1580 Autriche L 'Alouette Paris
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Le musée de l’Armée vient de faire restaurer deux canons magnifiquement décorés des XVIe et XVIIIe siècles afin de les exposer sous la Voûte Nord de l’hôtel national des Invalides. Cet espace, ainsi que la cour d’honneur et l’ensemble des galeries du rez-de-chaussée et de l’étage, perpétue la présentation en accès libre de pièces d’artillerie en bronze.
Le canon le plus ancien est daté de 1580 et s’appelle Die Lerche (l’Alouette). Il a été coulé à Graz (Autriche) par Martin Hilger et porte sur le premier renfort les armes de Charles II (1540-1590), l’archiduc d’Autriche Intérieure. Un personnage mythologique tenant une corne d’abondance constitue une anse située à la culasse. Ce personnage, d’inspiration germanique, se retrouve sur une frise décorant la base de la volée. Celle-ci est ornée d’une alouette surmontée d’une inscription en allemand qui, se traduit par « Dès que mon chant s’élève dans les airs, beaucoup de murailles par moi sont abattues ». Ce canon faisait partie de la série Sängerin (les chanteuses), dont toutes les pièces portaient le nom d’un oiseau.
L’autre canon ne porte pas de nom propre, il a été réalisé en 1708 pour fêter l’alliance entre le royaume de Danemark et de Norvège et la République de Venise, ce qui explique les nombreux symboles propres aux deux États qui ornent le canon. Ainsi, à la base du premier renfort, deux dragons couronnés et entrelacés rappellent le titre de roi des Wendes [1] que possède le roi du Danemark.
Au-dessus, trois médaillons, chacun aux armes des provéditeurs de l’artillerie [2] (Erizzo, di Nicolo et Gradenigo) sont soutenus par des putti [3]. Le second renfort porte les armes du roi Frédéric IV de Danemark et de Norvège, entourées des colliers des ordres du Dannebrog et de l’Éléphant. La volée porte à sa base un cartouche indiquant, en latin, que la canon a été « préparé en l’attente du roi de Danemark et de Norvège, coulé à son arrivée, achevé en sa présence en l’an de grâce 1708 » ; et à son extrémité les armes de la République de Venise soutenues par deux allégories, la Paix et la Guerre. Ce canon est l’œuvre du fondeur Giovanni Baptista Albergeti, qui l’a signée du « A » majuscule situé sur la plate-bande de culasse.
Des voyages inattendus
En 1797, Napoléon Bonaparte met fin à 1100 ans d’existence de la République de Venise. L’arsenal des doges est occupé et plus de 5000 pièces d’artillerie, dont celle coulée par Albergeti, sont envoyées à l’arsenal Toulon. Huit ans plus tard, à la suite de la victoire d’Austerlitz, l’armée française occupe Vienne et saisit une grande partie des armes entreposées dans l’arsenal. Die Lerche, comme des centaines d’autres bouches à feu, est envoyée à l’arsenal de Strasbourg.
Malgré les importants besoins en matériels d’artillerie du Premier Empire, ces deux canons n’ont pas été refondus et en 1832, ils sont amenés aux Invalides pour constituer la Batterie triomphale, avec dix autres canons étrangers remarquables, eux aussi stockés dans les arsenaux français.
Christophe Pommier, département Artillerie
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[1] : « Wendes » est le nom donné aux peuples Slaves présents dans les territoires situés au Sud de la mer Baltique (Mecklembourg, Holstein et Poméranie).
[2] : Les provéditeurs de l’artillerie, au nombre de trois, étaient des officiers civils de la République de Venise chargé de l’inspection et de l’intendance de la fonderie et de la poudrerie de l’arsenal, ainsi que de la gestion de l’artillerie et des munitions.
[3] : Un putto (putti au pluriel) est une figure courante du baroque italien représentant un nourrisson joufflu, souvent ailé et symbolisant l’amour.