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7 Rome 2-3 Bas EmpireTrésor de Vaise Lyon



Rome Trésor de Vaise Lyon
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Inspiré de cet article

Le trésor a été découvert en 1992

 

Lors d'une fouille de sauvetage entreprise dans le quartier de Vaise, à Lyon, les archéologues mettent au jour sur le site d'une ancienne villa gallo-romaine deux fosses voisines contenant un trésor composé d'objets en or et en argent. Un premier ensemble comprenait en particulier trois statuettes et un buste, l'autre dépôt se composait de vaisselle, de bijoux en or et de 81 monnaies : au total, non pas la fortune de quelque haut dignitaire de l'Empire, mais plutôt le rassemblement de biens précieux ayant appartenu à un citoyen ordinaire.
Cette découverte pose de multiples questions 
Trésor d'un sanctuaire, magot d'un antique Harpagon, bien familial patiemment épargné, réserve d'un orfèvre destinée à la refonte ou butin d'une bande de voleurs ? Les auteurs passent en revue les différentes hypothèses et comparent le trésor de Vaise à d'autres découvertes analogues, en particulier celles survenues à Lyon dans le passé ; tout à la fois pédagogiques et historiques, de nombreux encadrés aident le lecteur à suivre le raisonnement scientifique, d'autres aperçus permettent aussi de comprendre les techniques de restauration utilisées pour redonner formes et couleurs aux différents objets, aujourd'hui exposés au Musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon.
Le trésor enfoui en 2 dépots est constitué de  statuettes de bijoux de veaiselle et de pièces de monnaies

LA STATUAIRE DU TRESOR DE VAISE  par François Baratte

La statuaire en argent était beaucoup plus nombreuse dans le monde romain qu'on ne l'imagine souvent. C’était évidemment coûteux en raison du poids d'argent que cela réclamait, bien supérieur à celui d'un service de vaisselle de table de belle ampleur.

Le Buste d'argent
L'existence de bustes, est assurée, sans qu'on puisse toutefois être assuré de leur taille. Bien plus nombreux étaient les portraits de dimensions moyennes, comme celui de Vaise.


Avec ses 17 cm de hauteur, il appartient à la catégorie des portraits impériaux en ronde bosse de petites dimensions, dont on connaît des exemples aussi bien en métal précieux qu'en pierre dure ou en verre qui tout en ayant le caractère d'objets précieux devaient être plus répandus qu'il n'y paraît aujourd'hui, avec des fonctions diverses. Il constituait ainsi soit un don fait par l'empereur lui-même dans le cadre des ses largesses, soit un objet offert à la vénération dans un contexte impossible à préciser davantage, public ou bien privé (on songe aussi à des associations), puisque la possession et la présentation de bustes impériaux par des personnes privées sont clairement attestées par les textes antiques y compris dans les laraires ou dans des contextes funéraires .
Description
La bouche est plutôt petite, aux coins tombants ; son dessin est très caractéristique. La lèvre inférieure, petite, est encadrée par un profond sillon qui s'élargit de chaque côté : une façon de faire qui n'est pas sans rappeler un autre objet du trésor de Vaise, la tête aux deux "cornes". Le menton est assez fort. Les oreilles, pour leur part, sont tout à fait schématiques, aux lobes en creux, en forme de haricot. Le personnage porte une barbe abondante, mais courte, bouclée, dont les mèches sont soigneusement dessinées et individualisées par des sillons au ciseau dans une masse en léger relief qui prolonge la chevelure. Continue, elle dégage cependant le menton, sous lequel elle passe. Une courte moustache rase, dessinée par des incisions, souligne la lèvre supérieure.
La chevelure est peu épaisse, formant une calotte tout autour de la tête, ainsi qu'une frange régulière au dessus du front et sur la nuque. Elle est traitée par des scarifications sommaires au burin, contrastant avec le soin apporté à la réalisation de la barbe.
Une couronne, faite d'une mince feuille d'argent, est posée dans les cheveux, assez bas sur le front ; les deux extrémités en sont repliées l'une sur l'autre. L'état est trop mauvais pour pouvoir préciser sa nature exacte ; sans doute s'agissait-il de feuillage, de laurier probablement, dont les feuilles, trop minces, ont été en grande partie cassées.
Le vêtement comprend un manteau militaire, le paludamentum, drapé sur le torse. Agrafé sur l'épaule droite par une grosse fibule circulaire faite d'un bouton central entouré d'un bourrelet torsadé, il couvre le buste de manière assez régulière, presque symétrique, un large pli formant comme une sorte de col tout autour. Une série d'éléments en languettes arrondies, huit à gauche, cinq à droite où il y a une cassure, sortent de sous le pli sur les épaules, constitués chacun d'un bourrelet torsadé entourant une partie centrale ornée d'incisions en palmettes. On penserait donc au décor des épaulières de la cuirasse portée sous le manteau ; mais elles auraient été alors mal comprises : on peut imaginer que l'artisan a eu sous les yeux un modèle sur lequel le manteau était jeté en travers de l'épaule, découvrant encore la cuirasse et ses ptéryges en dessous.

