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Croiseur Lance Missile Moskva



Croiseur Lance Missile Moskva
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Article tiré de ce site redsamovar.com
 
 Les croiseurs lance-missiles de la classe Atlant (Izd.1164)
 

Au tout début des années 1980, lorsque le navire tête de série de cette nouvelle classe de croiseurs soviétiques a été vue et photographiée pour la première fois, un analyste américain voyant les photos écrivit à son sujet « C’est comme si les Soviétiques avaient pris tous les équipements qui traînaient dans le chantier naval et les avaient installés dans une coque d’un design ancien¹ ». Cette analyse avait pour elle le mérite de ne pas faire dans la dentelle.
La mise en service des gigantesques croiseurs lance-missiles de la classe Kirov (Izd.1144/1144.2) a vu l’URSS être confrontée à un sérieux dilemme; si les navires admis au service représentaient une forme d’aboutissement de longues années de travaux sur les armements, les capacités de commandement sur zone, les équilibres en matière d’armements défensifs et offensifs ainsi qu’en matière d’architecture navale soviétique, les navires obtenus se révélèrent en même temps extrêmement onéreux et complexes à produire, par conséquent leur acquisition se ferait en quantité réduite. En outre, vu leur aspect novateur pour l’URSS, une solution de « repli » technologiquement moins avancée et moins onéreuse à produire et exploiter fut mise en place en vue de disposer d’une solution de rechange en cas d’échec du nouveau design.
C’est dans cette optique que les croiseurs lance-missiles de la classe Atlant (Izd.1164) ont été créés; reprenant comme base de travail la coque des croiseurs de la classe Berkut-B (Izd.1134B) et déployant un missile moins complexe que le P-700 Granit mis en oeuvre par les Orlan (Kirov), le nouveau design était en outre moins onéreux à construire et à exploiter grâce à sa taille inférieure ainsi qu’à une chaîne cinématique simplifiée. Les décideurs de la Marine Soviétique misèrent donc sur ce nouveau navire devant être acquis en plus grand nombre pour venir compléter les Orlan dans les missions d’attaque et de destruction des groupes aéronavals (GAN) américains qui représentaient une des principales menaces pour l’URSS.
Le Marshal Oustinov, deuxième croiseur de la classe Atlant. Image@?
 
Devant être admis au service à raison de dix unités, les Atlant seront finalement une famille réduite à trois unités déclarées aptes au service, une quatrième étant quasi-achevée (à environ 95%) mais jamais terminée rouillant depuis la fin de l’URSS dans un chantier naval en Ukraine. En effet, la disparition de l’Union Soviétique et les conséquences douloureuses qui s’ensuivront marqueront la fin définitive du programme de construction des Atlant en 1991.
Alors que la tête de série de cette classe, le Moskva, vient de sortir de révision générale; il est temps de se pencher sur cette classe de navires au look aussi atypique qu’aisément reconnaissable qui a connu une histoire pour le moins tumultueuse et dont l’avenir est sujet à certaines incertitudes.
Les croiseurs de la classe Atlant: un aperçu historique
L’histoire des croiseurs lance-missiles et de leurs évolutions au sein de la Marine Soviétique mériterait une encyclopédie à elle seule tellement cette dernière se révèle complexe, difficile à suivre et parfois disons-le clairement complètement absurde. En effet, plus encore qu’ailleurs, les programmes de construction navale ont été soumis aux décisions politiques, à l’indécision du haut-commandement ainsi qu’aux lubies des différents Secrétaires Généraux (SecGen) qui selon leurs “préférences” interrompirent net des programmes en cours de construction (on assista même au ferraillage de navires en cours de construction); de plus, la question de la création d’une flotte océanique a toujours été une question délicate en URSS, notamment avec l’opposition entre la « jeune » et « l’ancienne » école.
Entre les tenants d’une école misant sur la création d’une flotte de petite taille assurant la couverture rapprochée des littoraux et côtes soviétiques et les tenants d’une école privilégiant la mise en place d’une flotte océanique apte à protéger les intérêts soviétiques ainsi qu’à servir d’outil politique; le débat a fait rage de manière presque ininterrompue entre 1917 et 1965 avec des fréquents atermoiements selon les désidératas de la haute direction du pays, la Marine n’ayant au final pas vraiment droit au chapitre, vu sa soumission totale et absolue au Politique. Contrairement à d’autres marines qui ont toujours eu des plans de développement relativement structurés et cohérents, la Marine Soviétique a une histoire pour le moins atypique avec des navires presque achevés abandonnés sur cales ou dont une partie des équipements n’ont jamais été installés.
C’est en partie grâce à la ténacité et à la patience du tout-puissant Amiral Sergey Gorshkov qu’un programme de construction de navires océaniques va être lancé, cependant il faut également prendre en ligne de compte le fait que l’Amiral Gorshkov a attendu (« contraint et forcé » diront ses détracteurs) d’avoir le momentum politique le plus favorable pour lancer les mises sur cales. Le départ du pouvoir du SecGen N.Krouchtchev qui favorisait l’emploi d’ICBM (moins onéreux à produire et entretenir) pour assurer la dissuasion (ces derniers recevant une part importante des crédits alloués aux programmes militaires) au détriment des autres forces, à noter d’ailleurs que ce dernier refusera à la Marine de surface la capacité d’un jour pouvoir déployer des missiles à tête nucléaire, l’accent étant mis sur les sous-marins pour reprendre ce rôle. L’arrivée au pouvoir du nouveau SecGen L.Brejnev va jouer un rôle fondamental dans la mise en place d’une flotte océanique en URSS, notamment via la plus grande latitude laissée à la Marine Soviétique dans son développement et ce malgré l’accent mis sur le développement de la force sous-marine.
Tout amiral soviétique qui se respecte se devait d’arborer quelques kilos de métal sur l’uniforme. Ici, l’Amiral de la Flotte d’URSS: Sergey Gorshkov. Image@rbth
 
De plus, outre les difficultés politiques, s’ajoutèrent également des difficultés techniques: il est de notoriété publique que les soviétiques prirent un retard de plus en plus important au niveau de l’électronique ainsi que dans la miniaturisation, ceci ayant un impact sur le développement des armements (missiles), de leur taille ainsi que des moyens de guidage employés. Et comme la taille des armements est structurante au niveau de l’architecture navale, la construction se retrouva avec la tâche complexe d’intégrer des armements de dimensions imposantes ainsi que les systèmes de tirs et capteurs liés sur des coques de dimensions raisonnables par rapport aux capacités de production des chantiers navals soviétiques dans le cadre d’un contexte financier loin de s’améliorer avec les années. Bref, la quadrature du cercle.

Un croiseur soviétique, tel que l’Admiral Isakov (Izd.1134A), se reconnaît de loin grâce à la « forêt » d’antennes présente sur ces derniers: signe certain d’un manque d’intégration entre les différents équipements embarqués.
La crise des missiles à Cuba en 1962 a mis en avant les faiblesses de la Marine Soviétique en matière de capacités de déploiement lointaines, les navires employés n’étant pas dimensionnés pour assurer des missions océaniques à longue distance: cette crise va initier les réflexions préliminaires à la création d’une véritable marine océanique et des moyens logistiques nécessaires pour la mettre en oeuvre. En effet, il est toujours utile de rappeler que la Marine Soviétique n’a jamais pu se reposer, à l’inverse des marines occidentales, sur un important réseau de bases navales où pouvoir faire relâche, ceci impliquant de disposer de navires devant être en mesure de fonctionner en toute autonomie sans possibilité d’appuis logistiques facilement accessibles.
Deux événements vont donner un sérieux coup d’accélérateur à la création d’une véritable flotte océanique en URSS;
  • La guerre de six jours en 1967
  • L’exercice Okean en 1970
Ces deux événements vont faire prendre conscience aux responsables politiques soviétiques que la flotte a besoin de navires océaniques pouvant assurer une permanence à la mer et/ou protéger les intérêts et lignes de communication soviétiques tout comme il était nécessaire de disposer de bâtiments aptes à assurer le commandement sur zone et donc dimensionnés en ce sens. En effet, jusqu’à cette époque, les navires soviétiques étaient considérés comme des batteries de missiles mobiles recevant leurs ordres de centres de commandement terrestres qui étaient chargés de combiner l’ensemble des informations collectées (avions-espions, satellites, etc…) permettant de créer une image tactique contenant les cibles assignées communiquée ensuite aux navires engagés. Ce faisant, les commandants des navires se révélaient être des exécutants n’ayant qu’une vue réduite du champ de bataille et aucune (ou presque) autonomie opérationnelle. Vu les moyens de communication employés, inutile de préciser que les manœuvres desdits navires étaient affectées d’une forte latence incompatible avec une guerre moderne et le respect de la chaîne hiérarchique rendait les manœuvres quasiment impossibles.
Les croiseurs de la classe Orlan (Izd.1144/1144.2) vont être une réponse à cette problématique: navires polyvalents capables de mettre en œuvre d’un armement puissant, les Orlan vont également disposer des capteurs et moyens de communications nécessaires pour servir de centre de commandement sur zone permettant de diriger d’autres navires sans devoir passer nécessairement par les bases au sol. Il est vrai que les soviétiques ont été aidés par l’arrivée de l’informatique qui disposait des puissances de calcul nécessaires pour collecter et traiter rapidement les nombreuses informations provenant des capteurs embarqués
Le croiseur soviétique: une ambition océanique difficile à se concrétiser?
Il apparaît clairement que le développement d’une flotte océanique fut loin d’être un exercice de tout repos; entre les atermoiements, les abandons, les évolutions techniques rendant caducs les navires en construction ainsi que les difficultés liées aux armements développés: l’URSS a rencontré beaucoup d’écueils dans le développement d’une flotte océanique au long cours.
Le croiseur, bien que les méthodes de classification soient à envisager sous l’oeil soviétique et non occidental (avec les années et les progrès techniques rapides, les catégories de classement des navires sont devenues perméables et varient fortement d’une classe de navires à l’autre), est devenu le symbole d’une marine soviétique qui souhaite occuper les espaces océaniques, disposer d’une capacité offensive accrue et être en mesure d’aller montrer le drapeau soviétique partout où c’est nécessaire en fonction des besoins militaires et politiques. En outre, même si ceci peut paraître anecdotique, les dirigeants de la Marine Soviétique ont toujours eu une sorte d’affection particulière pour le mot « croiseur », ce dernier étant mis à toutes les sauces (ou presque) pour cataloguer des navires qui sont loin d’en être. On peut par exemple penser aux « croiseurs lourds porte-aéronefs » (des porte-avions), aux « croiseurs sous-marins lanceurs de missiles stratégiques » (des SNLE) et aux « croiseurs sous-marins nucléaires avec missiles de croisière » (des SSGN). Dis autrement, la psyché locale peut presque se résumer de la manière suivante: « C’est gros et ça tire des missiles? C’est un Croiseur!« 
Envisagé à l’origine (vers le milieu du XIXème siècle) pour effectuer des « croisières », d’où l’origine de leur nom: les croiseurs constituent une classe intermédiaire de navires venant se positionner entre les cuirassés (qui est le « Capital Ship » de toutes les marines avant la Deuxième Guerre Mondiale) et les destroyers. Plus légèrement armé et blindé qu’un cuirassé, le croiseur est conçu pour assurer les missions sur de longues distances (guerre de course ou envoi dans des colonies lointaines par exemple), ce qu’un cuirassé ne peut pas effectuer vu sa grande consommation de carburant. De fil en aiguille, le concept même du croiseur va évoluer pour suivre les avancées technologiques rapides et besoins opérationnels des marines, mais c’est la fin du cuirassé et son remplacement par le porte-avions en tant que nouveau « Capital Ship » qui vont voir le croiseur reprendre une partie des missions dévolues aux cuirassés tout en intégrant les bouleversements technologiques induits par l’arrivée du missile anti-navire et anti-aérien. Ainsi, le croiseur « moderne » tout en conservant sa notion première de navire « de croisière » (et donc « océanique ») va intégrer de puissants armements lui offrant une grande polyvalence, ce dernier pouvant agir dans: la lutte anti-sous-marine, la lutte anti-navires de surface, les frappes au sol et la lutte anti-aérienne.
La problématique qui va se poser aux décideurs soviétiques est relativement simple à appréhender. Conscients du fait qu’il sera impossible à l’URSS (d’un point de vue matériel et financier) de créer une marine en mesure de tenir tête aux marines occidentales (US Navy en tête), il est nécessaire de développer une réponse asymétrique à cette problématique. Les développements technologiques liés à la mise au point des missiles guidés ainsi que dans le domaine nucléaire font que les ingénieurs vont se concentrer sur ces récents développements et principalement sur les missiles pour contrer les flottes occidentales. En l’absence de porte-avions (permettant de déployer rapidement et loin une capacité de frappe) dont la construction va être maintes fois envisagée et systématiquement reportée, l’emploi d’un couple composé par des avions équipés de missiles et basés sur les côtes ainsi que de navires équipés de missiles vient apporter une réponse considérée comme adéquate par les autorités soviétiques à la problématique de la supériorité maritime occidentale. Il est d’ailleurs intéressant de voir que cette approche sera conservée jusqu’à l’effondrement de l’URSS, au couple air/mer de surface venant s’ajouter une dimension supplémentaire, les sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière.
Le chemin à parcourir pour voir la Marine Soviétique (VMF) enfin disposer d’un véritable croiseur lance-missiles moderne va être long et difficile. La première « vraie » classe de croiseurs soviétiques est la classe Sverdlov (Izd.68bis) qui lors de son admission au service en 1950 pouvait déjà être considérée comme obsolète. En effet, disposant d’un armement principal composé d’artillerie, les croiseurs Sverdlov dont le développement a traîné pendant près de 15 ans ont été créés sur base d’un design remontant à la deuxième guerre mondiale alors qu’entre-temps le missile faisait son apparition et que le commandant en chef de la Marine Soviétique, l’Amiral Nikolaï Gerasimovich Kuznetsov continuait à vouloir des navires lourds avec de l’artillerie à bord aptes à tenir tête aux navires américains. Son renvoi en 1956 et l’arrivée du nouveau commandant en chef de la Marine, l’Amiral Sergey Georgyevich Gorshkov va fondamentalement changer la donne en matière de construction navale soviétique. C’est pourquoi, la classe Sverdlov prévue pour être constituée à l’origine de 30 unités sera réduite à 14 dont un bâtiment sera transformé à titre d’essais pour emporter des missiles, mais sans succès. Leur architecture peu évolutive ainsi que leurs armements non-adaptés aux menaces contemporaines ont vu cette classe de navires être retirée du service rapidement (premiers navires détruits dès 1961). Malgré son aspect « vieux avant l’heure », la classe Sverdlov a ouvert les zones océaniques (autonomie de 9.000 miles marins en marche économique) à la Marine Soviétique, lui offrant une allonge qu’elle n’avait pas jusqu’alors: ironie du sort, cette capacité fut à disposition à une époque où la doctrine soviétique envisageait la Marine pour des missions de protections côtières. Néanmoins, quitte à vouloir jouer l’avocat du diable: il faut admettre que la Marine Soviétique est sortie complètement exsangue de la Seconde Guerre Mondiale et le besoin de disposer de navires neufs, performants et bien armés s’imposait: les soviétiques ont donc paré au plus pressé avec une classe de navires qui ne répondait qu’à une partie des besoins soviétiques.
Deuxième bâtiment de la dernière classe de croiseurs à canons (Izd.68bis) de la Marine Soviétique: le Zhdanov. Malgré son air « ancien », le navire n’a été retiré du service qu’en décembre 1989(!)


