1940 Infanterie 51e RI Lieutenant Le Grau d Agde 2022
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Secteur de Stonne - 23 mai – 02h15
Les Français, prévenus de l’offensive, vont le faire savoir. A partir de 02h15, le front s’embrase littéralement dans un vacarme assourdissant. Toute l’artillerie française du secteur ouvre le feu sur les positions supposées de concentration allemandes. Pendant trois quarts d’heure, des centaines d’obus s’abattent de l’autre côté des lignes. Puis les pièces se taisent et le silence revient, pour quelques minutes seulement, car à 03h00, les 144 canons allemands rassemblés pour l’occasion commencent à déverser 5.600 tonnes d’obus sur les positions françaises. C’est un véritable déluge de feu et d’acier, reflétant l’ampleur de l’offensive déclenchée sur tout le secteur du front. Les soldats de la 3e DIM se terrent dans leurs abris, ils savent qu’après ce préambule, les mortiers prendront le relais, puis viendront les vagues de l’infanterie. Les effets d’un tel bombardement sont dévastateurs, comme en témoigne le téléphoniste Desperrier du PC du I/67e RI, installé dans un ravin à la sortie nord-est des Grandes Armoises :
« Il semblait que les Allemands avaient un axe de tir fixe, qu’ils allongeaient mètre par mètre, progressivement et systématiquement. Nous avons entendu arriver les bordées d’obus, d’abord loin, puis de plus en plus près. Nous les avons ressenties par les vibrations du sol ; puis c’est arrivé sur nous, dans le trou, puis dans les arbres, faisant « fusant », ce qui explique à mon avis, les jambes atteintes de beaucoup d’entre nous car nous étions tous blottis quand la décharge est arrivée. Enfin le tir s’est éloigné de la même manière systématique qu’avant. Combien de temps ce tir a-t-il duré ? Je suis incapable de le dire. Sur notre PC, quelques minutes à peine, sinon, serrés tous comme nous l’étions, nous aurions tous été déchiquetés. Mais il est un point que je peux affirmer : après la giclée qui nous a tous anéantis, il n’est plus tombé un seul obus sur le PC jusqu’à mon départ vers 11h. »
Les quelques survivants essayent, souvent en vain, de sauver leurs camarades. Ils pratiquent des garrots avec du fil téléphonique et partent au poste de secours pour prévenir les médecins. Sur les 25 hommes présents au PC lors du bombardement, 16 sont morts ou mortellement touchés, 2 sont portés disparus, et 3 sont gravement blessés. Le PC du I/67e RI a cessé d’exister. Mais personne ne vient à l’aide des survivants, malgré les appels au secours. Pourtant, le commandant Pigalle, en dépit d’une méchante blessure, est lui aussi parti au poste de secours du bataillon situé sous le pont des Armoises pour donner l’alerte, mais le médecin est débordé et tous les infirmiers sont partis chercher d’autres blessés. Toujours dans son ravin, le téléphoniste Desperrier distingue le bruit d’une chenillette s’approchant. Il parvient à se hisser sur le bord de la route et à se faire remarquer par l’un des soldats du véhicule. Il est pris à son bord, mais, comble de malchance, la chenillette sort de la route dans les virages serrés descendant vers les Grandes Armoise et s’immobilise définitivement dans le fossé. Heureusement, un fantassin récupère le blessé, l’installe dans une brouette et l’emporte au poste de secours régimentaire situé au bois de Faye. Le téléphoniste s’en sort vivant, mais il est mutilé à 90%.
L’IR 64 taillé en pièce
Mais comme nous allons le voir, les Allemands aussi souffrent de la bataille, car l’artillerie française continue ses tirs. Elle jouera un rôle majeur dans l’arrêt des troupes de la Wehrmacht dans sa tentative d’encerclement de la 3e DIM. Ses pièces tireront souvent à vue sur l’ennemi, parfois distant de quelques centaines de mètres, et sans infanterie pour la soutenir. Les régiments d’artillerie français déploieront leurs armes automatiques et assumeront eux-mêmes leur propre défense dans bon nombre de cas, et sous les tirs des pièces ennemies renseignées par le « mouchard ». Pourtant, au 242e RA, ordre est donné de saboter les canons après avoir usé les munitions, mais les commandants de batterie refusent de l’exécuter, préservant ainsi des armes indispensables à la défense du secteur.