Apollon Helios


La statuette, la plus grande du trésor, était relativement mal conservée ; complète, elle était néanmoins détachée de son socle et en plusieurs morceaux, cassée par endroits ou tout au moins très fragilisée : le bras droit était détaché et en trois fragments, comme la jambe du même côté ; il manque un morceau à l'extérieur de la cuisse. Le socle était cassé en plusieurs fragments qui ont été recollés. L'ensemble était assez corrodé .

Présentation matérielle
Description
Statuette masculine debout. L'homme, jeune, est en appui sur sa jambe droite, solidement planté : un axe vertical descend de la tête au pied. La jambe gauche est nettement en retrait : le pied, soulevé, repose sur l'extrémité des orteils. Un léger hanchement est perceptible, complété par une torsion du buste vers la droite qui accompagne le mouvement de la tête, encore plus net. Le bras droit est levé ; la paume de la main est ouverte. La gauche qui pend le long du corps tient une sphère. Le personnage est nu ; il porte un manteau jeté sur l'épaule gauche, qui s'enroule autour du bras correspondant. Un pan de vêtement étroit, isolé, replié en zigzag, est enroulé autour du bras droit.
La tête, sans être levée, est fermement dirigée vers l'avant. Plutôt petite, elle est plantée sur un cou massif, haut et large ; le menton est presque inexistant, légèrement en retrait ; le nez, long et large à la base, est dans le prolongement d'un front large, mais relativement peu dégagé. le modelé du visage est mou et assez inexpressif. La bouche est petite et entrouverte. Les yeux globuleux sous des arcades sourcilières obliques ont leur pupille marquée d'un léger creux. Les oreilles sont invisibles sous les cheveux abondants qui encadrent le visage d'une ligne de boucles ondulées en arrière desquelles est posé un bandeau continu. Au-dessus de la tête, ils sont tirés et presque lisses, à peine incisés. Sous le diadème, le chevauchant, cinq trous relativement larges ; dans l'axe du corps, au-dessus du bandeau, un trou est encore garni d'un appendice métallique (fer ?) : le personnage portait une couronne radiée.
Techniques de fabrication
La statuette avait été exécutée en plusieurs parties qui faisaient appel à des techniques différentes : les deux bras sont pleins, donc vraisemblablement coulés, puis rapportés ; la jambe gauche elle aussi, d'après l'examen radiographique, est rapportée. Les deux draperies sont martelées ou embouties. Le reste du corps, en tôle d'argent mince, est creux, obtenu au repoussé par martelage. Le pan de vêtement droit porte des traces de dorure.
Le personnage était fixé sur son socle par un alliage au plomb. Le socle circulaire présente un profil attique : deux moulures saillantes, ici verticales, séparées par une moulure concave. La moulure supérieure est en léger retrait par rapport à la moulure inférieure. Elles portent l'une et l'autre une inscription en lettres très soigneusement incisées, et dont les contours ont été redoublés.
L’inscription

 


La hauteur des lettres est de 0,6 cm. Les différents mots sont séparés par un motif en flèche, une sorte d'hedera très stylisée.
NVM(ini) AVG(usti) RAT(iarii)
EBVROD(enses) FRAT(res ?)
L'inscription se traduirait ainsi : "Au numen de l'empereur, les pilotes de barque d'Eburodunum (ont dédié ces statuettes) du frère et de la soeur [...] ».
On connaît de nombreux cas de dédicaces de statuettes en métal à des divinités inscrites sur leur base Si les dédicaces au numen impérial sont banales dans l'épigraphie monumentale, elles sont beaucoup plus rares pour des documents de cette nature : manifestation intéressante de la diffusion du culte impérial, célébré ici par une association professionnelle, si le développement de l'inscription proposé est correct.



