1914 Gendarmerie à Cheval Officier Reims
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Le gendarme et le cheval forment un couple indissociable auprès des Français de l’origine de la maréchaussée au début du XXe siècle. Ils font l’objet d’une riche réglementation où la remonte tient une place centrale car le gendarme est propriétaire de sa monture jusqu’en 1919.
Le monopole des brigades à cheval s’achève dès 1780 avec l’apparition des brigades à pied dont l’essor ne cesse de croître. La motorisation porte le coup fatal en supprimant en 1937 le cheval dans la gendarmerie départementale. En gendarmerie mobile, il reste un auxiliaire traditionnel pour le maintien de l’ordre jusqu’en 1947, malgré les interrogations causées par les émeutes du 6 février 1934.
Il poursuit aussi sa carrière en outre-mer jusqu’en 1960. Après cette date, la garde républicaine de Paris devient dépositaire des traditions équestres militaires. Unité de prestige en quête de reconnaissance sur le plan opérationnel, elle a développé, ces vingt dernières années, les missions de sécurité et d’intervention à cheval.
The Horse in the Gendarmerie from the 18th Century to the 21st. A gendarme and a horse was an indissoluble pairing in France from the origins of the corps of mounted constabulary, the Maréchaussée, until the beginning of the 20th Century. They were the subject of detailed regulations in which the remount enjoyed a central place because the gendarmerie owned their own mounts until 1919. The monopoly of the mounted brigades ended as from 1780, with the appearance of the gendarmerie’s foot brigades whose size grew steadily from that date on. It was motorisation that dealt the fatal blow to the mounted gendarmes, leading in 1937 to the withdrawal of horses from the departmental gendarmerie. In the Gendarmerie Mobile, the horse retained its place as an auxiliary in the maintenance of public order until as late as 1947, in spite of the inquiries that resulted from the Paris riots of 6 February 1934. A career for the Gendarmerie’s horses remained, overseas, until 1960. After that date the Parisian Republican Guard became the depositary of the military’s equestrian traditions. A prestige unit in search of recognition at an operational level, the Garde Républicaine has, over the last twenty years, carved out a number of mounted security and intervention missions for itself.
Le gendarme et le cheval constituent un couple indissociable dans l’imaginaire collectif des Français. L’association entre l’homme et l’animal laisse la part belle à la représentation du gendarme. L’étymologie du terme « maréchaussée » montre aussi que la filiation dépasse ce cadre. En effet, ce mot signifie « écurie » ; le premier élément « marh », c’est-à-dire cheval, appartient au groupe de langue germanique, mais possède également des correspondants celtiques
Ce terme a désigné, au XIVe siècle, la juridiction exercée par les maréchaux, leurs prévôts et le corps de troupe chargé du maintien de l’ordre. D’autres éléments rappellent cette proximité. À partir de 1720, le terme de cavalier désignant le futur gendarme de 1791 se substitue dans la pratique à celui d’archer.
Sous la Révolution, pour intégrer la gendarmerie, il faut avoir servi dans la cavalerie. Au XIXe siècle, le bureau de la gendarmerie est placé au sein de la division de la cavalerie et il faut attendre 1918 pour voir apparaître une sous-direction de la gendarmerie, disposant d’une certaine autonomie. Au-delà de cette véritable cognation, le cheval est un élément structurant de la gendarmerie. Omniprésent dans la réglementation des XVIIIe et XIXe siècles, son utilisation, remise en question avant la Seconde Guerre mondiale, connaît une véritable renaissance à l’aube du XXIe siècle.
Une réglementation foisonnante
L’abondante réglementation témoigne de l’importance du cheval dans l’histoire de la gendarmerie. Cette législation spécifique est particulièrement dense dans l’ordonnance du 28 avril 1778. En effet, ce texte fixe une bonne partie des pratiques et des usages dans ce domaine.
La remonte c’est-à-dire le mode d’acquisition des chevaux, tient une place centrale. En effet, la particularité de l’institution est d’obliger les cavaliers à posséder leurs propres animaux, comme le confirme l’ordonnance du 28 avril 1778 Mais ceci implique aussi un lieu pour les abriter. Depuis 1720, les archers sont incités à regrouper leurs chevaux dans une écurie commune et à se loger dans un même endroit.
À partir de 1769, les villes abritant une brigade doivent fournir une écurie et un grenier. Cette disposition, confirmée par l’ordonnance de 1778, contraint les communautés de fournir une écurie de six chevaux et des magasins suffisamment vastes pour contenir l’approvisionnement en foin, en paille et en avoine pour une année.
Au XIXe siècle, les grandes lois d’organisation de la gendarmerie détaillent ces questions.
En premier lieu, le recrutement de gendarmes à cheval impose aux cavaliers une taille supérieure à celle des fantassins. L’idée que le gendarme doit être plus grand que ses adversaires s’impose alors comme un critère distinctif.
