Ce dinos, vase où l'on mélangeait l'eau et le vin, est formé d'un large bol posé sur un support ouvragé indépendant, les deux parties recouvertes d'un même décor tapissant de frises végétales et animales. Sur l'épaule se déroulent d'un côté la poursuite de Persée par les Gorgones, de l'autre un combat d'hoplites encadrés par leurs chars. Il a donné son nom au Peintre de la Gorgone, l'un des plus anciens maîtres de la céramique à figures noires, pionnier de la riche tradition figurée attique.
Une forme particulière
Un dinos est un vase composé de deux parties : un large bol et un haut pied mouluré. Le potier a traduit en terre cuite une forme dont le modèle était en bronze. Cette origine métallique explique la forme très sophistiquée du pied avec ses moulures et ses disques plats. La fonction d'un tel vase est liée à l'univers du banquet. En effet, les Grecs ne buvaient pas le vin pur et c'est dans ce type de grand vase ouvert (dinos et cratère) que l'on mélangeait l'eau et le vin. La forme particulière du dinos évitait à l'échanson de se courber pour y puiser la boisson.
L'influence de Corinthe
La majeure partie du vase est recouverte d'un décor tapissant, alternant frises végétales (entrelacs de palmettes et de fleurs de lotus) et frises animales où animaux fantastiques, tels que sirènes et sphinx, côtoient des cervidés et des fauves. Parmi ses derniers, on aperçoit parfois une figure masculine, évocation du maître des animaux des Orientaux.
Le début de la production attique à figures noires est marqué par une forte influence de l'atelier dominant de l'époque, l'atelier corinthien. Cette dépendance se traduit par un décor en frises, encore proche de la tradition orientalisante.
Le Peintre de la Gorgone
La partie supérieure tranche avec le reste du décor. Nous avons ici la première frise entièrement figurée de la production céramique. La scène principale a d'ailleurs donné son nom à l'auteur du vase. Il s'agit de l'épisode très populaire de Persée fuyant les Gorgones après le meurtre de leur sœur, la terrible Méduse que l'on aperçoit s'effondrant sur le sol, décapitée. À l'arrière, les dieux protecteurs du héros assistent à la scène : on reconnaît Hermès à son pétase et à son caducée. Quant à la femme qui le précède, le contexte nous permet d'y voir Athéna.
De l'autre côté se déroule une scène plus traditionnelle : un duel d'hoplites entourés de leurs chars respectifs. Il s'agit du vase éponyme du Peintre de la Gorgone, actif entre 600 et 580 av. J.-C., élève du Peintre de Nessos, le plus ancien représentant des figures noires attiques. Il lui a d'ailleurs emprunté, en le développant, le thème des Gorgones. Avec cette frise entièrement narrative et dépourvue de tout élément décoratif, le Peintre de la Gorgone annonce l'essor de la production attique qui se dégagera progressivement de l'influence corinthienne au cours du second quart du VIe siècle av. J.-C..