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Rome Céramique Indigène Fréjus
Céramique Indigène Fréjus
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LA CÉRAMIQUE COMMUNE EN GAULE ROMAINE INTRODUCTION
La céramique commune gallo - romaine regroupe sous une appellation inexacte mais usitée, diverses catégories de céramiques. En fait, ce sujet englobe la totalité de la céramique indigène à l'exclusion de la céramique sigillée et de la céramique à «paroi fine». La céramique commune comprend deux catégories de fabrications : une fabrication véritablement à usage quotidien et une production parallèle de produits de luxe, destinée à une utilisation plus sélective. Il s'agit donc d'une masse documentaire exceptionnellement riche et abondante qui constitue 80 à 95 % du mobilier découvert lors des fouilles de sites archéologiques. Ces céramiques sont les vestiges les plus signifiants de la vie quotidienne du Ier au Ve siècle après notre ère. Bien étudiées, elles fournissent des connaissances plus objectives et plus proches de la réalité que des textes souvent partiels et subjectifs. La céramique est présente lors des activités gallo-romaines les plus diverses. Ustensile culinaire, elle est aussi objet d'ornement, et s'associe également étroitement aux rites funéraires et religieux. Elle sert aussi d'emballage, de contenant de diverses marchandises, d'où son intérêt dans l'étude des courants commerciaux. Ce n'est pourtant que récemment qu'on a en quelque sorte découvert cette céramique longtemps jetée au rebut ou stockée de façon aberrante. Actuellement, dans le Nord, le Bassin Parisien, le Centre et la région bordelaise, des études systématiques ont été entreprises qui commencent à éclairer ce domaine trop longtemps négligé, si l'on excepte quelques travaux antérieurs sur l'Est et la Rhénanie. L'étude suivante se présente donc comme un essai de synthèse des éléments connus aujourd'hui dans le domaine de la céramique commune gallo - romaine. Ce travail est loin d'être complet car les lacunes sont nombreuses. Si certaines régions ont fait l'objet d'études complètes, beaucoup restent inexploitées et nous n'avons alors que quelques documents les concernant. Il s'agit donc d'un état de la question résumé et non d'un inventaire complet de toutes les formes de la céramique commune. Ceci serait d'ailleurs fastidieux et sans intérêt ici. Nous avons donc essayé de donner une idée générale des principales formes, productions, décors de la céramique commune, en envisageant aussi ses aspects sociaux et économiques.
- LA CÉRAMIQUE COMMUNE : FORMES, DÉCORS, CHRONOLOGIE. A.ASPECTS GÉNÉRAUX
Les céramiques communes gallo - romaines sont généralement tournées sur un tour rapide. Celui-ci permettait de réaliser des formes élancées à col étroit qui ne peuvent être obtenues par modelage. L'ébauchoir était utilisé pour tracer les moulures et les gorges. L'utilisation du gabarit donnait le profil recherché et permettait d'obtenir des vases de hauteur et de profils identiques. Cependant, si le tournage est la règle en céramique commune gallo- romaine, il faut remarquer que les céramiques grossières non tournées ont continué à être produites parallèlement à la production tournée. Ainsi, dans le Nord, la région Parisienne, la Normandie et la Bretagne, on note des céramiques non tournées, de tradition gauloise, souvent peignées, jusqu'à la fin du Ier siècle. Les potiers aquitains et ceux de l'Est ont même continué cette production jusqu'à la fin du IIIe siècle, avec une forte diminution au IIe siècle. Les formes fabriquées en céramique commune sont parfois identiques à celles en bronze, en verre ou en céramique sigillée. H. Santrot et J. Santrot relèvent ainsi en Aquitaine 37 formes en verre, 21 formes en bronze et 10 formes en sigillée, identiques aux formes de la céramique commune. Ceci se vérifie sur tout le territoire gallo-romain. Le modèle en céramique commune est d'ailleurs parfois antérieur ou du moins contemporain de son homologue en verre, en bronze ou en céramique sigillée. La forme commune n'imite pas toujours l'objet de luxe. En fait, le problème de la naissance d'une forme est plus complexe. L'origine de la forme semble en effet commune aux divers genres de vaisselle. L'aspect définitif est obtenu par retouches successives et la forme se stabilise lorsqu'elle satisfait par son adaptation à l'utilisation souhaitée. Ainsi les formes les plus répandues, fabriquées le plus longtemps, sont les moins compliquées et celles qui s'adaptent le plus facilement (bols, vases, marmites). Il n'y a pas forcément de diffusion à partir d'un atelier créateur. Le même objet peut naître simultanément en divers points d'un territoire dont les populations ont le même patrimoine culturel et le même acquis technique, ce qui explique la relative uniformité des formes de la céramique commune dans toute la Gaule romaine. Le modèle en céramique commune est parfois le premier car le potier, proche de la clientèle, suit de très près l'évolution des besoins et des goûts. Ainsi, alors que la Gaule importera encore longtemps les mortiers campaniens et les assiettes à engobe rouge pompéien, simultanément, les potiers gaulois ont su, dès le règne de Claude, imiter sur place ces productions italiques et répondre ainsi à l'apparition de besoins nouveaux. Quand la forme en céramique commune correspondait aux besoins, elle était adoptée par les verriers, bronziers ou potiers en terre sigillée. Cependant, il faut noter aussi que l'imitation s'est également faite en sens inverse. Les formes en terre ont longtemps reproduit des modèles encore trop coûteux en céramique sigillée, en verre ou en bronze. C'est surtout le cas dans le Bassin Parisien et plus encore le Nord où les céramiques sigillées sont restées rares très longtemps. Ceci a provoqué la fabrication d'imitations des formes ou des pâtes, en céramique ordinaire ou en pâte plus fine (terra rubra, terra nigra, etc.). Lorsque les formes en sigillée se sont répandues, ces imitations ont été abandonnées. Ainsi, dans le Bordelais, la prolifération des biberons en verre aux IIe et IIIe siècles coïncide avec la raréfaction de la forme en terre. Ceci s'explique par l'expansion de la fabrication du verre, accompagnée probablement d'une baisse des prix. La céramique commune est donc le reflet des besoins et des goûts des populations qui la créent. Elle serre de très près la vie économique et culturelle des gens