 

Abondance Fortune

 

Autres Statuettes

Jupiter Aile de Niké
Tête androgyne Bras

Les Bijoux Catherine Metzger
On distingue une bijouterie du Ier s. bien attestée à Pompei, à Herculanum et dans toute la zone dévastée par l'éruption du Vésuve en 79 de notre ère. On connaît à cette époque de très longues chaînes d'or portées en baudrier, des pendants d'oreilles et des bracelets composés de cupules d'or. L'emploi des perles et surtout des pierres de couleur est limité et les bijoux semblent relativement sobres par rapport à la luxueuse vaisselle d'argent contemporaine. On voit également apparaître au début de l'empire un phénomène particulier à la société romaine : la folie des bagues, rapportée par Pline (Histoire naturelle XXXIII, 24). A l'origine, l'anneau d'or distingue les membres de l'ordre équestre puis un phénomène de mode entraîne la multiplication de ce type de parure. On sait qu'il existait à Rome des collections de bagues ou dactyliothèques. Pendant toute la durée de l'empire, les types d'anneaux d'or ou d'argent à chatons gravés ou sertis sont extrêmement nombreux et variés.
Le goût pour la polychromie se développe au IIe s. et ne se démentira pas jusqu'à la fin de l'empire. Les pierres dures (cornaline, onyx, agate) ou précieuses (émeraude, améthyste, grenat) venues d'Orient sont largement utilisées en chatons de bague, éléments de colliers ou pendentifs variés. Un nouveau procédé décoratif qui apparaît au IlIe s. va connaître un extraordinaire succès dans la bijouterie romaine : c'est ce que l'on appelle l'opus interrasile d'après un terme emprunté à Pline (Histoire naturelle XII, 94) s'appliquant au travail du bois.
Il s'agit d'un découpage de la feuille d'or suivant un dessin tracé au préalable. Ce travail qui comme une dentelle fait jouer les pleins et les vides, l'ombre et la lumière, décore aussi bien 1es bagues, les pendentifs et les bracelets du IlIe au Ve s.
A côté de cette évolution générale de la bijouterie et en dépit d'une certaine homogénéité des types de parure féminine à la mode dans le monde romain, on s'est attaché également à mettre en évidence les particularismes locaux suivant les différentes régions de l'empire. On a depuis longtemps noté l'abondance des bijoux représentés sur les stèles funéraires masculines et féminines de 1a région de Palmyre dans la province romaine de Syrie (Sadurska, Bounni 1994). Certains types de boucles d'oreilles ont été retrouvés en Syrie, au Liban et non dans la partie occidentale de l'empire. En Egypte, les portraits de bois peints posés sur les momies nous indiquent les bijoux en faveur dans cette province (Walker, Bierbrier 1997).
Récemment les particularismes de la Bretagne romaine ont bien été mis en évidence par C. Johns (Johns 1996). En Gaule, les comparaisons entre les différents trésors, soit connus depuis longtemps, soit publiés dernièrement permettent de dégager certains traits spécifiques. On a déjà cité le cas des bijoux monétaires particulièrement abondants au IlIe s. en Gaule.
Dans le cas du trésor de Vaise, on insistera sur le type de collier à maillons en forme de nœud d'Héraclès alternant avec des prismes d'émeraude que l'on ne retrouve pas ailleurs dans le monde romain, du moins sous cette forme, et qui doit constituer un bijou typiquement gallo-romain. Les bagues sont également plutôt caractéristiques d'une production de Gaule comme le montrent les études d'H. Guiraud (Guiraud 1988, p. 80, type 3).
En revanche, bracelets et pendants d'oreilles ont des équivalents dans d'autres provinces de l'empire. On notera enfin, comme dans la plupart des trésors trouvés en Gaule, l'absence de fibule.
A côté de ces bijoux d'or et de pierres semi-précieuses, les deux bracelets d'argent, en dépit de leur simplicité, constituent des témoignages intéressants sur une bijouterie d'argent assez mal connue en Gaule comme dans l'ensemble du monde romain en raison sans doute de la fragilité même du matériau, beaucoup moins solide que l'or.