Construits en tant que « destroyers » bien que repris comme étant des « croiseurs », ce sont les quatre navires de la classe Grozny (Izd.58, code OTAN: Kynda) qui vont être les premiers croiseurs lance-missiles soviétiques. Admis au service entre 1962 et 1965, ces quatre bâtiments disposaient comme armement principal de huit tubes lance-missiles pour missiles anti-navires de surface P-35/4K44 (code OTAN: SS-N-3a Shaddock) complétés par le système de défense anti-aérienne M-1 Volna (dérivé naval du S-125). Ces quatre navires, présentant un déplacement maximal de 5.570 tonnes, ne disposent que d’une autonomie limitée (3.500 miles marins en marche économique) tandis que les radars embarqués offrent une capacité de guidage restreinte aux missiles, réduisant de facto leur utilité opérationnelle. Néanmoins, la classe Grozny va poser les bases conceptuelles des croiseurs soviétiques modernes: armement de surface puissant couplé à un système de défense anti-aérienne à longue portée. Ils seront retirés du service entre 1991 et 2002.

On reconnaît facilement les quatre tubes lance-missiles positionnés en plage avant sur le Grozniy, tête de série de la classe éponyme (Izd.58 Kynda).

 

L’arrivée, le 10 août 1967 du premier « Grand navire de lutte anti-sous-marine » (BPK dans la classification soviétique), l’Admiral Zozulya va marquer le début de la prolifique (et variée) famille de croiseurs soviétiques Berkut (Izd.1134/1134A/1134B). Variante originelle de la « famille », les croiseurs Izd.1134 Berkut (code OTAN: Kresta-1) sont des navires admis au service à raison de quatre unités entre 1967 et 1969; dont l’armement principal consiste en quatre lanceurs de missiles anti-navires de surface P-35/4K44 ainsi que du système de défense anti-aérienne M-1 Volna. Présentant un déplacement maximal de 7125 tonnes, ils reposent sur une coque aux dimensions plus importantes que les Izd.58 Grozny cependant, leur dotation en missiles P-35 est divisée par deux (quatre missiles au lieu de huit) et le système de défense anti-aérienne envisagée, le M-11 Shtorm n’étant pas prêt à temps pour les équiper, les Izd.1134 Berkut vont donc recevoir le système M-1 Volna en remplacement. La Marine Soviétique n’étant pas satisfaite du résultat obtenu avec ces navires, la série va être limitée à quatre navires (dix unités prévues à l’origine) et céder sa place à une variante redessinée disposant de capacités de lutte anti-sous-marine et de défense anti-aérienne accrues: l’Izd.1134A Berkut-A (code OTAN: Kresta-II)

L’Admiral Zozulya, premier croiseur de la classe Berkut (Izd.1134). Image@Vitaliy Kostrichenko

A l’inverse de son prédécesseur, l’Izd.1134A Berkut-A perd sa capacité de frappe anti-navires de surface avec le retrait des missiles du type P-35/4K44, ces derniers étant remplacés par le système de lutte anti-sous-marins URPK-3 Blizzard qui cèdera sa place au système URK-5 Rastrub sur les quatre derniers navires produits. Ce système met en oeuvre des missiles guidés anti-sous-marins 85R (torpilles de 533 mm) implantés dans des lanceurs quadruples installés de part et d’autre de la passerelle (on retrouvera cette configuration ensuite sur les Izd.1155/1155.1 Fregat (code OTAN: Udaloy), en outre, on retrouve dix affûts lance-torpilles de 533 mm ainsi que des systèmes de grenadage RBU-6000 Smerch-2 et RBU-1000 Smerch-3. La défense anti-aérienne est constituée du système M-11 Shtorm complété par le système anti-aérien rapproché Osa-M. Construits sur une coque quasiment identique à celle de leurs prédécesseurs (déplacement maximal de 7.670 tonnes), dix navires de cette classe de « Grands Navires Anti-sous-marins » (BPK dans la classification russe) vont être admis au service entre 1969 et 1977. On ne peut pas réellement parler de « croiseurs » (même si considérés comme tels en occident) en ce qui concerne cette classe de navires: bien qu’ils furent les navires les plus fréquemment employés pour assurer les escortes au long cours par la Marine Soviétique, il s’agissait avant tout de navires spécialisés en lutte anti-sous-marine n’ayant que de faibles moyens de lutte anti-navires de surface.
 

 

Chaque centimètre carré disponible pour implanter un radar est exploité sur l’Admiral Yumashev: un croiseur de la classe Berkut-A (Izd.1134A).


Néanmoins, le concept semblait donner satisfaction à son opérateur puisqu’une dernière « évolution » de la famille Izd.1134 va voir le jour: l’Izd.1134B Berkut-B (code OTAN: Kara). Bien que son code projet laisse à penser que cette classe est basée sur l’Izd.1134A Berkut-A, en réalité, il s’agit d’une construction quasi-intégralement neuve. Ceci découle de la chaîne cinématique adoptée: alors que les Izd.1134 et 1134A faisaient usage de chaudières vapeur couplées à des turbines pour leur propulsion, les Izd.1134B sont passées aux turbines à gaz: de ce choix découla le besoin de redessiner intégralement la coque ainsi que son agencement intérieur. Le déplacement du navire est également sérieusement revu à la hausse avec un déplacement maximum de 8.990 tonnes (1134A: 7.670 tonnes), outre pour des questions de chaîne cinématique, la coque a été redessinée et agrandie pour permettre aux navires de disposer de meilleures qualités de tenue à la mer. Au niveau des armements, pas de changements fondamentaux: systèmes anti-sous-marin URPK-3 Blizzard/URK-5 Rastrub, tubes lance-torpilles et systèmes de grenadage RBU-6000/RBU-1000, tandis que la composante anti-aérienne est composée des systèmes Osa(-M) et M-11 Shtorm (avec dotation en missiles accrue). Les sept navires de cette classe, mis en service entre 1971 et 1979, vont connaître une très longue carrière puisque le dernier ne sera retiré du service qu’à la fin de 2014 (le Kerch). Toujours repris par les soviétiques en tant que « Grands Navires Anti-sous-marins » (BPK), les Berkut-B n’ayant qu’une capacité de lutte anti-navires de surface restreinte mais disposant d’un important potentiel de modernisation, un des navires (l’Azov) recevra d’ailleurs le système S-300F (passant au standard Izd.1134BF); plusieurs projets de modernisation furent évalués avec notamment installation de missiles P-500, de missiles Oniks ou de missiles Kh-35 permettant d’apporter une véritable capacité de frappe anti-navires de surface aux Berkut-B mais ceci sera interrompu avec l’effondrement de l’URSS ainsi que l’âge des navires qui ne justifiait plus d’un tel investissement.
 

Le dernier Berkut-B (Izd.1134B), le Kerch, vu ici peu de temp avant son retrait de service.
Quel rapport avec les Atlant?
En réalité, chaque classe de « croiseurs soviétiques » (et/ou assimilés comme tels) va apporter sa touche conceptuelle et/ou une brique technologique spécifique qui finiront par donner naissance aux Atlant. Les Sverdlov (Izd.68bis), navires obsolètes, avant l’heure vont apporter l’endurance à la mer et vont entraîner en réaction la création des Grozny (Izd.58) ces derniers apportant deux briques technologiques: le missile anti-navires de surface et le système de défense anti-aérienne mais ces derniers se trouvaient dans une coque offrant des performances limitées. La classe Izd.1134 Berkut, va être une réponse à cette problématique: l’endurance du navire est significativement accrue mais à l’inverse son armement en missiles anti-navires est réduit et le système de défense anti-aérienne prévu arrive trop tard que pour équiper le navire d’où la création d’une variante, l’Izd.1134A Berkut-A qui va corriger les manquements de ses prédécesseurs avec l’arrivée d’un système de défense anti-aérienne moderne mais ce dernier devient un navire spécialisé dans la lutte anti-sous-marine. Enfin, ultime évolution (de façade, vu qu’on peut parler de nouveau navire): l’Izd.1134B Berkut-B apporte comme briques technologiques, les turbines à gaz, une coque « océanique » qui servira de base pour les Atlant, l’intégration du système S-300F et de (bonnes) performances en lutte anti-sous-marine. Au final, les Atlant (plus encore que les 1144(.2) Orlan qui sont un développement à part) représentent l’aboutissement de toutes ces évolutions: aux capacités énumérées ci-dessus viennent s’ajouter une forte capacité de frappe anti-navires de surface.
Un simple regard à un croiseur de la classe Orlan (1144.2 Kirov) permet de voir que ces derniers jouent dans une catégorie à part… Image@?

 
On le voit donc avec ce bref (?) aperçu: le cheminement pour arriver à de véritables navires océaniques a été pour le moins tortueux, complexe, procédant par tâtonnements et attendant la disponibilité d’équipements techniques qui furent plus long à développer qu’anticipé. Il n’empêche que le résultat obtenu avec les Atlant permet de disposer d’un navire ayant une bonne allonge, disposant d’une bonne capacité offensive anti-navires de surface (ciblant principalement les porte-avions) s’intégrant (les soviéto-russes parlent souvent « d’équilibre » pour qualifier les capacités des navires déployés) au sein d’un groupe naval tout en étant en mesure de diriger un groupe naval loin des rivages du pays. Gageons que même si perfectibles sur plusieurs points, les deux dernières classes de croiseurs soviétiques représentent une sorte d’aboutissement pour la Marine Soviétique telle que voulue par l’Amiral Gorshkov
Le développement d’une nouvelle classe de croiseurs est lancé officiellement le 20 avril 1972 par la décision n°87 du Conseil des Ministres de l’URSS; les prérequis techniques et tactiques pour le design préliminaire de cette nouvelle classe étant prêts en octobre 1972. C’est le bureau de design Severnaya, sous la direction de A.K. Perkhov et V.I Mutikhin avec l’aide du Capitaine de deuxième rang A.N Blinov (supervision du projet par la Marine), qui va être chargé de dessiner ce nouveau croiseur lance-missiles construit autour du missile anti-navires de surface P-500 Bazalt et repris sous le type Atlant (Izd.1164).
Les ingénieurs soviétiques vont évaluer plusieurs design avant d’en arriver au design actuel des Atlant, en effet lors du design de cette classe, les croiseurs de la classe Kara (Izd.1134 Berkut-B) vont servir de base de travail pour déterminer le design définitif de la future classe de croiseurs. La coque des Berkut-B, va être reprise mais va voir ses dimensions accrues pour permettre à la fois de disposer de meilleures qualités de tenue à la mer ainsi qu’offrir un emport en armements plus important. Différentes configurations vont être évaluées avec notamment le positionnement de douze tubes pour missiles P-500 Bazalt en plage arrière sur une coque quasiment identique à celle des Berkut-B, avant de passer à une coque aux dimensions accrues avec superstructures surélevées disposant toujours de douze tubes pour missiles P-500 Bazalt mais implantés en plage avant, de lanceurs rotatifs pour le système S-300F en plage arrière et enfin de deux canons AK-100 en plage avant. Finalement, cette configuration va voir les deux canons AK-100 être remplacés par un nouveau canon double AK-130, ce qui donnera naissance aux navires tels que nous les connaissons actuellement. Le design préliminaire de cette classe fut achevé en décembre 1972 tandis que le design technique fut approuvé le 21 août 1974.
Evolution des options envisagées de la classe Atlant. Image@Pavlov
 
L’idée guidant la création de cette nouvelle classe de croiseurs est simple: là où les croiseurs de la classe Orlan (Izd.1144/1144.2 Kirov) sont des bâtiments complexes et onéreux à produire et exploiter, le besoin de disposer d’un navire plus « modeste » en gabarit (et donc moins coûteux) mais conservant des performances similaires (en matière d’endurance et d’armements offensifs) se fit sentir. Les responsables tablaient alors sur la construction d’une flotte de croiseurs composée selon un ratio 2 : 1 avec la construction de deux croiseurs de la classe Atlant pour un croiseur de la classe Orlan, l’ensemble devant comporter à terme cinq croiseurs Orlan et dix croiseurs Atlant.
Le Kirov vu ici aux côtés du Marshal Oustinov permet de se faire une meilleure idée de la différence de gabarit entre les deux classes de croiseurs soviétiques Orlan et Atlant. Image@Tony Alleyne
 
 
 
 
C’est en date du 5 novembre 1976 que va être mis sur cale au sein du chantier naval 61 Kommunara de Nikolayev (devenu Mykolaiv en Ukraine) le navire tête de série baptisé Slava  En comparaison avec d’autres classes de navires construites à la même époque, les travaux vont avancer relativement lentement et ce n’est que le 27 juillet 1979 que le navire va être lancé, il faudra attendre trois ans de plus pour assister à l’admission au service du navire au sein de la Flotte de la Mer Noire le 30 décembre 1982. Lorsque les observateurs occidentaux obtinrent les premières images du Slava, il fut d’abord surnommé BLACKCOM 1 (Black Sea Combatant 1): ceci découlant du fait que le navire fut d’abord observé en Mer Noire (ce qui s’explique par son lieu de construction ainsi que l’emplacement des essais préliminaires du bâtiment).
Une vue du chantier naval 61 Kommunara; on voit à droite les deux cales sèches où furent construits les croiseurs de la classe Atlant. Image@Wikipedia
 
Pour donner une idée de la « non-priorité » accordée à cette classe de navires, ce qui se ressent fortement sur les délais de production à l’époque, il est intéressant de constater que le premier croiseur de la classe 1144 Orlan présentant un déplacement double et un armement autrement plus conséquent sera produit endéans les mêmes délais que le Slava, ce délai se réduisant même à cinq ans entre la mise sur cale et l’admission au service de l’Admiral Nakhimov (troisième navire de la classe Orlan) alors que les délais de construction des Atlant vont continuellement s’accroître. Néanmoins, il est quand même nécessaire de préciser que le premier croiseur de la classe Orlan a été mis en service avec certains armements absents de ce dernier, et ce à la fois pour des raisons opérationnelles mais surtout politiques (on était en pleine guerre froide et la machine médiatique tournait à plein régime): bref, si le délai fut court, c’est en partie parce que le navire était « incomplet ».
Deuxième navire de la classe Atlant et premier navire de série, l’Admiral Flota Lobov  est mis sur cale le 5 octobre 1978 avant d’être lancé le 25 février 1982 et admis au service au sein de la Flotte du Nord et basé à Severomorsk en date du 15 septembre 1986. Le 5 novembre 1986, le navire est rebaptisé Marshal Oustinov , du nom de l’ancien ministre de la défense d’URSS, Dmitri Fiodorovitch Oustinov (portant le titre de Maréchal de l’URSS) décédé en 1984.
Le Marshal Oustinov au tout début de sa carrière, il semble que le navire ne soit jamais sorti en mer avec son ancien nom de baptême, l’Admiral Flota Lobov. Image@?
 