B.LA DÉCORATION Les décors utilisés par les potiers gallo - romains sont nombreux. Une des techniques les plus simples est celle du lissage à la main mouillée qui donne une espèce d'engobe de finition. Le décor lissé est le plus fréquemment utilisé. Il prend la forme de bandes étroites, peu marquées dans la pâte, à l'aspect parfois brillant et lustré. Il était obtenu à l'aide de poussoirs en bois, en métal, en os ou en pierre, promenés sur la surface de la céramique. Le décor peut être constitué de bandes parallèles ou entrecroisées, de motifs en grille, rayonnants ou ondes. Il est fréquent sur les bols, les vases ovoïdes, les marmites, les bouteilles, les vases tronco- niques du Nord, les pichets. Cette technique de décoration est traditionnelle pour les potiers gallo-romains
LA CÉRAMIQUE COMMUNE EN GAULE ROMAINE
Elle existe dès le début du Ier sièle, disparaît dans le Bordelais au milieu du 1er siècle, mais se poursuit dans la Gaule du Nord et le Languedoc jusqu'au IVe siècle. Les décors incisés et peignés sont également de tradition gauloise. Le décor incisé est réalisé en creusant plus ou moins profondément la pâte à l'aide d'un instrument quelconque de bois ou de métal ou encore avec l'ongle. Les incisions ovalaires ou allongées, en bandes, sont connues sur des bols, des vases ovoïdes, des cruches. Fréquentes dans la période gallo-romaine précoce, elles disparaissent après le deuxième siècle. Le décor peigné s'obtient en promenant sur la pâte un instrument à plusieurs dents. Le décor obtenu est composé de bandes parallèles. En Aquitaine, dans le Languedoc, ce décor n'est pratiquement connu que sur des vases non tournés, ovoïdes ou globulaires, de facture grossière. Il persiste jusqu'à la fin du IVe siècle avec une raréfaction de la fin du Ier siècle au milieu du IIIe siècle. Par contre, plus au Nord, ce décor est employé sur des productions très soignées (terra nigra par exemple), mais disparaît complètement après le second siècle. Les décors excisés, obtenus par l'enlèvement d'un fragment de pâte à l'aide d'un instrument tranchant, le guillochis, incision fine, sont connus sur des vases de production soignée. Ces décors disparaissent à des époques différentes selon les régions mais on ne les rencontre plus après le IIIe siècle. Les décors estampés à la roulette sont réalisés à l'aide de roulettes en bois, en os, en bronze ou en terre cuite d'épaisseur variable et s'inscrivent en creux sur les vases. Ils apparaissent dès la période augustéenne et durent jusqu'au IIP siècle, essentiellement sur des productions soignées. L'engobage est encore un type de décor assez fréquent. Il s'agit en règle générale du trempage de tout ou partie du vase. Il existe aussi quelques décors peints bien spécifiques, notamment sur les céramiques imitant les productions d'Argonne, ainsi que des décors à la barbotine connus surtout sur les vases métallescents. Le décor anthropomorphe n'est connu que sur les cruches et quelques vases (cruches dorées au mica du Ier siècle, vases décorés à l'éponge du Bas -Empire). Les décors de la céramique reflètent bien l'existence de deux productions parallèles : d'une part une fabrication en série de formes d'usage courant, aux décors simples et parfois grossiers, d'autre part une fabrication de formes plus élaborées, moins utilitaires, aux décors soignés. Les décors hérités de la période gauloise coexistent très longtemps avec des décors plus sophistiqués, attestant une longue et persistante survivance des traditions indigènes. En effet, les techniques traditionnelles employées à la période de la Tène ont eu une faveur permanente, alors que les décors nouveaux en vogue à l'époque romaine ont eu des destinées diverses. Ils réapparaîtront de manière identique sur des céramiques héritières des techniques gallo-romaines telles que la céramique estampée tardive paléo- chrétienne, la céramique franque. C. ÉVOLUTION ET CHRONOLOGIE DES FORMES Les divisions classiques (Haut -Empire, Bas -Empire ou Ier, IIe, IIP, IVe siècles) ne conviennent pas exactement à une étude chronologique de la céramique commune gallo - romaine. Les transformations essentielles de cette céramique ne coïncident pas forcément avec les découpages habituels. D'autre part, les objets ont une durée de fabrication parfois très longue qui exclut toute chronologie fine. Enfin le problème est rendu plus complexe encore par les décalages chronologiques entre le Nord et le Sud de la Gaule. Grossièrement, on peut distinguer trois périodes.
1) LA PÉRIODE I (Fig. 1, 2, 3)
La période I englobe le gallo - romain précoce, une période encore marquée fortement par la fin de la période gauloise et où apparaissent les vases tournés. Elle comprend également la première moitié du Ier siècle. Commun à toutes les provinces gauloises, le vieux fond celte est le plus important. Les bols carénés, les vases à panse ronde et à piédestal, les vases ovoïdes, souvent peignés, les vases carénés, les bouteilles à panse ronde sont des héritages directs de la Tène finale. Le vase ovoïde à bord mouluré fabriqué dans tout le Bassin Parisien (Pays de Loire, Champagne, Ile de France) jusqu'à la fin du Ier siècle est un des objets caractéristiques de cette tradition gauloise. Les céramiques à gros dégraissant connues jusqu'au IIe siècle sont également de survivances celtes.
