Mosaïque Rome Italie Rome Tor Marciano Ulysse Vs Sirènes Vatican
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Mosaïque romaine du IIe siècle Ap^JC sur le sol du Braccio Nuovo, venant de Tor Marancia, sur la Via Ardeatina
L'Histoire :
Circé la magicienne prévient Ulysse des dangers qu’il doit affronter, en particulier des sirènes. Les sirènes, filles du dieu-fleuve Achéloos, sont des êtres fabuleux, à la tête et au buste de femme posés sur un corps d’oiseau. Elles vivent sur des rochers escarpés entre une île et la côte italienne. Elles attirent les marins par la douceur de leur voix, qui fait tout oublier. Les navires se brisent sur les récifs. Prévenu par Circé, Ulysse leur résiste.
Le texte de l'Odyssée :
"Et je disais cela à mes compagnons, et, pendant ce temps, la nef bien construite approcha rapidement de l'île des Sirènes, tant le vent favorable nous poussait ; mais il s'apaisa aussitôt, et il fit silence, et un dieu assoupit les flots. Alors, mes compagnons, se levant, plièrent les voiles et les déposèrent dans la nef creuse ; et, s'étant assis, ils blanchirent l'eau avec leurs avirons polis. Et je coupai, à l'aide de l'airain tranchant, une grande masse ronde de cire, dont je pressai les morceaux dans mes fortes mains ; et la cire s'amollit, car la chaleur du Roi Hèlios (Soleil) était brûlante, et j'employais une grande force. Et je fermai les oreilles de tous mes compagnons. Et, dans la nef, ils me lièrent avec des cordes, par les pieds et les mains, debout contre le mât. Puis, s'asseyant, ils frappèrent de leurs avirons la mer écumeuse.
Et nous approchâmes à la portée de la voix, et la nef rapide, étant proche, fut promptement aperçue par les Sirènes, et elles chantèrent leur chant harmonieux :
- Viens, ô illustre Ulysse, grande gloire des Achéens. Arrête ta nef, afin d'écouter notre voix. Aucun homme n'a dépassé notre île sur sa nef noire sans écouter notre douce voix ; puis, il s'éloigne, plein de joie, et sachant de nombreuses choses. Nous savons, en effet, tout ce que les Achéens et les Troyens ont subi devant la grande Troie par la volonté des Dieux, et nous savons aussi tout ce qui arrive sur la terre nourricière. Elles chantaient ainsi, faisant résonner leur belle voix, et mon cœur voulait les entendre ; et, en remuant les sourcils, je fis signe à mes compagnons de me détacher ; mais ils agitaient plus ardemment les avirons ; et, aussitôt, Périmèdès et Eurylokhos, se levant, me chargèrent de plus de liens. Après que nous les eûmes dépassées et que nous n'entendîmes plus leur voix et leur chant, mes chers compagnons retirèrent la cire de leurs oreilles et me détachèrent (...)"
Qui est l’auteur de ce texte ?
Homère. On n’est pas certain de son existence. Il serait né en Asie mineure vers 850 avant J-C. Plusieurs cités se disputaient l’honneur de l’avoir vu naître (Smyrne, les îles de Chios et de Chypre). Derrière ce nom se cachent peut être une série de poètes (aèdes) anonymes, qui récitaient par cœur de longs poèmes épiques et se les transmettaient oralement. Avec l’arrivée de l’écriture (alphabet), certains ont dû écrire ces histoires afin qu’elles ne se perdent pas. L'Iliade et l’Odyssée, dont on attribue la paternité à Homère, sont en fait une collection de récits indépendants liés entre eux par une intrigue principale.
Qui est le personnage principal ?
Ulysse. C’est un héros grec, roi d’Ithaque, époux de Pénélope et père de Télémaque. Il est présent dans l’Iliade comme personnage secondaire. Dépourvu de pouvoirs (ce n’est pas un demi-dieu), il est cependant rusé. On apprend au début de l’Odyssée, poème dont il est le héros principal (Odusseus en grec = Ulysse), qu’il a permis de lever le siège de Troie grâce à sa ruse du cheval de bois. Mécontentant les dieux de l’Olympe par son intelligence, mais aidé par Athéna, il se perd à travers la Méditerranée et met sept ans à rentrer à Ithaque. Il affronte une série d’épreuves face à des monstres mythologiques, dont les sirènes sont un exemple.
Quelles informations historiques apporte cet épisode ?
Des connaissances géographiques sur la Méditerranée antique.
