poser les chevaux de frise et les tétraèdres en acier destinés à bloquer l’approche du fort).
A 00.35 Hr, les ouvrages sont occupés avant que le personnel de Mi Nord et Sud, Ma 1 et 2, Cp Nord et Vi 1 soit réquisitionné pour le déménagement des bâtiments extérieurs du fort. Cp Sud est théoriquement prête pour le tir.
A 02.30 Hr, le major Jottrand ordonne avec retard de donner l’alerte aux permissionnaires de Mi Nord et Sud et à la population en faisant toner 20 coups de canon. Cp Nord n’étant pas occupée, Cp Sud est finalement chargée d'exécuter l'ordre qu’elle ne réalisa vers 03.00 Hr qu’après avoir remédié à des ennuis de percussion de ses canons.
A 03.00 Hr, le major Jottrand donne l’ordre de destruction des ponts et l’isolement du fort.
Vers 04.10 Hr, le major Jottrand aperçoit des planeurs en vol et ordonne aux hommes de rejoindre leur poste et à Mi Avi d’ouvrir le feu. Sans recevoir l’ordre, Mi Avi tire d’initiative en direction des planeurs en ne causant que des dégâts mineurs.
A 04.30 Hr, les troupes allemandes franchissent la frontière néerlandaise avant de se diriger vers Maastricht et les ponts de la Meuse et du canal Albert.
A 04.35 Hr, les Stuka (et/ou Hs 126) bombardent les ouvrages non signalés comme neutralisés.
Les actions
Mi CA (29) - Guidé par les balles traçantes, le planeur de la section 5 du Feldwebel Haug se pose au plus près de son objectif au point de renverser une mitrailleuse et de s’enchevêtrer dans la position. Une mitrailleuse tirant sur les Allemands fut rapidement réduite au silence. Les premiers prisonniers belges de la 2e guerre mondiale, dont l’adjudant Longdoz et le maréchal des logis Antoine, sont capturés. La section attaque la cloche d’observation du boc 5 avant de se joindre à la section 8 du Feldwebel Meyer occupée à l’attaque du hangar.
Hangar (25) - La section 8 du Feldwebel Unger attaque les occupants du bâtiment qui tire sur tout ce qui bouge malgré le feu d’une MG 34. Rapidement, une partie de la section 8 prête main forte mais son chef, le Feldwebel Haug est abattu. Une charge de 2,5 Kg déposée contre la porte du hangar met ses occupants hors état de combattre. Deux sont tués. Les combattants belges étaient parfaitement commandés, savaient se défendre et étaient très dangereux pour les Allemands mais ils n’ont pu résister contre l’efficacité et la détermination de ces derniers.
Bloc 5 (30) - La section 5 fait exploser une charge creuse sur la cloche d’observation. Seul l’artilleur Simon est gravement blessé alors que les autres occupants du bloc sont rendus sourds mais poursuivent l’occupation de leur poste.
Cp Nord (31) - Peu après l’atterrissage des planeurs, quelques hommes viennent d’occuper la chambre des canons lorsqu’ils sont rejoints par le maréchal des logis Joris qui soulève la coupole et voit par la lunette de visée des planeurs et des Allemands se déplacer sur le massif. Le PC est averti.
A 04.30 Hr, une première explosion ébranle la porte du débouché d'infanterie sans créer de gros dégâts. Le PC ordonne le tir de boîtes à balles mais il n’y en a pas dans la chambre de tir. Au niveau intermédiaire, les portes du magasin sont forcées, les caisses sont ouvertes et placée sur le monte-charge qui bloque. Les munitions sont péniblement montées à bras d'hommes. Un canon est chargé lorsque la porte du débouché d’infanterie est pulvérisée, blessant et tuant des hommes. Trois autres explosions dont une perce la calotte neutralisent la coupole à 04.45 Hr.
Cp Sud (23) - La coupole est rapidement attaquée. Les Allemands font sauter une charge creuse de 50 Kg sur la calotte de la tourelle éclipsée sans la percer. Un des canons défectueux est rapidement remis en état. Cp Sud se met alors à tirer des boîtes à balles en direction du massif du fort et les Allemands ne purent plus l’approcher. Cp Sud tirera jusqu'à la reddition du fort.
