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1782 Marquis de Sade Correspondance BNF Paris



 

France  Marquis de Sade Correspondance BNF Paris
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Un homme de lettre en prison

Entré au château de Vincennes en 1777 sur « ordre du Roi », Sade ne sait s’il en sortira un jour. En quelques années, le jeune homme actif devient obèse et souffrant, abimé par les tortures morales de cette incertitude et par les souffrances physiques du prisonnier : le manque d’exercice, la gourmandise du pensionné qui attend ses colis de douceurs, le froid et l’humidité des forteresses médiévales, l’absence de lumière, la fumée du poêle… Alors que du temps de sa liberté, Sade s’était adonné aux plaisirs de la littérature de circonstance ou de divertissement, dans sa cellule il occupe sa solitude à écrire comédies, drames moraux  et nouvelles. C’est en prison qu’il devient véritablement écrivain. Le désespoir et la frustration alimentent une imagination, une ironie, pour ne pas dire une drôlerie, un élan subversif, demeurés sans comparaison.
Entouré de son mobilier et de sa bibliothèque, qui compte près de 600 volumes en 1789, il consacre ses journées à la lecture, à la correspondance et à l’écriture. Il écrit sans relâche quelques-uns des textes fondateurs de son œuvre: Justine ou les malheurs de la vertu, Dialogue entre un prêtre et un moribond, L’Histoire de Juliette, Les Crimes de l’amour, Aline et Valcour… Mis au propre sur des cahiers, ces textes restent de la littérature lisible, qu’il peut espérer transmettre « au dehors ». En 1783-1785, il traverse une période de désespoir aggravée par une infection torturante à l’œil et seule l’imagination lui permet d’échapper au présent et à la souffrance. Il y cherche dérivatif, et même vengeance fantasmée contre sa belle-mère qui l’a fait enfermer : il compose Les 120 journées de Sodome, l’œuvre emblématique du « sadisme ». Ce terme apparu en 1834 dans le
Dictionnaire universel de Boiste, renvoie à la fois à la débauche la plus débridée et a une attitude antisociale qui effraie.
Les  120 journées de Sodome
Ils y expérimentent tout ce qui d’après eux peut se faire en matière de jouissance sexuelle : leur plaisir repose toujours sur le pouvoir qu’ils imposent, sans limite comme leur toute-puissance.Après une présentation des lieux et des quatre personnages, suivent quatre parties, dont les trois dernières sont restées à l’état de plans, plus ou moins développés et s’apparentant à des listes. Selon une gradation qui, de l’anodin ou presque, s’emballe jusqu’aux pires violences. Chaque partie se déroule sur un mois et décrit cent cinquante passions : simples, doubles, criminelles puis meurtrières. À la fin du récit, ne restent quasiment plus que les quatre amis, maîtres absolus du pouvoir de vie ou surtout de mort.

Donatien Alphonse François de Sade, rouleau manuscrit des 120 journées de Sodome, 22 oct-28 nov 1785 BnF, Arsenal MS-15877 Réserve - BnF
 

Transféré à la Bastille fin février 1784, on ne sait si Sade a pu y emporter des brouillons avec ses effets ; lui sait en tout cas qu’il ne pourra jamais faire sortir ce texte et qu’il doit le maintenir secret. Pour garder absolument illisible son manuscrit, il confectionne et copie en secret en trente-sept jours à partir du 21 octobre 1785, une longue bande de 11,85 mètres de long sur 11,4 à 12 cm de large, à l’écriture microscopique et propice à être roulée, puis dissimulée dans un étui, un vêtement, voire une cache murale… « Chef-d’œuvre » de prisonnier, le rouleau de Sade a été acquis par la Bibliothèque nationale de France en 2021 et a rejoint les Archives de la Bastille, où est conservé le dossier du prisonnier Sade. Exposé dans le musée de la BnF, il a fait l’objet d’une campagne de restauration en 2022.Le texte des 120 journées de Sodome est publié pour la première fois en 1904. Par l’histoire fascinante du manuscrit, sa publication tardive, et la légende maudite qui entoure son auteur, ce texte fondateur de l’œuvre de Sade est devenu un classique, à la fortune posthume immense qui a profondément marqué des créateurs tels que Paul Éluard, André Breton, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Pier Paolo Pasolini, Annie Le Brun, Philippe Sollers.