Le troisième navire de la classe est mis sur cale le 31 juillet 1979 et est baptisé du nom de Chervona Ukraina , la construction de ce navire va s’éterniser puisqu’il ne sera lancé que le 28 août 1983: ces quatre années étant un délai étonnement pour la construction navale soviétique, mais les choses ne vont pas s’arrêter là puisque le navire ne sera admis au service au sein de la Flotte du Pacifique et basé à Fokino que le 16 octobre 1989 soit dix ans (!) après sa mise sur cale.
Le Chervona Ukraina durant son transfert  vers la Flotte du Pacifique en 1989. Image@?
 
Le quatrième navire de la classe présentant un standard légèrement différent d’un point de vue des équipements embarqués et des armements est mis sur cale le 29 août 1984 et est repris sous le nom de Komsomolets  avant d’être rebaptisé Admiral Flota Lobov  dès le 23 mars 1985. Le navire est lancé le 11 août 1990, les travaux se poursuivant sur ce dernier jusqu’à la fin de l’URSS.
Enfin, deux navires supplémentaires (les cinquième et sixième) répondant aux noms de Oktyabrskaya Revolutsiya et Admiral Flota Sovetskovo Soyuza Gorshkov vont voir leur construction annulée dès le 10 avril 1990 suite aux difficultés économiques rencontrées par l’URSS ainsi que par la décision du SecGen M.Gorbachev de ne pas poursuivre la construction de ce type de navires, ces derniers n’ayant qu’une utilité douteuse à ses yeux.
Alors que la Marine soviétique tablait sur l’acquisition de dix croiseurs de la classe Atlant; les projets vont être sévèrement contrariés peu avant et après la chute de l’URSS par la dislocation du tissus industriel qui s’ensuivit. Les trois premiers navires produits de la classe Atlant, en service au sein de la Marine Soviétique vont passer automatiquement dans le giron de la Marine Russe à sa création le 7 mai 1992 (décret présidentiel 466), à l’inverse le quatrième navire achevé à hauteur de 75% était toujours présent au chantier naval qui se situait désormais sur le territoire ukrainien. Suite aux dispositions légales régissant la fin de l’URSS, le quatrième navire va devenir la propriété de l’Ukraine en date du 1er octobre 1993.
Passons maintenant aux aspects techniques de la classe Atlant avant de passer en revue la carrière des trois bâtiments existants au sein de la Marine Russe.
Les croiseurs de la classe Atlant d’un point de vue technique
Les navires de la classe Atlant / (Code OTAN: Slava) sont classifiés sous le code projet Izd.1164 et sont repris comme étant des RKR  c-à-d: des Croiseurs lance-missiles dans la classification russe, soit des navires de Rang 1. C’est le chantier naval 61 Kommunara (devenu depuis  de Nikolayev (Ukraine) qui fut chargé de la construction des Atlant.
Navires aux lignes élégantes présentant une silhouette particulière et atypique, les croiseurs de la classe Atlant sont des navires aux dimensions imposantes dont l’armement offensif principal est implanté dans des tubes inclinés groupés par deux installés de part et d’autre de la passerelle sur le pont en plage avant du navire ce qui leur confère une ligne qui les rend aisément identifiable. Cette implantation spécifique des armements a été conçue dans le but de limiter le déplacement total du navire, le montage des armements sous le pont (comme sur les croiseurs Izd.1144/144.2 Orlan) aurait entraîné un accroissement significatif du gabarit du navire et donc son coût de production final. En outre, dans le cas de l’augmentation du gabarit du navire suite à l’implantation des armements sous le pont, l’accroissement de la longueur du design aurait empêché de construire les Atlant au sein du chantier naval sélectionné pour assurer leur production.
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Illustration des lignes générales des croiseurs de la classe Atlant dans leur état d’origine. Image@Apalkov

 
 
Les missions principales des croiseurs de la classe Atlant sont les suivantes:
  • Capacité à être déployé en haute mer et de disposer d’une bonne endurance
  • Détection et attaque en priorité des porte-avions ainsi que des autres types de navires de surface
  • Mise en place d’une puissante bulle A2/AD à longue portée grâce aux système anti-aérien S-300F
  • Navires de commande et contrôle pouvant fonctionner seul ou au sein d’un groupe (aéro)naval
Les croiseurs de cette classe furent également conçus pour servir de navire-amiral dans les zones où l’envoi d’un Orlan ne se justifiait pas spécifiquement eu égard à la mission assignée et/ou les forces en présence. De plus, ils répondent à une logique pertinente: servir de solution de « repli » et peu onéreuse face aux Orlan et les choix technologiques « risqués » effectués sur ces derniers (propulsion nucléaire, armements en silos implantés sous le pont), dans le cas où les Orlan n’auraient pas donné satisfaction à la Marine Soviétique, les Atlant auraient repris le flambeau en devenant « LE » navire océanique de première ligne soviétique mettant en oeuvre des technologies éprouvées et fiabilisées.
Devant servir à assurer l’attaque et la destruction des groupes aéronavals, les Atlant furent dotés d’une endurance importante et ce bien que la chaîne cinématique sélectionnée abandonne l’option « nucléaire » pour des raisons économiques (coûts de production et coûts d’exploitation) qui donne une endurance (théorique) illimitée pour se rabattre sur les turbines à gaz qui offrent des performances inférieures mais néanmoins calibrées de manière suffisante que pour offrir une endurance en adéquation avec les missions à remplir.
Dimensions générales
Basé sur la coque des croiseurs de la classe Berkut-B (Izd.1134B) bien que présentant des dimensions significativement accrues par rapport à cette dernière, les croiseurs de la classe Atlant sont des navires qui présentent des dimensions plus que respectables; ceci étant une conséquence notamment de la masse d’armements emportés ainsi que de l’encombrement accru à capacités identiques – en comparaison aux productions occidentales – des radars et autres capteurs soviétiques dont la miniaturisation n’a jamais été une priorité (technique et financière) pas plus qu’un point fort.
Illustration en coupe frontale de la forme d’une coque d’un Atlant. Image@Pavlov
 
La coque du navire est en acier AK-27 et dotée d’un double fond continu implanté en-dessous des réservoirs à carburant; cependant, en vue d’alléger la masse totale du bâtiment, les superstructures sont en partie réalisée en alliage d’aluminium-magnésium (AMG). Ce matériaux offre une grande résistance ainsi qu’une protection importante face à la corrosion avec une massé réduite par rapport à son équivalent en acier mais il est beaucoup plus dangereux en cas d’incendie à bord: sa température de fusion est plus basse que celle de l’acier donc la résistance des structures internes en alliage aluminium-magnésium est beaucoup plus faible que celle de leur équivalent en acier.
Le design général de cette classe est typique des productions soviétiques de l’époque avec une coque relativement basse sur l’eau disposant d’une proue très fortement surélevée, cette dernière redescendant suivant un angle important pour se stabiliser à hauteur des tubes lance-missiles du système P-500 et ensuite présenter un profil linéaire jusqu’à la poupe, cette configuration est d’une certaine manière la « marque signature » des ingénieurs soviétiques de l’époque puisqu’on la retrouve également sur les croiseurs de la classe Orlan et dans une moindre mesure sur les Berkut-B.
Cette vue latérale du Varyag permet de mieux appréhender les lignes générales de la classe Atlant. Image@?
 
La passerelle est étroite et haute (suite au positionnement latéral des tubes inclinés des missiles Bazalt/Vulkan) mais contrairement à ses prédécesseurs de la « famille » Berkut (Izd.1134/A/B) qui disposaient d’une véritable forêt de capteurs implantés un peu partout, on peut constater un début d’effort de rationalisation et optimisation sur les Atlant: un mât pyramidal principal est implanté en arrière de la passerelle, ce dernier concentre les principaux capteurs présents à bord ainsi que les systèmes de contre-mesures. Un deuxième mât de plus faible taille emportant un radar sur son sommet est implanté au milieu du navire juste en amont des deux cheminées parallèles entre lesquelles prend place une grue d’une capacité maximale de 8,5 tonnes.
Au niveau des dimensions générales, les chiffres suivants sont disponibles
Longueur: 186 m
largeur maximale: 20,8 m
Déplacement normal: 9.300 tonnes
Déplacement maximal: 11.300 tonnes
Vitesse maximale: 32 noeuds
Autonomie: 8.070 milles marins en marche économique (varie selon la vitesse)
Endurance maximale: 30 jours

Eoutre, l’équipage du navire est composé d’un maximum de 485 marins avec 66 officiers et 419 matelots dans sa dotation. A noter que les sources consultées se contredisent sur cette question, certaines d’entre-elles faisant mention d’un maximum de 510 marins embarqués; par prudence nous ne retiendrons que l’estimation la plus faible.
Propulsion
La propulsion des navires est conventionnelle et repose sur le principe du COGOG (COmbined Gas Or Gas) c-à-d: un système de turbines à gaz composé d’une partie dite « de croisière » et d’une partie dite « haute vitesse », l’ensemble offrant au navire plusieurs régimes de vitesses, ces derniers impactant l’autonomie totale du navire en mer; la consommation variant fortement selon le régime de vitesse adopté.

La chaîne cinématique d’un Atlant. En rouge: les turbines à gaz M-70 (croisière). En orange: les turbines à gaz M-8KF (haute vitesse). En jaune: une des deux hélices. En vert: les surfaces de contrôles avec un gouvernail arrière ainsi que les ailerons latéraux rétractables. Image@Apalkov / Montage@RS
La chaîne cinématique des Atlant, implantée dans deux grands compartiments environ au milieu du navire est construite autour de deux systèmes automatisés M-21, ces dernières étant composées de:
  • Quatre turbines à gaz M-8KF (pour la haute vitesse) développant au total 110.000 Cv
  • Deux turbines à gaz réversibles M-70 (pour la croisière) de 10.000 Cv chacune
  • Deux turbines vapeur TUK de 1.500 Cv chacune
L’ensemble des turbines offre au navire une puissance cumulée de 130.000 Cv, le bloc propulsif entraîne via des réducteurs à double étage deux lignes d’arbre sur lesquelles sont fixées respectivement une hélice à pas fixe composée de cinq pales. Le pilotage de la chaîne cinématique se fait via un système de câbles, les commandes étant installées dans le poste de commandement central du navire. Deux cheminées parallèles sont installées au milieu du navire, celles-ci étant séparées en leur milieu par la présence d’une grue mobile.
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Illustration de la structure de la chaîne cinématique d’un Atlant. Image@Pavlov

 
 
La génération électrique est assurée par deux groupes générateurs composés de turbines à gaz: trois turbines développant 1.500 kW (4.500 kW) couplé à trois turbines générant 1.250 kW (3.750 kW) le tout offrant une capacité totale de 8.250 kW. L’ensemble alimente un réseau électrique interne fonctionnant en 380 volts (fréquence 50 Hertz) et enfin un générateur diesel de secours vient compléter l’ensemble.
Une vue (rare) d’un Atlant en cale sèche; on voit bien le gouvernail central de grande dimension ainsi qu’une des deux hélices propulsives. Image@?
 
Les surfaces de contrôles du navire sont de deux types; on retrouve un gouvernail de grande dimension implanté à la poupe en position médiane derrière les hélices propulsives qui est complété par le système de stabilisation UK 134-6 composé de quatre ailerons rétractables d’une surface d’environ 6 m² chacun; ces derniers étant implantés latéralement le long de la coque en position basse.
Armements embarqués et systèmes de défense
Conçus dans le but de pouvoir être déployés seuls ou au sein de groupes opérationnels, les croiseurs de la classe Atlant disposent d’une importante panoplie d’armements embarqués ces derniers pouvant être classifiés de deux manières: les armements défensifs et les armements offensifs. Lors du design de cette classe, il a été nécessaire de procéder à des arbitrages en matière d’emports, notamment pour ne pas dépasser les dimensions de la coque telle que dessinée (cette dernière ne pouvait pas dépasser certaines dimensions précises sous peine de ne plus pouvoir être assemblée au sein du chantier naval 61 Kommunara).
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Ainsi comme nous allons le voir ci-dessous, bien qu’étant des navires qu’on pourrait qualifier « d’imparfaitement polyvalent »: l’offensive est clairement favorisée sur les croiseurs Atlant. Avec le recul, on ne peut être qu’étonné face à la faiblesse (relative) des moyens défensifs embarqués sur cette classe de navires: là où un croiseur de la classe Orlan présente un système dense et intégré de défense anti-aérienne à courte, moyenne et longue portée, les croiseurs de la classe Atlant sont fort dépourvus et légèrement doté en la matière.
Les principaux armements d’un Atlant. En rouge: le canon AK-130. En orange: les seize tubes pour missiles Vulkan/Bazalt. En vert: les huit silos rotatifs pour S-300F. En bleu: les systèmes de défense rapprochée AK-630M. En mauve: les systèmes Osa-M. En jaune: les deux lanceurs du Smerch-2. Image@USN National Archive / Montage@RS

 
 
Avant d’aborder, plus loin dans cet article, les limitations que présentent certains systèmes d’armements embarqués et donc le navire dans son ensemble, passons en revue les armements disponibles ainsi que les capteurs et radars liés permettant de les employer.
  • Les armements offensifs
Procurant au navire son aspect caractéristique, l’armement offensif principal embarqué est le système de missiles anti-navires de surface à longue portée P-500 Bazalt / (index URAV: 4K80 / code OTAN: SS-N-12 Sandbox) celui-ci est composé de seize tubes lance-missiles SM-248, composé de fibre de verre, inclinés selon un angle de 30° et implantés en plage avant de part et d’autre de la passerelle à raison de quatre rangées de deux lanceurs. Les tubes sont numérotés: les tubes impairs sont placés à tribord (le plus petit nombre placé à l’extérieur) tandis que les tubes pairs sont à bâbord (le plus petit nombre placé à l’intérieur).
Gros plan sur deux tubes inclinés SM-248. Image@Rhk111
 
Missile de croisière supersonique anti-navires de surface développé par l’OKB-52 (NPO Mashinostroyeniya) et dont le développement a été lancé suite au décret 250-89 du Conseil des Ministres de l’URSS daté du 28 février 1963, le P-500 Bazalt trouve son origine dans le missile anti-navires de surface P-35/4K44 (qui est la variante de surface du missile pour sous-marins P-6/4K48) dont il reprend la conception générale. Bien que le design préliminaire du missile sera achevé en décembre 1963, le P-500 Bazalt n’entrera en service qu’en 1975 avec son installation sur les sous-marins nucléaires des classes Izd.675MK et Izd.675MU et ensuite sur les croiseurs lourds porte-aéronefs des classes Kretchet (Izd.1143 Kiev).
 