Chevalière Chevalière avec intaille
Pièce de Monnaie portée en médaillon Boucle d'oreilles
Boucle d'oreilles Collier

 

Aureus de Gordien III. Rome 4e émission (241-243) : 242 IMP GORDIANVS PIVS FEL AVG, *D2 P M TR P V COS II P P, Gordien, en habits militaires, debout à droite, la main droite tenant une lance transversale et la main gauche un globe. non pesable

Gérard Aubin

La seule monnaie d’or présente dans le trésor a perdu sa fonction monétaire : l’aureus de Gordien III est serti dans une monture à décor de peltes tout à fait caractéristique d’une époque, le troisième siècle, et d’une zone géographique, la Lyonnaise.
La monnaie, un aureus de Gordien III, est prise entre deux étroits bandeaux d'or disposés en biseau. Une collerette circulaire est soudée à l'ensemble, le décor ajouré, découpé dans la feuille d'or, est constitué d'une suite de 18 motifs de peltes orientées vers 1'extérieur de la collerette
Une bélière de suspension constituée d'une mince bande d'or à cannelures est soudée au revers du médaillon et simplement rabattue sur l'avers. Comme toujours sur ce type de monture, le revers, non visible, est sommairement traité. Le biseau est grossièrement rabattu sur la monnaie, empiétant sur la légende et le décor ajouré n'est pas poli.

 

Une bague n° 39 Or. Larg. max. 2,7 cm ; long. chaton 1,6 cm ; diam. int. 1,85 cm. Poids : 27 g.

Catherine Metzger

L'anneau est massif, polygonal à l'extérieur, circulaire à l'intérieur. I1 s'élargit aux épaules pour recevoir le chaton. Un décor de moulures ménage une large bande lisse au centre de l'anneau. Le chaton ovale, soudé sur l'anneau, présente dans un cadre saillant composé de deux bandes d'or en biseau, un décor en relief obtenu au repoussé dans une bordure perlée. Le motif central des deux mains croisées est une image de la dextrarum iunctio. Ce symbole de l'engagement, connu sur les monuments sculptés, apparaît aussi à partir du IIIe s. sur de petits objets comme les bagues que l'on considère alors comme des anneaux de mariage ou de fiançailles.

La Vaiselle

  Coupe n° 1 Argent. Diam. 20,3 cm ; h. 2,5 cm ; diam. du pied 6,5 cm ; h. du pied 0,3 cm environ ; diam. du médaillon central 6 cm. Poids 203,30 g.

Description François Baratte
C’est une coupe basse très ouverte. A l'intérieur du pied et du médaillon, de même diamètre, le fond est plat. Puis les parois se développent pour former une calotte au galbe régulier. Le pied annulaire est bas et assez large ; le revers est lisse.
Traces de polissage au tour exécuté après la réalisation du décor figuré : le pointeau a laissé une trace profonde sur la face, au centre, qui empiète sur l’anatomie de Mercure, tandis que les contours du médaillon rognent un des sabots du bélier et la tête de la tortue ; au revers deux cercles concentriques (diam. 2,6 cm) correspondent à la fixation du tour.
La partie intérieure est lisse, à l'exception d'une ligne gravée qui souligne le rebord et de la partie centrale. La première délimite la lèvre
(h. 0,8 cm) qui ne distingue pas autrement. Une moulure en creux entre deux rainures, correspondant à l’emplacement du pied, cerne le médaillon qui présente un décor figuré entièrement gravé. A l'intérieur d'un cadre abstrait constitué par le cercle du médaillon à la partie supérieure duquel sont accrochées deux guirlandes, Mercure est représenté debout sur une double ligne de sol. Le dieu est nu, la partie inférieure du corps de face, le torse de trois quarts, la tête de profil vers la droite ; sa chlamyde est passée sur l'épaule gauche et enroulée autour du bras. La tête nue est coiffée en courtes mèches. La main droite étendue tient à poignée la bourse. La main gauche tient un grand caducée dans la saignée du coude.
A la droite du dieu, au sol, se dresse un autel sur les flancs duquel se croisent deux guirlandes et sur lequel est posée une pomme de pin (?). A sa gauche, derrière lui, un bélier est debout vers la droite, la tête levée et retournée vers Mercure. A mi-hauteur, à droite, une tortue se dirige vers l'extérieur du médaillon, à gauche un coq est en marche vers le dieu. Les deux animaux reposent sur un sol constitué par des séries de courtes hachures juxtaposées par groupe de deux ou trois, que l'on retrouve à l'intérieur de la bande de sol sur laquelle se dresse le dieu (où elles dessinent des herbes) et sur l'autel de part et d'autre de la pomme de pin.