Bloc 4 (30) - En ayant terminé avec Mi CA, le gros de la section 5 du Feldwebel Haug, détruit ensuite la cloche d'observation du Bloc 4 au moyen d’une charge explosive tuant son personnel. Les Allemands se retirent et se joignent à la section 1. Les occupants du bloc gagnent le niveau inférieur de leur fortification et restent à leur poste.
Vi 1 (26) - A 04.35 Hr, alors que les 3 canons tirent en direction du massif, de violentes explosions déclenchées par la section 10 du Feldwebel Hubel secouent la casemate. Le personnel se réfugie à l'étage intermédiaire pour remonter 10' plus tard. Le canon droit est hors d’usage. Les 2 canons intacts reprennent le tir sur ordre sans s’en prendre aux Allemands circulant sur le massif dans le rayon d'action de la casemate . A 05.40 Hr, le Commandant du fort signale à la PFL la perte de Vi 1. Pourtant, peu après 08.00 Hr, la casemate vide est réoccupée et les 2 canons valides reprennent le tir. A 10.30 Hr, le tir est interrompu pour permettre une contre-attaque d'infanterie.A 11.00 hr, les Allemands mettent hors service les canons restant au moyen de charges d’1 Kg glissées dans les tubes.
Vi 2 (9) - Se trouvant au sud du fort et ses canons donnant dans cette direction, la casemate n’inquiète pas les Allemands et ne sera pas attaquées.
Ma 1 (3) – La casemate n’était occupée que par 7 hommes silencieux lorsqu’une charge creuse de 12,5 Kg déposée par la section 3 du Feldwebel Arent détruit l'embrasure d’un canon de 75 et projette ce dernier contre le mur opposé de la chambre de tir écrasant un homme et en blessant plusieurs pour ensuite dégringoler l’escalier reliant les deux niveaux de la casemate. La casemate est alors évacuée. Les Allemands tirent dans la casemate au Lüger et au MP38 avant d’investir les lieux. Arent entendant des bruits venant de la cage de liaison y lance une charge de 2 Kg dont le souffle projette les Allemands en tous sens. La contre-offensive des artilleurs est stoppée. Deux autres explosions rendent inutilisables les 2 autres canons et à 04.30 Hr, MA 1 est hors d’usage.
Suite à des attaques de Stuka, Arent, sa section et ses prisonniers se maintiennent dans la casemate. Arent et 2 de ses hommes inspectent alors le niveau inférieur de la casemate et descendent jusqu’au niveau intermédiaire où ils trouvent les 2 portes blindés fermées. Dans la soirée, Arent et un de ses hommes redescendent au niveau intermédiaire et pose une charge creuse de 50 Kg contre une des portes blindées. L’explosion de la charge projette une porte imparfaitement bloquée contre le mur du couloir. Le souffle projeta violement une barricade de sacs de sable et les hommes de garde contre mur. Le monte-charges et la cage d’escalier menant à Ma 1 sont détruits et interdisent définitivement tout passage.
Assault sur Masstrich 2 |
Ma 2 (1) - Directement après l’atterrissage assez rude de son planeur, la section 1 du Feldwebel Niedemayer détruit une embrasure à l’aide d’une charge de 12,5 Kg. Son canon projeté dans la chambre de tir bloque la porte du local TS où deux hommes restent prisonniers pendant 24 heures. La cloche observatoire d’artillerie Eb 3 ne peut être percée par l’explosion d'une charge creuse. Les grenades jetées dans les tuyaux d'évacuation d'air créent la panique parmi les hommes. Les dégâts humains sont très importants : 4 tués dont le Sergent Marchoul et seulement 3 homme indemnes sur un effectif de 24 présents. La chambre de tir est à peine évacuée que 2 nouvelles explosions ébranlent la casemate. A 04.40 Hr, après inspection des lieux et une courte poursuite des artilleurs avec tirs, les Allemands abandonnent MA 2 inutilisable. L’effectif valide de la casemate bloque ses deux portes blindées du niveau intermédiaire.
