Ingénieur de formation et constructeur de bicyclettes, Georges Richard se lança dans l'automobile en fondant la Société des Anciens Etablissements Georges Richard. Il proposa alors une petite voiture baptisé Trèfle à quatre feuilles (le trèfle ornant le sigle de la marque depuis ses débuts). En 1899, il s'installe à Ivry-Port et présente de nouveaux modèles. Associé dès 1901 avec un ancien ingénieur de chez Mors, Henri Brasier, Georges Richard fonde la marque Richard-Brasier. Victime d'un accident, il devra passer de longues périodes en convalescence. Brasier en profitera pour prendre les commandes de la marque, évinçant doucement Georges de son entreprise. Ce dernier finira par partir pour fonder la marque UNIC en 1904, marque qui perdurera jusqu'en 1951, année de sa reprise par Simca. Elle deviendra ensuite IVECO.
Georges Richard est né en 1863, dans une famille de constructeurs d'appareils de physique et d'optique. Son père, Félix Richard, a fabriqué des appareils stéréoscopiques et son frère, Jules, a créé le Vérascope, un appareil photographique rassemblant deux chambres photographiques, donc disposant de deux objectifs. Cet appareil produisait deux photographies jumelles mais non semblables en vue d'une restitution en relief. Après une scolarité succinte, Georges passe de petits boulots en petits boulots, avant de rejoindre l’entreprise familiale dirigée désormais par Jules, son aîné. Georges travailla quelques temps avec son frère mais sans enthousiasme, la fabrication d’appareils de précision n’étant pas sa passion. Il finit par quitter à 30 ans la petite entreprise pour ouvrir un atelier de fabrication et de réparation de bicyclettes rue d’Angoulême à Paris. Dans l’aventure, il entraîne son second frère, Félix-Maxime, alias Max, issu de l'Ecole Centrale. Malgré le fait qu'il soit plus âgé et plus instruit, Max restera toujours dans l'ombre de son frère cadet. La bicyclette, qui connaît un beau succès à cette époque, permet à Georges Richard de remplir ses bons de commande et de consolider la trésorerie de son entreprise. Le succès pousse les deux frères à ouvrir deux nouveaux magasins d’exposition et de vente, toujours à Paris et de fonder, en 1893, la Société des Cycles Georges Richard. Dans le statut de la société, il est déjà fait mention de la construction et de la vente de voitures automobiles. Georges et Max ne ménagent pas leurs efforts et la société prospère. Ils produisent des bicyclettes de qualité garanties à vie contre tout vice de construction. Ce travail de qualité permet de compter parmi leurs clients le service des armées et celui des Postes et Télégraphe. Au Salon du Cycle de 1893, le succès remporter par les produits des deux frères est tel qu’ils doivent à nouveau s’agrandir. Il doivent également modifier la raison sociale de l’entreprise qui devient la Société de Construction de cycles et d'Automobiles Georges Richard.
Débuts dans l'automobile
L’envie de construire des automobiles se précise et se matérialise en 1896, lors du 3e Salon du cycle. Cette année-là, le salon est ouvert aux voitures sans chevaux. Max et Georges présentent une voiturette à deux places, construite sur un châssis très inspiré des cycles. Le moteur est un monocylindre de 3,5 HP et 708 cm3, d’origine Benz. Très rapidement, Georges Richard développe sa voiture en perfectionnant la mécanique. Il revoit l'allumage, le système de transmission. Cependant, l'automobile évolue vite et sa création est vite dépassée techniquement. Malgré une fiabilité accrue, une augmentation de puissance, Georges Richard doit se rendre à l'évidence, il faut déjà lui trouver une remplaçante. C'est donc un type plus perfectionné et plus fiable encore qu'il doit trouver. Ce sera en Belgique.
Succès en course
En 1897, Max et Georges proposent deux nouveaux modèles et s’alignent au départ de la course Paris-Dieppe. Les deux frères prennent eux-mêmes le volant des voitures. Max termina à la 11e place et Georges abandonna, suite à un ennui de bougie. Cet incident mineur poussera Georges à fabriquer ses propres bougies, des bougies dites à dilatation libre dont il dépose le brevet en 1901, l’un des premiers d’une longue liste. Parmi ses brevets, on peut citer ceux déposés pour un embrayage par courroie, un changement de vitesses serti dans un carter étanche et un carburateur à pulvérisation et réglage automatique délivrant un débit constant de gaz. En 1898, Georges et Max connaissent leur premier succès, lors du Marseille-Nice. La voiture, une bicylindre 7 HP, sera exposée lors de l’Exposition Internationale des Automobiles avant d’être engagée au Tour de France automobile. Malheureusement, cette aventure se termina dans un fossé. Le châssis de la voiture n’a pas souffert dans l’accident, prouvant de fait la solidité des fabrications de Georges Richard.