Analyse stylistique et commentaire iconographique
D'une manière générale le décor est caractérisé par la multiplication des lignes hachurées qui remplissent les guirlandes supérieures, dessinent le plumage du coq et la toison du bélier, les guirlandes sur l'autel, des touffes d'herbe très schématiques au sol ou des festons à l'exergue. La carapace de la tortue est suggérée par de fins pointillés. Mercure est dessiné très fermement par des contours nettement incisés ; sa musculature est indiquée avec soin par des lignes plus ou moins profondes. Prise individuellement chaque figure est bien campée, sauf la tortue, assez caricaturale. Mais la composition est médiocre.
On n'insistera pas ici sur le succès de Mercure en Gaule, où plus de 200 représentations sont connues. L'attitude du dieu sur la coupe de Vaise, debout entre un autel et un bélier, une bourse dans la main droite, le caducée au creux du bras gauche, une chlamyde enroulée autour du même bras, accompagné du coq et de la tortue, est relativement classique.
La coupe de Vaise fournit ainsi une représentation supplémentaire de Mercure en Gaule, qui se rattache, à un type dérivé d'un modèle grec du IVe s. av. J.-C. Elle met en évidence, une fois encore, la faveur dont le dieu jouit en Gaule, qu'il doit à son assimilation à une divinité gauloise importante. Sa présence dans la trouvaille de Vaise n'implique pas plus qu'à Chaourse le caractère religieux du dépôt.

 



Cuilleron

Le cuilleron est en forme de bourse, du type le plus répandu.  Sur  un on  trouve deux incisions en V marquent le talon.

Toute la partie avant est bordée d'une bande de triangles niellés. Au centre, un svastika niellé de chaque extrémité duquel pendent deux petits appendices parallèles terminés par un petit triangle. D'un des angles sortent également deux appendices simples.
C'est un motif en tête de griffon qui rattache le cuilleron au manche. Celui-ci est complexe : au delà d'un élément en forme de lyre, il comporte une partie en balustre de section octogonale (à pans concaves) terminée par un astragale et une pièce facettée portant un disque ; un second disque identique au premier marque le début d'une deuxième partie : deux éléments d'un astragale, puis l'extrémité d'une patte munie d'un sabot dont les pinces sont nettement marquées.
Un graffiti en grandes lettres incisées est visible au revers du cuilleron : GRECI, un nom qui revient aussi sur les cuillers n° 5 et 9.
Exceptionnelle est l'utilisation à Vaise du svastika, un motif souvent représenté sur les plats et les coupes, et que l’on retrouve sur une autre cuiller (au Rheinisches Landesmuseum de Bonn), mais de manière très simplifiée : dans un cuilleron circulaire, une série de perforations dessine ce signe. Pour l'avoir étudié ailleurs en détail (F. Baratte, La vaisselle d’argent en Gaule dans l’Antiquité tardive, Paris, 1992, p. 96-111), nous n'y reviendrons pas ici, en en rappelant toutefois les occurrences et en soulignant qu'il possède sur la cuiller de Vaise un caractère particulier : l'extrémité des bras est garnie de petits appendices en forme de flèches, que nous ne connaissons pas sur d'autres pièces d'argenterie, mais qui évoquent des motifs de broderie.

Les Monnaies


EXEMPLE DE LARGESSE IMPERIALE
Par Gérard Aubin

Le second sous-ensemble des Sévères, avec ses 33 monnaies regroupées sur un laps de temps de trois ans, est composé d’émissions « ordinaires » sauf le n° 30 correspondant à des voeux pour la santé de Caracalla en 215. Mais Bastien (1988, p. 37) précise bien qu’à côté de monnaies émises spécialement en vue de largesses impériales, on utilisait aussi des monnaies courantes pour des distributions plus modestes.
A côté de ces événements exceptionnels relatés par les textes ou les légendes monétaires, d’autres circonstances pouvaient provoquer des distributions de routine en espèces, par exemple les anniversaires annuels de la prise du pouvoir.
Au total, la partie monétaire du trésor de Vaise, atypique dans sa composition, se définit comme une petite collection de monnaies anciennes, fragmentée en prélèvements effectués en 201/202 et en 217/218, à laquelle on a ajouté une poignée de monnaies récentes. Faut-il parler de thésaurisation ? Plus que la constitution du lot, c’est sans doute sa conservation qui est remarquable. Admettre notre hypothèse de retraits successifs, à l'occasion de cadeaux ou de paiements, conduit à envisager soit une épargne de jeunesse conservée jusqu’à la fin de sa vie par le même homme (avoir 20 ans vers 200 et 78 ans vers 258) soit un héritage transmis et faiblement augmenté. En tout état de cause, on songera à un patrimoine familial conservé par attachement sentimental, peut-être à une génération de distance, plutôt qu’à une réserve de valeur dont on a dit la modestie.

