Article fait par :Philippe Angoy
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Beaucoup pensaient que, sous l’impulsion du tribunal de Nuremberg, un tribunal international permanent serait rapidement créé pour juger les criminels de guerre et auteurs d’autres atrocités. La convention de 1948 sur le génocide reflétait ce sentiment, et prévoyait des procès « dans tout tribunal international compétent ». Mais le déclenchement immédiat de la Guerre froide bloqua toute mesure de ce genre durant les quatre décennies qui suivirent.
En mai 1993, en réponse aux preuves écrasantes de la « purification ethnique » et du génocide en cours dans l’ex-Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations unies vota en faveur de la création du premier tribunal international pour crimes de guerre depuis ceux de Nuremberg et de Tokyo. Le Conseil établit le « tribunal international pour la poursuite en justice des personnes responsables des graves violations du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 », avec la conviction que ceci contribuera au rétablissement et au maintien de la paix. Ce tribunal a son siège à La Haye. Il compte onze juges venus de onze pays différents et comprend deux tribunaux de première instance et une cour d’appel.
Le procès de Nuremberg était perçu comme la poursuite en justice des perdants de la Seconde guerre mondiale par les vainqueurs, ce qui n’est pas le cas pour ce tribunal. C’est un tribunal véritablement international : les pays qui fournissent les juges n’ont pas pris part au conflit. En outre, sa mission est d’enquêter sur les crimes de guerre commis par des personnes des deux camps et de poursuivre ces dernières.
Ce tribunal est créé par une résolution du Conseil de sécurité du 25 mai 1993 ; résolution qui n’est que la réaction des instances internationales à ce qui se passe depuis deux ans déjà sur le territoire de l’ex-Yougoslavie : massacres, expulsions, déplacements de population aux fins de purification ethnique, au nom de laquelle les nationalistes serbes tentent, en Croatie puis en Bosnie-Herzégovine (avant les évènements du Kosovo de 1998 et 1999), de faire partir de régions déterminées les habitants non serbes
Dès octobre 1992, le Polonais Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’organisation des Nations Unies, publie un rapport dans lequel il signale « le nettoyage ethnique comme but de guerre ». En mai 1994, le Conseil de Sécurité prend connaissance des conclusions du rapport commandé à une commission d’experts dirigée par l’Egyptien Cherif Bassiouni : « Les actes de nettoyage n’ont pas été commis par des groupes isolés ou des bandes incontrôlées ». Tout « concourt à révéler un dessein, une systématisation ainsi qu’une certaine planification et une coordination de la part des plus hautes autorités (…). Ces actes illégaux sont fréquemment vantés par leurs auteurs comme étant des tâches positives, patriotiques. Ces facteurs, ainsi que d’autres, montrent l’existence d’un élément de direction supérieure ».
Quelques noms de localités symbolisent cette politique délibérée de nettoyage ethnique : Vukovar, Sarajevo, Srebrenica notamment.
Le 18 novembre 1991, la ville croate de Vukovar, en Slavonie orientale, tombe aux mains de l’armée fédérale serbe, appuyée par des milices serbes, après un siège de trois mois. La ville est détruite. On estime le nombre de morts entre 3.000 et 5.000 et celui des disparus à 4.000. L’épisode le plus significatif reste l’exécution de quelque 200 personnes évacuées de l’hôpital municipal dans les environs de la ville.
À Sarajevo, les choses durent plus longtemps : les habitants subissent un siège de trois ans et demi, commencé le 2 mai 1992. Pendant tout ce temps, ils manquent de produits élémentaires et la nourriture ne leur parvient que grâce à un pont aérien humanitaire. En outre, ils sont à la merci des obus serbes qui s’abattent sur les files d’attente devant les magasins ou sur les marchés, et des tirs de snippers qui les guettent à l’occasion de leurs déplacements.
Quant à Srebrenica, c’est une enclave musulmane en Bosnie orientale. Elle tombe aux mains des troupes serbes du général Ratko Mladic le 10 juillet 1995. Immédiatement, une partie de la population s’enfuit en traversant la zone serbe pour gagner la ville de Tuzla. Les hommes sont exécutés systématiquement, les femmes subissent des sévices comme les enfants. Le nombre de victimes pourrait s’élever entre 8.000 et 10.000 personnes. Pour ces faits, Radovan Karadzic et Ratko Mladic sont mis en accusation pour infractions aux conventions de Genève de 1949, violations des lois et coutumes de la guerre, génocide et crimes contre l’Humanité.