Composé d’un fuselage monobloc en acier ayant une forme de cigare d’une longueur de 11,7 m, d’un diamètre (du fuselage) de 0,88 m, d’une masse totale de 4,8 T sur lequel sont fixées les surfaces de contrôles qui consistent en deux ailes mobiles qui se déplient lors du lancement et conférant une envergure totale de 2,6 m, à celles-ci s’ajoute une dérive avec un gouvernail en position basse. La propulsion du missile consiste en deux éléments: deux fusées d’appoint qui sont employées pour la sortie du tube de lancement, ces dernières fonctionnant pendant environ 2 secondes et étant larguées peut après s’être éteintes qui sont complétées par une propulsion principale composée d’un turboréacteur KR-17V à carburant solide. Le turboréacteur dispose d’une entrée d’air positionnée en retrait sous le fuselage du missile et équipée d’une tête conique (mieux adaptée pour les hautes vitesses). A noter que la séquence de lancement du missile implique un délai d’environ 8 secondes entre chaque tir, pour éviter « d’asphyxier » le turboréacteur lors de sa sortie du tube: les deux fusées d’appoint générant une quantité importante de gaz durant leur fonctionnement. Le rechargement du missile est une opération délicate nécessitant des moyens spécifiques et encombrant (rampe de chargement adaptée); cette opération ne peut donc être réalisée que dans des bases disposant des équipements ad hoc.
La taille de la remorque permet de se faire une meilleure idée des dimensions du missile P-500 Bazalt. Image@?
Le missile P-500 dispose d’une portée (théorique) maximale de 500 Km (d’où son nom), le profil de vol du missile est une combinaison de haute et basse altitude: après son éjection, il monte rapidement à une altitude de croisière de 5.000 m (pour faire usage d’une zone où la résistance de l’air est réduite, ce qui permet de diminuer la consommation en carburant) où il se déplace à une vitesse d’environ Mach 2,5, une fois en approche de la cible (au moment où la tête de guidage du missile accroche la cible) le missile ralentit à une vitesse de Mach 2 tout en redescendant à une altitude minimale de 50 m (en vue de passer en-dessous de l’horizon radar) avant de frapper la cible. La charge offensive, conventionnelle est supposée composée d’une charge hautement explosive de 500 Kg: l’existence d’une tête nucléaire dédiée (350 kT) a été soulevée à plusieurs reprises mais jamais confirmée. Un Atlant est en mesure d’effectuer le tir de P-500 à l’unité, en salves ou en lançant l’intégralité de ses missiles en un peu plus de 2 minutes.
On comprend mieux pourquoi il est nécessaire de laisser s’écouler 8 secondes entre chaque tir de missile Bazalt/Vulkan. Image@Rickard Andersson

 
 
Pour son guidage, plusieurs moyens interviennent: la désignation initiale de la cible est assurée par le navire soit via le radar de conduite de tir Argon-1164 fonctionnant seul (ce qui limite sa capacité de détection) soit lorsqu’il est couplé aux systèmes de transmission de données Korvet-5 qui, à l’époque soviétique tout du moins, reçoivent les informations provenant du système satellitaire MKRTs Legenda  ou de systèmes de ciblage avancés dédiés tels que le MRSTs-1 Ouspekh) déployé par les Tu-95RTs et Ka-25Ts ou plus récemment via les données transmises par les AWACS A-50(U) et/ou les radars au sol dédiés. Les coordonnées de la cible sont transmises au missile avant son lancement, une fois ce dernier effectué, une centrale inertielle couplée à un ordinateur prend le relais pour la phase de vol de croisière tandis que le guidage terminal est assuré par une tête chercheuse, disposant de performances limitées, implantée sous radôme dans le nez du missile: il est donc nécessaire de disposer d’une capacité d’éclairage de la cible pour maximiser les chances de réussite de la frappe. Enfin, en vue de réduire l’efficacité des systèmes pouvant l’intercepter, le missile P-500 dispose d’une station de brouillage embarquée 4B89 Shmel’
Le missile P-500 disposant d’un certain potentiel de modernisation notamment en matière de portée maximale, une résolution du conseil des ministres de l’URSS daté du 17 mai 1979 va officialiser le début des travaux visant à créer un nouveau missile à la portée accrue basé sur le P-500 Bazalt. Les premiers essais au sol vont se dérouler en juillet 1982 suivi par des essais de tir au départ d’un sous-marin Izd.675MKV dès le 22 décembre 1983. Les tests du nouveau missile vont se concentrer sur la période 1985-1986 avec pas moins de 18 tirs effectués dont 11 seront un succès, l’acte d’admission officielle au service du missile étant signé le 18 décembre 1987, la production du missile se déroula entre 1985 et 1992 au sein de l’usine Strela à Orenbourg.
Les missiles P-500/P-1000 dans les tubes de lancement. Image@Topwar.ru

 
 
Toujours confié à l’OKB-52 (NPO Mashinostroyenia), le nouveau missile qui est repris sous le nom de P-1000 Vulkan (index GRAU: 3M70 / code OTAN: SS-N-12 mod.2) reprend le même fuselage que le P-500 mais les alliages employés cèdent la place à des composites à base de titane en vue de diminuer l’encombrement tout en conservant la même résistance; le gain de place obtenu visant à accroître la capacité en carburant et donc la portée utile du missile, les prévisions tablant sur une portée accrue à 1.000 Km (d’où le nom du missile). Outre la portée, les ingénieurs soviétiques vont également travailler sur les moyens de ciblage du missile, intégrant dans ce dernier des éléments développés pour le missile P-700 Granit (développé par le même bureau d’études).
Maquette du missile P-1000 avec ses fusées d’appoint modifiées.
 
Le guidage du missile fonctionne sur les mêmes bases que son prédécesseur tout en intégrant des nouveautés issues du P-700 Granit: la détection est assurée par le radar de conduite de tir Argon-1164, les coordonnées de la cible (soit acquises par les radars embarqués, soit acquises par les systèmes à distance) sont transmises au missile avant son tir, après son éjection, le missile P-1000 fait usage d’une centrale inertielle couplée à un ordinateur embarqué (plus performant et résistant mieux au brouillage que celui de son prédécesseur) pour sa phase de vol de croisière qui dure jusqu’aux coordonnées reçues avant le lancement du missile, le guidage terminal est assuré par un radar embarqué s’allumant en phase finale du vol et dirige le missile vers la cible. A l’inverse du P-500, le P-1000 dispose de deux profils de vol possibles, soit le même profil de vol que le P-500 tel que décrit auparavant soit le profil de vol du P-700 où un missile (dans le cas d’une salve) va monter haut et employer son radar embarqué (qui est allumé) pour guider les autres missiles qui vont rester en basse altitude avec leurs radars éteints, l’ensemble redescendant en phase finale pour frapper le cible.
La grue sur ponton que l’on voit à côté du Moskva est employée pour le rechargement/déchargement des missiles P-1000 Vulkan. Image@Artyom Balabin

 
 
Vu la fin de vie et l’obsolescence des missiles P-500, les Atlant ont été rééquipés avec une sorte de variante hybride du missile P-1000; en effet, ce dernier tel qu’il fut conçu employait des fusées d’appoint servant également à propulser plus longtemps le missile en phase initiale ce qui entraînait une température au lancement beaucoup plus élevée par rapport au P-500, créant le risque de détruire le tube SM-248 lors du lancement du missile Vulkan. Le déploiement du missile P-1000 sur les Atlant aurait du entraîner le remplacement des tubes SM-248 en fibre de verre par des équivalents dans des alliages métalliques plus adaptés aux températures élevées mais la Marine Russe n’ayant pas les moyens (et/ou la volonté) de remplacer les tubes des Atlant: Ils vont choisir une solution intermédiaire avec emploi du corps du missile P-1000 couplé aux fusées d’appoint du P-500. Ce faisant, la portée maximale espérée ne pouvait pas être atteinte mais l’accroissement en carburant ainsi que le nouveau système de guidage permirent d’accroître la portée (estimée à 750 Km au maximum) ainsi que la précision de guidage sans passer par des travaux onéreux sur les bâtiments.

Le tir d’un missile Vulkan est un moment impressionnant mais il l’est encore plus lorsque vu de l’arrière. Image@npomash.ru
Principal armement anti-sous-marins embarqué; dix tubes lance-torpilles de 533 mm du type PTA-53-1134 sont répartis latéralement à raison de deux affûts quintuples mobiles mettant en oeuvre des torpilles à guidage acoustique SET-65 employant comme source d’énergie des batteries Argent-Zinc. La dotation totale en torpilles est de dix unités, ces dernières ayant une longueur de 7,8 m, une masse de presque deux tonnes, une charge explosive de 205 Kg et une capacité de frappe jusqu’à une distance de 15 Km.
Autre système anti-sous-marins embarqué, le RBU-6000 Smerch-2) est un lanceur de roquettes agencés selon une forme de fer à cheval disposant de 12 tubes et d’un diamètre de 213 mm approvisionné à raison de 144 roquettes RGB-60 pouvant frapper les cibles jusqu’à une distance de 6 Km.  Le système dispose de son propre radar de tir Burya et il est en mesure de tirer des salves de 1, 2, 4, 8 ou 12 roquettes. Le rechargement se fait automatiquement via le système 60UP qui charge les roquettes dans le lanceur au départ d’un magasin implanté en soute sous le lanceur. Implanté de manière surélevée en plage avant devant la passerelle, les Atlant disposent de deux lanceurs ayant un débattement vertical de -15° à +60° et un débattement horizontal allant de 0 à 180°.
Gros plan sur le lanceur du système RBU-6000 Smerch-2. Image@Rhk111
L’artillerie embarquée est constituée par un canon double AK-130 (calibre 130 mm) implanté en plage avant. Ce dernier, constitué de deux tubes de 9,1m (70 calibres) refroidis par eau et équipés d’un chargeur automatique implanté sous le pont, présente une zone de débattement horizontale de 210° et peut s’élever sur un angle allant de -12° à +85°. La présence des deux tubes couplé au chargeur automatique permet au canon d’offrir une cadence de tir rapide (90 obus / minute à raison de 45 obus par tubes) avec une vélocité à la sortie du tube de 850 m/ secondes, la dotation totale étant de 340 obus. Les obus emportés peuvent être de trois types: F-44 (obus explosif), ZS-44 (obus anti-avions) et ZS-44R (obus anti-avions avec fusée différente).
Le canon AK-130 implanté en plage avant sur le Varyag. Image@Rhk111

 
L’AK-130 dispose d’une distance maximale d’engagement de 23 Km contre les cibles de surface, en outre, grâce à sa capacité de tir rapide, il peut également traiter les cibles aériennes jusqu’à une distance maximale de 15 Km. Découlant de sa capacité de tir conséquente et donc de la présence d’un chargeur automatique, l’AK-130 est un système ayant une masse importante (89 tonnes) ce qui empêche son installation sur des navires de petit gabarit.
  • Les armements défensifs
Le principal armement défensif des Atlant est le système de défense anti-aérienne à moyenne et longue portée S-300F Fort / ???? (code OTAN: SA-N-6 Grumble) dérivé du système terrestre S-300 et employant le missile 5V55RM. La dotation complète en missiles 5V55RM consiste en soixante-quatre missiles stockés dans des containers hermétiques individuels et emportés dans huit lanceurs rotatifs octuples B204 implantés verticalement sous le pont en plage arrière entre les tuyères et le hangar à hélicoptères. Le choix de silos rotatifs est pour le moins surprenant sur un navire de cette taille: complexifiant inutilement le fonctionnement du système, présentant un encombrement accru, tout en offrant des temps de réaction légèrement augmentés par rapport à une implantation en silos fixes, ce choix qui se retrouve également sur les croiseurs Orlan visait à la base à diminuer le nombre d’orifices ainsi que leur taille dans le pont du navire.
Vue aérienne sur la plage arrière d’un Atlant. On voit le positionnement des huit lanceurs octuples rotatifs B204 du système S-300F ainsi que l’antenne (massive) du radar 3R41 Volna. Image@US Navy Archive / Montage@RS
 
Le système fonctionne de manière assez simple: un missile est en permanence présent sous l’orifice de tir, une fois le lancement (à froid) de ce dernier effectué (le missile est éjecté jusqu’à une hauteur d’environ 25 m avant l’allumage du moteur du missile), le silo effectue ensuite une rotation d’1/8ème de tour et présente ainsi le missile suivant sous l’orifice de tir, prêt à être lancé. L’ensemble permet d’assurer des tirs successifs toutes les trois secondes. Par contre, l’emploi de ce système mobile voit le devis de masse de l’ensemble est augmenté selon un facteur 2-2,5 par rapport aux cellules verticales Mk.41 employées sur les navires de l’US Navy.
Tir d’un missile 5V55RM par un croiseur de la classe Atlant.
Le missile 5V55RM est un missile supersonique (2000 m/s) simple étage à carburant solide d’une longueur de 7,25 m, d’un diamètre de fuselage de 0,51 m, d’une envergure (ailettes repliables) de 1,124 m ayant une masse totale de 1,66 tonnes et une charge offensive (fortement explosive et à fragmentation) de 130 Kg. Il dispose d’autonomie maximale de 90 Km et est en mesure de frapper jusqu’à une altitude de 30 Km; le missile fait usage d’un guidage radar semi-actif, l’accrochage de la cible et le guidage (par ondes radio) vers celle-ci est assuré par le radar 3R41 Volna, le guidage terminal est assuré par le missile.
Le système 4K33 Osa-M (code OTAN: SA-N-4 Gecko) dérivé du système terrestre 9K33 Osa est un système de défense anti-aérienne à courte portée composé de deux lanceurs ZIF-122 rétractables pouvant tirer des missiles 9M33 à raison d’une dotation de 40 missiles embarqués. Les missiles 9M33 ont une capacité d’engagement jusqu’à 10 Km et peuvent atteindre des cibles à des altitudes allant de 25 à 5.000 m. Cependant, le système souffre de plusieurs défauts qui le rendent peu pertinent dans sa fonction; faible cadence de tir, incapacité à attaquer des cibles subsoniques volant très bas (5-10 m d’altitude), temps de réaction du système trop lent. Enfin le faible nombre de lanceurs installés (ainsi que leur concentration en plage arrière uniquement) sur des navires de cette taille font que les chances d’interception par ce système sont faibles.
Lanceur ZIF-122 du système Osa-M avec radar Baza en arrière-plan.
 