Parallèlement à ces productions traditionnelles, d'autres objets naissent, issus de l'influence méditerranéenne. Un des apports les plus importants est l'utilisation généralisée du tour rapide qui permet des formes plus audacieuses, plus harmonieuses. La présence romaine a renouvelé la céramique gauloise par l'introduction de nouveaux types. Cet apport semble en partie lié à la modification du régime alimentaire des populations indigènes sous l'influence des militaires, des fonctionnaires et des marchands romains travaillant en Gaule. Ainsi, le début de la période gallo-romaine (période augustéenne) est marqué par l'apparition de nombreuses assiettes. L'assiette va ensuite être largement diffusée en Gaule. Ceci semble dû au fait que les Gallo- Romains ont adopté l'alimentation romaine à base de bouillies, de crêpes de céréales. Le revêtement rouge brillant des assiettes à enduit rouge pompéien, présentes dans le Sud, plus tardivement fabriquées dans le Nord, avait pour but de réduire la porosité des assiettes et d'empêcher les aliments d'attacher à la cuisson. Les assiettes gallo - belges du Nord et de l'Est jouent alors le même rôle dans des régions où la céramique arétine n'est pas ou peu connue. C'est également à des changements d'alimentation et surtout à des problèmes de commodité de transport qu'on peut attribuer la création dans la Gaule septentrionale du vase tronconique. C'est aussi l'époque de l'apparition des cruches. Beaucoup de céramiques sont des imitations d'objets italiques alors à la mode. Le calice, imité des modèles en métal précieux ou en bronze grecs ou romains, est fabriqué uniquement dans la partie méridionale (Sud et Sud -Ouest). Les productions fines sont alors nombreuses et diversifiées : terra nigra, terra rubra, vases dorés au mica, céramiques à enduit rouge. L'imagination des potiers crée des formes sophistiquées, moulurées, aux pieds travaillés. Les céramiques sont souvent décorées d'incisions et de motifs peignés de tradition gauloise pour les productions grossières, de guillochis et de motifs à la roulette pour les fabrications plus soignées. Les rivalités entre les traditions celtes et les influences méditerranéennes sont très sensibles dès la période augustéenne. Les ateliers produisent simultanément dans des pâtes fines des formes celtes et des formes directement inspirées par les productions italiques.
2) LA PÉRIODE II (Fig. 4, 5, 6)
La deuxième période couvre grossièrement le Haut -Empire (Ier, IIe siècles). Elle se caractérise par une grande diversité de la production, accompagnée de l'apparition de nouveaux types, de nouveaux décors. C'est alors une période de grande prospérité industrielle. Le développement de la céramique commune coïncide avec l'apogée des officines régionales de sigillée. C'est l'époque des grands ateliers qui regroupent des centaines de fours (Labuis- sière, Pas-de-Calais), remplaçant le petit artisanat de la période précédente. Les céramiques sont fabriquées en quantités véritablement industrielles. Cette prospérité a pour revers une standardisation des formes. Les objets sont de très bonne qualité, encore assez diversifiés, plus pratiques et plus maniables, mais leur qualités esthétiques diminuent. La fabrication des céramiques fines est pratiquement abandonnée. Ceci est dû à la diffusion plus grande de la vaisselle sigillée. Des types apparaissent, correspondant à des besoins nouveaux: mortier, marmite, dolium. Cette floraison dure jusqu'à la fin du IIe siècle dans la Gaule Belgique, s'arrête plus tôt (milieu de IIe) dans le Sud où l'influence méditerranéenne balaye les productions traditionnelles. Dans la Gaule Belgique et le Bassin Parisien, si on note une prépondérance des céramiques imitées des productions romaines, certaines céramiques traditionnelles persistent. C'est le cas des bols carénés, du vase caréné. Les assiettes, essentiellement à panse ronde ou obliques sont fabriquées en grandes quantités. Les bols sont très divers : bols carénés de types très variés, imitations des formes en sigillée. Les marmites commencent alors à se répandre. Cette forme intermédiaire entre le bol et le vase, c'est-à-dire assez haute mais ouverte, courante dans le Nord et la Belgique actuelle, la Picardie, est plus rare ailleurs. Elle est généralement associée aux bols et vases tronconiques. Sa durée de production va de la fin du Ier siècle au IVe siècle, mais la plupart des formes disparaissent à la fin du IIe siècle. Dans les autres régions le rôle des marmites est essentiellement assuré par les bols tripodes connus au Haut -Empire dans la partie Sud et qui ne se répandent que vers le IIIe siècle plus au Nord (Ile -de- F7rance, Normandie, Pays de la Loire) et sont quasiment inconnus dans le Nord. Le bol tripode était placé directement sur le foyer. Dans le Bordelais, tous les bols tripodes de la période 40-70 ont reçu un engobe micacé doré. Ceux du IIe siècle à Lyon également, ce qui indique une volonté d'imiter la vaisselle métallique alors peu répandue.