Tous ces faits constitutifs de violations graves et répétées des conventions de Genève et des lois humanitaires conduisent le Conseil de sécurité des Nations Unies à prendre la résolution 827 du 25 mai 1993 qui établit un « tribunal international ayant pour seule fonction de poursuivre les personnes responsables de violations graves des lois humanitaires internationales commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ». Cette résolution est prise en application du chapitre VII de la Charte, qui concerne les mesures obligatoires pour les Etats membres que le Conseil de sécurité peut prendre en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.
La crédibilité de ce tribunal pénal international n’est pas immédiate : il apparaît surtout comme une réponse symbolique des membres du Conseil de sécurité face à leur impuissance à mettre un terme aux massacres en Bosnie. Cet aspect symbolique est renforcé par le fait que ce tribunal est le premier depuis Nuremberg. Néanmoins, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie connaît un succès rapide avec l’inculpation de Slobodan Milosevic et de quatre de ses proches en pleine guerre du Kosovo.
Section 1 : Présentation
Tribunal ad hoc (littéralement : pour cela), implanté à La Haye aux Pays-Bas, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie n’a de compétence que pour les infractions graves aux conventions de Genève de 1949 (art. 2), les violations des lois et coutumes de la guerre (art. 3), le génocide (art. 4) et les crimes contre l’humanité (art. 5) commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à compter du 1er janvier 1991.
§ 1 : Les accusés
Leur nombre est si important qu’il ne serait pas opportun de les citer ici. Cependant, à la date de juin 1999, le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) avait mis en accusation 90 personnes citées dans 27 actes d’accusation. Nous nous pencherons sur les personnalités les plus importantes.
Radovan Karadzic (arreté en juillet 2008 NDLR) et Ratko Mladic font l’objet de deux actes d’accusation. Le premier affirme que ces deux personnes, en qualité respectives de président de l’Administration des Serbes de Bosnie et de commandant de l’armée de l’Administration des Serbes de Bosnie, sont responsables d’infractions graves aux conventions de Genève de 1949, de violations des lois et coutumes de la guerre, de génocide et de crime contre l’humanité sur le territoire de Bosnie-Herzégovine à partir de mai 1992. Le deuxième concerne les exécutions sommaires et en masse, les tortures, les viols et autres violations des droits de l’homme commises en juillet 1995 après la chute de Srebrenica.
Slobodan Milosevic, président de la République fédérale de Yougoslavie et commandant suprême des forces armées, est inculpé de violations des lois et coutumes de la guerre, de crimes contre l’humanité incluant l’assassinat, la déportation et les persécutions. Quatre autres responsables de haut niveau font l’objet de la même accusation : Milan Milutinovic, président de la République de Serbie, Nikola Sainovic, Premier ministre adjoint de la République fédérale de Yougoslavie, Dragoljub Ojdanic, chef d’état-major des forces armées de la République fédérale de Yougoslavie, et Vlajko Stojilkovic, ministre de l’Intérieur de la République de Serbie.
Le procès de Slobodan Milosevic( décédé depuis en 2006 NDLR) s’est ouvert devant le T.P.I.Y. le 12 février 2002. Le 25 février 2004 s’est terminé la première phase du procès, avec la présentation par Carla Del Ponte, procureur auprès du TP.I.Y., du dossier de l’accusation. 66 chefs d’accusation sont retenus contre lui pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide en Croatie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo, entre 1991 et 1999.
§ 2 : La procédure
Il serait fastidieux de nous pencher sur l’ensemble de cette procédure, aussi, nous nous contenterons d’en souligner les lignes principales.
La procédure appliquée devant le T.P.I.Y. est un compromis entre la procédure de la common law et la procédure de droit continental. Dans sa volonté de créer une procédure originale dite internationale, le Tribunal a recours aux deux systèmes, en prenant certains principes de l’un et de l’autre système. Il rompt ainsi l’équilibre qui existait dans chacun des deux systèmes entre l’accusation et la défense, entre la justice, l’équité et les droits de l’accusé. Le système de la common law est un système strict, avec des preuves légales et une procédure rigide dont la moindre violation entraîne l’annulation du procès et des charges. La procédure utilisée devant le T.P.I.Y. est beaucoup plus souple : les juges jugent selon l’intime conviction et les violations de procédure n’entraînent pas la nullité. Ceci crée un sentiment d’impuissance de la défense devant un Tribunal qui, à tout moment, peut adapter ses règles aux besoins du moment.