Pour assurer la protection rapprochée du navire notamment face aux missiles approchant au ras des flots (sea skimming), les Atlant disposent de six tourelles AK-630M; ces dernières sont réparties par groupes de deux latéralement au milieu du navire ainsi que de manière surélevée en plage avant près de la passerelle. Le système AK-630M est composé d’une tourelle qui pèse 9,11 tonnes et qui dispose d’un canon AO-18K à 6 tubes de 30 mm offrant une cadence de tir de 5.000 obus/minute et approvisionné à raison de 2.000 obus. La portée effective du système est estimée à 4 Km et le canon peut s’élever de -12° à +88°. Le système dispose de son propre radar et système de tir ce qui lui permet de fonctionner de manière entièrement automatisée.
Deux tourelles du système de protection rapprochée AK-630M. Image@Rhk111

 
 
Capteurs et radars
Les navires soviétiques se reconnaissaient aisément à la « forêt » d’antennes et de radars parsemés un peu partout sur les bâtiments et les croiseurs de la classe Atlant ne font pas exception bien que comparativement aux navires soviétiques contemporains; les Atlant présentent des lignes plus « épurées » avec un ensemble de radars concentrés sur un mât pyramidal proéminent massif, les ingénieurs ayant réussis à concentrer au maximum les radars dans une même zone au lieu de les disséminer un peu partout sur le navire. Il est également à noter que les modèles de radars ont évolué au fur et à mesure des mises en service ainsi que des passages en révision générale/modernisation des bâtiments; ce faisant, aucun des trois navires ne présente une configuration des radars identique.
Le système de radar principal répond au nom de MR-800 et est composé de deux éléments principaux: le radar MR-710M Fregat-M complété par le radar MR-600 Voskhod; cet ensemble développé à l’origine de la classe Atlant a évolué au fil des années et des passages en carénages/modernisations, le Moskva étant le seul navire présentant encore la configuration d’origine de cette classe de bâtiments.
L’implantation et les modèles de radars employés par le Moskva.
L’implantation et les modèles de radars employés par le Marshal Oustinov. Image@? / Montage@RS
L’implantation et les modèles de radars employés par le Varyag. Image@? / Montage@RS
 
 
Premier radar principal embarqué, implanté au sommet de la mâture principale, le MR-710M Fregat-M (code OTAN: Top Steer) est un radar tridimensionnel de surveillance et recherche surface/air composé de deux antennes cylindriques, dont l’émetteur est positionné devant, qui ne présentant pas les mêmes dimensions et installées dos à dos. Fonctionnant en bande S à une fréquence située entre 2 et 2,5 GHz, le système dispose d’une capacité de détection (théorique) maximale allant jusqu’à 150 Km (varie selon la taille de la cible), d’une portée minimale de 2 Km et d’une altitude maximale de 30 Km.
Le Marshal Oustinov dans son état d’origine: avec un radar MR-710M sur la mâture principale. Image@? / Montage@RS
 
Membre de la famille des radars Fregat et remplaçant le MR-710M sur les Varyag et Marshal Oustinov, on retrouve sa variante modernisée: le MR-750 Fregat-MA (code OTAN: Top Plate). Radar tridimensionnel de surveillance et recherche surface/air composé de deux antennes plates ne présentant pas les mêmes dimensions, positionnées dos à dos et dont une des deux antennes est légèrement désaxée par rapport à l’autre: ce radar fonctionne en bande D et E (ce qui explique d’ailleurs pourquoi une des deux antennes est légèrement plus petite que l’autre). Installé au sommet de la mâture principale, le MR-750 est conçu pour fonctionner dans des environnements fortement brouillés et il intègre également un interrogateur IFF (Identification Friend-or-Foe), la portée (théorique) maximale du système est de 300 Km, la portée minimale étant de 600 m, l’altitude maximale est de 30 Km.
Le Marshal Oustinov dans son état d’origine: avec un radar MR-710M sur la mâture principale. Image@? / Montage@RS

 
 
Deuxième radar principal embarqué et implanté sur le deuxième mât (près des cheminées du navire), le MR-600 Voskhod  (code OTAN: Top Pair) est un radar tridimensionnel de recherche surface/air travaillant en bande C et F à une fréquence de 850 MHz. Composé d’une antenne cylindrique de grande dimension face à laquelle se trouve l’émetteur et complétée par une deuxième antenne cylindrique de plus petite dimension implantée au dos de la première antenne. La portée maximale (théorique) du système est évaluée à 500 Km pour les cibles de grandes dimensions. Ce radar a été remplacé sur le Marshal Oustinov par un nouveau radar tridimensionnel de recherche surface/air à longue distance MR-650 Podberezovik-ET1 (code OTAN: Flat Screen) fonctionnant en bande C composé d’une antenne plate de grande dimension disposant d’une portée de détection minimale de 5 Km et d’une portée maximale (théorique) d’environ 500 Km, cette distance se réduisant à environ 300 Km pour une cible de la taille d’un chasseur et à 55 Km pour une cible de la taille d’un missile, l’altitude maximale étant de 40 Km. Le MR-650, de part la taille importante de son antenne est principalement employé sur les navires de fort déplacement et peut servir de moyens de ciblage pour plusieurs systèmes d’armes tout en intégrant un interrogateur IFF (Identification Friend-or-Foe).
Les deux antennes positionnées dos à dos du radar MR-600 Voskhod, on voit bien la différence de taille entre celles-ci. Image@Rhk111
 
Le radar de conduite de tir pour le système P-500/P-1000 porte le nom d’Argon-1164 (code OTAN: Front Door) et consiste en une antenne de grande dimension de forme parabolique positionnée sur la face avant de la mâture principale. Servant à l’acquisition des cibles et au guidage des missiles, l’Argon-1164 est un radar Doppler pulsé pouvant assurer le guidage jusqu’à une portée théorique maximale de 500 Km (selon la taille de la cible) lorsqu’il est couplé au système de transmission de données Korvet-5.
Trois antennes présentes en plage avant sur les Atlant. Encadré en vert, le radar de navigation MR212-201U. Encadré en rouge le radar Argon-1164 pour les missiles P-500/P-1000. Encadré en orange, le radar MR-184 pour l’artillerie AK-130. Image@Rhk111 / Montage@RS
Le guidage des missiles 5V55RM du système S-300F est assuré par un radar 3R41 Volna (code OTAN: Top Dome), dérivé du radar terrestre 36N85 (code OTAN: Flap Lid), implanté au-dessus du hangar de l’hélicoptère en plage arrière du navire. Constitué d’un imposant dôme, le 3R41 est constitué d’une large antenne plate (agissant en tant que réflecteur) et d’un émetteur frontal (aisément identifiable de l’extérieur puisque formant une protubérance sur le dôme), l’ensemble présente un diamètre d’environ 4 m est monté sur un piédestal rotatif et dispose d’une masse d’environ 35 tonnes. Fonctionnant en bande I/J, le scan en élévation est électronique et mécanique sur l’azimut, le 3R41 est en mesure de guider douze missiles simultanément sur six cibles distinctes soit des salves de deux missiles par cibles accrochées. La portée de détection maximale est d’environ 100 Km bien que face à des avions de taille moyenne (du type chasseurs), une distance de détection de 75 Km soit plus réaliste.
Le radar 3R41 Volna implanté au-dessus du hangar à hélicoptère. Image@Rhk111
 
Le système 4K33 Osa-M dispose quant à lui de deux radars de conduite de tir connus sous le nom de MPZ-301 Baza (code OTAN: Pop Group). Il s’agit en fait de pas moins de trois antennes montées sur un même support. Il y a une antenne montée en haut du radar qui balaie en bande C et dont le but est de faire acquisition des cibles jusqu’à une distance de 42 Km. La deuxième antenne – et la principale – qui travaille en bande I assure le suivi des cibles jusqu’à une distance de 24 Km. Et enfin la troisième antenne détecte les lancements de missiles SAM et fonctionne jusqu’à une distance de 16 Km.
Le radar de conduite de tir Baza dédié au système Osa-M. Image@Rhk111
 
La conduite de tir dédiée au canon double AK-130 est composée d’un radar Lev-218/MR-184 Lev (code OTAN: Kite Screech) mis au point par le bureau d’étude Ametist (?? «???????») et consistant en un radar d’une masse de 8 tonnes, disposant d’une portée maximale de 75 Km, d’une portée de suivi de 40 Km et pouvant suivre deux cibles simultanément; l’ensemble étant implanté sur le dessus de la passerelle. La conduite de tir dédiée reçoit d’abord les cibles via les radars principaux du navire, cette dernière se charge ensuite de mesurer les paramètres de la cible (vitesse et direction) avant de déterminer le meilleur angle de tir pour le canon et permettant d’effectuer des tirs soit à l’unité soit en salve, le tout étant ajusté automatiquement.
Radar de conduite de tir MR-184 dédié au canon AK-130. Image@Rhk111 / Montage@RS

 
 
Les systèmes de protection rapprochée AK-630M disposent de trois radars de conduite de tir MR-123 Vympel (code OTAN: Bass Tilt) pour assurer la désignation et le suivi des cibles: chaque radar est en mesure d’assurer le pilotage de deux tourelles AK-630M, la capacité de détection étant de 4 Km pour les cibles aériennes et de 5 Km pour les cibles de surface. Un radar est implanté devant la passerelle, les deux autres étant répartis latéralement près de l’emplacement des AK-630M.
Radar de conduite de tir MR-123 Vympel pour le système AK-630M. Image@?

 
 
Les Atlant disposent d’un sonar de coque à moyenne fréquence implanté dans l’étrave, du type MGK-335 Platina (code OTAN: Bull Horn) complété par un sonar à immersion variable composé par une longue antenne repliable implanté à la poupe. Le système Platina est en mesure de suivre une cible sous-marine jusqu’à 15 Km en mode passif mais est en mesure de détecter une cible à des distances d’engagement allant jusqu’à 25 Km (ceci dépendant des conditions sous-marines, bien entendu).
L’emplacement du sonar traîné est vu ici avec ses trappes de protection ouvertes. Image@dmirg78

 
 
Pour la navigation et la recherche à courte distance, trois radars MR-212-201U Vaygach U (Code OTAN: Palm Frond) sont employés. Ces derniers, implantés en hauteur sur les flancs et en avant du mât principal selon une configuration triangulaire, sont des radars employant un magnétron pulsé comme émetteur, travaillant en bande X (fréquences allant de 9,4 à 9,46 GHz), disposant d’une puissance maximale allant de 12 à 20 kW, d’une portée maximale de 46,3 Km et d’une portée minimale de 0,4 Km. Au fur et à mesure des passages en carénages et modernisations, les trois bâtiments ont reçu un radar dédié à la navigation du type MR-231-3 (en lieu et place d’un MR-212-201U): ce dernier est un radar fonctionnant en bande X (fréquences allant de 9,4 à 30 GHz), disposant d’une puissance maximale de 25 kW, d’une portée maximale de 89 Km.
Radar de navigation MR-212-201U.
 
Outre les radars embarqués, les Atlant disposent également de deux antennes pour le système Korvet-5 (code OTAN: Punch Bowl), ce dernier étant un système de transmission satellitaires de données permettant notamment de recevoir les coordonnées de cibles et d’assurer le guidage (hors de portée des radars embarqués) pour les missiles P-500/P-1000. A ce dernier viennent s’ajouter le système de transmission de données R-790 Tsunami, le système de communication Tayfun-2 et enfin le système de transmission satellitaire Tsentavr-NM-1.
Le système de combat tactique des Atlant permettant de mettre en oeuvre et de contrôler l’ensemble des armements en centralisant les données provenant des capteurs embarqués répond au nom de Lesoroub-1164 et fait usage de consoles du système Poyma pour afficher les données tactiques aux opérateurs des armements et équipements embarqués. Au fur et à mesure des passages en révisions et des modernisations: une partie des consoles tactiques d’origine ont été remplacées par leurs équivalentes modernes composées de deux écrans LCD superposés. 
Guerre électronique et leurres
 
Les Atlant disposent de deux systèmes de contre-mesures électroniques MP-150 Gourzouf-A et de deux systèmes MP-152 Gourzouf-B, ces systèmes dont l’émetteur principal dispose d’une puissance de 200 W travaillent sur quatre bandes (L, S, C et X / 4-20 MHz) et sont abrités sous radômes qui protègent plusieurs antennes ainsi que des brouilleurs orientables permettant de mieux cibler la menace identifiée; les dômes sont répartis latéralement le long de la mâture principale. Le système dont le but est de limiter la capacité à être détecté et accroché par les radars de tirs ennemis dispose d’une portée de brouillage effective évaluée à 40 Km, il est complété par la présence des systèmes de contre-mesures électroniques MR-262 Ograda, des systèmes de guerre électronique MP-401 Start et MP-407 Start-2. Suite à sa modernisation, le Marshal Oustinov a perdu les systèmes Gourzouf-A/-B, ces derniers étant remplacés par des systèmes plus modernes, malheureusement nous n’en savons pas plus sur cette question, néanmoins les photos disponibles ne laissent aucun doute possible: ces équipements ont été enlevés du navire.
Radômes cylindriques des antennes des systèmes Gourzouf-A et Gourzouf-B sur le Varyag. Image@Rhk111
Nouveaux équipements de brouillage sur le Marshal Oustinov. Image@CrazyMk / Montage@RS
 
Un système de lance-leurres thermiques PK-2M est installé à raison de deux lanceurs double ZIF-121 mettant en oeuvre des leurres « lourdes » d’un calibre de 140 mm: celles-ci étant stockées sous le pont du navire et rechargée automatiquement. Les leurres sont composées de deux parties: la leurre proprement dite qui peut être équipée soit d’une tête infrarouge (TST-47), soit d’une leurre passive (TSP-47), soit d’une tête combinant les deux (TSO-47) et à celle-ci vient s’ajouter la partie propulsive proprement dite. Le système peut leurrer à la fois les munitions guidées sous-marine mais également les missiles anti-navires.
Encadré en rouge, un lanceur ZIF-121 du système PK-2M. Le stockage des munitions se situe sous le pont en-dessous du lanceur. Image@?