LA CÉRAMIQUE COMMUNE EN GAULE ROMAINE
C'est également l'époque de la fabrication et de la diffusion du mortier déjà connu plus tôt en Gaule du Sud. Ustensile culinaire destiné à broyer, malaxer ou piler des denrées, il servait en particulier à décortiquer les grains, à la fabrication de la semoule, à la confection de sauces, de bouillies, de galettes, de quenelles de poisson pilé, de boulettes de viande. Ils servaient aussi à la préparation du fromage, des épices ou de gâteaux. Ce bol lourd, garni à l'intérieur de grains de quartz, doté d'un bec verseur, est un objet typiquement méditerranéen, une pièce majeure de la cuisine romaine, mais inconnu des Celtes. L'utilisation du mortier a d'abord progressé très lentement dans l'Empire à partir de l'Italie. Si, dans les camps militaires on le rencontre massivement à une date précoce, il n'est pas étonnant qu'il soit assez rare au début de la période gallo - romaine, il est surtout présent en Narbonnaise et dans les villes où l'on trouve les premiers mortiers importés d'Italie, associés à des assiettes à engobe rouge pompéien car le mortier sert à préparer la bouillie que les assiettes permettent de cuire en crêpes ou galettes. Les vases de cette période sont de type divers : vases à panse ronde traditionnels, vases moulurés. Dans la Gaule du Nord (Nord, Pas - de - Calais, Picardie, Belgique actuelle), les vases tronconiques sont fabriqués en quantités considérables. Il semble qu'ils aient eu le double rôle de la cuisine et du transport des marchandises. Quelques types rares de bouteille persistent mais les cruches sont fabriquées en grand nombre, surtout en ce qui concerne les cruches à lèvre cannelée. La Gaule du Sud voit également l'apparition du pichet, vase à une anse. Il existe parfois dès le gallo - romain précoce (à Lyon par exemple), mais il n'apparaît que plus tardivement dans les régions plus septentrionales. C'est une des formes du Bas -Empire dans le Nord et le Bassin Parisien. Enfin cette deuxième période connaît de nombreux décors : le lissage, les décors peignés, incisés, estampés sont largement répandus, ainsi que le décor à la roulette. Dans l'ensemble, ils sont cependant moins sophistiqués que durant la période précédente. D'artisanale, la production est devenue industrielle. C'est une fabrication en série destinée à satisfaire une demande importante. 3) LA PÉRIODE III (Fig. 7, 8, 9) La dernière période de la céramique commune gallo - romaine est marquée par un appauvrissement du répertoire et une baisse de qualité au IIIe siècle. Les crises politiques et militaires de la fin du IIe siècle et du début du IIIe siècles portent atteinte à la sécurité des transports et restreignent les débouchés des grandes officines régionales. Ceci a pour conséquence directe de faire revivre les petites industries locales avec cependant plus ou moins de bonheur dans les résultats. Dans certaines régions, le IIIe siècle marque un retour à la culture et aux techniques celtes. Ainsi, dans le Bordelais et dans l'Est, on note une très importante résurgence des productions non tournées, peignées. Dans d'autres régions (Gaule Belgique, Bassin Parisien), les productions du Haut -Empire sont copiées dans des formes alourdies et mal faites. La plupart du temps, on assiste à la floraison d'une multitude de petits vases de types identiques, aux formes bâtardes (vases à anse aplatie), copiés sur les productions de la période précédente. La fabrication stagne, tant au niveau de l'imagination des potiers qu'au niveau de la qualité des objets. Certaines céramiques ne sont même pas stables. Les pieds moulurés sont d'ailleurs abandonnés au profit de la section plane, découpée à la ficelle. Ceci semble la conséquence des difficultés de l'Empire, de l'affaiblissement provisoire du pouvoir de Rome sur les provinces. A la fin du IIIe siècle et au IVe siècle, des ateliers régionaux importants se reconstituent dans l'Argonne, la Champagne, le Centre, l'Ouest et marquent un retour aux types et aux modes traditionnels celtes. Les objets sont à nouveau de bonne qualité. Les ateliers de la Gaule Belgique fabriquent des céramiques dont l'aspect rappelle celui de la terra nigra du Ier siècle. Les productions en «craquelé bleuté» ou décorées à l'éponge se diffusent largement. Cependant, mises à part ces catégories de céramiques fines, les objets manquent de diversité et la production s'uniformise. Les formes de base sont reproduites à l'infini avec quelques variantes, sur tout le territoire gallo - romain. Les différences régionales sont alors beaucoup moins sensibles. Les formes carénées, très nombreuses, se répandent (bols essentiellement). Les imitations de «craquelé bleuté» sont alors très connues dans le Nord, la Picardie, l'Ile-de-France, la Normandie et les pays de Loire. Des types proches étaient apparus plus tôt en Gaule du Sud où la céramique du Bas - Empire reste mal connue. De même, les cruches à bec tréflé sont alors fabriquées en quantité dans des régions où elles étaient rares auparavant. Les «œno- choés» sont des objets de tradition hellénistique, connus très tôt des populations gauloises. Par le Danube et par le Rhône, par la vallée de la Garonne et les colonies du littoral méditerranéen, les œnochoés ioniennes ou rhodiennes en terre cuite ont largement pénétré en Gaule. Elles n'ont généralement pas été imitées avant l'ère chrétienne. On rencontre parfois des imitations dès le début du Ier siècle (Vimy, Pas - de - Calais, Lyon, rue des Farges), mais ce n'est qu'au IIe siècle que ce type commence à se diffuser. Il est alors encore rare au Nord de la Loire. Dans cette région, il est surtout fabriqué au Bas - Empire (IVe siècle essentiellement). Au Haut - Empire, ce type de céramique est surtout un objet de sépulture où il est associé à une patère ou à une assiette de façon rituelle (Vimy, Bordeaux, Argenton- sur- Creuse). Les décors de cette période sont rares et se bornent souvent à des bandes lissées. Après une période de déstabilisation, on assiste donc, au Bas - Empire, à une reprise de la production mais le «faciès céramique» est différent. La tradition celte reprend le dessus sans pour autant être un retour complet aux formes anciennes
II -LES PRODUCTIONS FINES
Dans ce qui précède, nous avons simplement évoqué le répertoire des formes de la céramique commune et son évolution. Nous n'avons pas étudié de façon précise les productions fines qui constituent cependant une part importante de cette céramique. En effet, parallèlement à la fabrication des céramiques destinées à un usage quotidien, il existe un certain nombre de productions de luxe qui se distinguent par une pâte, des formes, des décors particuliers, souvent très soignés. Ces objets, d'un usage moins courant que la céramique véritablement commune, sont plus ou moins nombreux selon les sites, mais ils sont cependant assez bien répandus. Leurs formes plus ou moins sophistiquées sont soit empruntées aux traditions gauloises ou à la vaisselle en sigillée ou encore à la vaisselle en bronze.