Les juges conservent la prérogative qui leur avait été laissée lors des deux tribunaux militaires internationaux : l’élaboration et la mise à jour du règlement de procédure et de preuve (article 15 du statut du T.P.I.Y.). Cette prérogative est d’ailleurs contestable. Le statut de 34 articles adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies en mai 1993 pose les principes rudimentaires de la compétence, de l’organisation et du fonctionnement du tribunal. Il annonce les règles de fond que le tribunal est censé appliquer. Cependant, l’élaboration des règles de procédures a été laissée aux soins des juges du Tribunal. Ceux-ci ont élaboré un corps de règles, le règlement de procédure et de preuve, qui a été adopté le 11 février 1994. Depuis ce règlement n’a pas cessé de changer. Durant les huit premières années d’existence du Tribunal, le règlement de procédure et de preuve a connu 22 versions. Ces modifications créent une insécurité juridique permanente. De plus, et conformément à l’article 6 du règlement, « tout article du règlement peut être modifié à la demande d’un juge, du Procureur ou du Greffier… ».
De plus, le fait que les juges du Tribunal écrivent eux-mêmes le règlement de procédure et de preuve, avec le pouvoir de le modifier, transforme le tribunal en un organe non plus seulement judiciaire mais également législatif. L’article 15 donne ainsi aux juges le pouvoir d’interpréter des règles qu’ils ont eux-mêmes édictées, sans que soit exercé un contrôle extérieur. Il nous est permis de penser que ceci frôle l’arbitraire, d’autant plus qu’aucun organe n’exerce le contrôle sur le travail juridique et législatif du Tribunal.
Force est de constater que l’égalité des armes est violée dans l’organisation même du Tribunal.
Section 2 : Les limites
§ 1 : L’ambition du T.P.I.Y. : « mimer Nuremberg »
Si la volonté qui a guidé à la création de ce Tribunal pénal international fut celle de continuer l’œuvre entamée lors du procès des grands criminels de guerre à Nuremberg, il faut convenir que le T.P.I.Y. a été bien loin d’égaler son modèle. En fait, il faut distinguer dans le cas de l’ex-Yougoslavie la théorie de la réalité. Une fois de plus, il nous est possible de remarquer l’importance du politique. Ainsi, Boutros Boutros-Ghali, dans son premier rapport sur le Tribunal destiné à l’Assemblée générale de l’O.N.U. et au Conseil de sécurité considère le TP.I.Y. comme « unique dans l’histoire contemporaine », il va même jusqu’à prétendre que ce tribunal est un « organe de l’ensemble de la communauté internationale », contrairement aux tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo qui « ne représentaient qu’une partie de la communauté internationale : les vainqueurs ». Il nous faut cependant remarquer que si les tribunaux militaires internationaux avaient les défauts d’une justice de vainqueurs, ils possédaient néanmoins les moyens militaires et politiques de leurs objectifs : les Alliés contrôlaient le territoire allemand, les chefs nazis étaient en captivité ou en fuite, les preuves des crimes à portée de main. Or, en ex-Yougoslavie, nous pouvons reprendre les mots de Pierre Hazan pour définir la situation : « La communauté internationale se comporte comme un agent de police qui se contenterait de verbaliser l’auteur d’un crime qui se produit sous ses yeux, sans s’être donné les moyens de prévenir et d’empêcher l’acte délictueux ». Et si Nuremberg a été l’expression de la force plus que du droit, nous sommes contraint de remarquer que le T.P.I.Y. a été l’expression d’un droit sans force. Pendant que les gouvernements occidentaux prenaient soin d’invoquer Nuremberg pour démontrer à leur opinion publique en montrant qu’ils ne pactisent pas avec des auteurs de génocide, le « nettoyage ethnique » se poursuit, une nouvelle guerre est sur le point d’éclater en Bosnie, des millions de réfugiés et de personnes sont déplacées dans l’ex-Yougoslavie,… Négocier avec des criminels de guerre en prétendant s’inscrire dans la continuité de Nuremberg relève du paradoxe.
§ 2 : L’influence américaine
En 1993, les Etats-Unis réalisent que l’absence américaine dans la plus grave crise que connaît le Vieux continent peut se révéler dommageable pour leur hégémonie en Europe. Le Tribunal va leur apparaître comme une arme potentielle, comme un outil politique : par le jeu des inculpations, le Tribunal pénal international peut contribuer à écarter des leaders politiques ultranationalistes qui gênent les négociations. Le T.P.I.Y. permet de peser dans les Balkans sans envoyer des troupes. Ainsi, les américains vont mettre à la disposition du Tribunal 22 fonctionnaires de haut vol (analystes militaires du pentagone, spécialistes du renseignement de la C.I.A., juristes,…). Ce personnel – gratuit pour les Nations Unies – va devenir le noyau dur du bureau du procureur, or, dans la procédure accusatoire, le procureur est le moteur du Tribunal puisque les juges sont relégués à une fonction d’arbitrage. De ce fait, le moteur du Tribunal est américain. L’image d’indépendance va néanmoins faire les frais de cet « interventionnisme » américain : le manque absolu de soutien européen, compensé par le zèle des Américains, accrédite l’idée d’un Tribunal sous influence américaine.