Mi Nord (19) - Le planeur 4 du Feldwebel Wenzel atterrit à environ 80 m de Mi Nord. Malgré l’ordre donné à l’effectif de la coupole de déménager les baraquements, quelques hommes occupent toujours leur poste. De la coupole d'observation d’artillerie Eb 2, un de ces hommes voit un soldat allemand s'approcher de la casemate. Ordre est donné de faire feu avec les mitrailleuses. Au même moment une charge creuse de 50 Kg explose au-dessus d’Eb 2 et l'embrasure de la Mi gauche de la face sud vole en éclat sous l’effet d’une charge de 12,5 Kg.
Les Allemands tirent à la mitraillette par l’ouverture de la lunette de visée des mitrailleuses. Plus tard, l'ouverture à l’embrasure est élargie par une charge de 50 Kg. Le souffle de l'explosion arrache les mitrailleuses et détruit le phare. L’air est irrespirable et la casemate est évacuée. Le chef de la casemate et le personnel absent rentrant de l'extérieur évacue les blessés. Mi Nord n’a pu tirer par manque de personnel et de munitions.
Mi Nord devient jusqu'à la reddition, le PC des Fallschirmjäger. Pour éviter toute attaque venant du niveau intermédiaire, les escaliers et le monte-charge double du puits de Mi Nord sont détruits au moyen de charges explosives.
Mi Sud (13) - Les occupants, bien qu’étant à leur poste à 03.12 Hr, sont mobilisés pour déménager les locaux extérieurs. Le planeur de la section 9 du Feldwebel Neuhaus atterrit près de la casemate. Sous le feu d’autres positions du fort, la section se fraye difficilement un chemin dans les barbelés en profitant des angles morts. Mi Sud venant d’être réoccupée, la mitrailleuse de la face sud ouvre le feu. Son embrasure étant arrosée au lance-flammes, la mitrailleuse cesse de tirer. Une charge creuse de 12,5 Kg est alors déposée dans l’embrasure mais les occupants de la casemate parviennent à la repousser avant l’explosion. Les Allemands utilisent alors simultanément les gros moyens : 2 charges creuses de 12, 5 Kg et 3 de 50. L’embrasure sud et la cloche d'observation sont détruites. A 04.25 Hr, une autre charge creuse de 50 Kg détruit la porte de la sortie d’infanterie facilitant l’accès à la casemate. Les occupants très secoués se replient vers le niveau intermédiaire et abandonnent définitivement la casemate. Une partie de la section 9 l’occupe et l’autre couvre les sections nettoyant le nord du fort. Witzig est informé de la neutralisation de Mi Sud et de son occupation.
Cp 120 (24) - A 04.15 Hr, par le trou de la lunette de visée (3), le maréchal des logis Cremers voit les planeurs et les déplacements des Allemands sur le massif. Bien que prévenu, le PC ne donne l’ordre de tir qu’à 04.30 Hr mais le monte-charge ne fonctionne pas, les poignées des pinces utilisées pour l’ouverture des caisses à munitions sont introuvables et le mécanisme des contrepoids des canons ne peut être actionné. La rotation de la coupole fonctionne et permet une observation limitée au chef de coupole par l’orifice du télescope de visée. Cette ouverture permet au chef de coupole de tirer des Allemands au fusil. A 04.35 Hr, une violente explosion secoue la tourelle et des flammes sortent des culasses restées ouvertes. Une charge creuse de 50 Kg déposée d’initiative par Lange, pilote du planeur 5, vient d’exploser sur la calotte s ans la percer et provoque l’évacuation rapide de la coupole. Suit une seconde explosion et ensuite le calme. La coupole est réoccupée et les hommes poursuivent les réparations aux pièces et les tirs avec un fusil. Grechza de la section 5 en état d’ébriété chevauche un canon de Cp 120 en chahutant. Il est vite remis à la raison par le Feldwebel Wenzel. Ce dernier déposa des charges de 2 Kg dans les tubes. Les explosions causent des pertes et des dégâts. Les hommes se replient à nouveau vers le niveau intermédiaire et ferment les portes blindées de Cp 120, placent les poutrelles d’acier et les sacs de sable. L’électricité rétablie permet l’éclairage et de régénérer l’air. La coupole est réoccupée. Nouveaux tirs au fusil suivis de la mise en rotation continue de la coupole. Vers 08.00 Hr, la pièce droite est remise en état de tir. Elle est chargée et l’ordre de tir est demandé. Il ne vient pas et à 09.30 Hr la pièce est finalement déchargée. Plusieurs explosions se succèdent mettant la coupole hors d’état. Les canons ne peuvent plus être réparés. Les occupants de la coupole ne peuvent qu’observer le massif. Un nouveau coup de fusil tue un Allemands trop proche de la coupole. Plus tard, une charge explose au niveau de l’ouverture du télescope provoquant de nouveaux dégâts humains et matériels. La coupole sans utilité est abandonnée.