Par exemple dès le début de la matinée, l’IR 64 est grandement perturbé par le bombardement français, comme l’indique le journal de marche de la 16. Infanterie-Division (les heures précisées sont à l’heure allemande) :
« Peu avant 07h00 le feu de l’artillerie française touche notre base de départ. Quelques minutes après, la 2e Cie du I/64 IR avait des pertes. A la 4e Cie, l’Hauptmann et 8 hommes sont mis hors de combat. A la 3e Cie, l’Unterfeldwebel Schreie et Stohlen sont touchés. L’Hauptmann Philippi de la 1e Cie n’apprend l’heure de l’attaque qu’à 07h00 et le III/64 IR seulement à 08h30. En quittant ses positions de départ, le I/64 IR reçoit des tirs de flanc en provenance de la forêt du Mont Dieu et deux autres commandants de Cie sont touchés. Sous l’effet du feu, les Cies rejoignent leurs bases de départ et ne repartiront qu’à 10h00. Tous les officiers du I/64 seront tués ou blessés dans la journée. »
L’IR 64 a été taillé en pièce, il ne reste en tout et pour tout que 48 hommes valides au I/64 IR. L’ensemble du bataillon est regroupé sous les ordres des Oberleutnant Weysen et Radu. Puis le régiment fait enfin mouvement, traverse Stonne, non défendu, et progresse jusqu’à la côte 299 où il s’installe défensivement vers 15h00. L’unité est incapable d’aller plus loin. Heureusement pour elle, le I/67e RI, comme nous l’avons vu, n’a plus de commandement. Les hommes, sans ordres ont reculé sur le Gros Boul. Il ne reste qu’une pièce de 25 antichar de la CDAC sur la côte 299. Le chef de pièce, le caporal Germain se rend compte de sa solitude et se voit contraint de saborder son canon car sa Renault UE à été détruite par les obus allemands. Puis il se replie sous un feu nourri en provenance des lisières du Bois du Mont Dieu en provenance d’hommes de l’IR 32 comme nous le verrons plus loin.
L’attaque de l’IR 79
Pour l’IR 79, l’engagement se déroule mieux. La zone d’attaque du régiment se trouve à cheval sur les positions de défense de la 3e DIM (à l’Ouest) et de la 6e DIC (à l’Est). A 05h00 le tir d’artillerie allemand s’allonge et s’en prend à la ferme des Cendrières (67e RI) et au Mont Damion (5e RICMS). L’unité avance à l’heure prévue. Son premier bataillon attaque directement la ferme des Cendrières, défendue par la 7e Cie du II/67e RI. Les Français y luttent à 120 contre un bon millier. Dès le début de l’action les lieutenants Bes de Berc Crambes, les officiers commandant l’unité, sont tués. Les combats durent trois heures puis la position est submergée vers 09h00. L’unité française est décimée et seuls quinze survivants déposent les armes. L’un des défenseurs, Gérard Flavigny, est le neveu du général commandant le XXIe CA, son corps ne sera jamais retrouvé, tout comme celui du lieutenant Bes de Berc, tous deux probablement déchiquetés par les tirs d’artillerie. Un témoignage de ces combats est cité dans l’ouvrage de Claude Gounelle « Sedan 1940 » (Presses de la cité, 1980) :
« Les lieutenants Pierre Bes de Berc et Cambres gisent au milieu des blessés et des mourants, une trentaine d’hommes continuent de tirer dans les ruines. Après un terrible bombardement et une fusillade d’une violence inouïe, l’attaque a débouché à quelques centaines de mètres des derniers défenseurs, aveuglés par les obus fumigènes et décimés par les bombes. Réfugiés dans les greniers de la ferme en flamme, les caporaux Elmosino et Samiray, les soldats Rucquoi, Leroy, Equalard et Dangreville se trouvent attaqués par derrière ; tirant à bout portant contre les assaillants, ils se dégagent difficilement. Elmosino saute dans un trou où il retrouve les soldats Kirsh et Bloquet qui, assaillis de tous cotés, tirent avec l’énergie du désespoir. Elmosino place son FM sur le rebord de la tranchée et réussit à repousser l’assaut des Allemands. Ses hommes, qui continuaient à se défendre à l’abri du dépôt de munitions, doivent de nouveau retraiter lorsqu’il est incendié et se trouvent sans cartouches. « Nous étions à ce moment complètement cernés », se souvient Elmosino. Et lorsqu’il voit ramper vers lui un Allemand qui lui crie de se rendre et les ennemis déboucher de toute part, Elmosino fait cesser le combat devenu impossible. »
Le I/79 IR poursuit ensuite son attaque en direction du Mont du Cygne et s’enfonce dans le bois de Franclieu défendu par le I/5e RICMS, les combats font rage et engendrent une fois de plus de nombreuses pertes, mais la position, initialement écrasée sous le tir de l’artillerie allemande ne peut tenir bien longtemps. Les Allemands, forts de leurs expériences douloureuses des batailles précédentes sur le secteur, parviennent à s’emparer du bois vers 11h00.