§ 3 : L’absence d’exemplarité
Il nous est possible d’émettre des hypothèses pour expliquer cette absence. En premier lieu, on remarque que le T.P.I.Y. travaille dans une indifférence quasi générale, force est de constater que l’auditoire essentiel pour le Tribunal se trouve davantage en Occident qu’en Bosnie ; beaucoup de matériels n’étaient même pas traduit dans les langues locales. Ceci avait été compris par les juges du Tribunal de Jérusalem chargés de juger Eichmann : « Là où il n’y a pas de publicité, il n’y a pas de justice … La publicité est l’âme de la justice ». En ex-Yougoslavie, les juges n’ont pas communiqué sur leur travail, ils n’ont pas cherché à transmettre leur message aux peuples de l’ex-Yougoslavie. En second lieu, on peut penser que ce manque d’exemplarité est également dû à la délocalisation du Tribunal à La Haye, localisation certes symbolique – du fait des conventions règlementant le droit de la guerre qui y ont été signées – mais qui n’a pas contribué à rendre effectif aux yeux des victimes le travail des juges. Enfin, il est certainement possible d’imputer ce manque d’exemplarité à des actes d’inculpation pléthoriques : le T.P.I.Y. s’est livré à une avalanche d’actes d’accusation envers des personnages secondaires (c’est la raison pour laquelle l’énumération des accusés est trop fastidieuse). Or, pendant que le Tribunal « faisait du chiffre », les hauts responsables du « nettoyage ethnique » n’ont pas été jugés.
Nul doute que ces éléments ont contribué à ce que la justice en ex-Yougoslavie passe quasiment inaperçue et, par conséquent, ne joue pas son rôle. Ce Tribunal était tourné vers l’opinion occidentale. La question de l’exemplarité du châtiment n’a préoccupé les juges et le procureur du T.P.I.Y. que d’une manière abstraite et juridique. Lorsque l’on se penche sur ce tribunal, on dénote les effets pervers de la justice hors sol.
Si cinquante années se sont écoulées entre la création du tribunal de Nuremberg et celle du tribunal pour l’ex-Yougoslavie, l’étape suivante a été franchie beaucoup plus vite.
Entre avril et juillet 1994, le Rwanda connaît un génocide d’une rare intensité dont le nombre de morts oscillerait entre 500.000 et un million ; génocide reconnu par les Nations Unies. Il s’agit en fait d’une flambée de haine tribale entre les ethnies hutue et tutsie en conflit depuis des temps lointains mais plus encore depuis l’indépendance. Le Rwanda, pays de l’Afrique de l’Est, a accédé à l’indépendance en 1962. La population rwandaise est composée de deux ethnies principales : les hutus (80 %) et les tutsis (un peu moins de 20 %). Les hutus, d’origine bantoue, agriculteurs, ont occupé la région entre 500 avant Jésus-Christ et la fin du Ier millénaire. Les tutsis, venant du nord-est et proches de certaines tribus éthiopiennes, éleveurs de bétail, sont arrivés ultérieurement entre 1400 et 1700. Les relations entre les membres des deux ethnies n’ont jamais été simples et la compétition pour le pouvoir économique et politique est assez vive.
Le 6 avril 1994, l’avion transportant les Présidents rwandais et burundais est abattu au dessus de Kigali. Prenant prétexte de cet attentat – dont les circonstances exactes et les auteurs sont inconnus –, la garde présidentielle et les milices extrémistes hutues installent immédiatement des barrages dans les rues de la capitale et commencent à s’en prendre aux tutsis et à la minorité hutue modérée. Dans les jours qui suivent, le massacre prend de l’ampleur et s’étend à tout le Rwanda. Ni les hôpitaux, ni les églises ou établissements religieux ne sont respectés. Le lendemain de l’assassinat du président rwandais, dix « casques bleus » belges sont massacrés avec le Premier ministre rwandais dont ils ont la charge d’assurer la protection. Ces évènements déclenchent la reprise de la guerre par le Front patriotique rwandais, mouvement tutsi d’opposition armée.
Le 23 juin 1994, sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, les 2.500 soldats français de l’opération « Turquoise » se déploient au Rwanda. Le 30 juin, la Commission des droits de l’homme de l’ONU publie un rapport affirmant le caractère programmé et systématique du génocide. Le 17 juillet, le génocide prend fin avec la prise par le Front patriotique rwandais de la dernière ville aux mains des forces gouvernementales, Gisenyi. Des témoignages recueillis imputent également aux tutsis des faits de génocide.