LES PRODUCTIONS DU HAUT- EMPIRE 1)LA TERRA NIGRA (Fig. 10)
Le terfne «terra nigra» désigne une pâte particulière. Celle-ci est gris clair, fine, cassante, à dégraissant sableux très fin. La surface est noire, brillante, lustrée, souvent décorée de motifs peignés, excisés, guillochés ou lissés. Le fond des assiettes porte souvent .une estampille. Cette céramique semble avoir été fabriquée dès l'époque augustéenne, jusqu'au début du IIe siècle dans certaines régions. Il faut également noter qu'au IVe siècle, certaines formes tardives sont réalisées dans une pâte très voisine de la terra nigra et on peut se demander s'il ne faudrait pas alors parler de terra nigra tardive. Cette céramique a des formes soit spécifiques soit communes aux céramiques en terra rubra, à enduit rouge ou à pâte grise ordinaire. Il semble qu'elle se soit répandue essentiellement en Gaule Belgique, surtout en Champagne où existent d'importants ateliers producteurs (Courmelois, Sept - Saulx, Thuisy). Il y a aussi des ateliers dans le Centre de la France (Vichy, Roanne), encore mal connus. 2)LA TERRA RUBRA (Fig. 10) Production voisine de la terra nigra à laquelle elle est souvent associée, la terra rubra désigne une pâte rouge orangé, fine, cassante. La surface est également orangée, souvent décorée elle aussi de motifs guillochés ou exécutés à la roulette. Cette production est beaucoup plus limitée que celle de la terra nigra. Les types sont peu variés. La fabrication a surtout porté sur des assiettes, des vases ovoïdes ou carénés et sur un type particulier de vase ovoïde mouluré, guilloché et orné de boutons collés. Cette céramique a une aire de production identique à celle de la terra nigra avec de nombreux ateliers en Champagne (y compris à Reims même), mais sa fabrication s'arrête après la période d'Auguste -Tibère. Ces céramiques, terra nigra et terra rubra, sont très répandues en Belgique, dans les Pays-Bas actuels, le Nord, la Picardie et la Champagne, d'où leur appellation courante de gallo - belges. Il faut noter que ces céramiques disparaissent plus au sud. Elles sont copiées dans le Berry dans des pâtes grises ou rouges de facture assez grossière. Il existe ainsi à Bourges des copies de vases en terra rubra, datés du début du Ier siècle, aux décors végétaux originaux.
LA CÉRAMIQUE DORÉE AU MICA (Fig. 11)
II s'agit d'une céramique moins bien connue que les précédentes, en raison de sa rareté et de la fragilité de son enduit qui la rend difficilement identifiable, et assimilable à des céramiques ordinaires. Cette céramique constitue une partie de l'ensemble défini à Blicquy (Belgique) comme «poterie savonneuse». Elle s'individualise par un engobe doré au mica destiné à imiter le métal. La pâte est généralement orange. L'engobe ne couvre pas toute la surface de la céramique mais parfois uniquement la lèvre, le col et le haut de la panse. La dorure est plus ou moins soutenue. Les formes sont relativement diverses mais ne semblent pas originales. Les types sont parfois des imitations de céramiques sigillées (bol à collerette) ou de la vaisselle en bronze (patère et cruche à bec tréflé, à décor anthropomorphe). Certains objets originaux sont des copies de vases méditerranéens (vase à deux anses). Cette céramique est peu décorée : impressions ou décors en relief sur les patères, bossettes sur les vases à panse ronde. Ces objets sont fabriqués à partir du début du Ier siècle et jusqu'à la fin du IIe siècle. Ils sont bien connus dans le Nord, la Belgique actuelle, le Bassin Parisien. Plus au Sud, ils sont présents à Bordeaux et à Lyon. 4)LA CÉRAMIQUE PLOMBIFÈRE (Fig. 11) II s'agit d'une céramique glaçurée, a l'aspect brillant. La pâte est généralement blanc -jaunâtre. La glaçure a des tons variables du jaune au vert. Les formes sont généralement sophistiquées : vases à anses, vases en forme de pomme de pin, cruches et bouteilles moulurées. Les décors sont moulés ou guillochés. Ces objets ont été fabriqués au Ier siècle essentiellement, parfois jusqu'au IIe siècle par les ateliers du Centre de la Gaule (St Rémy - en - Rollat, Vichy, vallée de l'Allier). Ils ont été diffusés vers le Nord-Ouest car ils sont connus en Normandie, également vers le Sud- Ouest (Bordeaux). Ils ont en fait été trouvés sur tout le territoire gaulois mais à très peu d'exemplaires.
LA CÉRAMIQUE À ENDUIT ROUGE (Fig. 10)
Les céramiques à enduit rouge sont généralement réalisées en pâte beige. Les assiettes et les bols sont engo- bés à l'intérieur et sur le rebord extérieur, parfois sur toute la lèvre, d'un enduit de couleur rouge plus ou moins brillant. Les formes sont parfois communes à la terra nigra, à la céramique dorée et sont aussi des imitations de formes de céramique sigillée. La plupart sont fabriquées à partir du début du Ier siècle, en même temps que la céramique dorée, et précèdent souvent les productions gallo- belges. Quelques types sont encore présents à une période tardive (bol, cruche au IVe siècle), mais cette production disparaît durant la période intermédiaire (IIe, IIP siècles). Les assiettes à enduit rouge pompéien existent dès le début du Ier siècle en Gaule du Sud. Elles n'apparaissent qu'à la fin du Ier siècle plus au Nord et se répandent surtout au IIe siècle en Gaule Belgique. Il s'agit alors d'une production régionale belge, bien connue sur les sites de la Belgique actuelle (assiettes de Blicquy). Elles existent jusqu'au IIP siècle. B. LES PRODUCTIONS DU BAS -EMPIRE (Fig. 12)
1)LES IMITATIONS PEINTES D'ARGONNE Les céramiques imitées des productions en sigillée de l'Argonne sont des cruches et des bols peints. Les pâtes sont beiges et la surface claire est décorée de bandes, d'arabesques et de motifs ocres et orangés. Ces objets sont très connus en Picardie, en Ile-de-France, dans le Sud et l'Ouest du Bassin Parisien (Loiret, Cher, Eure-et-Loir). Il semble qu'un atelier ait existé en Picardie. Un autre serait l'atelier de Jaulges- Villiers- Vineux (Yonne). Cette production apparaît dans le centre à la fin du IIP siècle et se poursuit durant tout le IVe siècle. Elle est un peu plus tardive dans l'Oise.