Pendant que le I/79 IR s’en prend aux Cendrières, le III/79 IR attaque entre Stonne et cette ferme. Il passe à droite du Mont Damion défendu par le II/67e RI. Malgré les tirs de l’unité française, le bataillon allemand progresse et ne rencontre que peu de résistance. Il atteint finalement la Berlière avant de s’en retirer et de s’installer défensivement à 1 km au nord-ouest de la commune. Le secteur de Stonne est alors entièrement entre les mains allemandes, car les hommes du II/67e RI, redoutant un encerclement, sont contraints d’abandonner le Mont Damion et de se replier vers le Sud. De plus, comme nous l’avons vu, les éléments restant du I/67e RI se sont également repliés sur le Gros Boul, avant de continuer leur mouvement vers la limite nord des Grandes Armoises.
Une arrivée inopinée de renforts français
La situation d’ensemble est très sérieuse, car mis à part le bois du Mont Dieu, les troupes françaises subissent de fortes pertes et sont contraintes au recul par l’ampleur de l’offensive allemande. Heureusement, la 3e DIM reçoit en renforts la 1e brigade de spahis (colonel Jouffrault) composée du 6e régiment de spahis algériens et 4e régiment de spahis marocains. Ces Nord-africains sont de redoutables combattants, bien encadrés et entraînés. Les deux régiments ont reçu l’ordre de constituer une seconde ligne de défense derrière celles de la 3e DIM. Le 6e RSA doit s’installer entre le bois Uchon et la limite sud du bois de Fay, et le 4e RSM doit se porter vers la Berlière. Mais en cours de route, ce dernier est détourné de son objectif et réorienté vers Oches par le général Carles (6e DIC) car ses unités ont également subi une offensive d’ampleur dans la région de Sommauthe. D’autre part, des chars de la 3e DCR sont également mis à la disposition du général Bertin Boussu. Ils vont participer à plusieurs contre-attaques.
Le II/79 IR initialement gardé en réserve à la Besace, est lancé en avant, sous les ordres du commandant du régiment, afin de maintenir les communications entre ses deux autres bataillons. Lorsqu’il prend cette décision, l’Oberst Wagner se trouve à la ferme des Cendrières, après la prise de la position, et ce qu’il voit ne peut que l’inciter à la prudence. Certes, la position a été conquise, mais la résistance française est visiblement toujours acharnée. Vers 13h00 l’officier accompagné du bataillon de réserve pénètre dans bois de Franclieu et sur le Mont Damion. Les hommes progressent vers le Sud, essuyant régulièrement des tirs français. Vers 15h00, le groupe atteint le mont du Cygne par l’Est de la hauteur où il retrouve le I/79 IR en pleine action offensive contre les spahis du 6e RSA retranchés sur les hauteurs.
