Article fait par :Claude Balmefrezol
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Gloire et Empire n° 75 Novembre Décembre 2017
Le 24 juin 1812, alors que la Grande Armée commence à traverser le Niémen, Napoléon fait appeler le duc de Vicence, son grand écuyer qui avait été son ambassadeur à Saint-Pétersbourg jusqu'en mai de l'année précédente, et lui pose "plusieurs questions sur la Russie, sur la manière de vivre des habitants, sur les ressources qu'offrent les villes et villages, sur l'état des routes. Il me demanda si le paysan avait de l'énergie, s'ils étaient gens à s'armer comme les Espagnols et à former des bandes, enfin si je croyais que l'armée se fût retirée et lui livrât Vilna sans donner une bataille. Il parut la désirer beaucoup."
Les réponses à ces questions viennent très vite, au fur et à mesure de l'avancée de l'armée française. Début août, "dix jours après l'arrivée à Vitebsk, il fallait déjà envoyer chercher la subsistance des chevaux jusqu'à dix et douze lieues. Partout, les habitants qui n'avaient pas fui étaient en armes ; on ne trouvait, par conséquent, aucun moyen de transport. On exténuait, pour aller chercher des vivres, des chevaux qui avaient besoin de repos et on les exposait, ainsi que les hommes, à être pris par les cosaques ou massacrés par les paysans, ce qui arrivait souvent."
Au grand dépit de l'Empereur qui a conçu la plus puissante des armées qu'il avait jamais commandées pour remporter des batailles régulières, l'ennemi se dérobe et ne se montre que rarement. A la place de l'armée russe qui continue de se replier, la Grande Armée est harcelée par des patrouilles isolées, souples et mobiles, qui ne s'en prennent qu'à des convois ou des détachements séparés du gros des forces, compliquent ses communications et son ravitaillement, espionnent et renseignent l'état-major russe. Puis, progressivement, ce que craignait Napoléon devient une réalité : les paysans eux-mêmes, encouragés par les partisans qui les encadrent, prennent les armes contre l'envahisseur qui avance désormais sur une terre où tout lui est hostile.
Bien vite, pour les Français et leurs alliés, cet ennemi multiforme et furtif devient le "cosaque" que dénoncent tous les récits de la campagne. Mais, si les mémoires des combattants donnent beaucoup de détails sur les faits d'armes et les combats, on sait fort peu de choses sur cet aspect déterminant de l'expédition de Russie. C'est ce que nous avons voulu présenter dans ce numéro de Gloire & Empire qui est consacré non pas aux batailles de 1812 mais à la "petite guerre" menée avec efficacité par les partisans, les milices et, plus globalement, les paysans russes. Cette guerre populaire a largement contribué à l'9émergence de la nation russe qui, pour cette raison, continue encore aujourd'hui à commémorer cette guerre patriotique.
Nous espérons que vous aurez plaisir à partager avec nous ces récits surprenants, souvent inédits en France, qui traitent d'un aspect largement méconnu de la campagne de Russie.