Article fait par :Claude Balmefrezol
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Ravenne 11/04/1512
La bataille de Ravenne fut l'un des épisodes guerriers les plus importants des guerres d'Italie et eut lieu le dimanche de Pâques 11 avril 1512 entre les Français, commandés par Gaston de Foix, et les troupes de la Sainte Ligue, dirigées par le vice-roi de Naples, Raimondo de Cardona.
Avec celle de Marignan, ce fut la plus grande bataille des guerres d'Italie : tous les chefs les plus célèbres de l'époque y participèrent, dont Antonio di Leyva, Fabrizio I Colonna, Fernando d'Avalos Marquis de Pescara, Ettore Fieramosca, Romanello da Forlì , Giovanni Capoccio, Raffaele de Pazzi, Francisco de Carvajal, Fanfulla da Lodi dans l'armée de la Sainte Ligue ; Charles III de Bourbon, Teodoro Trivulzio, Bayard, Odet de Foix, Francois II Mantoue, Jacques de La Palice, Yves d'Alegre, Alfonso I d'Este, Gaston de Foix côté français.
France | Duché de Ferrare | Papauté | Royaume Espagne | Republique Venise | Cantons Suisses | Royaume Angleterre |
Origines
La tentative de Jules II de récupérer les territoires romagnols occupés par la République de Venise après la mort d'Alexandre VI le conduit à faire la guerre au Doge Leonardo Loredano en formant la Ligue de Cambrai avec l'Empereur Maximilien de Habsbourg, Ferdinand le Catholique, Louis XII, Mantoue, Ferrare et la Savoie, alliés tous contre la Sérénissime.
Francesco Maria della Rovere, duc d'Urbino et petit-fils de Jules II, se mit à la tête de l'armée en chassant les Vénitiens avec un grand soutien français.
La victoire est actée lors de la bataille d'Agnadello, petite ville de la province de Crémone où, le 14 mai 1509, l'armée de Louis XII bat les Vénitiens.
Niccolò Orsini, comte de Pitigliano, capitaine général des milices, et Bartolomeo d'Alviano, gouverneur d'armes, ne pouvaient rien contre les Français ; On comptet environ 14 000 morts et parmi les prisonniers il y avait aussi Bartolomeo d'Alviano qui est resté prisonnier en France pendant quatre ans.
Les Français sont les maîtres de Bergame, Brescia et Crémone. Mais rapidement Jules II qui prend conscience des ambitions sournoises de Louis XII de contrôler toute la péninsule, rompt l'alliance et tente de se rapprocher de Venise faisant une alliance avec Venise et l’Espagne au sein de la Lega santa
A la tete de son armée le pontife défiant les neiges un des plus rudes hivers, part au combat et capture Mirandole, apres avoir fait ouvrir une brèche dans les murailles par ses canons.
Par contre Bologne, cependant, s'est rebellée contre sa domination et a réussi à gagner les armées à Casalecchio.
Dans le même temps Gaston de Foix, duc de Nemours, neveu du roi de France et de la reine d'Espagne, parvient à garder le contrôle des villes romagnoles en retenant les Espagnols.
Le 5 février, Gaston de Foix entre dans Bologne, le 8 il bat les Vénitiens à la tour Magnanino sur l'Adige, le 19 il réoccupe Brescia et commence à chasser les Espagnols de Raimondo di Cardona, général de grande renommée et vice-roi de Naples, qui se retiraient vers Ravenne, défendue par le fidèle Marcantonio Colonna.
Gaston de Foix continue sa marche via Bubano, Cotignola et Russi à la suite des Espagnols qui sont passés par 'Imola, Castelbolognese et Faenza, évitant ainsi la confrontation ouverte.
Le duc de Nemours alors, pour les inciter au combat, songe alors d’assiéger Ravenne, en route il pille Russi et établit son camp entre Montone et Ronco en face de Ravenne qu’il fait bombarder par son artillerie. Il réussit bientôt à y ouvrir une brèche mais son assaut fut repoussé par Marcantonio Colonna.
Pendant ce temps, la nouvelle du siège parvint à Cardona qui leva le camp et s'approcha de la ville, s'arrêtant à un endroit appelé Mulinacelo, à trois milles de Ravenne, ordonnant à ses hommes de se retrancher et de déployer l'artillerie.
Le long du bord des douves, Pietro Navarro avait disposé des charrettes surmontées de piques fourches et de fauconneaux afin de neutraliser la charge de la cavalerie française, selon l'expérience acquise par les tercios del Gran Capitan qui avaient conquis le royaume de Naples dix-huit ans plus tôt.
Bleu France /2 cavalerie/4 Infanterie Vert Ferrare Jaune Noir lansquenets Jaune Rouge Espagne/2 cavalerie/4 Infanterie Jaune Blanc Papaute /2 cavalerie/4 Infanterie |
Gaston de Foix,qui voit le danger d'être pris entre les batteries de la ville de Ravenne et celles de l'armée espagnole, veut attaquer le camp ennemi.
