Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) est un jeune architecte lancé quand Louvois lui demande d'élaborer un projet d'église monumentale pour les Invalides, puisque Bruant, jusqu'ici en charge des travaux de l'Hôtel, n'y parvient pas. Hardouin-Mansart réagit rapidement en adaptant un projet inabouti de chapelle funéraire conçu par son grand-oncle François Mansart pour les Bourbons à Saint-Denis. Hardouin-Mansart s'appuie sur l'existant : la nef conçue par Bruant subsiste, avec son entrée au nord, destinée au culte quotidien des vieux soldats, tandis que le roi dispose, par le sud, d'un accès grandiose qui lui est réservé.
Les artistes les plus réputés sont engagés et placés sous la direction de Girardon et de Le Brun, puis Hardouin-Mansart impose une nouvelle génération d'artistes : Coysevox, Coustou, de la Fosse, Jouvenet parmi les plus importants. Le programme symbolique présente de multiples variations sur un même thème unitaire : le roi de France tient son pouvoir directement de Dieu ; la continuité et l'ancienneté remarquables de la dynastie à laquelle il se rattache témoignent de son statut exceptionnel. Nous sommes ici au coeur de la conception d'une monarchie de droit divin. Le roi, lieutenant de Dieu sur terre, a pour mission de défendre la vraie foi, c'est-à-dire la religion catholique. Comme son ancêtre et modèle saint Louis, Louis XIV doit pourchasser l'hérésie : en 1685, il révoque l'édit de Nantes, pensant - à tort - mettre fin au protestantisme dans le royaume. Les pères de l'Église sont régulièrement évoqués, par exemple dans les chapelles d'angle. Clovis, roi des Francs, illustre la longévité dynastique et l'ancienneté de la dimension catholique. Charlemagne associe les rois de France, par droit d'héritage et d'ancienneté, au prestige impérial, les plaçant au-dessus de tous les autres souverains d'Europe, comme le souligne Louis XIV dans ses Mémoires pour l'instruction du dauphin : "Je ne vois donc pas, mon fils, par quelle raison des rois de France, rois héréditaires et qui peuvent se vanter qu'il n'y a pas aujourd'hui dans le monde, sans exception, ni meilleure maison que la leur, ni monarchie aussi ancienne, ni puissance plus grande, ni autorité plus absolue, seraient inférieurs à ces princes électifs" : il s'agit des Habsbourg, empereurs du Saint Empire romain germanique, élus et non héréditaires.
Les travaux durent une trentaine d'années, retardés et limités par les contraintes financières causées par les guerres continuelles du royaume. Hardouin-Mansart renonce ainsi, au sud, à compléter l'accès à l'église royale par une grande place en partie cernée par une colonnade en hémicycle.