 
 
Un système de lance-leurres thermiques à courte-portée PK-10 Smely-Pcomposé de quatre lanceurs KT-216 équipés chacun de dix tubes pouvant mettre en oeuvre trois types de leurres: A3-SR-50, A3-SO-50 et A3-SOM-50, le rechargement du système se fait à la main. Les leurres employées ne diffèrent que sur le type de menace qu’elles sont censées contrer (soit infrarouge, soit laser), et leur mission principale est de protéger les navires contre les armes guidées employant soit un guidage radar soit un guidage optique.
Appareils embarqués
Pour les missions de recherche et secours en mer ainsi que pour les missions de lutte anti-sous-marine, les Atlant disposent d’un hangar implanté à la poupe pour hélicoptère embarqué Ka-27 (et variantes). Equipé de deux larges portes, ce hangar peut héberger un Ka-27 uniquement après que ce dernier ait replié les pales de ses rotors.
Une piste d’atterrissage ainsi que les moyens de guidage dédiés (approche et décollage) pour les hélicoptères sont implantés à la poupe du bâtiment sur une plate-forme.
La Classe Atlant au sein de la Marine Russe
A sa fondation sur les cendres de la Marine Soviétique en date du 7 mai 1992, la Marine Russe hérite des trois navires actifs de la classe Atlant, ces derniers étant catalogués en tant que navire de Rang 1. Les Atlant sont en service et répartis à raison d’une unité au sein de la Flotte du Nord, une unité au sein de la Flotte de la Mer Noire et une unité au sein de la Flotte du Pacifique. Un programme de modernisation approfondi fut un temps envisagé mais il semble que la Russie se contente désormais d’assurer les révisions générales tout en remplaçant certains équipements embarqués, notamment les radars et systèmes de tirs employés. En outre, le Moskva et le Marshal Oustinov ont vu leurs missiles P-500 remplacés par des missiles P-1000 ayant une portée accrue.
La répartition des navires est la suivante:
  • Moskva au sein de la Flotte de la Mer Noire
  • Marshal Oustinov au sein de la Flotte du Nord
  • Varyag au sein de la Flotte du Pacifique
L’âge moyen de la flotte est de 35 ans en 2021, le navire le plus ancien ayant 39 ans de service au compteur et le navire le plus récent 32 ans. Même si les navires sont déjà d’un âge respectable, il est à noter qu’ils sont restés de longues années inactifs notamment dans la période 1990-2000 suite au manque de budget pour les exploiter/entretenir.
Classe Atlant

 
 
Navire tête de série et premier navire de la classe, le Slava est mis sur cale le 5 novembre 1976 avant d’être lancé le 27 juillet 1979 et finalement admis au service le 30 décembre 1982 (première levée du drapeau le 30 janvier 1983) au sein de la Flotte de la Mer Noire, ce dernier devenant le navire-amiral et seul navire de rang 1 de la flotte de la Mer Noire. En septembre 1983, le Slava effectua le déplacement jusqu’à la Flotte du Nord pour effectuer les essais de ses armements embarqués: la zone étant équipé des polygones d’essais de tirs nécessaires pour vérifier une quantité importante de paramètres, quelques mois plus tard le Slava retournera en Mer Noire.
Le Slava à l’époque soviétique, au début de sa carrière

 
 
En janvier-février et en juin 1986, le Slava effectuera plusieurs missions en Mer Méditerranée (couvrant notamment le VIème flotte de l’US Navy) ainsi qu’en janvier 1987; durant ses missions, le croiseur fera également relâche à Tartous (Syrie) ainsi qu’au Pirée (Grèce). En novembre-décembre 1989, le navire (ainsi que son équipage) hébergeront les officiels soviétiques  dans le cadre du Sommet de Malte qui verra plusieurs réunions entre le SecGen, M.Gorbatchev, et le Président des Etats-Unis, George H.W. Bush, et au cours duquel la fin de la Guerre Froide fut annoncé. En août 1990, le navire abrita la conférence internationale de Yalta sur le contrôle des armements nucléaires.
Le président américain Georges H.W. Bush à bord de l’USS Belknap (CG 26) avec le croiseur Slava en arrière-plan.

 
Le président américain Georges H.W. Bush à bord de l’USS Belknap (CG 26) avec le croiseur Slava en arrière-plan. Image@?
Le Slava est arrivé au chantier naval Nikolayev (61 Kommunara) le 21 mars 1991 dans le but de recevoir une révision générale ainsi qu’une modernisation de certains équipements embarqués cependant vu le manque de budgets et au vu du fait que les ouvriers du chantier naval n’avaient plus été payés depuis plusieurs mois, le navire va rester immobilisé plus longtemps que prévu. Le commandement de la Mer Noire va chercher des solutions alternatives pour financer les travaux sur le navire, proposant de faire usage de contrats de barters (échanges de biens/services contre les travaux) voire de fournir certains équipements issus du navire au chantier naval pour financer les travaux. Ceci en disant long sur la situation économique russe dans cette période
Le Slava à l’époque soviétique, vu le numéro de coque nous sommes en 1983

 

 
Le commandement de la Flotte de la Mer Noire va intervenir et plaider la cause auprès de Moscou pour débloquer la situation mais sans grand succès, le navire sera finalement arrêté et mis de côté à Sevastopol. Le 16 mai 1996, le Slava est renommé sous le nom de Moskva  pour marquer le fait que le navire passait sous la « protection » de la Capitale russe; il faudra néanmoins attendre le mois d’août 1999 pour assister à la fin des travaux sur le croiseur (soit un arrêt de 8 ans!) et le voir revenir au service, toujours au sein de la Flotte de la Mer Noire avec comme base d’attache Sevastopol.
Cette vue où le Moskva est accompagné par la frégate La Fayette (F710) de la Marine Française permet de voir la différence de gabarit entre les deux navires. Image@Rickard Andersson
 
Le retour en service du navire va être l’occasion de l’employer pour des missions à caractère plus médiatiques que militaires: en août-septembre 2001, le Moskva fait relâche dans les ports de Cannes et Toulon avec une délégation russe à son bord, celle-ci participant aux journées de la Culture Russe sur la Côte d’Azur. Par la suite, le navire fera également relâche à Gulet (Tunisie) et Brindisi (Italie), tandis qu’en octobre-novembre 2002, il retourne en Méditerranée et fait relâche à Toulon et Latakia (Syrie) notamment. En 2003, participation à l’exercice indo-russe Indra-2003 en compagnie des Admiral Panteleyev et Marshal Shaposhnikov (Izd.1155 Fregat), les années suivantes (2004-2006) seront ponctuées d’exercices et de visites de courtoise, le seul évènement marquant étant le rapatriement (en 2005) au pays des cendres du dernier Ministre de la Marine de l’Empire Russe, l’Amiral Ivan Grigorovich qui furent rapatriées de Menton à Novorossiysk.
En janvier 2008, le Moskva est inclus dans le groupe aéronaval de la Flotte du Nord qui est déploiement en Méditerranée, à cette occasion le croiseur effectue plusieurs tirs de missiles P-500 et de son système anti-aérien S-300F.  Mais c’est quelques mois plus tard que le Moskva va connaître son premier engagement militaire entre le 9 et le 12 août 2008 lorsqu’il sera engagé dans le cadre du conflit géorgien à proximité de l’Abkhazie. Le 7 septembre 2009, le navire aurait eu un incident (on parle d’une explosion au sein de la salle des machines) qui aurait blessé dix marins, mais ceci n’a jamais été confirmé par la Marine Russe.
Le croiseur Moskva.

 
 
En 2012, le croiseur qui constituait une unité indépendante au sein de la Flotte de la Mer Noire est inclus dans la division 30 DNK de cette même flotte.

Le deuxième engagement militaire du Moskva aura lieu en mars 2014 lorsqu’il sera employé pour assurer le blocus contre la Marine Ukrainienne en baie de Donuzlav durant l’annexion de la Crimée. Entre le 7 avril et le 9 mai 2015, le navire passe en carénage au sein du chantier naval 13 SRZ de Sevastopol, en septembre 2015 il est déployé en Mer Méditerranée notamment pour couvrir l’intervention russe en Syrie et assurer la protection anti-aérienne, grâce à l’emploi de son système S-300F, du port de Tartus ainsi que de Lattaquié. De retour de déploiement au port de Sevastopol le 9 janvier 2016, le navire ne sera plus guère employé par la suite, son avenir étant même soumis à discussions en juillet 2018 avec un arrêt définitif du navire envisagé par les décideurs de la Marine. Finalement il n’en sera rien puisque le Moskva est entré en carénage en 2019 au chantier naval 13 SRZ de Sevastopol pour traiter les problèmes de sa chaîne cinématique (révision des turbines et remplacement des génératrices diesel) avant de ressortir en mer le 5 juin 2019, son retour dans les effectifs ayant lieu en décembre 2019. Dernier fait marquant en date, le premier tir d’un missile Vulkan (et non Bazalt comme indiqué dans l’article) du Moskva en Mer Noire: ce dernier a eu lieu le 30 avril 2021. Le navire est commandé depuis 2020 par le capitaine de premier rang Anton Valerievich Kouprin
Navire amiral de la
flotte russe de la mer Noire, il est gravement endommagé dans la soirée du 13 avril 2022, au cours de la guerre d'Ukraine. Les forces ukrainiennes déclarent avoir tiré deux missiles de croisière Neptune contre lui ; le ministère de la Défense russe annonce qu'un incendie à bord a déclenché une explosion de munitions. Le 14 avril 2022 dans la soirée, le ministère de la Défense russe annonce que le vaisseau a coulé en mer Noire, à 100 km au large des côtes d'Odessa, lors des opérations de remorquage.Il s'agit du plus grand navire de guerre coulé au combat depuis la Seconde Guerre mondiale


 

 
 

 
Le moins que l’on puisse dire c’est que les russes savent comment mettre en valeur et photographier leurs navires. Exemple ici avec le Moskva. Image@forum.airbase.ru
Le Moskva a porté les numéros de Bort suivants durant sa carrière: 126 (en 1983), 108 (en 1984), 106 (en 1987) et enfin le 121 (depuis 1990).
 

Deuxième navire de la classe Atlant, l’Admiral Flota Lobovest mis sur cale le 5 octobre 1978 avant d’être lancé le 25 février 1982 et finalement admis au service le 15 septembre 1986 au sein de la Flotte du Nord (43 DRK), le navire sera déjà renommé en date du 23 mars 1985 du nom de Dmitry Oustinov, Maréchal de l’URSS, membre du Politburo et Ministre de la défense (1953-1957 / 1976-1984), le navire recevant le nom de Marshal Oustinov

Le Marshal Oustinov dans son état d’origine, vu son numéro de coque: cette photo date de la période 1988-1991. Image@?


 


 
 
Après sa mise en service, le navire a effectué plusieurs visites pour le moins célèbres au sein de bases navales occidentales: du 21 au 29 juillet 1989 en visite à la base de Norfolk (Virginie), du 16 au 20 juillet 1991 à la base navale de Mayport (Floride) et enfin du 30 juin au 5 juillet 1993 à Halifax (Canada). Ces visites inenvisageables à l’heure actuelle doivent s’envisager dans le cadre d’une détente générale entre les anciens ennemis de la guerre froide et étaient des opérations de relations publiques indiquant une diminution sérieuse des tensions dans le monde post-guerre froide.
Entre 1994 et le 17 décembre 1997, le navire sera immobilisé chez Severnaya Verf (Saint Pétersbourg) pour carénage, révision générale du navire et remplacement de la chaîne cinématique. En janvier 2001, le navire retourne en carénage chez 35 SRZ (filiale de Zvezdochka) avant de reprendre la mer à la fin de l’année
Le Marshal Oustinov dans son état d’origine. Image@forum.airbase.ru
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C’est en juillet 2011 que le navire va entrer en révision générale et modernisation au sein du chantier naval Zvezdochka (Severodvinsk): outre les travaux de carénage et de réparation de la chaîne cinématique, les travaux de grande ampleur vont porter sur le remplacement des radars, des équipements embarqués ainsi que sur la modernisation des équipements de guerre électronique. Dis de manière simplifiée, le navire va passer de l’ère analogique à l’ère numérique, les armements restant intacts. Cependant vu l’ampleur des travaux, le retour au service va être reporté à plusieurs reprises: initialement envisagée pour 2014 avant d’être reculé à 2015, c’est en octobre 2016 que le navire va débuter ses essais d’usine post-modernisation. Finalement, le Marshal Oustinov retournera à sa base d’attache de Severomorsk où il sera remis en service en avril 2017; le navire est commandé par le capitaine de troisième rang Andrey Ourievich Krivogouzov depuis 2020.

Le Marshal Oustinov dans son état post-modernisation. Image@forums.airbase.ru
Le Marshal Oustinov a porté les numéros de coque suivants durant sa carrière: 118 (en 1986), 088 (en 1988), 070 (en 1991) et enfin le 055 (depuis 1993).
 
Troisième navire de la classe, le Chervona Ukraina est mis sur cale le 31 juillet 1979 avant d’être lancé le 28 août 1983, l’équipage étant formé le 1er décembre 1986, le navire est admis au service le 25 décembre 1989 au sein de la Flotte du Pacifique (flottille du Kamtchatka, 173 BRK / 173-, la cérémonie du lever du drapeau ayant lieu le 7 janvier 1990. Le voyage vers la base d’attache de Fokino va se tenir entre le 27 septembre et le 5 novembre 1990, le navire faisant un arrêt à la base de Cam Ranh (Vietnam) du 22 au 24 octobre 1990, le navire arrivera à Fokino le 5 novembre 1990. Le 4 septembre 1995, il est réaffecté à la 36ème division des navires de surface de la Flotte du Pacifique / 36 BNK) et renommé en date du 21 décembre 1995 du nom de Varyag  il devient le navire-amiral de la Flotte du Pacifique après la mise en réserve de l’Admiral Lazarev (Izd.1144.2 Orlan) en 2001. 
Le numéro de coque permet de voir qu’il s’agit d’une photo du Chervona Ukraina tout juste sorti du chantier naval (1990

 
 
Avant même de devenir le navire-amiral de la Flotte du Pacifique, le Varyag va être régulièrement employé pour des visites amicales aux pays voisins, ainsi on le retrouve à Incheon en 1997 et après un premier rapide passage en carénage en 1998 au chantier naval Dalzavod de Vladivostok, le navire a visité Shangaï en 1999 (50ème anniversaire de la fondation de la Marine Chinoise), Yokosuka en 2002 et de nouveau Incheon en 2004. Un long déploiement (exercice INDRA-2005) se tient entre septembre et décembre 2005 dans les océans Indien et Pacifique avec de nombreux arrêts en Inde, Indonésie, Thaïlande, Singapour et au Vietnam.
Le Varyag lors d’une visite de courtoisie au Canada. Image@Robert Etchell
Le navire va être immobilisé entre mai 2006 et février 2008 chez Dalzavod pour carénage, révision générale et remplacement de la chaîne cinématique ainsi que certains équipements embarqués. Une fois remis en service, le Varyag va poursuivre ses visites à l’étranger avec des passages (notamment) à Busan, Qingdao, San Francisco et Incheon entre octobre 2008 et novembre 2010. En 2011 et 2012, le Varyag va participer à des exercices communs avec la Marine Chinoise en Mer Jaune avant de passer en carénage chez Dalzavod au début de 2013, après sa sortie de carénage: changement de décor, le navire est envoyé en Mer Méditerranée fin août 2013 pour des exercices commun avec le Piotr Velikiy (Izd.1144.2 Orlan) notamment. L’année 2014 va voir le Varyag prendre la tête du détachement russe dans deux exercices: le premier en mai commun avec la Marine Chinoise tandis qu’en juillet, c’est en commun avec la Marine Indienne que la Marine Russe va participer à l’exercice Indra-2014 en mer du Japon, en septembre ce sont des exercices de tir dans le cadre de Vostok-2014.
Malgré ses dimensions imposantes, le Varyag paraît bien petit en comparaison avec le volcan en arrière-plan. Image@MoD Russia

 
 