Cet épisode se déroule quelque part au sud de l’Italie, à un endroit irréel et imprécis que les Grecs pourtant connaissaient. La Méditerranée était sillonée par les Mycéniens bien avant le VIIIe siècle mais peu de lieux étaient vraiment nommés. Où se trouve l'île aux sirènes ? Sur l'île de Capri dans la baie actuelle de Naples ? Sur le détroit de Messine en Sicile ? Quelque part sur une côte remplie de grottes, bordant la Mer Tyrrhénienne ? Il est vain de localiser avec précision les lieux qu'a fréquentés Ulysse. L’Odyssée peut se présenter comme une représentation de la Méditerranée, moins géographique (aucun espace maritime n'est nommé dans le poème) que poétique. Mais les informations obtenues par Homère, proviennent d'un bouche à oreille. Les marins grecs du milieu du IIe millénaire navigaient déjà entre le Levant (est de la Méditerranée), le sud de la Sardaigne et de la Sicile, et l'Espagne, accompagnant leurs marchandises. Ils indiquaient entre eux les endroits paisibles ou dangereux. Homère a sans doute accès à ces récits grecs (surtout de marins venant d'Erétrie ou de Chalcis) ou phéniciens. Le grammairien byzantin Eusthate de Théssalonique (XIIe siècle) pensait que le "chant des sirènes" provenait de chants et de musiques que des peuples littoraux interprétaient gulièrement et dont l'écho était amplifié par le vent soufflant dans les grottes marines alentour. Les navigateurs stoppaient leur voyage au large de cet endroit pour écouter ce "concert" impromptu, avant de repartir. Peut-être a-t-il voyagé lui-même... Deux siècles plus tard, certaines cités vont fonder des colonies autour de la Méditerranée. Elles trouveront dans l’Odyssée des informations précieuses.
Une peur de la mer ?
Les Grecs du VIIIe siècle avant J-C vivent sur les littoraux de la Méditerranée orientale. A lire Homère, on a l'impression qu'ils ont peur de la mer. On le devine à leur croyance de monstres marins comme les sirènes. Les Grecs connaissent les dangers de cette mer et refusent de se lancer dans des traversées importantes. Ils se contentent de longer les côtes et de ne voyager que de jour. Ils n’ont ni cartes, ni boussoles, ni aménagements de guidage (pas de phares, sinon des brasiers régulièrement posés sur les cotes, déjà évoqués dans l'Iliade) Pourtant, leurs connaissances en navigation sont déjà importantes. Dans les deux poèmes d'Homère, des navires sont évoqués et décrits. Dans l' Iliade, on parle de "navires cousus" aux pièces de bois liées entre elles. Un assemblage de tenons chevillés par des mortaises, évoqué dans l'Odyssée, prouve une évolution technique notable. Le bateau d'Ulysse est sans doute un pentécontère de cinquante rameurs, navire long qui fut longtemps utilisé en Méditerranée jusqu'à la différenciation des navires de guerre et des navires marchands au VIe siècle avant J-C, et la création de la trière athénienne (170 rameurs). Les Phocéens naviguèrent sur ce type de nefs avant d'établir leur colonie de Massalia.
La peur d'Homère vient d'une réaction : celle des Grecs restés à terre, voyant partir de plus en plus de marins sur la Méditerranée. C'est pourquoi Ulysse rencontre tant d'obstacles durant son périple (des femmes, des dieux, des monstres). Homère adopte le point de vue angoissé de Péneloppe, la femme d'Ulysse, qui espère un retour à la maison. L'Odyssée est donc un nostoï, un récit très courant à l'époque de retour chez soi.
La fin des héros.
A l’inverse d’Achille, Ulysse est un simple mortel. Bon combattant, il n’est pas pourvu de dons et de pouvoirs particuliers, qui en feraient un guerrier hors du commun. Sa qualité réside dans son métis, son intelligence rusée, qui déplaît tant à Zeus. A Troie, grâce à son cheval de bois, il réussit là où tous les guerriers saisis par l’hubris (la folie guerrière) ont échoué. Condamné à errer à travers la Méditerranée à la recherche de son foyer, il déjoue tous les pièges tendus grâce à son intelligence (dans l’épisode des sirènes, la cire). En s’acharnant à survivre coûte que coûte, il rejette l’idée de la mort brutal et précoce. Il veut vivre avec sa femme Pénélope et son fils Télémaque et mourir le plus vieux possible. Héros sans doute trop humain, il est le dernier de la mythologie grecque. Ulysse est en outre un héros très humain parce que curieux : dans l’épisode des sirènes, il est le seul à ne pas se boucher les oreilles parce qu’il veut les entendre chanter, malgré le danger.