Le financier suisse F. Bentz Audéoud se présente alors, pour investir une partie de son argent et des capitaux français dans l’entreprise. Cette transaction est à noter comme l’une, voir la première contribution d’une banque dans l’industrie automobile française. Cet apport permet à Georges Richard de disposer d’une trésorerie importante lui permettant de voir l’avenir sereinement. La firme déménage alors dans un grand entrepôt à Ivry-Port. Dans le même temps, la firme prend le nom de Société des Anciens Etablissements Georges Richard. La petite entreprise est devenu un grand complexe industriel qui emploie 300 personnes.
Vivinius
En 1897, un ingénieur français, Alexis Vivinius, conçoit en Belgique une voiturette viable dont il commence la production en 1899. Georges Richard en a la connaissance au Salon du Cycle de Bruxelles, où il expose ses créations. Il décide alors, en voyant le véhicule de Vivinius, de le produire sous licence en France dans sa nouvelle usine d'Ivry-Port, installée à la suite d'une importante augmentation de capital survenue en juillet 1899. Mais il exige, comme épreuve définitive, qu'une Vivinius effectue le trajet Bruxelles-Paris sans panne majeure. Cette performance est réalisée à 23 km/h de moyenne et Georges Richard signe le contrat avec Alexis Vivinius.Alexis Vivinius (1860/1929)
Né en 1860 à Stenay, dans les Ardennes, Alexis Vivinius travaillait à Bruxelles dans une affaires de fabrication d'outillages. Parallèlement, il construisait une petite voiture à vapeur. En 1895, il se mit à son compte et prit la représentation des productions Benz. En 1899, il fonda la société Vivinius en vue de produire sous son nom une nouvelle petite voiture monocylindre, dont il vendit la licence de fabrication à De Dietrich en Alsace, à une firme anglaise qui la produisit sous la marque New Orleans et à Georges Richard en France.Le Poney
A la fin du siècle, la mode est à la voiturette, comme le Vis-àVis de De Dion-Bouton, véhicule de référence de cette époque. La Vivinius se pose en concurrence, en dépit du fait qu'elle n'offre que deux places. Georges Richard la présente à la fin de 1899 sous le nom de "Le Poney automobile".
La voiturette Georges Richard est constituée par un châssis en tube d'acier étiré (sans soudure) à raccords brasés, selon la technique de construction des bicyclettes. La suspension est assurée par quatre ressors semi-elliptiques et des pneus de forte section (pour l'époque!). Le moteur vertical placé à l'avant est un monocylindre refroidi par air grâce à de généreuses ailettes et un ventilateur. L'admission est encore du type automatique, mais le carburateur est un appareil Georges Richard à pulvérisateur et niveau constant, qui garantit un mélange homogène. La transmission comprend 2 rapports par engrenages planétaires et une courroie. L'embrayage est donné par le déplacement de l'essieu arrière, qui tend la courroie primaire. Fiable et simple (un seul graisseur), le Poney roule à 50 km/h en consommant 8 à 9 litres d'essence aux 100 km.
Evolution
En 1901, le poney reçoit un moteur de 6 chevaux réels et un changement de vitesses à 3 rapports. Les prix atteignent près de 4.000 francs. Malgré une version trois places et un volant en option au lieu du guidon, ce type de voiturette apparaît dépassé en 1902, lorsque Daimler présente la Mercedes. Le Poney est abandonné, mais sa fabrication est reprise provisoirement par Max Richard sous la marque Ajax. Georges Richard se tourne vers des moteurs à 2 et 4 cylindres en adoptant des mécaniques De Dion sur certains types.
La gamme Georges Richard se développe et les modèles se suivent, tournant désormais autour de moteurs développant de 3,5 à 10 HP, avec en bonus une petite voiture électrique. Pour promouvoir ces différents modèles, Georges et Max compte toujours sur la compétition. Depuis 1900, de nombreux pilotes amateurs s’engagent sur des modèles de la marque, remportant de nombreux succès ou places d’honneur en France dans le Paris-Roubaix, la course de côte de Laffray, ou à l’étranger, à Genève, Berlin, Saint-Pétersbourg. mais les deux frères sont toujours partants pour piloter eux-mêmes les voitures qu’ils produisent. Les succès entraînent les commandes qui proviennent aussi bien de l’hexagone que de Russie, de Suisse ou de Grande-Bretagne. Cet engouement pousse la marque à présenter, au Salon de Paris de 1901, une Type 1 de 6 HP, voiture atteignant les 50 km/h, annoncée par la presse comme "la voiture la plus simple du monde et la plus exempte d’ennuis et de pannes". Par la suite, Georges Richard proposera quatre nouveaux modèles lors du Salon 1902, deux châssis 10/12 HP, un châssis 15/20 HP et une voiturette 5 HP. Ces châssis, qui se démarquent souvent de la concurrence par leur qualité de fabrication, leur robustesse et leur fiabilité, remportent également de beaux succès dans les concours, récompensés pour l'élégance de leurs carrosseries réalisées par les meilleurs artisans de l'époque, Binder, Labourdette, ou encore Kellner. Ces voitures innovantes ont cependant une forte ressemblance avec les automobiles Panhard et Levassor. A signaler que la marque n’a pas cessé la production des bicyclettes qui seront encore produites jusqu’en 1903.