Nouveau carénage au début de 2015 chez Dalzavod toujours, le navire sortant de travaux le 27 avril 2015 avant de prendre part à l’exercice commun avec la Marine Indienne Indra-2015 après quoi les choses « sérieuses » vont commencer puisque le Varyag va être envoyé en Mer Méditerranée pour couvrir les opérations aériennes russes en Syrie avec son système S-300F. C’est le 3 janvier 2016 que le Varyag entra en Mer Méditerranée pour assurer la relève du Moskva, ce dernier retournant à sa base d’attache de Sebastopol. Le déploiement en Mer Méditerranée s’achèvera en 2017, avec le retour du navire dans sa zone d’action coutumière du Pacifique d’où il effectuera notamment le 9 octobre 2017 un tir de missile Bazalt lors d’un exercice aux côtés du sous-marin K-150 Tomsk (Izd.949A Antey).
Le Varyag en Mer Méditerranée (2017) avec un Fregat (Izd.1155) ne arrière-plan. Image@Vadim Savitsky
Entre le 1er octobre 2018 et le 24 janvier 2019, le Varyag va mener un détachement russe dans un long voyage en mer qui a vu la flotte russe faire relâche dans neuf pays et autant de ports, allant du Japon aux Philippines en passant par la Chine, le sultanat de Bruneï ainsi que l’Inde et l’Indonésie pour ne pas les citer. En août 2020, le Varyag a effectué des essais de tirs en Mer de Béring aux côtés du sous-marin K-186 Omsk (Izd.949A Antey). On le voit donc de manière succincte, le Varyag est réellement le navire-amiral ainsi que le porte-drapeau de la Flotte du Pacifique. Employé un peu partout dans le Pacifique ainsi que dans les quatre coins du globe, exploité de manière « intensive » (tout en bénéficiant de carénages réguliers pour le maintenir en condition), le Varyag est indirectement exemplatif des difficultés de la Marine Russe contemporaine, n’ayant pas d’équivalent au sein de la Flotte du Pacifique: le navire est de tous les exercices et patrouilles et l’absence de navires pouvant se substituer à ce dernier font que la Flotte du Pacifique est pour le moins fragilisée par l’absence de substitut disponible au Varyag. Le navire est commandé par le capitaine de premier rang Alexey Yuryevich Ulyanenko  depuis 2014.
Le Varyag dans le port japonais d’Hakodate. Image@forum.airbase.ru

 
 
Le Varyag a porté les numéros de Bort suivants durant sa carrière: 119 (en 1990), 031 (dès septembre 1990) et enfin le 011 (depuis 1994).
Quatrième navire de la classe Atlant et présentant un standard légèrement différent d’un point de vue des équipements embarqués (radars) et des armements (installation des missiles P-1000 Vulkan), le Komsomolets  est mis sur cale le 29 août 1984 est rebaptisé dès le 23 mars 1985 sous le nom de Admiral Flota Lobov  et il est finalement lancé le 11 août 1990, les travaux sur ce dernier se poursuivant jusqu’à la fin de l’URSS. Achevé à environ 75% lorsque l’URSS s’effondre, le navire passe dans le giron de la Marine Ukrainienne le 1er octobre 1993 et est rebaptisé le 17 décembre 1993 sous le nom d’Ukraina  Peu de temps après, en 1994, un équipage est formé en vue de la mise en service future du navire, cependant l’Ukraine ne disposant pas des moyens nécessaires à l’achèvement du navire, les travaux sont interrompus et le navire préservé au chantier naval. En 1997, la Russie est approchée en vue de lui revendre le navire: le pays refuse, n’ayant pas les moyens de l’acquérir pas plus que de l’exploiter. L’Inde et la Chine vont être approchées également mais sans succès non plus.  
L’ex croiseur Ukraina au chantier naval Mikolayev.
 
En 1998, le président ukrainien, Leonid Koutchma, annonce que le pays va procéder à l’achèvement du croiseur, un nouvel équipage étant formé en vue de la mise en service à venir du navire et les travaux reprenant dans la foulée: l’achèvement du navire étant estimé à environ 95%. Ce projet va également faire long feu et l’équipage constitué sera à nouveau renvoyé chez lui; une troisième tentative de formation d’un équipage pour le navire ne va rien changer à l’état du navire, la seule trace de ces projets étant un écusson (pas vilain, au demeurant) du navire aux couleurs ukrainiennes.
 
En 2010, les militaires russes ayant récupérés des moyens financiers conséquents se montrèrent intéressés par l’Ukraina: néanmoins, vu les vols commis sur le navire, la dégradation ainsi que l’obsolescence des équipements embarqués, l’état d’achèvement du navire était considéré comme étant retombé à 50%. Les estimations tablaient sur environ 30 millions d’USD nécessaires pour remettre en état et achever les travaux sur le navire, les ukrainiens ne disposant pas des systèmes d’armes pour équiper le navire, c’est la Russie qui devrait se charger de les fournir et de les installer. Il est vrai que le contexte politique entre les deux protagonistes était favorable à la Russie, le président ukrainien à l’époque, Viktor Yanukovych, étant proche de la Russie. La résolution n°2427-VI du parlement ukrainien (Verkhovna Rada Ukraïna) datée du 6 juillet 2010 retira le nom Ukraina au navire (247 députés pour sur 428). Peu de temps après, en 2011, la Russie fit savoir qu’elle prendrait le croiseur uniquement si il est gratuit et qu’ensuite elle financerait les heures de travail avec les usines/chantiers navals ukrainiens nécessaires pour le remettre en état et ensuite l’achever.
Les discussions vont encore s’éterniser, butant principalement sur les questions financières (l’Ukraine n’ayant aucune utilité pour le navire), et en septembre 2013 l’Ukraine et la Russie tombèrent sur un accord: la Russie achèterait le navire pour 1 milliard de Roubles et effectuerait des réparations partielles en Ukraine avant de l’équiper en Russie. Les évènements de Maïdan et le départ du président Yanukovych vont voir l’accord russo-ukrainien être remis en cause, Kiev ne voulant plus fournir du matériel militaire à Moscou et ce d’autant plus après l’annexion de la Crimée par la Russie. L’Ukraine va tenter à plusieurs reprises de vendre le navire à l’étranger (le Brésil fut envisagé comme client potentiel) sans succès: le chantier naval ainsi que l’agence gouvernementale Ukroboronprom souhaitant se séparer rapidement du navire suite au fait que l’entretien de ce dernier coûte environ 6 millions de Hryvnia mensuellement.
L’ex Ukraina en attente d’un futur hypothétique au sein du chantier naval Mikolayev. Image@forum.airbase.ru
L’ex Ukraina en attente d’un futur hypothétique au sein du chantier naval Mikolayev. Image@forum.airbase.ru
En mars 2017, le président ukrainien Petro Poroshenko signa un décret actant la démilitarisation du bâtiment, le MoD ukrainien annonçant dans sa décision 220/8483 l’abandon du navire: le pays n’ayant ni les moyens ni l’utilité pour un tel navire. L’actuel président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d’une visite au chantier naval en 2019 fit savoir que le navire ne serait pas détruit mais qu’il était nécessaire de trouver une solution pour son avenir, en 2021, le cabinet ministériel ukrainien décida que le navire allait être démilitarisé et que sa coque et ses turbines à gaz allaient être revendues et/ou détruites. Au moment de rédiger ces lignes, le navire est toujours dans le même état et au même endroit au chantier naval, lieu qu’il n’a pas quitté depuis plus de 20 ans: malgré toutes les annonces et tentatives de reventes, le navire n’a pas bougé d’un millimètre et il est plus que probablement condamné à finir sa carrière là où il l’a débutée en attente d’un hypothétique achèvement qui n’aura jamais lieu. Navire prévu pour la Flotte du Nord.
Les cinquième navire de la classe Atlant (Izd.11641), mis sur cale le 30 décembre 1987 aurait dû répondre à un standard modernisé: l’Izd.11641. Le navire répondant à l’origine au nom de Rossiya avant d’être rebaptisé Oktyabrskaya Revolutsiya  va voir sa construction interrompue dès la fin de 1989 avant d’être annulée dès le 10 avril 1990 et les éléments déjà assemblés détruits dans la foulée. Navire prévu pour la Flotte de la Baltique.
Le sixième et dernier navire de la classe Atlant (Izd.11641), répondant au nom de Admiral Flota Sovetskovo Soyuza Gorshkov  va voir les travaux préparatoires être lancés dès le 1er novembre 1988 avant d’être interrompus fin de l’année 1989 et annulé dès le 10 avril 1990. Navire prévu pour la Flotte de la Mer Noire.
Une évolution sans révolution: le standard Izd.11641
Vu la rapide évolution des technologies ainsi que les délais de production dans la construction navale, les ingénieurs soviétiques vont travailler sur le développement d’une version modernisée des croiseurs Atlant. Repris sous le standard Izd.11641, la principale différence entre la variante d’origine et sa version modernisée réside dans une coque rallongée de 6 m (longueur de 192 m), une chaîne cinématique légèrement modifiée (accroissement de puissance pour suivre l’allongement du navire ainsi que l’accroissement de déplacement) mais c’est surtout au niveau des équipements embarqués que l’on voit les changements les plus conséquents.
L’armement principal évolue et voit le remplacement du système P-500 Bazalt par le système P-1000 Vulkan présentant une allonge accrue avec capacité de frappe portée à 750 Km tandis que le système URPK-6 Vodopad-NK prenait la place des tubes lance-torpilles. La protection rapprochée du navire est revue et sérieusement renforcée avec installation de cinq tourelles du système 3M87 Kortik (combinant missiles et canons) en remplacement des six tourelles AK-630M.
Enfin, l’ensemble des radars embarqués, le sonar, les systèmes de guerre électronique, le système de gestion des armements ainsi que les moyens de navigation sont soit remplacés soit modernisés. Au final, ce standard, si il avait vu le jour aurait permis de faire évoluer les capacités des Atlant sans pour autant révolutionner fondamentalement les performances offertes par cette classe de navires.
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Un aperçu de l’aspect qu’aurait dû présenter la variante modernisée, l’Izd.11641

 
 
Il semble cependant que le standard Izd.11641 ne sera pas entièrement perdu dans la tourmente de la période post-soviétique. En effet, lorsque le Marshal Oustinov entre en modernisation au sein du chantier naval Zvezdochka de Severodvinsk en 2011, les travaux vont reprendre pour partie les travaux réalisés dans le cadre du standard Izd.11641. Outre un carénage du navire et des travaux de refonte des structures internes, le Marshal Oustinov va voir l’ensemble de ses principaux radars embarqués remplacés par des équivalents modernes, les deux éléments les plus visibles étant l’installation du radar MR-750 Fregat-MA et du radar MR-650 Podberezovik-ET1 ainsi que le remplacement des équipements de guerre électronique. En outre, conçu dans le courant des années 1970, les équipements embarqués à bord du Marshal Oustinov sont encore largement analogiques: le passage en modernisation a vu l’ensemble des équipements passer à l’époque « numérique » avec emploi massif de l’informatique permettant notamment d’accroître les performances des capteurs embarqués. En outre, le sonar embarqué MGK-335 Platina est remplacé par le sonar Zarya-SK, à l’inverse du standard Izd.11641, les armements d’auto-défense du Marshal Oustinov sont restés dans leur état et composition d’origine. Les travaux vont traîner en longueur et ce n’est qu’en avril 2017 que le navire reprendra le service actif au sein de la Flotte du Nord.
Les points faibles des croiseurs de la classe Atlant
De manière surprenante pour des navires de cette importance et de cette taille, les croiseurs de la classe Atlant présentent plusieurs points faibles dont certains sont pour le moins difficile à comprendre.
Le système de défense anti-aérienne à longue portée S-300F dispose d’un nombre limité de missiles (64) mais surtout ne dispose que d’un seul radar de guidage dédié, le 3R41 Volna implanté sur le toit du hangar de l’hélicoptère en plage arrière du navire. A l’inverse des croiseurs Orlan (Izd.1144/1144.2) qui disposent de deux radars dédiés implantés en plage avant et arrière, les Atlant peuvent se retrouver dans la situation délicate d’une panne de radar qui rendrait le système S-300F aveugle. En outre, l’emploi d’un radar massif et mobile installé en plage arrière rend la capacité de détection globale du système inférieure par rapport à l’usage d’antennes fixes implantées sur une mâture centrale. Sans même parler de la complexité technique liée à la nécessité d’installer des moteurs puissants pour actionner le radar.
Les missiles P-500 Bazalt/P-1000 Vulkan peuvent frapper des cibles jusqu’à une distance de 500 Km (P-500) et théoriquement entre 750 et 1.000 Km (P-1000), néanmoins cette capacité est (en partie) obérée à l’heure actuelle vu l’absence de moyens de guidage embarqué portant aussi loin (de toutes façons, vu la courbure de la terre, il est impossible de disposer de radars embarqués portant aussi loin) ainsi que la perte de capacité de guidage à longue portée avec le retrait de service des Tu-95RTs et la faiblesse (relative) de moyens satellitaires dédiés. Bref, en l’absence de systèmes de guidage et de recalage actifs modernes, l’armement principal des Atlant voit ses performances restreintes.
Malgré sa taille et son déplacement, la coque ne dispose que d’une faible capacité d’évolution (comme nous allons le voir plus loin): les Atlant ne se prêtent que difficilement à des travaux de grande ampleur à l’inverse des Fregat (Izd.1155/1155.1) et Sarych (Izd.956) dont le rééquipement avec des cellules verticales (soit en Russie soit en Chine) est du domaine du possible.
La défense anti-aérienne rapprochée est pour le moins « faible » (on pourrait même dire inexistante): le système Osa-M est un système lent, peu efficace (faible cadence de tir) et offrant des temps de réaction peu compatibles avec l’interception des missiles de croisière modernes. En outre, ils ne sont présents qu’à raison de deux unités soit largement insuffisants pour couvrir de manière « étendue » un navire de cette taille. Il est d’ailleurs étonnant de voir que dans le cadre de la modernisation du Marshal Oustinov ce dernier n’ait pas reçu un système plus moderne en remplacement des Osa-M et AK-630M.
Enfin, l’emploi d’alliages d’aluminium pour les superstructures du bâtiment rend ce dernier sensible aux incendies, ce qui, combiné à l’absence de blindages/renforcements des zones importantes du navire obèrent largement les chances (et la durée) de survie d’un Atlant en cas d’attaques sur ces derniers.
D’un point de vue logistique et opérationnel, il serait également pertinent de concentrer les bâtiments au sein d’une seule Flotte; on pourrait très bien imaginer une répartition des croiseurs russes avec les deux Orlan modernisés (Admiral Nakhimov/Piotr Velikiy) en service au sein de la Flotte du Nord tandis que les trois Atlant modernisés au même standard que le Marshal Oustinov seraient affectés au sein de la Flotte du Pacifique. Vu les implantations des centres de maintenance et de production pour navires de grande taille ainsi que les zones couvertes par lesdites flottes, cette répartition serait beaucoup plus pertinente que l’actuelle qui voit les navires être répartis au sein de trois flottes séparées, sans même parler de l’utilité (discutable) de la présence d’un navire océanique au sein de la Flotte de la Mer Noire alors que les frégates récemment arrivées dans cette flotte sont plus adaptées aux besoins locaux.
Mais bon la logique de la Marine Russe est parfois difficile à appréhender: il est vrai qu’il y a également des éléments de politique qui interviennent dans les choix et affectations de navires. Fort curieusement, la situation et la répartition des croiseurs de la classe Atlant au sein de flottes distinctes ne fait que répéter ce qui s’était déjà fait à l’époque de la Marine Soviétique avec les quatre croiseurs de la classe Grozny (Izd.58): ces derniers étant répartis dans chacune des flottes principales.
Quel avenir pour la Classe Atlant?
La flotte hauturière russe subsistante est dans une situation qu’on peut qualifier de pour le moins délicate; disposant de navires vieillissants en nombre réduit, mettant en oeuvre des programmes de modernisation visant à allonger la durée de vie des navires disponibles bien que ces derniers prennent beaucoup plus de temps qu’initialement prévu, attendant désespérément la mise sur cales de nouvelles unités océaniques de grande taille.
Bref, la situation est loin d’être glorieuse.
On a pu le voir ci-dessus, l’armement principal des croiseurs Atlant est loin d’être ce qui se fait de mieux en matière de missiles anti-navires, ce dernier pouvant même être considéré comme proche de l’obsolescence à l’heure de rédiger ces lignes. On est donc en droit de se poser la question, à l’instar de ce qui s’est fait avec les croiseurs de la classe Orlan (Izd.1144/1144.2); mais pourquoi ne pas implanter des cellules verticales universelles UKSK qui permettraient d’accroître significativement la force de frappe du navire ainsi que sa polyvalence? Surtout que cette option avait été envisagée dans le cadre du projet de navires Izd.11960 où pas moins de seize lanceurs verticaux UKSK complétant les seize lanceurs de missiles Vulkan auraient du prendre place entre les deux cheminées du navire redessiné, les agencements intérieurs étant modifiés ainsi que les mâtures radars (au nombre de trois) le tout dans une coque qui reste identique à celle de la classe Atlant.
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Un projet envisagé à l’époque soviétique sur base de la coque des Atlant: le croiseur 11960. Ce dernier se distinguant notamment par des mâtures révisées mais surtout par l’installation de 16 cellules de lancement verticales (UKSK). Image@V.V.Vasyunikin