Vers 18h00, l’offensive de l’IR 79 va être arrêtée définitivement par une contre attaque du 42e BCC sur la zone de la Berlière. Deux Cies de H39 (le 2e du lieutenant Lannefranque et la 3e du capitaine de la Hitte) contournent le village et attaquent les Allemands débouchant de la forêt. Surpris et subissant rapidement de sérieuses pertes, ces derniers reculent, tel qu’en témoigne un soldat de la 2e Cie du I/79 IR :
« Après un court arrêt des combats, notre bataillon fut à nouveau engagé et ce à travers le Mont du Cygne, en direction de Oches. Notre compagnie avança d’abord rapidement. Cependant, la résistance ennemie devenait de plus en plus active. Nous étions arrivés à l’orée de la forêt et nous bondîmes en avant, en rangs serrés, vers le terrain plat et découvert. Un tir rasant nous accueillit. Des chars ennemis prirent notre flanc gauche sous leur feu. De droite, nous parvenait également un feu violent. Complètement à découvert, nous gisions sur la prairie, cible facile pour l’ennemi. Le tir de droite diminua d’intensité : le groupe Bonnemann avait nettoyé la hauteur de ce côté-là. Mais à gauche, où se tenait le groupe Dörnburg, le feu devenait de plus en plus intense. Là tombèrent ceux du groupe Dörnburg, sauf le chef de groupe. Les autres essuyèrent aussi des pertes particulièrement lourdes. Sur cette prairie devant Oches furent tués 15 hommes et 20 camarades furent blessés. C’est la prudence du commandant de compagnie, l’Oberleutnant Gerlach, qui permit d’éviter la perte totale de la compagnie. Avec beaucoup d’adresse, il dégagea les sections du combat. Les sous-officiers Jeurink, Haberland et Knittel restèrent, avec leurs hommes, les derniers au contact de l’ennemi. Puis ils décrochèrent à leur tour et se replièrent avec la compagnie sur la hauteur de la Berlière. Là la compagnie s’enterra. »
Les chars français ne peuvent se maintenir sur leur position d’attaque, car ils sont sans soutien d’infanterie et pris à partie par l’artillerie ennemie. Ils se retirent et déplorent la perte d’un sous-officier tué et deux autres blessés. Quatre engins ont également été abandonnés, car ils se sont enlisés.
Suite à cette action, Wagner, toujours sans nouvelle de son 3e bataillon, décide d’arrêter les opérations en cours et s’installe défensivement sur les positions atteintes. Dans la soirée, les communications seront rétablies avec l’unité disparue. Depuis le début du jour, le régiment a donc progressé de 4 km dans les défenses françaises. C’est une belle victoire tactique, mais elle a coûté fort cher aux assaillants. Dans ce secteur, le front, établi sur la ligne les Grandes Armoises, la Berlière, bois de Pierremont se stabilise.
Le secteur Ouest
Les lisières nord du bois du Mont Dieu sont défendues par quatre bataillons français. A l’ouest de la route nationale menant à Tanay, se trouvent d’abord le I/91e RI puis le III/91e RI, et à l’est de cet axe les I et II/51e RI respectivement au sud du Vivier et entre le Vivier et la nationale. L’assaut de la position va être mené par deux bataillons de la 24. Infanterie-Division, les II et III/31 IR dont la mission consiste à fixer les troupes françaises. Les deux bataillons allemands partent à l’attaque du bois par le Nord et sont repoussés sans même pouvoir entamer la ligne de résistance, mais sur cet axe, ils ne bénéficient d’aucune supériorité numérique, et leur action est d’autant plus courageuse. Ils recommenceront plus tard, après une préparation d’artillerie, sans plus de résultat. Reprenons le témoignage du lieutenant Aubry, témoin d’un comportement bien curieux des Allemands. Il commence son récit pendant le bombardement initial :
« La terre tremble, des arbres s’abattent un peu partout. La fumée des explosions se mélange à la brume matinale et, dans cette ambiance grise et diffuse, le paysage prend un aspect fantasmagorique. Un obus de gros calibre, 155 sans doute, tombe à moins de 4 m de moi, avec un bruit sourd. Par chance, il n’explose pas, mais il semble me défier avec haine. L’infanterie allemande a adopté une autre tactique que le 17 : un seul groupe d’une vingtaine d’hommes est visible dans notre champ de vision. Il progresse vers nous par bonds individuels en utilisant le terrain et profite de ce que nous sommes neutralisés, dans nos trous, par les explosions incessantes d’obus. Cependant, quand ils atteignent le fossé de la route D324, à environ 200 m en avant de nous, malgré les obus, nous ouvrons le feu au fusil. Je recommande d’effectuer un « tir à tuer », précis, sans gaspillage de munitions. Personnellement, je suis frappé par le comportement d’un des leurs, qui me semble être officier : dissimulé dans le fossé, il sort la tête à intervalles réguliers, pour observer le terrain. Il commet l’erreur fatale de réapparaitre