Dans la nuit, il jeta un pont sur le Ronco et le traversa. Son armée se composait de 18 000 fantassins, dont des Allemands, des Gascons, des Italiens et des Français, en plus des deux cents chevaliers et de l'artillerie d'Alphonse d'Este, III duc de Ferrare.
La Sainte Ligue commandait par Cardona, pouvait aligner 7000 fantassins espagnols, 3000 arquebusiers italiens, 1400 hommes d'armes et 1000 chevaliers plus des contingents vénitiens si bien que toute l'armée de la ligue comptait environ 15 000 combattants.
lieux actuellements |
Le duc de Nemours plaça ses troupes en demi-cercle. L'aile droite, 700 cavaliers avec artillerie, était conduite par le duc de Ferrare ; au centre se trouvaient l'infanterie sous les ordres de Navarro; à gauche 5 000 Italiens commandés par Federico da Bozzolo, soutenus par 3 000 autres cavaliers ; l'arrière-garde était composée de 600 lances commandées par Yves d'Alegre et le cardinal Sansaverino. Au centre on trouve Fabrizio Colonna avec 800 Italiens et 3000 arquebusiers à sa gauche,Cardona, le cardinal Giovanni de 'Medici et Navarro avec le gros des soldats espagnols et italiens, à l'arrière il y avait le marquis de Pescara, Fernando Francesco d'Avalos .
Au total, 20 canons et environ 200 grosses arquebuses défendaient ce dispositif, flanqué d'escadrons d'infanterie et d'archers commandés par Cristobal de Zamudio.
Ce en ce jour de Pâques 1512, que l'affrontement a lieu. Les Français avancèrent sur l'ennemi en franchissant les fossés mais se heurtent à la puissance du feu de l‘artillerie Espagnole
Les Espagnols ont pour l'instant arretés les français mais ils doivent refaire parler l artillerie pour arreter un nouvel assaut français,
Le duc de Ferrare déplace alors son artillerie vers la gauche pour prendre les Espagnols à revers obligeant ceux ci à s'abriter en se couchant dans les fossés. Pour échapper au carnage de l'artillerie française, la cavalerie de Fabrizio Colonna
chargea, mais Yves d'Alegre intervint victorireusement avec ses hommes et il fait prisonnier Colonna
Entre-temps toute la ligne de front s’est enflammée et les Espagnols reculent Raimondo di Cardona, escorté par la cavalerie d'Antonio di Leyva, quitte le terrain; Cristobal de Zamudio tombe transpercé par une lance Giovanni de Médicis, Pietro Navarro et le marquis de Pescara ont également été capturés,
Mais, juste au moment où tout semblait réglé, les troupes espagnoles accroupies dans les douves où elles s’étaient réfugiées se sont levées et avancent en groupe compact et regagnent le terrain perdu allant même à résister à une charge de la cavalerie française lui infligeant de lourdes pertes.
La victoire française était de toute façon acquise mais cette infanterie espagnole restée invaincue sur le terrain déplait à Gaston de Foix qui se s’en débarrasser Il lance donc un un second assaut de cavalerie mais ce choix lui fut fatal car un coup de pique le blessa mortellement et son corps fut retrouvé plus tard avec plus d'une centaine de blessures. Son cousin Odet de Foix, comte de Lautrec, qui était à ses côtés, est vivant malgré vingt coups de lance et de poignard sur son corps.
l'infanterie espagnole qui se retire en bon ordre ou, selon l'ambassadeur florentin Francesco Pandolfini, au milieu des combats, dans une tentative d'encourager l'infanterie gasconne à combattre l'infanterie espagnole. Marco Antonio Colonna, quant à lui, ayant perdu tout espoir de pouvoir défendre Ravenne des Français, se retire dans la citadelle tandis que les citoyens de Ravenne se hâtent d'envoyer leurs ambassadeurs aux vainqueurs, qui punissent néanmoins la ville en la saccageant.
En effet même avec la mort de leur commandant, l'armée franco-ferrarese avait gagné la bataille. Le prix de la victoire avait été très élevé : on considère environ un tiers des pertes sur le nombre total de soldats tués ou blésses alors que la Sainte Ligue aurait perdu les deux tiers de ses effectifs. Il est difficile de donner le nombre exact de victimes, mais il s'agissait de milliers de morts pour les deux armées. Pour la ville de Ravenne, cependant, le cauchemar était encore à venir.