S’appuyant sur le rapport des experts de la Commission des droits de l’homme et répondant à la requête du gouvernement du Rwanda, le Conseil de sécurité prend la résolution 955 du 8 novembre 1994 qui établit le Tribunal pénal international pour le Rwanda. De la même manière que pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le conseil agit en application du chapitre VII de la charte des Nations Unies.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda est chargé de juger toute personne présumée responsable d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables des mêmes actes et violations commis sur le territoire d’Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Il siège à Arusha, capitale de la Tanzanie, mais son siège administratif du tribunal se trouve à Kigali, capitale du Rwanda.
La compétence de ce nouveau tribunal pénal international est circonscrite au minimum à la fois dans le temps, dans l’espace et même en matière de nationalité. Le T.P.I.R. est encore plus ad hoc que celui pour l’ex-Yougoslavie. Néanmoins, les deux juridictions sont similaires quant à leur composition et à leur procédure. C’est la raison pour laquelle nous serons volontairement plus succinct dans la présentation du T.P.I.R.
§ 1 : La compétence
Les trois domaines de compétence matérielle du T.P.I.R. dont le siège est à Arusha en Tanzanie sont le génocide (art. 2), les crimes contre l’humanité (art. 3) et les violations de l’article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 et au protocole additionnel (art. 4). Pour le surplus, le statut du T.P.I.R. est très proche de celui du T.P.I.Y.
§ 2 : Les accusés
Du fait du grand nombre de personnes mises en accusation, nous évoquerons rapidement deux des principaux criminels rwandais :
À l’époque des faits, Jean-Paul Akayesu (né en 1953 ; ex-instituteur et inspecteur des écoles) est bourgmestre de la ville de Taba où meurent au moins 2.000 personnes. Non seulement il ne fait rien pour empêcher les massacres et les violences sexuelles perpétrées sur les femmes mais il les préconise auprès de la population hutue au cours de réunions quand il ne les ordonne pas directement. Ce procès est l’occasion pour le T.P.I.R. de déclarer que les violences sexuelles relèvent du génocide lorsqu’elles sont commises avec l’intention d’éliminer un groupe de personnes de même race ou origine.
Jean Kambada, ancien Premier ministre du gouvernement extrémiste hutu, a collaboré avec le bureau du procureur dans le cadre d’autres poursuites. Il a admis qu’il y a eu en 1994 dans son pays une attaque à grande échelle et systématique contre la population civile tutsie dans le but de l’exterminer. Il a reconnu, qu’en sa qualité d’ex-Premier ministre, il exerçait une autorité sur les autres ministres, sur la police et l’administration du Rwanda. De fait, parmi les accusés, se comptent plusieurs ex-ministres (par exemple, Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères ; Casimir Bizimungu, ministre de la Santé ; Justin Mugenzi, ministre du Commerce ; Edouard Karemera, ministre de l’Intérieur ; Pauline Nyiramasuhuko, ministre de la Famille et de la condition des femmes), des autorités militaires (par exemple, Théoneste Bagosora, directeur de cabinet du ministre de la Défense ; Anatole Nsengiyumva, lieutenant-colonel), des directeurs d’organes de presse (par exemple, Hassan Ngeze, rédacteur en chef du quotidien Kangura ; Ferdinand Nahimana, directeur de Radio télévision libre des mille collines), des hauts responsables de l’administration (par exemple, Emmanuel Bagambiki, préfet de Cyangugu ; Juvénal Kalelijeli, bourgmestre de Mukingo ; Sylvain Nsabimana, préfet de Butare ; Clément Kayishema, préfet de Kibuye) et des hommes d’affaires. Il a également admis avoir incité au génocide par voie de radio, notamment par l’intermédiaire de Radio télévision libre des mille collines.
Le T.P.I.R. a commencé son activité en novembre 1995 et à la date d’août 1999, il a émis 28 actes d’accusation contre 48 personnes dont 38 sont en détention provisoire. À l’été 1999, il a rendu quatre jugements dans les affaires suivantes :
– le 21 mai 1999, la prison à vie contre Clément Kayishema et 25 ans d’emprisonnement contre Obed Ruzindana, tous les deux pour génocide ;
– le 5 février 1999, 15 ans contre Omar Serushago pour génocide et crimes contre l’humanité, après qu’il ait plaidé coupable ;
– le 2 octobre 1998, la prison perpétuelle contre Jean-Paul Akayesu pour génocide et crimes contre l’humanité sur une déclaration de culpabilité prononcée le 2 septembre 1998. Un appel a été interjeté ;
– Le 4 septembre 1998, l’emprisonnement à vie contre Jean Kambada qui a plaidé coupable. Un appel a été interjeté.
Pour la première fois depuis la seconde Guerre mondiale, en septembre et octobre 1998, avec les deux premiers verdicts prononcés contre Akayesu et Kambada, un tribunal pénal international prononce des condamnations pour génocide.