A titre d’exemple, on évoquera les fêtes décennales de Septime Sévère qui eurent lieu le 9 avril 202 et les jours suivants. Ce jubilé fut jumelé avec le triomphe parthique de l’empereur (victoires sur les Parthes de 197 à 199) et le mariage du prince héritier, Caracalla, avec Plautilla, la fille du Préfet du Prétoire, âgée de 14 ans. Sévère et la famille impériale venaient d’arriver d’Antioche.
A cette occasion rapporte Dion Cassius, sénateur, historien bithynien et témoin oculaire « Sévère gratifia l’ensemble de ceux qui bénéficiaient des distributions de blé et les soldats de la garde d’un nombre de pièces d’or égal pour chacun à celui des années du règne, ce dont il se glorifia hautement. Et à vrai dire, il est exact que jamais personne ne leur avait distribué autant puisque, pour cette libéralité, furent dépensés cinquante millions de drachmes [= 2 millions d’aurei] ». Puis Dion décrit le banquet de noces « de style mi-impérial mi-barbare » et « les spectacles variés en l’honneur du retour de Sévère, de ses décennales et de ses victoires », notamment des jeux au Colisée ou au Cirque Maxime où furent exhibés et massacrés sept cents animaux. La fête dura sept jours. (Dion, 76, 1, 1-5 ; trad. A. Chastagnol)
Hérodien de Syrie (actif vers 230) lui fait écho ; « Il fut accueilli en triomphateur par le peuple de Rome, avec de grandes acclamations et marques de dévotion. Il accorda au peuple des sacrifices et cérémonies religieuses ainsi que des réjouissances au cours desquelles il procéda à de généreuses distributions d’argent et offrit des jeux sacrés pour fêter ses victoires ». (Hérodien, III, 10, 1-2 ; trad. A. Chastagnol)
Ainsi Sévère distribua-t-il 2 000 000 d’aurei à raison de 10 aurei par bénéficiaire, ce qui implique un nombre de 200 000 personnes : 15 000 soldats du prétoire et environ 185 000 membres de la plèbe urbaine dite frumentaire car ayant droit aux distributions de blé gratuit. Donativum aux soldats et congiaire à la plèbe romaine vont toujours de pair nous dit Paul Veyne pour qui « les empereurs considéraient que soldats et citoyens de Rome étaient sous leur protection particulière » (Veyne 1976, p. 614). Il s’agit de sommes considérables, d’autant qu’on conçoit mal que l’ensemble de l’armée ait pu être exclue des largesses de ce jubilé.
Quelles étaient les monnaies réellement distribuées ? Parmi les monnaies émises à Rome en 202, celles relatives aux voeux décennaux existent sous forme de bronze et d’argent ; en revanche, celles célébrant la famille impériale, le retour des empereurs ou leurs victoires existent en argent et en or. Il est vraisemblable que les distributions aient été faites non seulement en or, mais aussi en deniers (soit 250), voire partiellement en sesterces (soit 1000) pour la plèbe. Enfin, toujours en 202, Hill propose une émission spéciale de quinaires d’or (soit la moitié d’un aureus) pour la troisième libéralité du règne.
Selon A. Chastagnol, « Septime Sévère a voulu conférer à son jubilé un retentissement plus grand que celui de toutes les fêtes données par ses prédécesseurs et faire de lui l’apogée de son règne, la date symbolique qui marquait sa gloire personnelle et le succès de ses armes comme de sa politique et, en voyant plus loin, l’affirmation solennelle du principe dynastique en faveur de sa famille ». (Chastagnol 1984 a, p. 119 ; 1984 b, p. 104).
Cette largesse était la 3e du règne après celle d’accession (en 193), et celle de l’élévation de Caracalla au césarat (en 196). D’autres libéralités du règne nous sont connues : la 4e pour les jeux séculaires (en 204), la 5e pour le deuxième consulat de Caracalla et le premier de Géta (en 205), la 6e pour l’élévation de Géta à l’augustat (en 209) ; quatre autres suivront sous le règne de Caracalla.