Les sous-officiers, brigadiers et gendarmes sont tenus de se pourvoir à leurs frais, dans le délai d’un mois, d’un cheval d’origine française dont la taille au garrot varie entre un mètre cinquante-deux et un mètre soixante – il s’agit donc d’animaux de haute stature.
Une fois le cheval acheté, il est immatriculé et ne peut plus faire l’objet d’un échange ou être vendu. Il est par ailleurs interdit aux gendarmes de prêter leurs chevaux ou de les employer à tout autre usage que le service ; ceux qui enfreignent cette règle sont punis et encourent la réforme en cas de récidive
L’achat d’un cheval entier – c’est-à-dire non châtré – est interdit. Les montures sont fournies aux gendarmes par les régiments de cavalerie (cuirassiers et dragons). Elles sont sélectionnées parmi les animaux de cinq à huit ans – sans distinction de robe depuis 1875 , susceptibles d’effectuer un service correct dans la gendarmerie.
Les prix de cession des chevaux sont établis par la commission de remonte des régiments.
Pour les sous-officiers et les gendarmes, les conditions d’achat limitent la perception des chevaux au sein de la région du corps d’armée. En revanche, ils disposent de la liberté de choisir librement les montures qu’ils décident d’acheter. Les gendarmes sont tenus d’être continuellement pourvus d’un cheval apte à effectuer le service.
De plus, ils financent l’équipement complet des chevaux, pourvoient à leur subsistance, et les font ferrer
Pour subvenir aux besoins de fourrage, une somme de 365 francs est prélevée annuellement sur la solde des gendarmes afin d’alimenter la caisse des fourrages de la compagnie
Cet argent est réparti entre les unités, alors que le chef de brigade est chargé de conclure les marchés pour l’achat du foin et de l’avoine. Au total, l’argent avancé par un militaire intégrant la gendarmerie représente six à douze mois de solde d’un soldat moyen. Cette situation explique en partie la difficulté de recruter dans l’arme à cheval
Gendarme à cheval ou gendarme à pied ?
Dès l’origine, la maréchaussée se présente comme une troupe de cavaliers. Son principal mode d’action est la chevauchée. Cette pratique ancienne remonte au XVIe siècle. Le prévôt ou son lieutenant parcourent alors le territoire de la compagnie pour surveiller la population et prévenir les crimes et délits.
À partir du XVIIIe siècle, la sédentarisation accrue des unités favorise la continuité du service. La maréchaussée surveille principalement les axes routiers, mais aussi les villes et les villages. Grâce au cheval et à l’instauration de tournées journalières à partir de 1760, elle contrôle l’ensemble du territoire et assure une continuité de la surveillance
Cette mission s’inscrit dans le cadre du service ordinaire, c’est-à-dire les charges et les devoirs permanents de la maréchaussée. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les officiers et les sous-officiers utilisent le cheval pour se déplacer et effectuer leur travail. Cette fonction de police administrative n’est pas toujours d’une grande efficacité, mais elle permet de rassurer la population en montrant ostensiblement la présence des forces de l’ordre
La tournée et les patrouilles de police administrative des gendarmes contemporains rappellent d’ailleurs l’importance accordée par l’institution à cette fonction de contrôle. Cette mission de surveillance « continue et répressive » destinée à assurer « la sûreté des campagnes et des grandes routes » connaît une profonde mutation entre 1830 et la veille de la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, la fonction de la gendarmerie dans le paysage sécuritaire français ne se modifie pas fondamentalement, mais les moyens de l’exercer amènent la disparition progressive du cheval.
Le monopole des brigades à cheval prend fin dès 1780 avec l’apparition des premières brigades à pied dans la région parisienne. En pourcentage, le nombre des brigades à pied progresse continuellement et régulièrement à partir de 1830, alors que parallèlement celui des brigades à cheval entame un mouvement de réduction à partir de 1850.
Lorsque s’achève le XIXe siècle, la bascule s’est déjà opérée au profit des brigades à pied qui représentent 50,8 % de l’ensemble. Cependant, la gendarmerie demeure toujours une troupe à cheval, car l’idée dominante d’une campagne trop indigente pour assurer sa police domine encore, et l’État, par l’intermédiaire de la gendarmerie à cheval, permet de suppléer cette carence.
