La taille impressionnante de cette loutrophore et la richesse de son décor à figures rouges rehaussé de couleurs, témoigne de la qualité atteinte par les artistes d’Apulie au cours de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. Ce chef d’œuvre du « style orné » est décoré sur la face principale d’une scène d’offrande au naïskos. La défunte est représentée dans ce monument en forme de temple, entourée de plusieurs jeunes gens apportant des offrandes.
La loutrophore
La loutrophore est un vase fermé permettant de contenir et de transporter des liquides. Son nom vient du grec "loutron" (bain) et "phoro" (porter) signifiant « porter l’eau du bain ». Cette grande amphore de forme élancée contenait l’eau des ablutions rituelles lors des mariages ou des funérailles, et marquait également l’emplacement des tombes de personnes mortes célibataires. La loutrophore apparaît en Attique dès le VIIe siècle av. J.-C. Sa fonction et son décor sont liés à l’univers des morts et au monde féminin. Sa forme va évoluer au cours des siècles, les ateliers produiront des loutrophores aux proportions de plus en plus élancées. Dès le milieu du IVe s. av. J.-C., on distingue en Apulie uniquement, deux types de loutrophore, dont la forme est très différente de celle produite auparavant par les ateliers attiques : le premier type à panse ovoïde, et le second type dont les parois de la panse sont concaves.
La grande loutrophore du Louvre est impressionnante d’une part par sa taille (H : 92,5 cm.) et d’autre part par le décor très ouvragé de ses anses à volutes. Elle appartient au premier type de loutrophore. Un couvercle, surmonté d’un bouton en forme de feuilles, recouvre l’embouchure. Le gigantisme du vase, caractéristique de la production apulienne de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., et le complexe agencement des anses, témoignent de la virtuosité du potier.
La fonction funéraire de la loutrophore est également définie par le choix du décor peint, lié au monde des défunts : la scène d’offrande au naïskos.
Scène d'offrande au "naïskos"
Au centre de la composition s’élève un naïskos, monument en forme de petit temple, habité par l’effigie d’une défunte et de sa servante. Ce thème se généralise dans la céramique apulienne dès le second quart du IVe siècle av. J.-C. Le naïskos peint en blanc sur le vase, reproduit ces petits temples qui, dans la réalité, étaient construits en marbre ou en calcaire stuqué. Le monument aux colonnes ioniques, possède un fronton dont le sommet et les angles sont surmontés de palmettes.
A l’intérieur, la défunte est accoudée à un grand lécythe blanc, et se regarde de manière mélancolique dans le miroir à manche qu’elle tient dans la main droite. Elle est vêtue d’un chiton blanc et d’un himation pourpre. La jeune servante qui lui fait face, tend un coffret fermé et un éventail, accessoires de la parure féminine.
Autour du naïskos, les porteurs d’offrandes sont étagés sur trois niveaux : des femmes, assises ou debout, présentent des coffrets, des vases, des bandelettes ou encore un objet en forme d’échelle, identifié comme une sorte de xylophone, et un jeune homme tient une couronne. Ces jeunes gens, traditionnellement représentés autour du monument funéraire, semblent accompagner le défunt dans l’au-delà par leur présence et leurs offrandes.
Le « style orné » apulien
Le « style orné » apulien se caractérise par plusieurs tendances. D’une part, les vases atteignent des proportions impressionnantes, comme en témoigne la loutrophore éponyme du Peintre du Louvre MNB 1148, et leur fonction s’apparente de plus en plus à celle d’un petit monument. D’autre part, les décors secondaires exécutés avec une grande finesse et rehaussés de couleurs diverses (blanc, jaune et pourpre), envahissent les différentes parties du vase. Le Peintre du Louvre MNB 1148 est un artiste du troisième quart du IVe siècle av. J.-C., dont le talent est comparable à celui de ses contemporains, le Peintre de Darius et le Peintre des Enfers. Il a réalisé plusieurs vases remarquables par leur forme et par le choix des sujets (funéraires et mythologiques).