La coupole n’a tiré aucun coup de canon mais a reçu plus de 70 bombes mais sa calotte et son avant-cuirasse sont intacts. La coupole a résisté à toutes les charges allemandes.
Fausses coupoles 120 nord (14 et 16) - Ces deux positions des plus puissantes pour les Allemands ne sont que des leurres. Les sections des Feldwebel Harlos et Heinemann progressent vers leur objectif en utilisant des Bangalore pour ouvrir un cheminement au travers des barbelés. Après destruction des fausses coupoles, les Fallschirmjäger se rendent compte qu’ils ont été floués.
Fausse coupole 120 est (32) – Les Allemands ayant éventé l’usage d’un leurre, elle n’a pas été attaquée. La fausse coupole intacte se trouve maintenant près de l’entrée du fort.
Cheminée d’aération - Une charge de 5 Kg déposée par la section 3 endommage la cheminée vers 04.45 Hr. Elle sera ensuite touchée par 2 bombes Elle ne subit que peu de dégâts.
La suite de l’opération
A 04.35 Hr, le fort se trouve mal en point et, sur la superstructure, seules Cp Sud et Visé 2 restent en service. Les Allemands se replient à Mi Nord tandis que les Stuka bombardent essentiellement le Bloc 1. Les ouvrages hors d’usage sont signalés par le déploiement d’un drapeau nazi ne sont pas bombardés. A 05.00 Hr, les baraquements et le bungalow proches du bloc 1 sont incendiés.
Vers 06.00 Hr, les Allemands font sauter la cloche d’observation du Bloc 2 afin de faciliter l’arrivée de la relève.
Vers 08.00 Hr, le planeur de l’Oberstleunant Witzig se pose sur le fort.
Durant toute la journée, des soldats de la garnison effectuent sans succès plusieurs sorties pour essayer de reprendre le massif. Witzig pressentant des contre-attaques avait ordonné des patrouilles dans les bois, fait remettre en batterie une mitrailleuse de Mi Sud et demandé l'appui de Stuka.
A 19.50 Hr, le Bloc 2 est hors d’usage ouvrant le passage vers la plaine du fort.
Vers 20.00 Hr, le peloton du 2e Grenadiers du lieutenant Wageman venu pour attaquer les Allemands et presque à court de munitions se voit interdire l’entrée du fort par le major Jottrand, à l’exception des blessés. Le peloton épuisé rejoint son bataillon vers 21.00 Hr.
La relève n’arrivant pas et ses troupes étant sans eau et sans nourriture, l’Oberstleunant Witzig envisage d’évacuer le fort mais le Feldwebel Wentzel l’en dissuade.
Un message signalant la situation et l’occupation de la pointe nord est intercepté par l’écoute belge. Les forts de Barchon et de Pontisse ainsi que Cp Sud bombardent la pointe nord. Les Allemands se réfugient à l’abri dans les casemates.