2)LA CÉRAMIQUE MÉTALLESCENTE
La céramique métallescente est une imitation directe de l'aspect du métal. La surface des objets est brillante, argentée ou vert doré. Il semble que l'origine de la mâtallescence réside dans une constitution cristalline particulière de la couche superficielle de l'engobe. Les formes sont peu variées : bols, vases et surtout vases à dépressions. Cette céramique est diversement décorée : décors en relief d'applique, à la barbotine, décors peints et excisés. Elle est produite dans le Centre du IIe au IIIe siècle. Les ateliers bourguignons de Jaulges - Villiers - Vineux (Yonne) l'ont fabriquée jusqu'au IVe siècle). L'Argonne a également été une région productrice (IIIe siècle). Les ateliers rhénans l'ont fabriquée de 180 à 270. De ce fait, elle s'est diffusée dans toute la Gaule romaine de façon plus ou moins abondante.
LA CÉRAMIQUE DITE À L'ÉPONGE
Le terme céramique «dite à l'éponge» désigne un ensemble de poteries bien caractérisées par leur forme et leur décor. L'engobe varie du rouge - brun mat au noir métallique sur une pâte peu homogène, allant du beige clair au gris. La caractéristique essentielle de cette céramique est le décor, constitué d'un même motif étoile sur toute la surface du vase. On a pensé que ces étoiles avaient été formées par l'écrasement d'une éponge pleine de couleurs, d'où l'appellation "à l'éponge". En fait, le décor est obtenu par l'application du pouce ou de la paume, en utilisant les différentes épaisseurs de l'engobe. Le répertoire des formes est peu abondant : bols, vases et cruches. Ces objets étaient totalement nouveaux, d'où leur succès et leur commercialisation importante. Cette céramique apparaît dans le dernier quart du IIIe siècle et dure jusqu'au début du Ve siècle. Sa zone de production est nettement délimitée entre Loire et Garonne. Exportée vers les pays de la Loire, elle n'a cependant pas pénétré le Massif Central, ni les régions du Nord
LA CÉRAMIQUE «CRAQUELÉ BLEUTÉ»
La céramique dite «craquelé bleuté» est également une production assez soignée, bien qu'il ne s'agisse pas véritablement d'une production de luxe. La surface des objets a un aspect craquelé de fins réseaux bleu foncé sur une surface gris clair, d'où son appellation. Cette céramique, connue dans l'Argonne, est très répandue en Champagne, où l'on compte plusieurs ateliers de production. Le plus important connu à ce jour, celui de La Villeneuve au Chatelôt, en a produit de nombreux exemplaires. Cette fabrication a porté essentiellement sur des vases et bols carénés, des pichets. Elle date du Bas - Empire. Cependant, elle est connue dès le début du Ier siècle dans les ateliers de la vallée de la Vesle (Haute -Marne)
LA CÉRAMIQUE DITE MAYEN
II ne s'agit pas ici d'une production fine mais d'une production un peu particulière. L'appellation «mayen» provient du fait qu'un atelier de fabrication de ce type de poterie a été découvert au début du siècle à Mayen dans l'Eifel. Le terme est en fait inadéquat car les exemplaires connus ne viennent pas obligatoirement de cet atelier. Nous gardons le terme pour des raisons de commodité. Il s'agit d'une céramique granuleuse sans rapport avec les céramiques à dégraissant apparent, souvent exceptionnellement lourde. Les formes sont peu variées : bols, vases, pichets et cruches. Certaines formes sont communes à la production «craquelé bleuté. Cette céramique est bien connue en Ile- de-France et dans l'Est. Elle a été exportée vers l'Angleterre. Il semble qu'elle apparaisse à la fin du IVe siècle et surtout au Ve siècle. Elle disparaît du Sud du Bassin Parisien dans la première moitié du Ve siècle, mais perdure dans sa partie Nord pendant tout le Haut Moyen Age. III -LES ASPECTS SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES Nous regroupons dans cette partie les conclusions qu'apporte l'étude de la céramique commune.
LA FABRICATION
La fabrication de la céramique commune a porté essentiellement sur les bols, les vases, puis sur les assiettes et les cruches, enfin les marmites, mortiers, bouteilles, dolia, pichets et enfin les objets divers (patères, biberons, etc.). Ceci s'explique aisément par le caractère polyvalent de ces objets (bols et vases), pouvant être utilisés pour diverses fonctions. Les objets plus spécialisés sont moins nombreux. L'étude de la fréquence des objets peut être très significative. Ainsi, on remarque une nette différence entre la Gaule du Nord et la Gaule du Sud dans les proportions d'assiettes et de mortiers. Ceux-ci sont plus nombreux et plus précoces en Gaule du Sud. Comme il a été vu plus haut, ces objets sont quasiment inconnus des Gaulois et correspondent probablement à un changement d'alimentation dû à l'introduction des habitudes romaines en matière de cuisine. Il est donc probable que ce type d'alimentation a été beaucoup moins adopté dans le Nord où il a pénétré plus tardivement et a eu plus de difficultés à s'imposer. L'absence dans ces régions des bols marmites tripodes indique également une différence dans les habitudes culinaires. La fabrication des céramiques communes gallo - romaines ne s'est pas faite au hasard. Dans les grandes officines, il a été aisé de remarquer que les objets étaient réalisés en plusieurs tailles (trois ou quatre en général). Selon le type de céramique, c'est la plus grande ou la plus petite taille qui est la plus fréquente, pour des raisons fonctionnelles. De même, les lèvres et les décors ne sont pas mis au hasard sur n'importe quel type de céramique. Certains types de lèvres sont rattachés à des types de vases bien précis, d'autres non. Il en est de même pour les décors. Il est ainsi parfois possible d'identifier un type de céramique avec un fragment de la lèvre ou du décor (Fig. 13).