toujours au même endroit. A sa troisième apparition, je tire. Il s’effondre et on ne le verra plus. Naturellement, les Allemands tirent également sur nous, au fusil et à l’arme automatique et Gouteux Adrien, chargeur du 3e groupe est tué d’une balle dans la tête. Deux hommes sont légèrement blessés par éclats d’obus. En fin d’après midi, un grand diable d’Allemand, jailli je ne sais d’où, parcourt le terrain en agitant un grand drapeau de la croix rouge. Je donne l’ordre de cesser le feu. Et on assiste à un spectacle étonnant : les combattants se relèvent, comme à la fin d’un exercice sur un terrain de manœuvre mettent leurs armes en bandoulière et évacuent leurs morts et leurs blessés, (environ une demi-douzaine) dans des toiles de tente. Ce comportement est-il bien conforme à la Convention de Genève, qui ne protège que le personnel médical et les blessés et non les combattants transformés pour les besoins de la cause en brancardiers sur le champ de bataille ? Nous hésitons, mais, finalement, nous les laissons regagner leurs lignes sans tirer. »
La progression de l’IR 32
Dans le secteur, l’attaque la plus dangereuse va être lancée par deux bataillons de l’IR 32 (24. Infanterie-Division) sur les positions du III/51e RI tenant le bois de la Grande Côte. Les deux bataillons allemands ont été mis à la disposition de la 16. Infanterie-Division par le 6. Armee-Korps en fonction du désastre subit par l’IR 64. L’objectif est de percer les lignes françaises, puis de progresser par la Grange au Mont en bordant la lisière sud du bois du Mont Dieu et finalement joindre les troupes allemandes attaquant à travers le canal des Ardennes. Cette attaque est donc très importante pour la Wehrmacht, puisqu’elle doit aboutir à l’encerclement des forces françaises défendant le bois du Mont Dieu. En cas de réussite, la 3e DIM serait privée d’une moitié de ses effectifs et d’une position de défense restée jusqu’alors inexpugnable.
L’action doit débuter à 13h00, mais le feu nourri de l’artillerie française cloue les hommes de l’IR 32 jusqu’à 15h00. Puis ils s’élancent de leurs bases de départ, dans le bois de la Grande Côte, et progressent vers le Sud, dans la forêt. Ils passent à quelques centaines de mètres de la 10e Cie du III/51e RI défendant la clairière au Nord de la Grange au Mont. Le Français les aperçoivent et ouvrent le feu, accompagnés dans leurs tirs par les hommes de la 9e Cie se trouvant un peu plus au Nord de la 10e. Mais les Allemands, relativement abrités par les arbres et le relief pentu de la zone, continuent d’avancer. Ils atteignent vers 19h00 la route reliant la Grange au Mont aux Grandes Armoises. Cette progression est particulièrement dangereuse pour les Français, car non seulement l’encerclement se dessine, mais en plus les Allemand ne se trouvent plus qu’à 300 mètres du PC du 51e RI et à moins d’un kilomètre de celui du 67e. Mais la nuit commence à tomber. Les Allemands les plus en pointe font partie de la première compagnie du I/32 IR, sous les ordres de l’Oberfeldwebel Starck. A la tête d’une trentaine de fantassins, le sous-officier continue son avance et débouche sur les Grandes Armoises par l’ouest du village. Il compte progresser jusqu’au bois de Fay.
Mais dans le bois de Fay, et particulièrement à sa lisière nord, les effectifs français sont bien supérieurs aux Allemands. Il y a, à ce moment, le III/67e RI renforcé par une section de la CDAC et les troupes restantes des I et II/67e RI en plus de ceux du II/91e RI. Repéré, le groupe de Starck est accueilli par un feu violent. Se rendant compte de l’impossibilité d’atteindre son premier objectif, le sous-officier reprend sa progression en changeant de cap et avance vers l’Ouest et la lisière du bois du Mont Dieu. Mais il tombe sur le PC du 67e RI installé à côté de celui de la CDAC du régiment d’infanterie. Les Français sont en alerte à cause de la fusillade qui vient d’avoir lieu. Il s’en suit un échange de tir, mais, maintenant que la nuit est tombée, il est impossible de distinguer quoi que ce soit et il n’y a de perte ni d’un côté ni de l’autre.
Bien conscient d’être au beau milieu de l’ennemi, les 30 Allemands commencent à paniquer. Starck décide donc de repartir d’où il vient et fait sonner le clairon pour regrouper ses hommes. Comme il en témoignera après la guerre :
« C’est la seule fois pendant tout le conflit où j’ai du avoir recours au clairon ! »
Dans le camp français la surprise est de taille. Nul ne pensait voir arriver l’ennemi aussi près des PC régimentaires. Les 30 hommes de Starck avec un peu plus de détermination auraient bien pu capturer les PC des 51e et 67e RI presque sans défenses et totalement déstabiliser les deux régiments français. Mais la progression Allemande est donc finalement repoussée."