En raison du prix élevé payé sur le champ de bataille, l'armée française et le grand nombre de mercenaires qui l'accompagnent n'épargnent pas la population de Ravenne. Le pillage commence le matin du 12 avril et se poursuit pendant plusieurs jours. Les soldats ont commis toutes sortes de violences lors du sac de la ville et toute tentative de résistance a été étouffée dans l'œuf. Les premiers à entrer dans la ville furent les Gascons qui y pénétrèrent sous prétexte de devoir faire des achats Les citoyens de Ravenne, rassurés par l'accord, ne s'y sont pas opposés. En quelques heures, un flot d'infanterie et de chevaliers pénétra dans Ravenne, encore chaud et nerveux de la bataille, criant les noms de Gaston de Foix et Yves d'Alegre.La ville est saccagée, comme l'avait promis Foix avant la bataille. Les bataillons ont essaimé sans arrêt dans les rues de la ville car la plupart de leurs capitaines étaient morts et il n'y avait personne pour freiner leur cupidité. Les églises et les basiliques ont été pillées, l'argent, l'or et les vêtements sacrés ont été volés ; les abbés et les moines furent passés au fil du fer, les religieuses violées ; les maisons et les magasins détruits, à la fin il y eut plus de deux mille morts.
Le commandant Marcantonio Colonna a gardé le dernier rempart défensif de la ville à l'intérieur de la Rocca Brancaleone, jusqu'à ce que celle-ci soit également conquise par les troupes ennemies.
La victoire revient aux Français mais les très lourdes pertes subies les empêchent de poursuivre la campagne
La Pallice prit le commandement de l'armée française, mais les lourdes pertes subies dans la bataille ne permettaient pas au général de poursuivre l'avancée vers Rome, de plus Jules II avait exhorté le cardinal Schiner à se rendre en Lombardie à la tête de dix-sept mille hommes.
Les Suisses trouvèrent la région totalement sans surveillance et purent facilement occuper les places fortes françaises, allant jusqu'aux territoires piémontais. L'armée française a été rappelée dans le nord, mais son potentiel de guerre était désormais gravement affecté. À la fin du mois de juin de l'année 1512, les Suisses ont chassés les français de la Lombardie. L ‘armée française sera battue à la bataille d'Ariotta, l'année suivante, ils se retirent de la péninsule.
Les Français ont techniquement gagné la bataille, mais ont perdu la guerre. En effet les victoires de Foix à Bologne, Brescia et Ravenne n'avaient pas résolu la guerre : au contraire, la situation s'était aggravée au point qu'en quelques semaines les Français devaient quitter la Lombardie.
Le cercueil de Gaston de Foix est amené à Milan en passant par Bologne. Un cortège d'une centaine de chevaliers français vêtus de noir le suivait, d'autres chevaliers suivaient, portant les bannières vaincues à l'ennemi. Le corps a été enterré dans la cathédrale de Milan. En 1515, commence les travaux sur le tombeau monumental qui restera inachevé
La dalle et le gisant qui reproduit les traits du jeune homme sont conservés au Castello Sforzesco de Milan.
Cette bataille fut sanglante Tous les témoignages insistent sur la violence des combats et sur l ‘effet terrible de l’artillerie L'usage des canons a bouleversé cette théorie et surtout bouleversé les relations éthiques qui étaient à la base de la cavalerie. Le canon écrase indistinctement chevaliers et fantassins, nobles et roturiers
Il faut savoir que les Espagnols de Pietro Navarro avaient placé leur artillerie sur des chariots, ce qui facilitait les déplacements. mais c'est l'artillerie du duc de Ferrare qui a joué le rôle décisif, obligeant, grâce à un tir "de flanc", Fabrizio Colonna à quitter les abris et à engager le combat, sans l'accord du vice-roi :
A cela il faut aussi prendre en compte la naissance d’une infanterie, capable de résister à des charges de cavalerie
On assiste à la naissance des mythes de l Infanterie Suisse et Espagnole :
Les mercenaires suisses se battent en utilisant une stratégie ancienne, sur le modèle de la phalange macédonienne Les Suisses en ordre de combat se structurent en groupes de 5 000 hommes, que l'on appelle batailles Cette batailles forme une masse compacte hérissée de piques de plus de 5 mètres de long, ce qui rend la formation totalement invulnérable face à un assaut de cavalerie.
Ces batailles sonnent le glas de la chevalerie médiévale, et annoncent l'ère de l’infanterie
Les régiments suisses seront aussi les premiers à marcher accompagnés de musique.
Les Landsknechte allemands vont se structurer de la même méthode, mais en se diversifiant avec l’arrivée des épées à deux mains ainsi qu'en augmentant la proportion d'hommes équipés d'arquebuses puis de mousquets dans leurs rangs.
De leur coté les espagnols vont se baser sur le Tercio qui est une unité administrative et tactique de l'infanterie espagnole de 1534 à 1704, subdivisée à l'origine en dix, puis douze compagnies composées de piquiers, escrimeurs et arquebusiers ou mousquetaires.
Il regroupe 3000 fantassins professionnels par unité, hautement entraînés et disciplinés, les tercios furent réputés invincibles jusqu'à la bataille de Rocroi
Le terme tercio est apparu entre 1534 -1536 pour désigner les trois groupes de capitanías, Lombardie, Naples et Sicile, qui défendent les possessions espagnoles d'Italie