Il aura fallu un siècle pour voir quasiment disparaître les brigades à cheval, qui ne représentent plus que 15,1 % de l’ensemble des unités de la gendarmerie départementale en 1935.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution générale. Sous la Révolution, le précepte d’une meilleure efficacité des fantassins dans les régions montagneuses s’impose peu à peu
Progressivement, cette répartition est adoptée, comme le montre la carte de l’implantation des gendarmes en France en 1848
Un autre phénomène joue dans la réduction des unités montées : pour augmenter le nombre global d’unités de gendarmerie, on transforme les brigades à cheval de six hommes en unités à pied de cinq hommes
À partir de 1869 d’ailleurs, une amélioration générale des soldes s’effectue au détriment du recrutement de l’Arme, et de la cavalerie notamment : on réduit les effectifs de ces brigades, généralement fortes de six hommes. En filigrane se pose aussi la question – en non la moindre ! – du contrôle du territoire et de son coût. Le budget de la gendarmerie à cheval est nettement supérieur à celui de la gendarmerie à pied, alors même que son recrutement a du mal à susciter des vocations.
Encore largement dominant dans les campagnes au début du XXe siècle, le cheval ne peut concurrencer les progrès de la mécanisation et surtout de la motorisation. La bicyclette, adoptée à partir de 1901 par les brigades, séduit par son prix réduit et son faible entretien. Son succès est tel que des mesures doivent être prises pour limiter l’engouement des cavaliers. « Si la circulaire ministérielle du 12 août 1904 n’a pas admis les cavaliers à faire usage de la bicyclette, peut-on lire dans l’Écho de la Gendarmerie, c’est apparemment par crainte de voir les chevaux laissés à l’écurie au repos sans un travail suffisant. » 20 Autre signe révélateur, la garde républicaine se dote en 1907 d’un détachement cycliste de 200 gardes. Quelques années plus tard, un rapport adressé au président de la République souligne que « les brigades de gendarmerie à cheval sont d’un entretien coûteux et, dans beaucoup de cas, le gendarme à bicyclette peut remplacer sans inconvénient le gendarme à cheval.
L’évolution de la mission de la police de la route porte le coup de grâce à l’utilisation du cheval. En effet, l’équidé se révèle vite inopérant face aux nouveaux usagers de la route, alors que les responsabilités de l’Arme ne cessent de croître dans ce domaine, notamment avec l’instruction du 19 mai 1928 confiant la police spéciale de la route aux gendarmes. Pour s’équiper, ils peuvent compter sur les stocks de véhicules laissés par les Américains après la Grande Guerre.
Le passage à pied des brigades à cheval se poursuit donc durant l’entre-deux-guerres. Il s’effectue isolément ou massivement. C’est le cas en février 1925 (150 brigades), en mars 1932 (188 brigades), en mars 1933 (213 brigades) ou encore en avril 1935 (127 brigades).
Le décret du 7 janvier 1938 officialise la disparition des chevaux en gendarmerie départementale au profit des moyens motorisés
La garde républicaine mobile (GRM), issue de la force de maintien de l’ordre créée en 1921, va profiter de la diminution des brigades à cheval pour la remonte de ses propres pelotons. Toutefois, la présence de cet animal ne perdure guère au-delà de la Seconde Guerre mondiale.
Dès le 1er octobre 1945, tous les escadrons des 1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e légions de garde républicaine sont démontés et réorganisés sur le type de l’« escadron porté ». Le 12 décembre 1946, les chevaux de trait des unités de garde républicaine sont reversés. Ainsi, en 1947, les chevaux ont également déserté la Mobile !
Délaissé en métropole, le cheval poursuit sa carrière outre-mer. Il est présent dès la phase de conquête coloniale. En Algérie notamment, il se révèle un précieux auxiliaire. L’Arme utilise même les races locales, plus petites et de couleur grise… au grand dam du commandement. Il faut attendre 1835 pour que le ministre accepte cette monture autochtone
Les tournées à cheval se poursuivent jusqu’en 1956. Après cette date, l’insécurité liée à la guerre d’Algérie entraîne son retrait définitif des brigades. Dans les autres colonies, l’emploi du cheval connaît des fortunes diverses en raison du climat ou des ressources locales
Ainsi, en Indochine, le cheval disparaît des tableaux d’effectifs dès 1933. En revanche, en Afrique occidentale française (AOF), les gendarmes participent à la création de la fameuse Garde rouge qui existe toujours au Sénégal. Disparaissant avec la décolonisation, le gendarme à cheval d’outre-mer renaît à partir d’octobre 1985 avec la création du peloton de surveillance et d’intervention à cheval (PSIC) de Népoui en Nouvelle-Calédonie.
Finalement, c’est dans la garde républicaine que le cheval connaît la situation la plus stable. Implantés à Paris et à Vincennes, les cavaliers de la garde républicaine ont vu leurs missions évoluer vers les services protocolaires durant la IIIe République. Devenant à partir des années 1960 la dernière unité montée de l’armée française, le régiment de la cavalerie de la garde républicaine est le dépositaire des traditions équestres militaires grâce à ces maîtres artisans (maréchalerie, sellerie, armurerie) et ses formations spéciales (carrousel des lances, tandems, maison du Roy). De même, la garde républicaine a toujours cultivé l’excellence sportive en favorisant la pratique hippique de haut niveau.