La procédure est identique à celle du T.P.I.Y., aussi, elle n’appelle pas de développement supplémentaire.
Dans les dernières semaines de 1999, le T.P.I.R. connaît avec le gouvernement rwandais des difficultés dont les derniers développements sont liés à la décision de la Chambre d’appel de relâcher Jean-Bosco Barayagwiza (accusé d’avoir été un des promoteurs actifs du génocide) au motif que sa détention provisoire est irrégulière. Le T.P.I.R. est accusé de négligence par le gouvernement rwandais qui a immédiatement suspendu sa coopération avec lui. Au-delà, cette décision souligne la disparité existant entre le traitement imposé aux génocidaires jugés par les tribunaux nationaux rwandais et celui réservé aux accusés soumis à la justice pénale internationale.
CONCLUSION
LA MISE EN PLACE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : LA FIN DES JURIDICTIONS AD HOC ?
Du 15 au 17 juillet 1998, se réunit à Rome la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d’une cour criminelle internationale. Le 17 juillet, en séance plénière, la conférence adopte le « Statut de Rome de la Cour pénale internationale » (C.P.I.). On peut penser que la dernière étape d’un processus débuté cinquante ans plus tôt vient d’être franchie : le 9 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide que l’article premier définit comme « un crime du droit des gens ». Par cette résolution, l’Assemblée générale invite la Commission du droit international à examiner s’il est souhaitable et possible de créer un organe judiciaire international chargé de juger les personnes accusées de crimes de génocide ». Ceci restera lettre morte jusque dans les années 1990.
De plus, quelques Etats étaient farouchement opposés à la création d’une telle juridiction, et non des moindres : la Chine, les Etats-Unis mais aussi Bahreïn, l’Inde, Israël, le Qatar et le Vietnam. Ce qui expliquent les incertitudes qui pesaient sur l’issue de la réunion de Rome. Ceci explique également la réduction des compétences de la C.P.I. par rapport à celles dont étaient dotés les T.P.I.
Tant que la justice internationale ne pourra pas aller à l’encontre de la souveraineté étatique, elle restera soumise à l’opportunité politique. En cela, il nous est possible d’affirmer que la Cour pénale internationale, juridiction permanente, est une régression de la justice pénale internationale par rapport aux tribunaux pénaux internationaux, juridictions ad hoc. En effet, on remarque aisément que cette C.P.I. a vu ses compétences nettement amputées au regard de celles des T.P.I.
Déjà, cette C.P.I. est l’objet d’une convention et non pas d’une décision du Conseil de sécurité prise en application du chapitre VII de la charte. Le seuil des 60 ratifications, condition juridique nécessaire à la mise en place de la C.P.I., a été franchi le 11 avril 2002 : 10 nouveaux États ont ratifié le statut de Rome, portant le nombre de ratifications à 66. Par conséquent, la C.P.I. est soumise à la volonté des États plus que ne le sont les T.P.I.
La compétence territoriale de la C.P.I. – En théorie, la compétence territoriale de la Cour pénale internationale ne devrait pas poser de problème dans la mesure où son champ est universel dès lors que l’acte en cause et couvert par l’une des incriminations qui lui donnent compétence matérielle ; on comprend soudain les raisons qui ont commandé à évincer le crime d’agression de la compétence de la C.P.I. Or, les deux T.P.I. ont vu leurs compétences géographiques strictement limitées. L’article 7 du statut du T.P.I.R. dispose : « La compétence rationae loci du tribunal international pour le Rwanda s’étend au territoire du Rwanda, y compris son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d’Etats voisins en cas de violation grave du droit international humanitaire commise par des citoyens rwandais ». L’article 8 du T.P.I.Y. dispose que : « La compétence rationae loci du tribunal international s’étend au territoire de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie, y compris son espace terrestre, son espace aérien et ses eaux territoriales ». Dans le statut du Tribunal de Nuremberg ou dans la charte de celui de Tokyo, la compétence territoriale n’est pas définie : l’un est créé pour juger les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe et l’autre pour le juste et prompt châtiment de ceux d’Extrême-Orient. On pourrait donc penser que la compétence universelle du C.P.I. est une avancée considérable. En fait, ce n’est qu’une illusion puisqu’en réalité, les termes du statut de Rome ne s’appliquent qu’aux seuls Etats signataires ayant ratifié la convention. Ceci restreint énormément le champ territorial de la compétence du C.P.I.