Enfin, il est actuellement possible d'introduire la notion de service dans la céramique commune. La définition du service est celle du service de table au sens moderne. Elle désigne un ensemble de céramiques de types différents (bol, vase, bouteille), mais de forme générale semblable : forme du col, de la panse, lèvres identiques et décorées de la même façon. En fait, il s'agit du même objet réalisé en forme haute ou basse (Fig. 14).
On a pu ainsi identifier trois services dans la céramique commune du Nord de la France. D'autres existent, mais il est difficile de les individualiser. Les données restent encore insuffisantes et les normes de fabrication sont évidemment beaucoup moins strictes que pour la céramique sigillée. En effet, de nombreux objets peuvent être intégrés dans un même service. Enfin, il est nécessaire d'étudier des séries d'objets très nombreux à l'échelon d'une région, pour parvenir à déterminer ces services. B. L'UTILISATION DE LA CÉRAMIQUE Nous avons déjà évoqué plus haut, lors de l'étude des formes, les diverses utilisations des céramiques. Nous ne reviendrons donc pas sur le rôle culinaire des assiettes, mortiers ou marmites. Les vases, qui sont des objets les plus fréquents ont toutes sortes d'utilisations. Certains d'entre eux ont contenu des onguents pour les vivants. Les autres ont été des vases culinaires avant de servir d'urnes funéraires. Les vases sont avant tout des vases à cuire et à conserver. Les vases de faible contenance, parfois poissés, contenaient les légumes. Dans les vases de moyenne et de grande capacité et à large ouverture étaient conservés les fruits secs ou confits, des grains, des poissons salés, des viandes, fromages, épices. Ces récipients servaient aussi aux usages les plus divers. Certains renfermaient du colorant en poudre. Les bols, comme les vases, ont eu de multiples usages. Ils servaient surtout à la présentation des mets. Les pichets étaient destinés à contenir et verser des liquides ou des fluides (bouillies, graines, farines). Beaucoup ont été poissés pour les rendre imperméables et donner un goût résiné aux aliments. Les cruches ont dû être utilisées entre autres pour faire chauffer l'eau ou le lait. Elles portent souvent une pellicule interne de calcaire. Les cruches à deux anses paraissent plutôt destinées au transport et à la conservation des liquides ou des denrées fluides. Enfin les biberons semblent avoir été destinés à faire boire les nourrissons ou les malades. Ceci laisse supposer l'existence d'un allaitement artificiel. Le biberon devait être utilisé pour faciliter le sevrage. Moins fréquent dans le Nord où il est quasiment inconnu au Haut - Empire, il s'agit d'une pièce importante de l'univers infantile. Il accompagne fréquemment les jouets et statuettes protectrices dans les tombes des enfants morts en bas âge. Les vases de très petites tailles, reproduisant les grands en miniature, qu'on trouve également dans les tombes, sont probablement des jouets, les «dînettes» de l'époque. Les céramiques ont aussi un rôle funéraire et religieux. Les objets des sépultures sont surtout choisis parmi les assiettes, les bols, les vases, les bouteilles et les cruches de préférence de fabrication soignée, surtout au Haut- Empire. Le service à libations (cruche à bec tréflé et patère) est uniquement présent dans les sépultures. Objets rituels, destinés au culte des morts, ils sont une imitation directe des services en bronze. Le décor anthropomorphe original des cruches de Vimy (Pas - de - Calais) laisse à penser que ces objets ont pu être systématiquement fabriqués en vue de l'usage funéraire, le visage représenté indiquant le mort de façon conventionnelle : femme, homme, vieillard. Le mobilier présent dans les sépultures n'est donc pas rigoureusement identique à celui des officines, habitats et dépotoirs. On peut supposer que certains objets étaient de préférence réservés et conservés en vue des usages funéraires. Il est en effet courant de trouver des céramiques fines du Haut-Empire dans des nécropoles plus tardives.212M. TUFFREAU-UBRE Le caractère rituel de la céramique est bien attesté aussi dans le cas des puits à sacrifice. Celui qui est connu dans le Pas - de - Calais à Noyelles - Godault (période d'Auguste -Tibère) contenait au fond des fragments de céramiques, brisées avant l'enfouissement, accompagnées d'ossements animaux correspondant aux offrandes alimentaires. Les débris étaient disposés dans la couche inférieure, sous les deux étages de squelettes, séparés par un remblai stérile. Ceci indique bien la volonté d'une offrande particulière aux dieux infernaux. Le rôle religieux de la céramique est également important, témoin les vases mithriaques micacés de la Gaule Belgique. Il faut insister sur le rôle d'emballage des céramiques. Celui des amphores et des cruches est bien connu, mais certains autres vases comme les vases et marmites tronconiques du Nord de la France et de la Belgique actuelle ont dû avoir également l'utilisation d'emballages pour les transports de marchandises. Cette céramique a été utilisée largement par l'ensemble de la population. Les différences d'origine sociale des utilisateurs n'apparaissent que par la présence ou l'absence des céramiques de luxe. La répartition de la céramique dorée au mica illustre bien ce problème. La céramique dorée au mica est connue dans les villes romaines, généralement importantes, carrefours commerciaux. On connaît aussi ces céramiques dans des vicus et des villa assez luxueuses (Mercin - et -Vaux, Aisne). Elles est uniquement présente dans les sépultures riches, celles en l'occurrence des propriétaires (Vimy, Pas-de- Calais), selon toutes probabilités. Il semble donc que ce type d'objet soit lié à une certaine aisance, et on peut suggérer que les utilisateurs de ces vases étaient des indigènes aisés, appartenant