 
 
En fait plusieurs éléments interviennent dans la réponse à cette question; en effet, le navire se prête mal au montage de cellules verticales surtout si l’on compare avec un grand navire anti-sous-marin de la classe Fregat (Izd.1155/1155.1) ou un croiseur de la classe Orlan (Izd.1144/1144.2). L’implantation des tubes de lancement pour missiles Vulkan sur les côtés du navire « au-dessus » du pont en plage avant, empêche, de part le galbe de la coque, le montage de cellules verticales en lieu et place de ces derniers: les UKSK nécessitant une hauteur d’au-moins 9,58 m (avec un supplément de 1 à 2 m pour le soubassement) que pour pouvoir être installées.
La zone arrière du navire étant occupée par les lanceurs rotatifs du système S-300F ainsi que par les hangars à hélicoptères, il est impossible d’envisager le montage de cellules UKSK à l’arrière du navire sans modifier en profondeur les capacités du navire. En réalité, un seul espace semble pouvoir répondre aux conditions nécessaires pour accueillir un hypothétique montage de cellules UKSK: le bloc surélevé situé entre les tubes de lancement des missiles Vulkan en lieu et place des deux systèmes de protection rapprochée (CIWS) AK-630M.

 
 
Sur base des schémas détaillant l’intérieur du navire permettant notamment d’avoir un aperçu des ponts et cloisons principales du navire; la zone en question semble être techniquement la plus adéquate pour un tel montage. Une autre option envisageable bien que peu crédible serait le remplacement d’une partie des lanceurs rotatifs du système S-300F avec remplacement par des cellules UKSK; cette option serait techniquement plus facile à mettre en oeuvre car nécessitant des travaux de moins grande ampleur que l’option en plage avant du navire cependant elle diminuerait de manière conséquente la capacité de défense anti-aérienne du bâtiment. Sans oublier que le montage de cellules de lancement verticales doit s’accompagner des radars et du système de tir nécessaire pour exploiter celles-ci; une refonte complète du système de radars est donc à prévoir dans ce cas de figure; ce qui augmente donc le temps nécessaire ainsi que les coûts liés. En outre, élément non-négligeable dans la raisonnement: des modifications de grande ampleur sur un navire entraîne un recalcul des masses par rapport au centre de gravité et donc à la flottabilité du navire. Alourdir d’un côté et/ou alléger par ailleurs a un impact important sur la structure, ce qui nécessite généralement des travaux de grande ampleur: d’où la préférence pour la construction de nouveaux navires en lieu et place de la reconstruction de navires anciens.
 
Il reste également l’option (similaire à celle employée sur les SSGN Izd.949A Antey) avec réemploi des tubes SM-248 pour les missiles P-500/P-1000 modifiées pour emport de missiles Oniks/Kalibr/Tsirkon sur base de cellules verticales UKSK, les tubes sont d’un gabarit similaire à celui des tubes pour missiles P-700 Granit donc cette option est plausible bien qu’elle ne semble pas avoir été envisagée: les tubes seraient inadaptés pour cette transformation (contraintes mécaniques et thermiques par rapport à la fibre de verre employée pour les tubes) ainsi que risques d’incendies accru, les superstructures avoisinantes étant en aluminium/alliages d’aluminium, ce n’est pas recommandé.
Une autre piste pour rééquiper les Atlant; le lanceur incliné pour missiles Oniks? Peu probable actuellement, cette option ayant été supplantée par l’emploi de cellules verticales sur des navires neufs.

 
 
Autant il est facile d’énoncer des options et de délimiter une zone précise avec un ordinateur, autant il n’en va pas de même dans la réalité. Les croiseurs de la classe Atlant ayant déjà passé les trente ans de carrière et étant disponibles en nombre restreint, l’immobilisation d’un bâtiment pour une modernisation (très) lourde impacterait significativement les capacités océaniques de la Marine Russe: sans compter que des travaux de grande ampleur nécessiteraient de travailler sur les structures internes du bâtiment, ceci n’étant pas sans poser de sérieuses difficultés. On peut faire un parallèle avec les croiseurs de la classe Orlan (Izd.1144/1144.2), néanmoins il est utile de se rappeler que l’Admiral Nakhimov, actuellement en modernisation (on peut parler de reconstruction vu l’ampleur des travaux) avec rééquipement sur base de cellules UKSK, était hors service lors de son entrée au chantier naval SevMash; son indisponibilité de longue durée pour travaux n’obérant donc aucunement les capacités de la Flotte Russe.
 Le Varyag sera-t-il le dernier croiseur employé par la Marine Russe? Peut-être. Image@Dmitry Yefremov

 
 
Il n’en serait pas de même pour les Atlant, le Moskva est sorti de révision générale en 2019 au sein du chantier naval 13 SRZ de Sevastopol, ce dernier ayant notamment eu à travailler sur la remise en état de la chaîne cinématique; l’indisponibilité du navire pour une longue période (on parle de la construction navale russe et de travaux de grande ampleur puisque impactant la superstructure du bâtiment ainsi que la répartition des masses au sein de ce dernier) aura un impact important sur la Flotte Russe, surtout lorsqu’on prend en ligne de compte la répartition des navires qui au lieu d’être concentré au sein d’une seule Flotte sont répartis au sein de trois Flottes distinctes: ceci accroissant d’autant l’impact d’une immobilisation longue durée.
Enfin et certainement pas l’argument le moins important, l’aspect financier de tels travaux; les travaux sur l’Admiral Nakhimov sont régulièrement vilipendés pour leur côté très onéreux et ce même si le navire modernisé offrira un potentiel très important et sera une plate-forme performante et moderne une fois achevé, il en irait de même pour d’hypothétiques travaux de même ampleur sur un Atlant, cependant, vu l’âge de ces bâtiments ainsi que leur exploitation beaucoup plus intensive, un tel coût serait plus difficilement justifiable pour la Marine Russe.
Quelles sont les options pour l’avenir?
En fait, sauf cas exceptionnel d’une décision de montage de cellules UKSK qui semble peu crédible, l’avenir des Atlant semble tout tracé: une « modernisation » des deux bâtiments (Moskva et Varyag) sur le modèle du Marshal Oustinov (remplacement des radars principaux, rééquipement des systèmes de combat, révision générale du navire) est l’option la plus crédible et la plus cohérente eu égard à la réalité budgétaire russe; ceci suivant le concept « un nouveau navire dans une ancienne coque » mis en avant dans le courant des années 2010 pour moderniser la flotte hauturière russe. Ces travaux permettant aux navires de continuer leur carrière une quinzaine d’années supplémentaires en attendant l’arrivée d’une nouvelle classe de croiseurs, les Izd.23560 Lider dont on ne doit pas attendre un premier bâtiment avant – au bas mot – 2030/2035 et ce, à condition que les décideurs russes se décident enfin à financer et lancer la construction d’une première unité de cette classe. En attendant, il semble que le futur de la flotte océanique russe sera construit autour des frégates Admiral Gorshkov (Izd.22350) ainsi que des futurs destroyers de la classe « Super-Gorshkov » (Izd.22350M) qui devraient (en théorie) présenter un déplacement tournant autour des 8.000 tonnes: la perspective d’un croiseur Lider est à envisager sur du long terme et n’est pas prioritaire en l’état actuel des choses pour la Marine Russe.
Le croiseur Lider (Izd.23560) remplacera-t-il un jour les Atlant? Pas aujourd’hui, pas demain mais peut-être après-demain. Et sous quelle forme? On verra.

 
 
Des déclarations récentes (non-confirmées tant qu’à présent) font état du fait que la Russie ne moderniserait pas en profondeur le Varyag ainsi que le Moskva arguant que toute modernisation entraînerait des coûts très importants sur des navires âgés qui approchent de leur fin de carrière; les seuls travaux effectués portant sur le maintien en état technique des navires pour leur permettre d’être employés encore quelques années. Vu les besoins de la Marine Russe en matière de navires océaniques et les capacités de production des chantiers navals russes, il est peu probable que la Russie puisse faire l’impasse sur une modernisation (il restera à déterminer l’étendue de celle-ci) des deux navires non-traités tant qu’à présent. Néanmoins, l’âge avancé des navires fait que si décisions il y a, elles devront être prises rapidement sous peine de voir les navires retirés du service plus tôt qu’anticipé et ce sans disposer de remplacement valable pour ces derniers, augmentant donc le trou capacitaire qui se profile à l’horizon en matière de navires océaniques russes.
En conclusion
Devant à l’origine disposer de pas moins de dix unités et passer à un standard modernisé (l’Izd.11641), l’Histoire (avec un grand -H) en a décidé autrement et comme souvent en matière de construction navale soviéto-russe: les résultats obtenus se sont retrouvés très loin des attentes initiales. Il est vrai que la disparition presque du jour au lendemain de leur raison d’être initiale (la chasse et la destruction des groupes aéronavals américains) a mis ces derniers au chômage forcé dès le début des années 1990. De plus, la perte du chantier naval chargé de leur construction qui se trouvait sur le territoire ukrainien n’a pas aidé à garantir une carrière sans embûches pour ces derniers.
Avec seulement trois navires disponibles, les Atlant constituent une micro-flotte au sein de la Marine Russe dont l’utilité fut pendant longtemps soumise à questionnement: les trois navires sont restés inactifs de manière intermittente durant une bonne partie de la décennie 1990. En outre, les trois navires présentent plusieurs défauts qui semblent relativement insolubles et diminuent d’autant leur utilité opérationnelle: l’absence d’un radar en plage avant pour le système S-300F rend ce dernier en partie « aveugle » selon la position du bâtiment et diminuant donc d’autant son utilité, tout comme les missiles anti-navires Vulkan sont loin d’être des modèles de modernité n’offrant qu’une capacité de guidage limitée et ils sont plus sensibles au brouillage que leurs équivalents contemporains. Là où la Marine Russe a fait le pari (onéreux) de moderniser lourdement les deux Orlan (Izd.1144.2) survivants pour leur offrir une capacité offensive revue de fond en comble aux performances largement accrues, les Atlant suivent l’adage en vigueur à l’époque dans les boîtes de nuit « trois salles, trois ambiances« , sauf que dans le cas d’espèce on se retrouve avec « trois navires, trois standards d’équipements » ce qui complexifie d’autant le maintien en condition de ces derniers. 

Le Marshal Oustinov lors d’une parade navale à Kronshtadt


 
L’option parfois discutée de rénover en profondeur les Atlant en les dotant de cellules UKSK en remplacement des missiles Vulkan est de moins en moins crédible vu les difficultés techniques inhérentes à une telle modernisation sans même aborder l’épineuse question des coûts et délais impartis; ceci sur des navires qui sont loin d’être de première jeunesse. L’option de la modernisation aurait quand même eu le mérite de standardiser les équipements sur les trois bâtiments et de leur offrir une capacité offensive polyvalente plus en phase avec les performances océaniques de ces bâtiments qui conserveraient toujours l’avantage d’être moins onéreux à déployer que les Orlan. On ne peut également être qu’étonné par l’inaction de la Marine Russe face à certains défauts de cette classe (la question de la protection rapprochée avec les Osa-M et AK-630M) qui pourraient être facilement corrigés sans passer par des travaux de grande ampleur et permettraient de revaloriser (légèrement) les performances (la protection tout du moins) des navires.
Vu le rythme de renouvellement de la flotte russe ainsi que les éternelles incertitudes liées à la mise sur cales de nouveaux navires océaniques, il semble donc que la Marine Russe soit condamnée à faire usage de ces trois croiseurs pour lesquels elle n’a qu’un enthousiasme modéré vu les performances offertes par ceux-ci et ce pendant encore de longues années. La répartition des trois bâtiments au sein de trois flottes différentes en dit long sur l’utilité concrète des Atlant, on se retrouve avec une classe de navires qui joue plus le rôle de « show the flag » (dans l’acceptation politique de l’expression) pour la Marine Russe qu’elle n’apporte une réelle capacité offensive moderne à cette dernière. Il suffit de comparer les performances offertes par une frégate Admiral Gorshkov (Izd.22350) dotée de 24 cellules UKSK et du système de défense anti-aérien Poliment-Redut pour voir à quel point un navire qui dispose d’un déplacement maximal inférieur à la moitié de celui d’un croiseur Atlant offre une puissance de feu bien supérieure à celui-ci; les seuls avantages que conservent les croiseurs pour l’instant étant leur endurance supérieure (logique vu que ce sont des « croiseurs »), un système de défense anti-aérienne à longue portée offrant des distances d’engagement accrues et enfin avantage non-négligeable la présence de radars permettant de scanner des zones beaucoup plus étendues que ceux présents sur les frégates russes modernes.
De manière pour le moins ironique, les Atlant conçus en tant que suppléants moins onéreux à exploiter que les Orlan seront plus que probablement remplacés avant ceux-ci vu qu’ils sont toujours en état d’origine et achèveront certainement leur carrière de la sorte. A leur décharge, il apparaît que leur coque plus étroite que celle de leurs grands-frères se prête beaucoup moins bien à une modernisation/reconstruction de grande ampleur tout comme le fait que la flotte soit réduite à seulement trois navires n’arrange rien à cette situation. Néanmoins, il apparaît que la silhouette atypique de ces trois reliques de la Marine Soviétique soit amenée à être visible sur les océans du globe pendant encore de longues années, et ce, ne serait-ce que pour montrer le drapeau à la croix de Saint-André là où la Russie souhaite le voir flotter.
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¹ « It was as if the Soviets simply took what systems were lying around the shipyard and put them into an old hull design » [N.Polmar, The naval institute guide to the Soviet Navy, Fifth Edition, p.148]
 
 

 
 
 
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