La compétence temporelle de la C.P.I. – Les deux T.P.I. ont été créés en réponse à des réalités circonscrites dans le temps, c’est pourquoi leur compétence temporelle est limitée. La question ne se pose pas pour les Tribunaux militaires internationaux puisqu’ils n’avaient été créés que pour des tâches bien précises : juger les criminels de guerre des pays européens de l’Axe et châtier ceux d’Extrême-Orient. Cette tâche accomplie, les deux juridictions n’avaient plus de raison d’être. Contrairement aux tribunaux internationaux précédents, la C.P.I. a une vocation à la permanence. Néanmoins, et compte tenu du refus de la rétroactivité, l’article 11.1 du statut de la C.P.I. dispose : « La Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes relevant de sa compétence commis après l’entrée en vigueur du présent statut ». Étant donné qu’il n’est entré en vigueur que le 11 avril 2002, ceci crée une faille dans la compétence temporelle de la Cour : les criminels de guerre ou contre l’humanité qui auront commis leurs méfaits ailleurs que sur le territoire de compétence des tribunaux ad hoc et avant l’entrée en vigueur du statut sont à l’abri des poursuites (sur le plan international). On délaisse ainsi les victimes des grandes idéologies du siècle dernier : le Goulag, les dictatures sud-américaines, les massacres de populations cambodgiennes par le régime de Pol Pot et tant d’autres. Ceci est aberrant compte tenu de l’imprescriptibilité de ces crimes.
La compétence matérielle de la C.P.I. - Lors des négociations du statut de la C.P.I., les États ne sont pas parvenu à s’entendre sur une définition du crime d’agression. Dans son article 5.2, le statut de la C.P.I. laisse en suspens la question de la définition du crime d’agression et précise que la Cour n’exercera sa compétence en la matière que lorsque seront fixées les conditions d’exercice de cette compétence. Sept ans après l’entrée en vigueur du statut qui n’entrera lui-même en vigueur que « le premier jour du mois suivant le soixantième anniversaire après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification » (art. 126.1), une conférence de révision ouverte aux participants à l’Assemblée des Etats parties pourra se charger de la définition du crime d’agression. Dans un premier temps, la Cour n’aura donc pas de compétence pour le crime d’agression ; crime qui était déjà absent des deux Tribunaux pénaux internationaux (T.P.I.). Il faudra attendre de longues années avant que le crime d’agression ne figure dans l’arsenal des incriminations de la C.P.I.
La compétence personnelle de la C.P.I. – Dans ce domaine, la C.P.I. s’inscrit dans la continuité des Tribunaux militaires internationaux et des Tribunaux pénaux internationaux. Les statuts vont même plus loin : le supérieur devient désormais responsables des actes commis par son subordonné, et non plus seulement des actes ordonnés à son subordonné.
Enfin, parmi les traits les plus significatifs de la procédure, on notera que le procureur voit ses prérogatives encadrées : il ne peut développer les enquêtes qui lui paraissent devoir être ouvertes que s’il obtient l’autorisation de la Chambre préliminaire. De plus, les juges sont dépossédés d’une prérogative qui leur été pourtant confié depuis Nuremberg et Tokyo : l’élaboration et la mise à jour du règlement de procédure et de preuve. Cette mission est attribuée à l’Assemblée des Etats parties décidant à la majorité des deux tiers.
Ainsi, nous ne nous pouvons qu’observer que la Cour pénale internationale reste sous la tutelle des Etats, bien plus que les tribunaux ad hoc. Ceci s’explique par la question centrale à laquelle se heurte cette Cour : la souveraineté. Cette soumission aux Etats découle naturellement de son mode de création : une convention entre Etats égaux, qui ont cherché le plus petit dénominateur commun pour franchir le cap symbolique d’une cour internationale permanente. Il nous faut considérer le problème sous l’angle suivant : les Tribunaux militaires internationaux et les Tribunaux pénaux internationaux étaient des outils politiques des États dominant la scène internationale. Il s’agissait là d’une justice sélective dans le temps et dans l’espace, ces juridictions n’ont été créées que dans le cadre d’un besoin ponctuel de rendre justice pour des faits qui se sont passés dans un cadre géographique et temporel précis. C’est la fonction qui a créé l’organe. Ainsi, les Etats qui ont eu l’initiative de cette justice n’ont jamais pensé, qu’un jour, ils pourraient en être les réceptacles, puisque, leurs missions accomplies, ces juridictions ad hoc étaient vouées à disparaître.