à une classe sociale relativement élevée. Il faut souligner aussi la grande différence entre le mobilier trouvé dans les campagnes et celui des villes. Ces différences, sensibles au Haut - Empire, disparaissent au Bas - Empire. De même, les céramiques fines du début de la période (imitations de céramiques italiques, productions belges) pénètrent plus tôt les villes que les campagnes. C. LA CIRCULATION DE LA CÉRAMIQUE La circulation de la céramique commune est souvent difficile à déterminer. En effet, les productions locales sont nombreuses et il est souvent impossible de discerner s'il s'agit d'une importation ou d'un produit fabriqué dans la région. La diffusion des céramiques à partir des ateliers est plus facile à établir lorsqu'il s'agit d'objets estampillés comme les mortiers ou les assiettes gallo - belges. Les ateliers à caractère familial devaient vivre en régime d'autarcie. Les catégories les plus courantes pouvaient être diffusées dans un petit rayon autour de l'officine. Les productions plus originales et plus soignées avaient probablement un rayonnement sur l'ensemble du territoire d'une province. Les céramiques peintes de Saintonge étaient ainsi diffusées dans tout le Bordelais jusqu'aux Landes. Les ateliers de céramiques gallo -belges champenois ont diffusé leurs céramiques dans toute la Gaule Belgique. Les grosses officines comme Labuissière (Pas-de-Calais) ou La Villeneuve au Chatelôt (Aube) devaient envoyer leur production dans toute la province. Les céramiques poitevines «à l'éponge», les céramiques peintes du Forez dans le Massif Central, les cruches imitées d'Argonne ont été diffusées au-delà des limites de leur province, à peu d'exemplaires cependant. Certaines céramiques ont été importées de l'extérieur. Les assiettes italiques, les mortiers campaniens ont fait l'objet d'un important commerce caractérisé. Tout le littoral de la Normandie au Pas - de - Calais a eu des relations importantes avec la Bretagne. On trouve dans toutes ces régions d'assez nombreux vases blancs guillochés, du IVe siècle essentiellement, qui sont inconstestablement des productions anglaises. A l'intérieur de la Gaule, les objets ont circulé dès le début du Ier siècle, avec un ralentissement et même des interruptions au IIIe siècle. Le Bordelais avait des relations avec Lyon, liaison représentée par les vases moulés de la région de Vichy, les vases peints du Forez, les mortiers lyonnais et dauphinois. Les régions du Bassin Parisien ont eu des relations commerciales avec la Rhénanie, au Nord, avec le centre de la Gaule (vases plombifères trouvés en Normandie), avec le Sud aussi mais de façon moins importante
En fait, les régions présentent souvent chacune, à un échelon assez vaste, un faciès céramique dû à la circulation à l'intérieur des productions qui se raréfient sur le pourtour pour devenir inconnues dans les régions voisines. Par exemple, la céramique tronconique est caractéristique du Nord de la France, de la Belgique actuelle. Elle est moins abondante en Picardie, disparaît en Champagne, en Normandie et en Ile - de - France. Par contre, les productions en craquelé bleuté, si nombreuses en Champagne, sont quasiment inconnues dans le Nord de la France. Il existe donc des aires d'influence pour ces catégories de production. La diffusion de la céramique à l'éponge a ainsi été limitée au Sud par la concurrence de Bordeaux et de la région de Saintes. Vers le Massif Central, elle s'est trouvée en compétition avec les officines encore importantes de Vichy et de Clermont, (Fig. 15). En fait, la connaissance de la circulation de la céramique ne pourra progresser que lorsque des études régionales systématiques auront été menées à bien sur l'ensemble de la Gaule romaine, ce qui est loin d'être le cas. Les zones blanches sont encore trop nombreuses sur la carte.
CONCLUSION Nous espérons avoir donné ici un bref aperçu de la céramique commune gallo-romaine aussi complet que possible. Deux aspects se dégagent de l'étude des formes. Tout d'abord, les formes fondamentales de la céramique commune gallo - romaine, vases ovoïdes, bols carénés, survivent à toutes les transformations politiques et économiques, tout simplement parce qu'elles correspondent à des besoins réels, qui sont de tout temps. On retrouvera des types proches au Moyen - Age. Beaucoup de céramiques ne survivent pas à la mode qui les a fait naître. Le vieux fond celte un peu rajeuni et transformé par l'apport romain prend finalement le dessus au IVe siècle. Il avait simplement été mis en sommeil durant les périodes précédentes. D'autre part, on est frappé par l'évidente différence entre Gaule du Sud et Gaule du Nord. Dans le Sud, la céramique commune est véritablement une céramique grossière, sans recherche, alors que les objets fabriqués dans l'Ouest, le Centre, le Bassin Parisien, la Normandie, sont des formes variées, sophistiquées, souvent pleines de recherche. Ceci est probablement dû à l'abondance dans la Gaule méridionale des céramiques arétines et sigillées, des importations italiques, qui constituent l'essentiel de la vaisselle. Le besoin de céramiques régionales fines ne se faisait pas sentir. On a longtemps insisté uniquement sur l'intérêt chronologique de la céramique commune. Certes, dans des régions où la céramique sigillée est rare et reste un produit importé de longue conservation, cette céramique est l'élément de datation le plus précis. Mais il ne faut pas borner à cela son rôle dans les études archéologiques. On a vu ici son importance pour la connaissance des habitudes alimentaires, des rites religieux, des courants commerciaux. Reflet de la vie quotidienne, écho des crises économiques et politiques, la céramique commune est donc un élément précieux pour la connaissance du monde gallo-romain.
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