A la faveur de la nuit, les pionniers allemands réussissent la traversée du canal Albert et à 05.00 Hr, ils réalisent avec 17 heures de retard la jonction avec le groupe de l’Oberstleutnant Witzig. Les pionniers terminent les destructions commencées par les Fallschirmjäger et la situation tourne rapidement à leur avantage.
La reddition
Le conseil de défense du fort réuni à 10.00 Hr par le major Jottrand se prononce pour la reddition mais ce dernier veut connaître l’avis de la garnison rassemblée dans la grande galerie entre le Bloc 1 et la caserne souterraine. Le Major explique la situation et signale que des Allemands tiennent le fort et probablement la zone des ventilateurs au niveau intermédiaire d’où ils peuvent lancer des grenades vers le niveau 0. Chahut ! Certains hommes veulent la reddition, d’autres veulent attaquer. Le major retourne à son bureau et rédige l’acte de reddition.
Le capitaine Vanecq, accompagné d'un clairon et d'un soldat porteur du drapeau blanc, se charge de négocier la reddition de la garnison.
A 11.27 Hr, la garnison se rend après avoir saboté l’armement et une partie de la machinerie. Ensuite, après avoir été rejointe par les combattants de Cu Sud, elle abandonne le fort et part en captivité.
Les Belges comptent dans leur rang 23 tués et 59 blessés et les Allemands 6 tués et 20 blessés.
Conclusion
Impressionnant, le fort l’est toujours. Invulnérable, il ne l’était pas. En 15 minutes, une attaque aéroportée comptant moins de 100 hommes l’a mis à genou en le privant de 80% de son potentiel de surface. Les derniers 20% donnèrent énormément de fil à retordre aux attaquants jusqu’à la reddition.
Le drame du fort est autant du à l’application de techniques d’attaque inédites pourtant prévisibles qu’à des causes humaines propres à la garnison du fort taxée d’un certain manque d’aptitude au commandement et d’initiative des échelons supérieurs ainsi qu’au manque de discipline d’une partie de la troupe.
De plus, à l’exception de quelques barbelés, de la Cp 120, du hangar et des buts du terrain de football, aucun obstacle n’empêchait l’atterrissage d’avions, de planeurs et de parachutistes.
L’histoire ne doit pas oublier que de nombreux soldats de la garnison ont fait preuve d'acharnement, de courage et d’initiative au combat. De nombreux hommes se sont comportés en héros alors qu’ils savaient leur cause perdue.
NB : Toute erreur constatée peut être signalée pour améliorer le présent article. Malgré sa longueur, nous savons notre article incomplet. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez consulter les livres :
- « CHAMPS DE BATAILLE DE LA BELGIQUE 3 – FORT EBEN-EMAEL – MAI 1940 » de T. Saunders – Editions De Krijger, Dorpstraat 144, B-9420 Erpe - de.krijger@priximedia.be
- « LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE – LES NOUVEAUX FORTS » de E. Coenen et F. Vernier – Editions De Krijger.
Visites du fort : Consulter le site «www.fortissimus.be» ou contacter par mail « info@fortissimus.be ».
Remerciements : Ils s’adressent à André Dalemans, guide de la fortification, pour la patience dont il a fait preuve lors de mes visites. Sa documentation m’a permis de compléter la plupart des plans.
Photoscope - © JMBrams - 04-03-2009, 22-03-2009, 27-03-2010, 29-05-2010 et 28-08-2011.
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(1) Les charges creuses utilisées par l’armée allemande étaient loin d’être au point. Toutefois la charge creuse de
50 Kg (livrée en 2 parties) perçait 25 cm d’acier ou 35 cm de béton. Celle de 12,5 Kg perçait 15 cm d’acier. Le
détonateur possédait un retard de 10 secondes.
(2) Cp pour Coupole de tir - Vi pour Visé - Ma pour Maastricht - Mi pour Mitrailleuses – Eb pour Eben (nom des 3
cloches d’observation avec périscope) – CA pour Contre Avions.
(3) Cp 120 et les cloches d’observation d’artillerie Eb 1, 2 et 3 n’avaient pas reçu leur périscope.