La création de la C.P.I. a changé la donne, cette cour est vouée à la permanence et à l’universalité. Désormais, les dirigeants, chefs militaires de n’importe quel Etat peuvent (théoriquement) se retrouver sous la juridiction de cette Cour. C’est ce qui explique que les Etats se soient montrés beaucoup plus frileux, et qu’ils aient multiplié les précautions (l’absence de compétence en matière de crime d’agression, la volonté de ne juger que les infractions postérieures à l’entrée en vigueur du statut, la nécessité de reconnaître la compétence de la Cour par la ratification pour en être justiciable,…). Cette crainte pour les vainqueurs d’hier d’être pris à leur propre piège, va amener la justice internationale à se déplacer du terrain politique vers le terrain criminel stricto sensu. C’est ce qui peut expliquer la disparition du crime d’agression des statuts des T.P.I. et la prudence avec laquelle il tend à être réintroduit à travers la compétence de la C.P.I. puisque, comme l’a écrit J.-B. Herzog, « la notion de guerre injuste … est appelée … à demeurer justiciable d’une justice politique plus que d’une justice criminelle stricto sensu ».
On peut remarquer que l’actualité de cette Cour est chargée : en décembre 2003, le président ougandais Yowe Ri Museveni saisit la C.P.I. pour une enquête sur les violences perpétrées dans le nord du pays par l’Armée de résistance du Seigneur (A.R.S.), qui ont fait des milliers de victimes depuis 1986. Le 29 juillet 2004, le procureur Luis Moreno-Ocampo conclut qu’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête sur la situation dans le nord de l’Ouganda, suite à la requête du président Ougandais.
Le 19 avril 2004, le Président de la République Démocratique du Congo saisit la Cour pénale internationale pour les crimes commis suite à des conflits interethniques qui ont fait des millions de morts depuis les années 1990, et en particulier en Ituri dans l’est du pays. Le 23 juin 2004, le procureur Luis Moreno-Ocampo annonce sa décision d’ouvrir la première enquête de la CPI, sur les crimes graves présumées commis sur le territoire de la République démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002 ; date d’entrée en fonctions de la Cour.
Le 19 janvier 2005, le président de la Cour, Philippe Kirsch, décide l’assignation de la situation en République centrafricaine à la Chambre préliminaire, suite à la requête, le 21 septembre 2004, du gouvernement de pays pour les crimes commis sur le territoire.
Le 15 février 2005, le greffe de la CPI confirme que la République de Côte d’Ivoire consent à ce que la Cour exerce sa compétence pour les crimes commis sur le territoire ivoirien depuis les évènements du 19 septembre 2002.
Ce type de justice est une arme à double tranchant, susceptible de se retourner contre les vainqueurs d’hier. Ainsi, les statuts des deux tribunaux pénaux internationaux ont vu disparaître l’infraction de guerre d’agression. Ceci s’explique facilement, les dirigeants américains ne désirent aucunement que les ingérences militaires américaines conduites dans le cadre de leur politique hégémonique ne les mènent devant une juridiction internationale. C’est justement cette peur de voir leur propre arme se retourner contre eux qui est à l’origine des réticences quant à l’instauration de la Cour pénale internationale. Ce problème est d’actualité : une enquête du New-York Times, datant du début avril 2005, fait état d’au mojns 26 décès parmi les prisonniers détenus par les autorités américaines en Irak et en Afghanistan depuis 2002. Selon les conclusions ou les présomptions des enquêteurs de l’armée de terre et de la marine américaines, ces décès relèveraient d’homicides volontaires.
La justice peut être la meilleure comme la pire des choses, lorsqu’elle se transforme en justice politique. Or, il s’avère que l’on touche ce problème du doigt lorsque l’on entre dans le cadre de la « justice internationale », dont la fonction est clairement limitée à une tâche spécifique. Dans le cas des deux tribunaux militaires internationaux, c’est bien le sort des armes qui a décidé de qui serait juge et de qui serait jugé. Une cinquantaine d’années plus tard, ce ne sont pas les vainqueurs du conflit qui ont jugé les criminels de guerre de l’ex-Yougoslavie ou du Rwanda mais bel et bien la communauté internationale qui s’est exprimée par la voix de pays n’ayant pas participé aux faits, de pays neutre. Or, la motivation de ces procès, organisés dans le cadre de juridictions ad hoc, dont la seule légitimité réside dans un consensus de la communauté internationale, réside dans une sorte de « salut public » international. Aussi, si la fin a justifié les moyens contre les dirigeants nazis, contre les tortionnaires japonais, contre les gouvernements ayant appelé au génocide, pourquoi faudrait-il s’arrêter en chemin ? La création de nouvelles juridictions de ce type est d’actualité. On remarque la volonté de juger les khmers rouges, on réclame la justice au Darfour,… Il faut toutefois s’assurer que ces juridictions d’exception ne deviennent pas l’outil d’une justice politique. L’Histoire nous a enseigné que l’enfer est pavé de bonnes intentions, il suffit de penser aux tribunaux révolutionnaires, paravent de purges politiques : l’idée selon laquelle il faut tout sacrifier à la volonté générale, au bien-être général a été une des justifications des dictatures meurtrières du XXe siècle.